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1923
En attendant d’inaugurer le monument encore inachevé aux morts du Cateau, le conseil municipal subventionnait celui de Jules Guesde et de Jean Jaurès.
Place Verte
Par 6 voix contre 6, la Place Verte conserva son vieux nom... et ne s'appelle pas Place Jules Guesde, leader socialiste du Nord, comme il l'avait été demandé.
Elle s'agrandit par suite de la démolition de l'ancien presbytère désaffecté, ultime souvenir de l’Église paroissiale Saint Martin, et de son cimetière, disparus après 1793 ; elle s'étendit en largeur par l'expropriation des maisons formant l'angle de la Rue Cuvier en marteau sur la place (maisons Danquigny, grainetier, Hennequin et Lefebvre Scalabrino).
Expropriation ou achat à l'amiable par la ville, qui voulait dégager, en démolissant ces immeubles, la façade (à bâtir) de l'entrée principale de la future école primaire supérieure.
Mais le ministre voulait annexer cette école au collège. La municipalité s'y refusa... Elle avait assez à faire avec l'aménagement du collège, moderne et classique, où était prévue la création d'une école professionnelle.
École primaire
L'école primaire, installée dans l'aile des classes de rhétorique et grammaire des Pères Jésuites, et un bâtiment élevé continuant le logis des régents, habitation du principal avec cuisines, bureaux, parloir, réfectoire, avait été complètement détruite. L'ensemble, sauvé de l'oubli par la photographie, formait un cadre archaïque, où tant de générations furent instruites, les dernières, sous l'excellente direction de M. Charlet... Ces vestiges du passé, utilisés en 1914 comme hôpital des blessés condamnés à mort par le tétanos (le sérum manquait alors)... disparurent avec la Grande Guerre, celle qu'en 1923 on appelait encore « la der des der, la dernière des dernières... »
Le foyer de la Salle des fêtes devenue « abattoir et charcuterie » allemande en 1917, avait abrité en 1920, une école primaire. Le théâtre Robba avait proposé, dès sa réfection, d'y jouer drames, mélodrames et comédies ; mais les travaux de réparation étaient importants. En 1922, le conseil avait donné un avis défavorable au projet de location de la dite salle à l'usage de cinéma.
L'éclairage des cités du Maroc et des Hauts Fossés (la première rappelant notre empire colonial brillamment transformé par le maréchal Lyautey, l'autre les tranchées de défense des arquebusiers du 16e siècle), était réalisé en décembre 1923. La Rue du commandant Albert Seydoux, qui continuait les « Plats Fossés, autre système de défense de nos ancêtres sous Charles Quint et Philippe II, était alimentée en eau potable. Cette rue (alias des Faux-cols), montait vers le plateau de Reumont, où la 19e brigade de l'armée britannique projetait au lieu dit « Bosquet de Reumont », d'élever un monument commémoratif à ses valeureux morts. »
Monument aux morts
M. Boulogne, président du comité du monument aux morts du Cateau, aurait souhaité qu'une même cérémonie permit l'inauguration des deux monuments. Mais cela s'avéra impossible, et le général Bruce procéda à celle du Mémorial britannique au bosquet de Reumont. (N.B. 1)
N.B. 1 : L'inauguration du monument aux enfants du Cateau, « morts pour la France », eut lieu le dimanche 26 août 1923, 3ème anniversaire de l'invasion de notre ville. Elle fut présidée par le sous-préfet de Cambrai. Parmi les notabilités, Joseph Seguin, ancien sous-préfet de Dunkerque, enfant du Cateau, qui devint préfet de la Corse.
Au défilé, les quatre sociétés colombophiles de la ville : Le Faucon, Les Amis réunis, La Victoire, les Merles Blancs.
Fontaine des Nonnettes
C'était en contre-bas de ce plateau, que gravit tel un chemin de fer de montagne, le vaillant et parfois poussif train de Cambrésis, que coulaient et qu'étaient captées les eaux potables de la ville, à la Fontaine des Nonnettes... Ces sources ayant appartenu jadis à l'une des communautés hospitalières, « Sœurs noires de Saint Augustin », de l'antique cité, devaient être, suivant le rapport scientifique de M. Vollé, géologue, protégées contre toute pollution, par un périmètre de protection plus étendu et comprenant « les près du Moulin Fourneau », désignés jadis par le nom de pré Chatelain ou Catelain, car ces pâtures étaient l'apanage des châtelains du Cateau, et leur revenu augmentait le traitement du gouverneur de la ville.
Hydrographie
Le rapport de M. Vollé intéresse la géologie et l'hydrographie locale.
… La Fontaine des Nonnettes sourd au bas d'un escarpement de 4 à 5 mètres de haut, à 900 mètres environ au sud-ouest de l'église du Cateau ; elle appartient au réseau aquifère du sommet des Marnes à Térébratulina gracilis, immédiatement au dessous de la craie à silex du turonien supérieur... 4 mètres de limon les recouvrent. Dans la vallée de la Selle, des alluvions tourbeuses peu épaisses, de 0,80 mètres à 1 mètre, recouvrent habituellement les marnes.
L'eau souterraine des sédiments crétaires (?) se déplace du sud-ouest vers le nord-est. Elle circule donc avant son émergence au dessous des terrains en pente qui s'élèvent vers le chemin des Essarts, formés de limons quaternaires, épais de 4 à 5 mètres (cadastre n° 612-613).
Ces renseignements d'hydrologie locale, consignés au registre du conseil municipal, méritaient d'être exhumés, pour l'enseignement et l'instruction des consommateurs et bénéficiaires des excellentes eaux de la ville du Cateau.
L'hôtel de ville s'agrandissait de la maison Boudart, Rue Victor Hugo (achetée 40 500 frs)... Le bâtiment communal de la Rue du Bois Mont Plaisir était mis à la disposition de Mme Émile Degrémont, présidente de la Ruche, groupement d’œuvres sociales des amis et anciens élèves des écoles laïques... Des cours d'école ménagère y furent donnés pour la formation de la jeunesse féminine.
1924
En 1922 et 1923, Aristide Briand, puis Raymond Poincaré avaient tour à tout occupé la présidence du conseil ; le premier avait tenté à Cannes un rapprochement avec l'Allemagne, le second, le 11 janvier 1923, avait fait occuper la Ruhr pour assurer l’exécution du traité de Versailles.
En 1924, les élections de mai amenaient au pouvoir M. Édouard Herriot... Alexandre Millerand démissionnait et Gaston Doumergue devenait président de la République.
Le 21 juin 1924, le conseil municipal du Cateau envoyait au nouveau président du conseil des ministres, Édouard Herriot, l'adresse suivante : « le félicitant pour la campagne magnifique faite avec le concours efficace du parti socialiste contre le néfaste Bloc , dit national ; se réjouissant de la chute de ce dernier, espérant que le gouvernement allait persévérer dans la voie laïque, démocratique et sociale demandée par tout le pays aux élections du 11 mai dernier ».
Une autre adresse était envoyée au parti socialiste italien, « réprouvant les excès des mœurs fascistes, déplorant l'assassinat du député Matteoti », assurant le parti socialiste de son cordial salut.
28 août
Le 28 août, nouvelle adresse au président Herriot avec les « vives félicitations » du conseil, pour les accords de Londres qu'il avait fait aboutir, pour le succès que sa politique avait obtenu auprès du Parlement, condamnant la politique annexionniste et militariste qu'avaient jusqu'ici maintenue ses prédécesseurs.
Entre temps, la Ruhr avait été évacuée par les troupes françaises.
Et, sur la proposition de M. Sylvère Lobry, le conseil envoyait aussi « ses plus vives félicitations à M. Léon Blum, député de Paris, pour le magnifique discours qu'il avait prononcé à la chambre des députés, au sujet des accords de Londres ». M. Blum remercia du « réconfort et de cet encouragement à persévérer dans la voie où il s'était engagé ».
Le 25 octobre 1924, M ; le Maire suspendait la séance du conseil en hommage au grand écrivain Anatole France, décédé. Cinq minutes de silence furent observée en signe de deuil. Un groupe d'habitants de la Rue de Fesmy annexe (cité du Foyer), avait brigué l'honneur pour leur rue de porter le nom de l'écrivain disparu. Mais il fut décidé que la Grand'Place s'appellerait « Grand Place Anatole France ». La Rue de Fesmy annexe s'appela ultérieurement Rue du général Morland.
Le 11 novembre 1924... huitième anniversaire de l'armistice franco-allemand, une plaque à la mémoire des victimes civiles de la guerre devait être inaugurée, contre la Mairie, par Mr de Moro-Giafferi, sous-secrétaire d’État à l'enseignement technique.
Mais le transfert solennel au Panthéon des cendres de Jean Jaurès (ce même jour), supprima la cérémonie prévue. Comme le fit la municipalité de Montcombroux, la ville du Cateau fit poser une plaque au monument aux morts du Cateau, inauguré le 26 août 1923, portant cette inscription : « A Jean Jaurès, première victime de la guerre ».
Ce ne fut que le 8 novembre 1925 qu'eut lieu la remise officielle du monument aux morts, à la ville, par le comité d'érection. Un square fleuri et ombragé, et le voisinage des hauts arbres du jardin public, composent le cadre digne des enfants du Cateau morts pour la France.
Le Cateau de 1925 à 1939
Depuis le 10 mai 1925, la composition du conseil avait été modifiée par le vote des élections. Il comprenait les élus suivants :
M. Boulogne Albert, Scailteux Auguste, Lebeau Sylvère, Arnould Victor, Legrand René, Claisse Ulysse, Ceccaldi Eugène, Banse Albert, Dhermy Paul, Seydoux André, Carette Alphonse, Tordois Parfait, Banse Fénelon, Douay Camille, Druesne Narcisse, Leclercq Jules, Duchesne Henri, Goguillon Ernest, Hallette Émile, Laurent Pierre, Gavériaux Louis, Pecqueux Alphonse, Carrez Marcel, Campin J. Batiste, Bricout Gaston, Trouillet Georges, Bertrand Victor.
M. Sylvère Lebeau était élu maire du Cateau par 14 voix contre 12 à M. Ulysse Claisse, au second tour.
Mrs. Scailteux et Banse Fénelon étaient élus adjoints par 13 et 12 voix.
M. Ceccaldi, directeur des postes, proposa que M. Ulysse Claisse fut proclamé maire honoraire du Cateau comme le fut Delory à Lille, ce qui fut fait.
Dispensaire antituberculeux
Un dispensaire d'hygiène sociale était à établir au Cateau, dans le voisinage de l'hôpital Paturle. Le projet, voté le 27 mars 1926, put se réaliser, grâce au don de 100 000 francs fait par Mme Veuve André Seydoux et ses enfants, en vue de la création d'un pavillon isolé à usage de dispensaire antituberculeux.
D'autre part, la cité du Maroc, construite par la maison Seydoux, sur l'initiative de feu André Seydoux, sur les Hauts Fossés, s'agrandissait de rues nouvelles. Le conseil décida, le 26 décembre 1928, le vote « à l’unanimité », d'une adresse de reconnaissance à la famille Seydoux, bienfaitrice du Cateau, et que la nouvelle cité porterait le nom d'André Seydoux.
M. Ceccaldi estime inutile de donner à plusieurs rues de la ville le nom de chacun des membres d'une même famille. Il ne rallia que deux voix à sa thèse sur 15 votants. Les Catésiens d'origine tinrent bon, et 12 voix sur 15 présents maintinrent le nom d'André Seydoux à la belle réalisation de maisons et jardins ouvriers des Hauts Fossés.
Le 15 janvier 1926, était ouverte la Rue de la Paix, sur le terrain offert à la ville par Madame Charles Lefebvre, née Victoire Mairesse ; elle doublait la Rue des Arbalétriers, d'une nouvelle voie d'accès au cimetière, derrière les usines Degrémont.
Le 26 août, la Cité du Foyer, appelée encore Cité Picard, était remise à la municipalité par Émile Picard, administrateur délégué de la Broderie française.
1927
Une journée Marcelin Berthelot marqua la ducasse de septembre 1927. On y quêta en faveur de l'érection de la Maison de chimie, réalisation qui devait perpétuer la mémoire du grand savant, dont le centenaire allait être célébré en octobre.
1928
… Les habitués du Marché aux chevaux n'étaient pas oubliés dans les manifestations de bienfaisance ; une auge à eau courante leur fut offerte par les représentants de la 66e division britannique, en commémoration de la prise du Cateau, en 1918. Cet utile abreuvoir fut érigé devant l'Hostellerie du marché qui remplaça la vieille auberge Constant Lemaire, au carrefour de la Rue du Calvaire et de la Rue de Landrecies, en mai 1928.
En juillet, les plans d'un établissement de bains-douches, près du Pont d'Arcole, étaient établis, qui doterait la ville d'une confortable et très moderne installation hygiénique, Rue de la République, en bas de la Rue du Collège.
Plus loin, en bas de la Rue Pasteur, sur l'emplacement de la brasserie Morcrette, incendiée et ruinée par la guerre, s'élevait un groupe de villas, précédées de jardinets fleuris, au dessus de la vieille Fontaine des Récollets, après avoir été celle des Lombards.
Une clinique chirurgicale allait s'installer à la place des religieux récollets garde malades... Un vieux bâtiment, en bordure de la Selle, échappa à la destruction des combats : c'était l'antique brasserie des Récollets, derrière l'habitation de M. Duchesne... dont le sol est pavé par place de pierres tombales de religieux, ayant survécues à la démolition de la chapelle du couvent. De même, le couloir et la cour de l'ancienne auberge de l'Opéra, en face, gendarmerie désaffectée, sont dallés de souvenirs posthumes des Récollets. (N.B. 1)
Sur la façade de la clinique chirurgicale, un écusson rappelle la mémoire du lieutenant Eugène Morcrette, mort pour la France en 1914, dernier descendant de la famille et des brasseurs Morcrette Lozé.
N.B. 1 : L'une de ces dalles, qui servait de base d'appui à un clapier, fut sauvée ; elle date de 1677... avant que Le Cateau ne soit rattaché à la couronne de France.
« 1677 - O Biit 2 Januari P. F. Godefridus BIROVART
praed et …............requiescat Pace »
1929 - Stand de tir
Au printemps de 1929, en souvenir de son fils, le lieutenant Albert Boulogne, mort pour la France, comme son camarade Eugène Morcrette, M. Boulogne, ancien maire, offrait à la ville un stand de tir, sur le terrain des Hauts Fossés, accessible par le Faubourg de Cambrai, non loin de la Halte du Cambrésis.
Chemin de fer du Cambrésis
Le vieux tramway s'était modernisé... La Compagnie avait repris la direction du réseau en 1924, le 1er août. Un service d'autobus était prévu avec Cambrai, avec correspondance pour Saint Quentin, Valenciennes, Douai, Arras, Béthune, Lens. Des rapides cars Citroën permettaient d'atteindre en 1 heure 30, Arras, au départ de la Place du Jet d'eau du Cateau.
En 1925, le conseil municipal avait demandé que des lignes à voie normale remplacent le chemin de fer à voie étroite, raccordant le réseau du Nord de Saint Quentin à Denain, via Le Catelet – Caudry, et de Cambrai à Prisches via Le Cateau – Catillon.
Il n'en faut heureusement rien... des automotrices autorail doublèrent les autobus sur les voies étroites rétablies. Leurs sifflets d'alarme furent modulés de façon à rappeler le rythme de la cloche qui signalait le passage du bon vieux tramway traversant les routes et les rues ; la traction à vapeur continua pour le transport du charbon et pour la saison des betteraves.
La sucrerie de Boistrancourt centralisait la fabrication du sucre, remplaçant Neuvilly, Montay, Le Cateau, et Inchy, dont la sucrerie avait longtemps tenu le coup... Ce fut la betterave qui sauva le chemin de fer du Cambrésis.
Lorsqu'en 1937, le tronçon Cambrai – Awoingt fut délaissé et les rails enlevés... de confortables autobus sillonnèrent les routes ; les autobus du Cambrésis étaient devenus nécessaires... car le vieux matériel roulant était devenu vétuste, et trop d'accidents coûtaient la vie à des automobilistes étrangers à la région, qui n'étaient pas habitués au « Panache blanc » des locomotives haletantes et poussives traversant les routes nationales de Cambrai à Catillon, en 6 fois.
On pensa alors transférer la gare Rue du Pont Fourneau, près de l'usine des eaux. Mais ce fut inutile : les autobus stationnèrent prés du Maréchal Mortier et du Jet d'eau, et la gare devint un dépôt de charbon très central.
Les élections du 5 et 12 mai 1929 renouvelaient le conseil municipal.
Étaient élus : MM. Henri Preux, directeur des Établissements Picard - M. Gaston Bricout, teinturier – Aimable Delattre, vétérinaire – Henri Seydoux, fils d'André Seydoux – Alphonse Pecqueux, de la maison Seydoux – Paul Dhermy – Arthur Millot – Albert Chandelier, constructeur de machines agricoles – Charles Canonne – Louis Étienne – Georges Busignies et Camille Lanniaux, droguistes en gros – Charles Deloffre, constructeur de la chaudière Phébus – Henri Dorez – Léon Carville, ancien boucher – Paul Mairesse, employé de chemin de fer – Charles Ponsin, fabricant de savon – Paul Lacombled – Charles Baillon – Alphonse Carette – Charles Eloi – Léonard Carré – Fernand Diot - Édouard Maupas – Henri Druesne – Émile Chenel, directeur des céramiques Simons – Albert Chamayou, architecte.
M. Preux, maire
23 voix sur 27 mettent à la tête de nos édiles M. Preux comme maire, Mrs Pecqueux et Bricout comme premier et second adjoints.
Le nouveau conseil élève à 600 francs le prix de location des vastes caves de l'hôtel de ville… jadis prisons, puis logis d'habitation, à présent entrepôts de vin des Épiceries réunies Tamboise, Durand, Ernecq… etc.
Une seconde statue du Maréchal Mortier, 1930
En novembre 1930, le secrétariat des Beaux-Arts propose à la ville le don d'une statue en pierre du Maréchal Mortier, qui décorait depuis Louis-Philippe, avec d'autres maréchaux d'empire, la cour d'entrée du château de Versailles. Ces lourdes et importantes statues ont été descendues… et le gouvernement a pensé les offrir aux villes dont ces illustres personnages étaient les fils glorieux, mais… les frais d'emballage, de transport, sont à supporter par les villes. Que répondre ?
Il y a déjà la statue en bronze de Bra, face à l'hôtel de ville. Où placer la seconde statue, d'un volume encombrant ? Il faudra un piédestal coûteux et des frais onéreux ; la mettre Place de la Gare ? Cité du général Morland ? Au bout de l'allée des peupliers ? À l'entrée des Hauts Fossés ?
Si encore un généreux mécène payait les frais d'installation… mais il ne s'en présente point… les finances de la ville sont obérées par l'encore récente guerre. Certes, « la ville est fière à juste titre de son glorieux enfant… mais la statue en bronze en rappelle déjà les hauts faits aux jeunes générations ». Elle accepterait volontiers la statue s'il n'y avait pas les lourds frais de déplacement et de réédification.
L'affaire en resta là… et le maréchal de bronze n'eut pas son sosie de pierre.
1931
Par contre, l'année suivante, la ville contribua pour 150 francs de subvention à l'érection de la statue du maréchal Joffre, le vainqueur de la Marne, à Rivesaltes, son village natal.
1932
La ville avait, avant tout, à reconstituer les édifices communaux… les cloches et beffrois restaient muets depuis que les Allemands les avaient vidés et brisé la voix et la note de bronze des cloches.
La maison Wauthy de Douai fondait de nouvelles cloches. Les maisons Causard de Colmar, Ungerer de Strasbourg, travaillaient à la reconstitution de l'horloge et du carillon de l'hôtel de ville.
1933
Et tout était en place, dans le vieux beffroi : pour l'été 1933, le dimanche 23 juillet, Le Cateau fêtait la Renaissance de son carillon… C'était bien la fête de la Renaissance.
Carillon
… Car les travaux de reconstitution s'achevaient, et la ville en profitait pour se moderniser… Le même jour, était inauguré l'établissement de Bains-douches, et les architectes des monuments historiques, Mrs Guët et Amanovich, faisaient diligence pour terminer la restauration de l'église, après celle de l'hôtel de ville. Le nouveau carillon, doté de 27 cloches, actionné par l'électricité ou par clavier, à volonté, était l'un des mieux agencés de France. La plus grosse cloche donne le Sol ; et sonne les heures ; chaque heure est frappée ; de plus, par anticipation sur le Do, à la demie.
Maurice Lannoy, le maître carillonneur de Saint Amand, émule des virtuoses des beffrois de Malines et Bruges, inaugura le jeu des cloches par un brillant concert ; ce fut la journée consacrée à la musique. La musique municipale d'Avesnes, l'union chorale de la même cité, puis le célèbre cercle Berlioz de Lille, emplirent la ville de sons et d'accords parfaits et mélodieux… et le jeune carillon, tous les quart d'heure, continua la gaie chanson des airs « chéris des Catésiens et des patriotes », comme on l'écrivait, un siècle auparavant, du vieux carillon, sinistré de guerre. Dans son répertoire qui varie avec les saisons, il a conservé des airs des Cloches de Corneville, le P'tit Quinquin, La Madelon de 1914 a remplacé La Bonne aventure au gué !
« Je suis un gentil poupon
De bonne figure
Qui aime bien les bonbons
Et les confitures…
Si vous voulez m'en donner
Je saurai bien les manger
La Bonne Aventure, o gué !
La Bonne Aventure : »
1923
En 1923, une sirène avait été installée dans le beffroi… ses modulations sinistres annonçaient les incendies. Heureusement, rares étaient les appels glapissants de ce lugubre oiseau de malheur !
1934, Église
Le 26 août 1934, vingt ans après le début de l'occupation allemande, jour pour jour, les cloches de l'église renaissaient à leur tour. Elles étaient baptisées par Monseigneur Chollet, archevêque de Cambrai, avant d'être hissées au campanile du clocher « leur » dig ding don… familier au Catésien, ou le glas des trépassés, annonçait à nouveau les baptêmes, mariages… enterrements, évènements joyeux ou douloureux de chaque foyer de la cité.
L'abbé Deloge était alors doyen de la paroisse ; il succédait au chanoine Deregnaucourt en 1932. Avec un goût très sûr, M. Deloge sut veiller à la reconstitution du mobilier de l'église, dans le style de la magnifique abbatiale des Bénédictins de Saint André. Les architectes des Beaux-Arts trouvent en lui compréhension et discernement du vrai beau… Mais M. Deloge ne put empêcher le choix des vitraux décidés par l'administration ; de facture moderne, aux couleurs heurtées, s'ils sont des œuvres d'art, appréciées des connaisseurs, ils captent une partie de la lumière du jour. Lorsque le soleil brille, alors ils sont parfaits... car notre belle église réclame, comme les vastes nefs du 17e siècle et les chœurs de l'époque Louis XIV, une intense et chatoyante luminosité. Apprécions cependant notre chance d'avoir, avec leurs inconvénients des jours sombres, une curieuse réalisation de l'art des maîtres verriers d'après guerre (1920-1930).
L'après guerre... lorsqu'en mai 1934, les tombes des 43 victimes civiles belges, travailleurs déportés en notre région par les Allemands, étaient pieusement réunies en un carré de verdure, faite de troènes, chaque tombe fleurie au pied de la croix d'un rosier nain, au cimetière, combien de Catésiens, venant le dimanche, prier pour ces martyrs, ne pensaient-ils pas à une nouvelle guerre... menaçante à l'horizon politique ?
Menaces à l'horizon
Depuis les accords de Londres en 1925, le entrevues Briand Stresemann de 1928... les promesses de paix de Locarno, que de déceptions pour les sincères amis de la paix qu'étaient les Français. En signe de détente et de bonne volonté, André Tardieu avait évacué Mayence et retiré du Rhin les garnisons bleu horizon, le 30 juin 1930 ; et le 14 septembre, 107 députés hitlériens au lieu de 12 entraient au Reichstag allemand, et à la mort du vieux chancelier Hindenburg, président du Reich, en 1933, Adolf Hitler prenait sa place... et le nouveau chancelier, Führer du peuple allemand faisait au vieux général, qui fut l'idole de l'Allemagne, des funérailles nationales, à Tannenberg, en Prusse orientale, là où Hindenburg avait arrêté l'invasion russe en 1914. En cette année 1934, était assassiné le chancelier Dollfuss, qui défendait l'indépendance de l'Autriche vis à vis du Reich.
Situation en France
En France régnait la discorde, alors que l'union des Allemands se soudait autour de Hitler ; incarnation nouvelle de leur vieil idéal germanique.
Le 6 février 1934, des émeutes ensanglantaient la capitale. M. Doumergue remplaçait M. Daladier, abandonnant sa retraite de Tournefeuille, et s'adressait paternellement par radio, la nouvelle arme de propagande, au peuple français désorienté.
En mai 1932, le président de le République, Paul Doumer, avait été assassiné... et Albert Lebrun l'avait remplacé à la tête de la République.
En 1934, M. Barthou, ministre des affaires étrangères, et le roi Alexandre de Yougoslavie, étaient assassinés à Marseille, que de sang ! Ces attentats répétés inquiétaient le peuple français.
Lorsque le 1er novembre, jour des morts, les cortèges des anciens combattants catésiens allaient visiter les nombreux cimetières, l'international de la Chaussée Brunehaut, les tombes anglaises réunies sur les hauteurs dominant la ville, où l'on se battit en 1914 et 1918, l'écho des discours tonitruants d'Adolf Hitler troublait la paix des morts, par leurs accents belliqueux...
Et les Français espéraient qu'une ligne de fortification isolant la frontière, la ligne Maginot, rendrait impossible toute attaque venant d'au delà du Rhin...
1936
En 1936, Hitler réarmait la Rhénanie, malgré les clauses du traité de paix... et le conseil municipal adressait aux autorités militaires le vœu de recevoir au Cateau, un corps de troupes de couverture, qui y aurait tenu garnison. Mais il était écrit que Le Cateau ne serait plus garnison en temps de paix.
1937
Le chômage, les grèves, faisaient pâtir en février 1937 les petits enfants des ouvriers. Sur l'initiative de M. Preux, du lait et des biscuits furent alors distribués aux enfants nécessiteux des écoles maternelles.
L'exposition internationale de 1937 fournit du travail à nombre de maçons, plâtriers, bâtisseurs. Le vieux Trocadéro se mua en un blanc palais de lignes classiques : le Palais de Chaillot ; à ses pieds, deux pavillons colossaux semblaient se défier avec leurs statues gigantesques et leurs stands de propagande... Reich et URSS, Allemagne et Russie.
Le président du conseil, Léon Blum, chef du gouvernement de Front Populaire, désirait simplement la paix... les congrès, réunions, fêtes de l'exposition semblèrent un instant laisser croire que l'entente de peuples, représentés sur les bords de la Seine, était possible.
Le légat du Pape, le futur Pie XII, traversa l'exposition, visiteur du pavillon pontifical, de Lisieux et de Notre Dame, où il célébra les gloires et le passé de la France... et les congressistes vantaient la solidarité internationale. Mais ce n'était, comme ces pavillons de stuc et de lattis, qu'un camouflage de paix... le nazisme, le national socialisme allemand allait ébranler le monde...
1938
En 1938, Hitler faisait occuper l'Autriche. La France mobilisa lorsque le pays des Sudètes fut ensuite annexé.
Mais il y eut Munich où Daladier, l'optimiste Lord Chamberlain, porteur d'un parapluie fétiche, se rencontrèrent avec Hitler et Mussolini, le dictateur du fascisme italien. Le monde respira... pour peu de temps.
Les harangues enflammées d'Hitler galvanisaient les jeunes Allemands. La radio nous en apportait les tumultueuses réactions : Heil ! Heil !... et Mussolini faisait chorus devant les fascistes de Rome... qui acclamaient leur Duce...
1939
A la mi carême de 1939, Hitler occupait la Bohême Moravie... le vendredi Saint, Mussolini s'emparait de l'Albanie, et le monde attendait … un nouveau miracle, comme à Munich.
Mais en août, Hitler voulait asservir la Pologne, reprendre Dantzig, et réincorporer la vieille ville hanséatique au grand Reich allemand. C'est pour Dantzig et préserver la Pologne, que l'Angleterre déclara la guerre à l'Allemagne, le 2 septembre, suivie à quelques heures par la France.
LA GUERRE DE 1939
Et, le 18 septembre, le conseil municipal du Cateau votait cet ordre du jour, .. où le nom de guerre n’était pas prononcé :
« Devant les évènements qui nous dépassent, l'assemblée communale a le devoir d'adresser à ses concitoyens mobilisés son salut fraternel, et la municipalité prend les dispositions qui s'imposent pour faire face à la situation. »
Sauf le danger aérien, les Catésiens, comme la plupart des Français, se croyaient à l'abri de la ligne Maginot, où nombre de mobilisés catésiens étaient en garnison. On voyait, en imagination, une forteresse imprenable allant de la mer du Nord à la Suisse ; la presse écrite et la presse parlée, celle de la radio, qui renseignait vite, décrivaient ainsi les forts de la ligne Maginot, « donjons de notre civilisation contre les pillards de territoire », … « châteaux forts enterrés jusqu'au sommet des tours », puissamment armés, avec leurs puits d'eau potable, leur ventilation filtrée, des approvisionnements gigantesques, des entrées fortifiées situées à distance, et protégées par des enfilades de feux, capables, même cernés, de tenir indéfiniment, indéfiniment, conclut le reporter de Candide, Pierre Devaux.
Ni le char d'assaut, ni l'avion, ne peuvent rien contre ce mur d'acier et de béton... devant lequel les Allemands ont construit une semblable défense, la ligne Siegfried. Derrière la ligne Maginot, des millions d'hommes attendent...
Le Cateau reprend son caractère de ville sanitaire. Trois ambulances cantonnent au collège, puis dans les bâtiments de la brasserie Scalabrino, (et) au château Seydoux ; une formation territoriale monte la garde des routes et des voies ferrées, des pionniers, des aviateurs sans avions... On creuse des tranchées, mais c'est pour le civils, par ordre de la Défense passive, dans les jardins, dans les faubourgs. Les caves sont prospectées, on redoute la guerre des gaz. Des postes de secours sont prévus aux Bains douches ; une ambulance Z est installée Rue Cuvier, dans le vieil hôtel de la Banque Lefebvre, qui porte sur un fronton triangulaire du 18 siècle, un navire à voiles, symbole de prospérité marchande... Le toit de l'immeuble n'est pas encore pansé des blessures de 1918 ! et il pleut dans certaines pièces.
A la tombée du jour, la ville est plongée dans les ténèbres... comme une bonne partie de l'Europe.
Pologne
Mais l'Europe orientale est, dès le début de la guerre, à feu et à sang. La Pologne est envahie. « En deux semaines, les Allemands anéantissent une armée de 1 200 000 Polonais », rappellera un jeune officier supérieur français, le 26 janvier 1940, en un nouvel avertissement. La victoire allemande (les Russes étant alors leurs alliés, en vue du partage de la Pologne abattue), a été due à leurs divisions cuirassées, les « panzer divisionen », armées de chars d'assaut blindés et puissants, et à leurs escadres aériennes.
Cet officier est considéré par les Allemands, et le général Guderian, créateur de l'armée blindée, comme le précurseur de la motorisation de l'armée. Mais « nul n'est prophète en son pays »... et le colonel De Gaulle commande une brigade de chars en Lorraine (N.B. 1), lors de la déclaration de la guerre. Il a demandé une armée motorisée et une flotte aérienne, « Armes auxiliaires », … répond l'état major français, fortifications permanentes avec solide infanterie, c'est l'essentiel ». Mais l'état major hitlérien a appliqué les théories de De Gaulle : l'arme fondamentale de cette « drôle de guerre », ce sera le char d'assaut qui deviendra une forteresse roulante... alors que les bombardiers se cuirassent en « forteresses volantes », ce sera même leur nom officiel.
Cette « drôle de guerre » ! Dans les cantonnements, les soldats se morfondent à ne rien faire, et cette inaction agit sur le moral.
N.B. 1 : En 1940, il commandait un régiment de chars à Metz.
Le Foyer du Soldat, installé dans la salle d’œuvres paroissiales adjacente au baptistère de l'église, leur fournit, le soir, chaleur et distractions ; à la salle des fêtes, Charles Frenet, chanteur à succès, vient, sous l'uniforme des mobilisés, égayer ses camarades. La garnison du Cateau s'augmente du 11e train d'équipages venant du Mans. Avec le 13e territorial, capitaine Eugène Baudry, le 401e pionniers, des « dragons portés », dont le cheval est remplacé par une motocyclette aide-car, un état major (4e corps d'armée) qui loge au château Hallette avec le général Dufour, la ville, au printemps de 1940, est une immense cité guerrière.
Des notes officielles optimistes s'efforcent de prouver que l'invasion des chars allemands, qui réussit en Pologne, est impossible en France... Cependant la Belgique, comme la Hollande, gardent une neutralité poussée jusqu'à l'imprudence. L'inondation est la rempart prévu dans les Pays-Bas, la ligne de Liège et du canal Albert protègent Wallonie et Flandre, du côté allemand. Aucun plan d'ensemble n'est prévu en cas d'attaque venant du Rhin... Les envoyés du général Gamelin auprès de l'état major belge, reviennent bredouilles. Même prévoir l'aide des armées françaises, révéler les dispositions de défense, écouter les conseils des anciens alliés de 1914 est impossible... Bruxelles reste muet et sourd aux avertissements de Paris. Y croit-on que cette « drôle de guerre », va finir par un compromis diplomatique ?
Les Belges gardent jalousement leur frontière, côté de France. Les initiés savent que là, nos fortifications sont inexistantes... Les masses énormes de troupes prêtes à la riposte, les poitrines des hommes y constituent la Ligne Maginot, qui n'a été prolongée jusque Dunkerque que sur le papier...
Bruxelles vit... joyeuse et insouciante, dans les cinémas illuminés, des galas inaugurent la présentation des nouveaux films. Liliane Harvey, la star américaine de Parade d'amour, y préside à la supervision de son dernier succès d'Amérique... Elle regagne Paris par la « valise diplomatique », une vedette et des bobines de films y remplacent les documents de mesures préventives en commun, souhaitées par Gamelin, le généralissime français. Elle s'arrête au Cateau, blonde et fardée, et descend de l'auto, transformée en serre parfumée par les lilas, orchidées, roses, offrandes de ses admirateurs. Drôle de guerre ! Dangereuse insouciance... Parade fleurie, alors qu'une parade virile d'armes, de fossés antichars, de blockaus, de béton, de fer et d'acier, serait nécessaire à la nation sœur qui a oublié, déjà, la terrible leçon de 1914...
N.B. : La Place du Cateau en février-mars 1940 : Commandant de place : le général commandant le 4e corps d'armée, au château Hallette et le 11e train d'équipages du Mans
Le 401e pionnier (formation?) du 13e territorial, capitaine Eugène Baudry
1er régiment de dragons portés, commandant de Torquat
Aviateurs, ateliers de réparation (établis (chez) Flaba-Thomas)
Service de santé, directeur : le médecin colonel Fribourg Blanc, directeur au service de santé du 4e corps d'armée
A/ Ambulance chirurgicale (lourde?) ou A.C. 4.411, médecin commandant : André Michard, chirurgien des hôpitaux de Paris, membre de l'académie de médecine
Dr. Hameler (yeux), Dr. Blanchard (ORL), Dr. Mortieux (?), pharmacien (…?) du Havre
Bureau 47 Z, Ch. Seydoux, « en état d'alerte en 24 H, l'ambulance doit être transportée au point choisi ».
B/ Ambulance 51 : Dr. Monnier (octobre 1939), Dr Colson, Dr David (peau), M. Poiret, pharmacien (à) Saint Pol
Collège, puis brasserie Scalabrino
C/ Ambulance chirurgicale 5 au château Seydoux, chef : capitaine Merle d'Aubigné, est en exercice pour soldats du front
Notre ville du Cateau a prévu le danger des gaz... le réseau des souterrains à multiples étages qui continuent les caves et bauves de la Grand Place, a été étayé, complété, sous la direction de M. Ballin, géomètre, qui dirige leur visite, en mars, pleine d'intérêt. Cette ville souterraine côtoie les substructures, les fondations des vieux hôtels du 16e siècle, les solides escaliers du Heaume, des Trois Rois, de Saint Nicolas, de la Couronne... sont descendues par les amateurs d'archéologie. Aumôniers catholique et protestant, médecins, commandants, même le colonel Fribourg Blanc, visitent les refuges des Catésiens du Moyen Âge...
Sous l'hôtel de ville, les prisonniers de 1566 ont gravé noms et laissé des graffiti. Les colonnes des anciennes boucheries et du hall de la maison de ville qui précéda l'actuelle, y ont été en partie conservées ; sous les Trois Rois, voûtes en ogive, caveaux romans, ... ne serait-on pas dans les vestiges du château du comte de Flandre Charles le Bon, « qui fit bâtir au 12e siècle, une demeure encore plus grande que celle du seigneur évêque en personne ! ». les visites des souterrains révèlent d'anciennes pierres... 1477, croix de Saint André, sorties en chicanes vers les remparts, obstruées par des éboulis... sous l'ancien hôpital du Saint Esprit.
Pâques apportait une étonnante nouvelle : occupation éclair de la Norvège et du Danemark, par forces maritimes et aériennes. Et l'avant-veille de la Pentecôte, vendredi 10 mai, c'était le réveil avant l'aube, par des raids aériens répétés. Et la radio belge répétait sans cesse : « La frontière du royaume a été franchie ce matin par des forces allemandes – attention danger !. Des avions s'avancent sur Bruxelles ». Les alertes se succédaient. Le glapissement de la sirène déchirait l'air sans arrêt... La véritable guerre commençait. (N.B. 1)
N.B. 1 : 1940, 10 mai : Les éléments motorisés (side-cars du 1d (?) régiment de Dragons portés, appartenant à la 2e division légère (général René Altmayer), quittent Le Cateau (Cdt de Torquat) pour la Belgique. Les dragons sont envoyés sur la ligne de la Méhaigne à l'est des positions Namur-Gembloux.
Leur corps est cité pour n'avoir jamais cédé le pas à l'ennemi, et engagé sans répit pendant 20 jours de bataille, pour avoir accompli toutes ses missions.
Après avoir couvert le repli, ses escadrons en bon ordre embarquent à Dunkerque et, de retour en France, couvrent, dans la 2e D.L.M. reconstituée difficilement, la retraite de l'aile gauche de l'armée française, depuis la Seine jusqu'à la région d'Angoulême. Le 1er Dragon mérita de perpétuer les devises des dragons de La Ferté (1645), levés par le général autrichien Montecuculli, ses ancêtres :
« Toujours au plus dru
Dans le danger, le jeu,
et
Toujours le premier ».
(d’après l'historique du lieutenant Colonel de Torquat, 2 décembre 1945, Lunéville)
INVASION 1940
Le 10 mai, dès le matin, les dragons portés, sur leurs motos, quittaient Le Cateau, gagnaient la Belgique, franchissaient les barbelés de la frontière, se portant sur la ligne de la Dyle, au secours des armées belges, dans le grand mouvement d'entraide des forces du général Giraud et Blanchard et de Lord Gort, s'étageant d'Anvers à Montmédy, de l'Escaut protégé par les inondations des Pays-Bas, à la Meuse défendue par le bastion des Ardennes, réputé inaccessible à l'ennemi.
Le dimanche 12, fête des premières communions au Cateau, les hurlements de la sirène annonçaient de fréquentes alertes, accompagnant à l'église la voix harmonieuse des orgues et les chants des enfants. Tout était calme en ville malgré le branle bas de départ des ambulances sur la Meuse. Le ciel était sans nuages, le soleil lumineux, et les lilas étaient en fleurs.
Mais le mardi 14 arrivent de mauvaises nouvelles : la Hollande est envahie, et nos divisions engagées aux bouches de la Meuse doivent se replier... Le soir l'inquiétude commence, des avions allemands sillonnent l'azur, semblant les maîtres du ciel : ils parachutent des espions, agents de la cinquième colonne. Des colonnes de réfugiés déferlent de Belgique... des cyclistes à couverture rouge filent à toute allure.
Le mercredi, bruit sinistre : les Allemands auraient percé le front... enfoncé la ligne Maginot à Sedan, et franchi la Meuse. La radio dément : il y a bien une poche, mais elle est « colmatée »... Maubeuge est bombardée et brûle... Chassé par l'incendie de son église et de son presbytère, le doyen de Maubeuge, le chanoine Flament, ancien curé du Cateau, fuit, emportant, comme au Moyen Âge, les reliques de Sainte Aldegonde, patronne de la cité.
Le jeudi 16 ... panique : les Catésiens se remplient vers la Bretagne où les Côtes du Nord ont été prévues comme refuge, car les avions allemands vrombissent sans arrêt, rasant les toits... sans aucune riposte ni manœuvre d'un seul aéroplane allié... L'armée hollandaise a du capituler la veille. Le fameux « colmatage » de Sedan est un mensonge, et des chars allemands atteignent Avesnes, Vervins, Guise, s'infiltrant derrière la ligne Maginot. Les Panzer de Rommel percent les lignes françaises à Clairfayt.
Le vendredi 17, des chars sont à proximité du Cateau, bombardé le matin... et le passage de colonnes en retraite, fuyant en désordre sous la mitraille des avions, démoralise les Catésiens restés chez eux. Beaucoup partent, une valise à la main, mêlés aux soldats qui déclarent, « sauve qui peut, les Allemands nous suivent ». Ce vendredi matin, la gare du Cambrésis a été visée, mais les bombes d'avions n'ont atteint que le Rue de Saint Quentin, faisant des victimes. Près de son ambulance, sur la route de Basuel, le médecin lieutenant Jean Hulot, a été tué, ainsi qu'un cultivateur de Basuel, en permission, voulant regagner sa formation à Cambrai. Des soldats allemands en auto ou moto, cachés dans la forêt de Mormal, et avançant jusqu'au Pommereuil, les avaient mitraillés.
C'est le grand exode... un terrible exode. Les avions descendent en piqué, bombardant carrefours, colonnes, véhicules, militaires, civils, groupés ou isolés. Sur la route de Saint Quentin, au sinistre bombardement de Péronne, que de Catésiens ont perdu la vie... Voulant rejoindre les immenses convois de réfugiés qui depuis mardi descendent de Belgique et de Hollande voulant franchir la Seine après la Somme, taxis d'Anvers, carrioles du pays de Waës, voitures des laitiers bruxellois, lourds chariots traînés par des tracteurs ou locomobiles, encombrent les routes. Des corbillards, des autopompes, où des religieuses et leurs orphelines sont juchées sur les longues échelles à feu, dépassent des roulottes, des cabanes de berger, des brouettes, de vieux ménages à pied, poussant la poussette retrouvée de l'évacuation de 1918 !
… Exode devant l'invasion, comme au temps des barbares ! Sous un ciel implacablement beau et serein, on ne parle que de morts, que de bombardements, … c'est tout un peuple qui fuit les hordes motorisées, blindées, cuirassées, qui avancent, et qui vont occuper la vallée de la Somme, gagner Amiens, puis la côte, coupant le ravitaillement des alliés, et enfermant les armées imprudemment engagées en Belgique, dans un cercle infranchissable d'acier.
2 000 personnes, au plus, étaient encore au Cateau, lorsque le samedi à midi, l'arrière garde française quitte l'hôtel de ville, et que les tanks allemands, massés entre Forest et Ors, s'avançant jusqu'à la ligne de chemin de fer de la Halte, commencèrent à bombarder la ville.
200 obus tombèrent le long de la Route nationale 39, écorniflant le clocher, défonçant toitures ou façades, Rue de Landrecies, du Maréchal Mortier, Fesmy, jusqu'à la Rue de l’Écaille. Puis, vers 14 heures, le samedi 18 mai, ce fut l'entrée en ville des divisions blindées du général Rommel, traversant notre cité, en direction de Cambrai, de Péronne... A Catillon, ses héroïques défenseurs résistèrent jusqu'au lundi ; les dernières cartouches furent tirées le lundi matin à l'Arbre de Guise.
Le drapeau rouge à croix gammée flotta au balcon de l'hôtel de ville. Le Cateau commençait une nouvelle occupation germanique.
Une formation motorisée (toute l'armée d'invasion l'était), stoppa devant l'usine Seydoux. Un Allemand qui parle français interpelle un civil : « Guerre éclair ! (Blitzkrieg... ), nous allons envahir l'Angleterre... à l'automne, la guerre finie... »
Mais ce jour là, un homme énergique prenait la tête du gouvernement britannique, c'était Winston Churchill. Dans son discours radiodiffusé du 19 mai, il clamait « sa foi invincible dans l'armée française et dans ses chefs ». Les communiqués français n° 517 et 518 dissimulaient encore l'avance des Allemands (ce 19 mai) ; on parlait de Landrecies, de la Sambre, du canal Sambre à l'Oise... où les Allemands, disait le commentaire, « employaient les 3 000 chars dont ils disposent à cet endroit ». On démentait la prise de Péronne, admettant l'infiltration ennemie dans Saint Quentin...
Le Général Weygand, rappelé d'Orient, devenait généralissime. Bientôt, il décernerait au colonel De Gaulle, commandant d'une division motorisée improvisée les jours tragiques des 17-18-19 mai, en avant des Monts de Laon, le grade de général, avec cette citation, « chef admirable de cran et d'énergie ». A 50 ans, Charles De Gaulle était nommé sur le champ de bataille, le plus jeunes général de l'armée... Le 6 juin, il serait appelé à Paris, comme sous-secrétaire d'état à la guerre.
Au Cateau, le maire, M. Henri Preux, aidé de 12 conseillers « restés à leur poste, malgré les durs moments vécus avant l'occupation et pendant le bombardement de la ville », comme le doyen M. Cappelle et Henri Seydoux, avaient fort à faire. L'électricité avait été coupée le jeudi 16 mai au soir... la sirène s'était tue... il avait fallu assurer le service des eaux et le ravitaillement des habitants, sortant peu à peu de leurs caves ou rentrant, après un court exode interrompu par l'avance allemande qui atteignait la côte, le 21 mai.
Boulogne tombait le 25 mai, Calais le 27. Ce même jour, le roi des Belges, acculé à la mer près d'Ostende, capitulait avec ses troupes. Un enfant du Cateau, le lieutenant colonel Hautcoeur était près de lui, avant la tragique décision, il put gagner l'Angleterre par le camp retranché de Dunkerque... C'est là que se repliant de l'Escaut (de Valenciennes-Menin) et de la Lys, de l'Yser et de la Deule, se réfugièrent les armées du Nord encerclées... L'évacuation par mer dura 9 jours, sous la mitraille allemande. 1 200 bateaux firent la navette entre les plages de Bray-Dunes, Malo-les-Bains, le port de Dunkerque et la côte anglaise.
Neuf jours de miracle, écrivirent les Britanniques, car jusqu'au 3 juin, 316 000 hommes furent sauvés, dont 123 000 Français, au prix de pertes lourdes... rescapés de la désastreuse campagne de Flandres 1940.
Weygand tentait de résister sur la Somme... et les Anglais bombardaient les forces ennemies, s'efforçant de franchir le fleuve, dans la région d'Abbeville, et mitraillaient les arrières du front.
Le communiqué du 7 juin (du ministère de l'air britannique), annonçait que des bombardiers lourds avaient localisé leurs attaques sur d'importants objectifs entre Cambrai et Le Cateau, précisant pour notre ville « qu'au Cateau, plusieurs coups directs avaient atteint des routes et des voies de chemin de fer ». Mais ni Le Cateau ni le viaduc de Saint Benin ne furent atteints.
Le 10 juin, notre ancienne alliée, l'Italie, nous déclarait la guerre. Mussolini et le parti fasciste commirent ce forfait, « coup de poignard dans le dos de la pauvre France chancelant sous l'attaque des blindés et des avions d'Hitler. »
… Les armées françaises se repliaient sur la Seine, Paris était menacé... et les avions italiens bombardaient sans péril et sans gloire, la cible facile des colonnes de réfugiés franchissant la Loire à Gien : massacre d'innocents, qui n'est pas à l'honneur de l'aviation italienne !
15 juin
Le 15 juin, les Allemands occupaient Paris, et poursuivant leur avance, franchissaient la Loire le 15 juin. Gloire aux héros de Saumur qui résistèrent, méprisant la mort...
Le gouvernement Reynaud, après un bref séjour à Tours, s'était replié sur Bordeaux. L'exode des réfugiés, des populations d'entre Seine et Loire, qui avaient pu franchir la Loire avant que les ponts ne sautent, dépassait la Garonne, surpeuplait le Midi, se massant à la frontière d'Espagne. Que de misères ne connurent pas ceux qui étaient restés calmes et résignés à la maison, au foyer. Malgré les terribles avertissements de la radio, peu de réfugiés, à l'écoute de leur poste portatif, n'avaient pas frémi, lors des appels pathétiques de Paul Reynaud... lorsque l'indicatif de Radio-Paris, devenu Radio-France ou Bordeaux, répétait inlassablement « Aux armes citoyens... », et que le premier ministre annonçait « la trahison du roi des Belges », sa capitulation... et qu'orgueilleusement, il déclarait « Nous combattrons devant Paris... nous combattrons derrière Paris... nous combattrons dans le Massif central, nous combattrons sur les Pyrénées... et s'il le faut, par delà les mers ». Pris de panique, de crainte d'être à nouveau sur un champ de bataille, les colonnes de réfugiés fuyaient... devant l'invasion.
Mais, débordé par les évènements, Paul Reynaud démissionnait le 15 juin, et M. Albert Lebrun, président de la République, chargeait le Maréchal Pétain du lourd fardeau de gouverner la France – le 15 juin, le vainqueur de Verdun avait alors plus de 80 ans.
Le nouveau gouvernement entamait des pourparlers d'armistice avec l'Allemagne et l'Italie.
18 juin
Le 18 juin, jour où Hitler rencontrait Mussolini pour établir le plan d'asservissement de notre patrie abattue, une voix de Londres appelait à la résistance le peuple de France : c'était celle du général De Gaulle, le premier résistant qui, inlassablement, prêcha l’espérance, la confiance. « Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire », déclarait-il. Le général De Gaulle avait combattu la demande d'armistice, « par lequel le gouvernement, disait-il, (après Tacite), s'était « rué à la servitude ».
Par son attitude, « la seule solution qu'il jugea compatible avec l'honneur militaire », Charles De Gaulle réalisait les passages prophétiques des citations qu'en 1916-1924, le Maréchal Pétain lui avait élogieusement décernées... déclarant ensuite « qu'un jour la France reconnaissante ferait appel à lui ».
La guerre des ondes continuait. De Gaulle, au micro de Londres, et son équipe de la « France libre », dont la devise était « Honneur et Patrie », avant que d'armer les libérateurs et de former des unités combattantes, menait la lutte, une lutte homérique, contre les speakers de « Radio Paris »...
« Radio Paris ment... Radio Paris ment...
Radio Paris est allemand... »
Vie au Cateau
Privés de courant électrique, les Catésiens ne connaissaient les angoissantes nouvelles que par des communiqués de l'occupant. Réuni le 21 juin, le conseil municipal avait eu fort à faire depuis le 18 mai, jour d'invasion de la ville.
Il avait fallu créer, ouvrir une boulangerie, puis une boucherie municipale, organiser la vente du pain, récupérer le bétail dispersé, abandonné par les fermiers repliés, régler le ramassage du lait, mettre des gardiens dans les fermes ouvertes à tout venant, et aussi nettoyer les rues emblayées par les bombardements des 17 et 18 mai ; organiser le service médical... assuré par le Dr J. Druesne (juin), puis par des médecins militaires prisonniers, libérés provisoirement par l'occupant, les docteurs Pourieux, Fièvre et Chenaux. L'un d'eux, le Dr Fièvre, appartenait au 24e R.T.T. 5e D.I.N.A. ; cantonné avant le 10 mai à Avesnes, puis à Trélon, sa formation était montée en ligne au nord de Namur, puis repliée dans la forêt de Mormal (il écrivait « Mort-Mâle », dans la note laissée où il ajoutait « massacre dans cette forêt ») ; 350 seulement étant redescendus... combattant alors avec le 4e zouaves, ils furent faits prisonniers vers Lille ; Angevin, tourangeau, bourguignon, étaient ces trois sympathiques jeunes médecins. Le Dr Druesne, était lui, du Nord, et avait de la proche famille à Basuel.
Mlle Marie Wallez assura fin mai le service de maternité à l'hôpital Paturle.. tous les bébés arrivèrent sans encombre... en cette période agitée.
Le moulin Millot, du Pont-à-Capelle, avait été remis en marche. On ramassait le blé dans les granges pour nourrir la population de la ville et du canton. A Saint Benin, faute de boulanger, c'était un jeunes séminariste belge, réfugié, fils de boulanger, qui s'était mis au pétrin.
Après le pillage des maisons abandonnées ou mal gardées de fin mai, on avait pu clôturer les fenêtres... ouvrir les magasins, sur ordre exprès de l'autorité allemande, et reprendre la vente des marchandises.
Le 15 juin, Le Cateau comptait 1 815 foyers, avec 4 340 habitants, restés ou revenus après de lamentables odyssées... Ceux qui avaient cru trouver refuge sûr dans les trois trains sanitaires qui quittèrent la gare du Cateau le 17 mai, échouèrent près de Péronne, arrêtés par les ponts sautés ou coupés ; les moins malchanceux allèrent en train jusqu'à la côte, où les Allemands s'emparèrent du convoi près de Boulogne... Était-ce malchance ou chance que de pouvoir regagner Le Cateau, en évitant de dramatiques et interminables voyages, qui amenèrent les Catésiens à Perpignan, à Tarbes, et au pied du Canigou, à Amélie-les-Bains, à la frontière espagnole ?
Dans la nuit du 24 au 25 juin... la nuit de la Saint Jean, les sonneries des cloches, mises en branle sur l'ordre de l'autorité occupante, apprirent aux Français occupés que l'armistice commençait. Il y eut bien des larmes à l'aube de la première journée d'armistice, le 25 juin, jour de deuil national en France non occupée, lorsque la radio ou la presse diffusa l'ordre du jour adressé par le général Weygand aux armées françaises... et que fut divulgué par ceux qui l'entendirent, l'ordre du jour du général De Gaulle... « Il faut que quelque part part brille et brûle la flamme de la résistance française... un jour, je vous le promets, nos forces ensemble, l'armée française de l'élite, l'armée mécanique, terrestre, navale, aérienne, en commun avec nos alliés, rendront la liberté au monde et la grandeur à la Patrie ».
Comme en 1815, 1870, 1914... le collège du Cateau, après l'hôpital Paturle réservé ensuite aux civils, devint Feld Lazarett (portant le n° 6/582).
De jeunes Allemands, cantonnant au Cateau, faisait leur service obligatoire du travail, avant leur incorporation dans les armées ; parfois vêtus d'un seul slip, ils avaient grand succès auprès des gosses de la rue Genty qui criaient à leurs mères : « Ravisse, v'là les culs tout nus ». Ils chantaient beaucoup, souvent même très bien « Gerda, Gerda »... ou certain air que les enfants avaient retenu, en y mettant des paroles de leur composition :
« ai, ao... à l'eau, à l'eau
Y s'y noieront dans l'eau ».
C'était une allusion au fameux débarquement en Angleterre.
Le débarquement aura-t-il lieu ? Dès le 22 juin, le général von Keitel, grand partisan et artisan de l'invasion de l'Angleterre, mettait au point son dispositif de débarquement. Les conditions préalables exigées par von Keitel semblaient réalisées : du golfe de Gascogne au cap Nord, de Brest aux îles de la Frise, la Wehrmacht tenait les côtes face à la Grande Bretagne. Keitel avait fixé la date de l'attaque entre le 4 et lez 10 juillet... poussé par sa haine de l'Angleterre, il assurait, il était sûr du succès. Un matériel « colossal » était acheminé à Cherbourg, au Havre, à Gravenonge, à Flessingue ; les officiers avaient reçu en secret des « pochettes surprise » de documentation. Tout devait être terminé pour l'automne. L'hostilité de Goering au plan de Keitel rendait Hitler hésitant... Maréchal de l'air, Goering croyait réduire l'Angleterre par ses escadres volantes à l'automne.
Mais le répit accordé fut mis à profit de l'autre côté de la Manche. Les offensives aériennes préliminaires d'août coûtèrent à Goering 697 avions. Les attaques sur Londres furent continues : au 31 octobre, la Luftwaffe y avait sacrifié 2 375 avions... et ses meilleurs pilotes.
L'invasion de l'Angleterre n'eut pas lieu... Malgré de terribles épreuves sur ses villes comme Coventry, ses ports, ses docks, sa capitale, l'Angleterre résista. Ce fut le premier échec subi par les Allemands dans cette guerre mondiale.
4 décembre 1940
Mais les officiers cantonnés au Cateau ou aux alentours, croyaient toujours à l'invasion de l'Angleterre. N'avaient-t-ils pas camouflé l'intérieur de la salle des fêtes du Cateau en « base d'invasion de débarquement » humoristique, lors d'une fête militaire. Des barquettes partant du foyer, tapissé de décors représentant la Grand Place du Cateau, poussées par des soldats, emmenaient les invités le long des galeries, transformées en paysages marins, où Churchill, leur bête noire, était terrassé... ou noyé par Pluton et Neptune, puis transbordement à l'avant scène, et une nacelle descendait l'officier sur la scène, où des hurrahs, et des boissons l'attendaient...
Il n'y eut pas d'autre débarquement que le « Waterchute » d'un goût douteux de la salle des fêtes du Cateau.
Un appel des hommes mobilisables, à l'automne 1940, dans les salles de l'hôtel de ville, rappela aux plus âgés, la discipline prussienne de 1914... des « Feldwebel » furent « engueulés » littéralement avec cris furieux, sauvages, parce qu'ils ne faisaient pas ranger avec méthode les hommes convoqués. Sous le regard paisible du Maréchal Mortier, le défilé commença devant les officiers examinant d'ailleurs avec courtoisie les papiers militaires de chacun. Était-ce le prélude d'une déportation d'hommes pour rejoindre les millions de prisonniers en Allemagne, ou ceux détenus en ville ou à la citadelle de Cambrai ?
Des prisonniers français étaient internés dans les ateliers des établissements Flaba, Thomas, Daubresse, désaffectés depuis plusieurs années, après avoir été le siège d'une prospère et utile exploitation de machines agricoles. Certains étaient employés à des corvées ou travaillaient en ville. Face à l'église, l'ancienne Banque générale du Nord était transformée en maison du National socialisme... où l'on distribuait des confitures, sucre... d'ailleurs enlevés aux stocks alliés anglais.
La maison d’œuvres, ex-foyer du soldat, avait été transformée en grenier d'abondance ; l'imprudence d'un soldat allemand qui laissa choir son briquet allumé, alors qu'il surveillait des prisonniers remuant des sacs de blé et de sucre, mit le feu aux provisions. Tout fut détruit... un beau tableau, la Crucifixion, vestige du chemin de croix monumental de l’Église avant 1918, disparut dans les flammes. On craignit pour l'église, sont les vitraux, déjà criblés de balles et de mitraille en mai 1940, furent détériorés ; mais l'incendie fut localisé... Des sacs de sucre roux, abîmés par le feu, puis par l'eau des pompiers, furent retirés des décombres.
Les jours suivants, une nuée d'abeilles envahit la cour de l'église, comme le 18 juin 1940, s'y étaient parquées les cuisines roulantes allemandes, où l'on engouffrait volailles innombrables... Les abeilles se ravitaillèrent de sucre roux. Au printemps suivant, les ruches du Cateau jusqu'à Montay, fournirent un miel brun, ayant le goût et la couleur du caramel...
Gardes fils
L'autorité allemande avait exigé que les seize kilomètres de lignes téléphoniques installés pour les services de la Wehrmacht sur le territoire du Cateau, soient surveillés par des Français. 81 « gardes fils » étaient surveillants nocturnes, le long des routes et de la voie ferrée de Valenciennes. Ils touchaient pour la nuit 40 francs, du 1er février au 1er avril 1941, et 30 francs, du 1er avril au 31 décembre 1941. Le jour, onze « agents auxiliaires » faisaient la surveillance pour un salaire de 28 francs par journée de 8 heures (fin 1940).
Le prix du blé était alors de 175 francs les 100 Kilogs.
La tactique allemande prévoyait une guerre courte : « guerre éclair, Blitz Krieg »... et la défaite rapide de l'Angleterre.
Le troisième paragraphe des conventions d'armistice, signé en forêt de Compiègne, le 22 juin 1940, entre le général colonel Keitel et les généraux français Huntziger (N.B. 1), et Bergerey, déclarait « le gouvernement allemand a l'intention de réduire au strict minimum l'occupation de la côte occidentale après la cessation des hostilités avec l'Angleterre ».
N.B. 1 : dont le frère avait été médecin au Cateau entre 1921 et 1928. Le Dr Huntziger avait remplacé le Dr Humbert, et précédé le Fr Le Normand (235 Rue de Landrecies).
La France avait alors été divisée en trois zones :
- La zone dite libre : 1/3 du territoire, où résidait le chef de l’État, le Maréchal Pétain, portait ce titre depuis le 11 juillet, installé à Vichy après Clermont-Ferrand, lorsque les Allemands avaient occupé Bordeaux et la côte jusque la frontière espagnole
- La zone occupée allait approximativement à l'ouest et au nord d'une ligne partant du sud de Mauléon à Tours par Mont-de-Marsan, Angoulême, Poitiers, puis s'inclinant de Tours à Bourges, Moulins, remontant sur Dôle, et descendant vers la frontière suisse. Cette ligne officielle de démarcation en pouvait être franchie.
- La zone interdite comprenait la Somme, le Nord et le Pas de Calais, Ardennes et Bourgogne. La tracé de sa frontière, pour les Catésiens, suivait le cours de la Somme jusque Ham, puis de l'Oise. Tergnier était la gare frontière.
Au point de vue administratif, notre région était rattachée au gouvernement général de Bruxelles. Historiquement, par cette frontière, les Allemands reconstituaient les Pas-Bas espagnols, comme au temps de Charles Quint, et le duché de Bourgogne, du puissant duc d'Occident, Charles le Téméraire... Voulaient-ils reconstituer la « Gaule Belgique » de Jules César, état tampon vassalisé par le Reich ? Une propagande de presse en faveur de la résurrection du comté de Flandre, de la langue flamande fut organisée... elle ne fit pas long feu...
Mais la frontière de la zone interdite était difficile à franchir ; dès le 1er juillet 1940, elle était fermée. Un camp devant la Somme et le pont d'Ham hébergeaient les évacués qui tentaient de rentrer dans le Nord... puis étaient refoulés s'ils n'avaient point de papiers officiels. Combien de Catésiens connurent l'exil à nouveau... Beaucoup s'adressèrent à des « passeurs » officieux qui, de connivence avec les sentinelles allemandes, organisaient des convois clandestins de rapatriement. Le prix était parfois élevé, et la risque aussi... Il y eut des passages nocturnes de la Somme en barque, l'utilisation des tunnels creusés sous le canal...
Ceux qui étaient au delà de la Loire durent renoncer à rentrer avant 1942, sauf à leurs risques et périls... fusillades sur les rives du Cher... Une Catésienne, Mlle Anaïs Coleaux, installée sage-femme à la Haye Descartes, sur la ligne de démarcation, facilita bien des retours. Elle connut la prison allemande, mais eut la satisfaction d'avoir sauvé l'avenir de beaucoup de prisonniers évadés d'Allemagne, des jeunes gens gagnant l'Angleterre par l'Espagne, d'avoir passé d'importants courriers clandestins... Sa modestie a déjà oublié ce qu'elle considérait comme son devoir de Française.
France intérieure (15 janvier 1945)
Les théories pangermanistes limitaient le Reich à la Somme, la Marne, la Saône et le Rhône, anciennes frontières de la Lotharingie.
Dans le 5ème annuaire de Fribourg-en-Brisgau, le Dr Kerber rappelle le rôle historique de la Bourgogne, « qui est restée un état intermédiaire et a un rôle à jouer dans le cadre du Reich ».
Les Wallons (Belges de langue française) seraient des « Germains latinisés » (éditorial du Kolnische Zeitung du 16 août 1944).
Le maréchal Lyautey, à ce titre, est donné comme d'origine germanique (das Reich, 1er septembre 1940), sous la signature de Eck.
En rattachant la Nord et le Pas de Calais à l'administration militaire de Bruxelles, le Reich obéissait à un souci économique et politique, l'idée de la Lotharingie reconstituée n'était pas étrangère à cette décision...
La création de la zone interdite du nord-est devait servir à la colonisation de cette région. Dès septembre 1940, la société Ostland s'empara dans les Ardennes, Aisne, puis Somme, Meurthe-et-Moselle, d'installations agricoles. En juin 1942, l'Ostland (devenue Reichsland), disposait encore de 170 000 hectares en France, dont 100 000 dans les Ardennes, c'est à dire pour ce département le 1/4 de la superficie totale, la moitié des terres cultivables (Köln Zeitung, 18 novembre 1942). Cette colonisation servait de prétexte aux ambitions territoriales.
1941
Le développement des opérations en Russie amena plus tard la suppression de la frontière isolant nos régions de Paris. Les Catésiens apprirent avec enthousiasme la création d'un nouveau front, et l'entrée en guerre d'un nouvel allié : la Russie était brusquement attaquée par l'Allemagne le 22 juin 1941. Hitler, en été 1941, s'élançait à la conquête de Moscou, de Léningrad... Comme Napoléon, il franchissait d'énormes étapes, comme Napoléon, il connut finalement le désastre, la retraite. L'hiver russe, le « général Hiver » (N.B. 1), la puissance des armées du maréchal Staline, l'apport en matériel des alliés, (l'Amérique entrée en guerre), eurent raison de la Wehrmacht. Mais ce ne fut pas sans lourds sacrifices et de longues épreuves.
B.B. 1
Le « général Hiver », d'après l'expression de Churchill, qui fut bon augure.
En 1941, tout semblait sourire au Führer du grand Reich... En mars, il envahissait la Yougoslavie, Belgrade tombait le 3 avril, Athènes était occupée le 27 août, et la campagne des Balkans se poursuivait jusqu'en Crète, envahie par l'armée aéroportée...
De l'autre côté de la Méditerranée, en Afrique, Rommel et ses blindés, dépassant la frontière de l’Égypte , menaçaient Alexandrie.
Les forces françaises libres occupèrent la Syrie, menacée par la convoitise allemande. De Gaulle les avaient formées avec énergie et vaillance, rappelant dans ses discours que « la défaite de 1940 était analogue à celle de Crécy et Sedan... la France alors fut victime comme en 1940, d'aberration tactique » (discours du 1er mars 1941), et il ajoutait, à Oxford, le 25 novembre 1941, cet appel à l'union franco-britannique :
« Si le tacticien constate que la séparation militaire de nos deux forces, au printemps de 1940, vient de ce que la mécanique ennemie força la Ligne Maginot entre Mezières et Sedan, le philosophe sait bien qu'au fond, c'est entre deux politiques désunies qu'est passée l'agression allemande ».
Calme en nos régions
Mais, à grande orchestration de propagande, Hitler fortifiait les côtes de France... C'était, disait la presse, « le mur imprenable de l'Atlantique, muraille d'acier, rempart de béton... on n'y passera jamais »...
Le 3 septembre, de nouveaux conseillers municipaux étaient nommés par le chef de l’État français, et innovation, une conseillère : c'était Mlle Marie Wallez... dévouée aux soins des malades et providence des pauvres affligés depuis plus d'un quart de siècle. Elle était chargée de s'occuper d’œuvres, au sein du conseil. M. Henri Seydoux y entrait comme père de famille nombreuse, Mrs Jovenin Albert, Ethuin Henri, Maigrez Jules, comme représentant les groupements professionnels des travailleurs. Nomination signée Carles, préfet du Nord.
Le 14 octobre, les nouveaux édiles sont installés en présence du sous préfet, ainsi que M. Charles Ponsin, ancien conseiller d'avant guerre, qui occupe le poste de troisième adjoint.
En décembre, un comité d’accueil des évacués est constitué au Cateau, … Les enfants de la région de Dunkerque trouveront au Cateau et dans la région de nouvelles familles, lorsqu'ils seront expulsés par les constructeurs du « mur de l'Atlantique ».
De l'autre côté de l'Atlantique, l'Amérique est entrée en guerre. En décembre, l'ambassadeur des États-Unis, l'amiral Lee, quitte Vichy, comme l'avait quitté en juin son collègue soviétique.
1942
En avril 1942, 500 rations de soupe sont chaque jour distribuées aux enfants et nécessiteux, dans le local du Secours National, installé dans le vieil hôtel des Mairesse, Rue Cuvier...
Par la radio, malgré les menaces de l'occupant de confisquer les appareils récepteurs, les Catésiens sont au courant des nouvelles, camouflées par la presse, qui est contrôlée par l'autorité allemande.
Hitler n'a point fêté la Noël 1941 à Moscou... et Léningrad, l'ancien Saint-Pétersbourg des tsars, est aussi imprenable. Malgré son matériel énorme et les gains de terrain, le long de la mer Noire jusqu'à la Volga, vers le Caucase et ses puits de pétrole, malgré la prise d'Odessa, de Sébastopol et de la Crimée, aucun succès décisif... 750 000 tracteurs russes ont évacué les ouvriers et l'outillage industriel menacés par l'avance allemande nazie, jusqu'à l'Oural et la Sibérie. Là, on forge des armes, on forme des cadres, on construit et ajuste des moteurs... Triomphe de la décentralisation des usines... Joseph Staline l'a déclaré :
« La Technique est décisive
Les cadres décident de tout.
La guerre d'aujourd'hui est une guerre de moteurs : la gagnera qui aura une supériorité écrasante dans la fabrication des moteurs »... et 190 nationalités différentes défendent l'Union soviétique, à l'armée ou dans les fabriques d'artillerie, de munitions, de matériel toujours modernisé, de guerre.
L'évasion d'un château forteresse allemand, du général Giraud, où il était captif, et son retour en zone libre, puis, plus tard, son départ pour Alger (dans un sous-marin allié), intéresse les Catésiens. Ce grand soldat avait été déjà fait prisonnier dans la région, à guise, en 1914... et en 1940, près du Catelet, alors qu'il allait occuper un nouveau poste : des chars allemands l'arrêtèrent lors de l'invasion éclair du mois de mai.
Le débarquement allié à Saint-Nazaire, en mars, puis à Dieppe, en août, suscitent quelque espoir de délivrance... Ce sont des exercices profitables qui prouvent que le fameux mur de l'Atlantique a des fissures, et n'est pas invulnérable...
En été 1942, jamais la position de l'Allemagne n'avait pourtant paru si forte. En Afrique, Rommel menaçait Alexandrie. Aux portes de l'Asie, Von Paulus occupait Stalingrad. Volga et Nil ! … et les armées du général Staline stoppèrent, puis encerclèrent à Stalingrad les Allemands, en marche vers (les) puits de pétrole du Caucase.
A El Alamein, Bir Hackeim, Montgomery, Koenig arrêtèrent la ruée vers le Nil et le canal de Suez... Commencement du grand duel Montgomey-Rommel, où le tenace généralissime anglais l'emporta...
La victoire de Bir Hackeim, en Afrique, marqua le déclin de l'offensive allemande et italienne en Méditerranée, vers le canal de Suez et l’Égypte... Les forces de la France combattante, sous le commandement du général Koenig, ont vaincu l'Africa Korps de Rommel.
Puis, le 8 novembre, c'est la grande nouvelle : « L'Afrique du Nord rentre dans la guerre »... Américains et Anglais y ont débarqué, d'accord avec le général Giraud, près d'Alger et au Maroc. Comme l'annonce le général de Gaulle, au micro de la B.B.C. (radio anglaise), le tremplin est assuré « base de départ pour la libération de la France ».
Les Allemands occupent le 11 novembre, la zone dite libre de la France. Le général de Lattre de Tassigny, de Montpellier, arrêté, emprisonné, puis évadé, peu gagner l'Afrique. Le colonel Hautcoeur, qui commande l'ancien Royal Picardie, à Albi, où il a réuni une belle phalange de gens du Nord, n'a pas la même chance... sa caserne est envahie, la nuit, et ses hommes sont démobilisés et renvoyés dans leurs foyers... Sur le quai de la gare, il leur dit, non pas adieu, mais au revoir... Un jeune Catésien, Raymond Bacou, rentré dans sa famille, a rapporté l'anecdote.
Le 27 novembre, la flotte mobilisée à Toulon, se saborda, devant l'attaque allemande du grand port de guerre français... Le général de Gaulle commente la nouvelle :
« Privés sans doute de toute autre issue, ces marins français ont, de leurs mains, détruit leurs navires, afin que du moins soit épargnée à la patrie la honte suprême de voir ses vaisseaux devenir les vaisseaux de l'ennemi »... « Un frisson de douleur, de pitié, de fureur a traversé la France entière »...
Vaincre... tel était en fin 1942, la conclusion du chef de la France libre... Toute l'Angleterre est mobilisée, rattrapant le précieux temps perdu d'avant et de 1939-1940... Malgré les terribles bombardements aériens qui atteignent une maison sur cinq, des usines sortent du sol ; dès avril 1942, la production anglaise d'avions égalait la production allemande.
Flegmatiques, Anglais et Anglaises travaillaient... pour la revanche.
1943
Année de la guerre totale... Le Bassin méditerranéen se libère de l'étreinte de l'axe... Brillant fait d'armes des forces françaises libres, en janvier. Parti du lac Tchad, le général Leclerc traverse le désert, achève la conquête du Tezzan italien en un mois, et prend à revers les Italiens qui ont perdu Tripoli. Avec le corps franc d'Afrique recruté par le général Giraud, le général Leclerc assène des coups durs à l'Afrika Korps de Rommel, finalement traqué en Tunisie.
… Et vers la Volga, le 3 février, les Allemands encerclés à Stalingrad, capitulent. Le maréchal Paulus est au nombre des généraux faits prisonniers. Stalingrad ! Cette victoire de la stratégie du maréchal Staline, dont la ville industrielle porte le nom, marque le déclin des armées du Reich...
Les Allemands redoublent d'efforts de propagande : le bolchevisme est l'ennemi de l'Europe, il faut des légions de volontaires dans l'armée européenne... Au Cateau, ils font couvrir les murs et les tôles des urinoirs, des slogans tel que « Victoire... les armées allemandes avancent sur tous les fronts »... avec des croix gammées, cependant que des croix de Lorraine surgissent la nuit au dessus de l'emblème hitlérien, et que la radio de la France libre, a pris comme indicatif... V V V . La victoire a changé de camp et a abandonné l'armée des Seigneurs de la guerre...
M. Preux, maire, est décédé le 11 mars, après quatorze ans de mairie. M. Charles Ponsin prononce au cimetière son éloge funèbre, signalant le « sens très vif de l'autorité qu'il détenait », et l'énergie de son caractère.
Le 12 avril, M. Ponsin est nommé maire du Cateau. Le conseil municipal est complété par les nominations de M. Robert Legras, commerçant, et de M. Léonard Carous, directeur d'école. M. Ponsin, maire, évoque dans son discours de réception, la lignée de ses prédécesseurs, premiers magistrats de la ville en des temps difficiles... Bricout de Cantraine. En 1870, Émile Chantreuil, puis Rodrigue Truffot, père de Mme Saint-Saëns ; en 1914, Émile Picard. Issu d'une vieille famille d'industriels, M. Charles Ponsin continue la tradition de ses ancêtres, qui furent conseillers municipaux ou adjoints... Ponsin Sartiaux, Ponsin Bonnaire, Charles Ponsin, son grand-père, et Georges Ponsin, son père, conseiller de 1918 à 1919.
Le programme du nouveau maire se résume dans le mot « servir ». Voici des principaux passages de cette belle page d'éloquence :
« Je suis mis au gouvernail par la tempête, mon seul souci est de mener la belle frégate qu'est la ville du Cateau, sous l'orage qui gronde et qui demain peut éclater, parmi les écueils et les flots déchaînés, jusque dans les eaux calmes du port de la paix.
Pour le moment, je ne veux pas voir d'autre horizon, à chaque jour suffit sa peine. Les vastes projets seront pour plus tard... après la guerre. Peut-être un autre les réalisera-t-il ? Mais au moins aurons-nous le temps de les méditer et de les préparer ensemble.
En attendant, je suis à ce poste pour essayer dans le cadre de la cité, d'atténuer, pour ma faible part, les malheurs du pays et, accessible à tous, pour soulager de mon mieux la détresse de mes concitoyens.
On a dit, et c'est devenu un lieu commun, que le maire est le premier magistrat de la cité. Mon ambition et à la fois plus modeste et plus grande : c'est de pouvoir me dire le premier serviteur de la ville du Cateau.
Puissé-je être à la hauteur de ma tâche... »
Et cette tâche était lourde. En plus des services officiels, il y avait l'aide secrète aux évadés des camps de travail, à ceux du maquis, aux parachutistes et aviateurs recueillis par des organisations clandestines de bons patriotes. De puissantes escadres aériennes sillonnaient nuit et jour le ciel du Cateau, tout tremblait parfois, tant étaient formidables les vibrations de leurs moteurs... Les alertes de la sirène devenaient plus fréquentes.
Le 27 juin, on apprenait la libération de la Tunisie... Le 17 juillet, la chute de Mussolini. Le 8 octobre, la Corse est libérée, puis c'est le tour de la Sicile. Et les forces françaises libres dont le général Giraud est le commandant en chef, participent avec les alliés à la conquête de l'Italie... rudes étapes dont la prise du mont Cassin est l'étape cruciale.
A cette campagne d'Italie prend part Mlle Thérèse Ponsin, sœur du maire du Cateau, comme officier du corps de santé. Infirmière au collège du Cateau en 1914, elle se dévoua ensuite au Maroc ; en 1939, elle était mobilisée à l'armée d’Orient avec le général Weygand. Directrice du service de santé, elle dirigea en Syrie, lors des combats de 1941, l'évacuation des blessés vers la France et les y accompagna. Après un court séjour au Cateau, elle retourna au Maroc... elle participa à la libération de la Tunisie, et suivit l'avance victorieuse des forces françaises sur le continent, en Italie.
La veille de Noël, au micro de Radio-France, à Alger, siège du gouvernement provisoire, le général de Gaulle saluait « l’Étoile de la Victoire qui brille maintenant à l'horizon... Aimons-nous, unissons-nous, Français et Françaises, pour les suprêmes douleurs, en ce soir de Noël ».
Le Cateau, en cette fin d'année, alors que le ciel tremblait comme la terre, au passage des armées aériennes de centaines, puis de milliers de forteresses volantes, et que les fusées allumaient au firmament des étoiles, bouquets d'étoiles filantes, connaissait des épreuves.
La Gestapo y traquait les patriotes... réfractaires au S.O.T., du travail obligatoire en Allemagne ou sur les côtes, où l'organisation Todt bétonnait et consolidait sans trêve le mur de l'Atlantique. Membres dévoués des organisations secrètes, services de renseignements aux alliés, accueil et sauvegarde des aviateurs ou agents de l'Intelligence Service parachutés dans la région, avec les armes et munitions du maquis.
Le commandant Richez et sa femme, M. Boyer, imprimeur, les quatre filles du conseiller municipal Ethuin et leurs maris, furent arrêtés par un policier allemand, camouflé en aviateur britannique... Le Dr Bernard fut, à son tout, enlevé la veille de l'an. Auparavant, le chirurgien de l'hôpital Paturle, (le) Dr Hutin, avait été enfermé à la prison de Loos, comme ses compatriotes catésiens. Il fut heureusement libéré, bénéficiant d'un « non lieu », et rendu à son activité chirurgicale.
1944
… La fréquence des alertes rendait nécessaire la mise au point d'un dispositif de sécurité... des cours de secourisme, exercices de transport des blessés, un plan de postes de secours aux quatre coins de la ville, avaient été organisés, exécutés, réalisés. L'abri maçonné pour les vieillards du refuge coûta 70 000 francs.
Vie souterraine
Les vieux souterrains longtemps comblés ou murés, étaient déblayés, recherchés. Les caves étaient réunies en un vaste et long réseau de refuges où les familles s'abritaient, lorsque la menace des forteresses volantes planait sur la ville, au glapissement funèbre de la sirène d'alarme.
Collège
Au collège... qui connaissait des jours prospères, les alertes interrompaient souvent les classes. Près de 500 élèves, dont plus de 100 pensionnaires, y poursuivaient leurs études. En février, le collège Jean Bart de Dunkerque, avait été accueilli au Cateau ; déjà le centre Mortier, installé sur les Digues, au patronage laïque fondé par M. Fontellaye-Déjardin, fonctionnait depuis l'automne 1943, pour les écoliers réfugiés.
Les Dunkerquois furent adoptés par des familles catésiennes : M. Nadal, leur principal, Mlle Sansen, agent spécial des jeunes filles du collège Lamartine, partagèrent avec le principal du Cateau, M. André Dumeige, qui avait succédé à Mrs Jovenin et Daniel Martin, les lourdes responsabilités d'un collège et d'un internat, en cette période dangereuse et difficile.
Les dortoirs portèrent les noms du maréchal Mortier, de Jean Bart, et de Fénelon, le fondateur, comme seigneur du Cateau, du collège municipal.
Les vœux du bureau d'administration, que le nom du fondateur devienne celui du collège... collège Fénelon, titre réservé habituellement aux maisons d'éducation de jeunes filles, alors que l'archevêque de Cambrai fut précepteur des fils de France et non des filles, ne furent pas pris en considération en haut lieu.
Institution Notre Dame d'Espérance
Sur le Mont Plaisir, au milieu du parc boisé, les religieuses de la congrégation Notre Dame, chanoinesses de Saint Augustin, s'étaient installées dans le château Seydoux, pour l'année scolaire 1942-1943. Jadis Rue Cuvier au Cateau, elles avaient séjourné à Froismanteau en Belgique, pendant leur exil de France. Un mur de clôture les séparait des bâtiments des tissages Seydoux, occupés par des recrues allemandes. Elles étaient rentrées au Cateau sous le vocable bien adapté aux circonstances de Notre Dame d'Espérance.
Le Cateau, au printemps de 1944, comme en 1943, était ville de garnison. Tantôt en vélo allant à l'exercice, ou creuser des tranchées vers Le Pommereuil, habillés en Feldgrau, vert de gris, tantôt en bleu foncé pour le football, tantôt en simple short pour la natation et les jeux d'été, les jeunes Allemands parcouraient la ville, en chantant. La brasserie Lefebvre Scalabrino, les Écoles et le Palais Fénelon, étaient transformés en casernes. Le soir, on entendait le clairon sonner le motif mélancolique de la retraite.
Lors d'une visite au Palais Fénelon de M. Gelis, architecte en chef des monuments historiques, il fallut l'autorisation du capitaine commandant pour pénétrer au Palais. Officier viennois, il tint à accompagner le visiteur ; dans les salles devenues chambrées, les soldats claquaient les talons, figés au garde à vous... il déclara n'avoir pas voulu abîmer le parc en y faisant creuser des tranchées abris, malgré les instructions reçues... il ne sembla pas apprécier la solide charpente des combles, de facture alsacienne, déclara M. Gelis, ni l'historique passage des Marlborough, Villars, François II d'Autriche, Wellington, French, qui avaient cantonné en ce logis princier.
Un cours libre social avait commencé au collège, professé par M. Batiffol, professeur à la faculté de droit, et M. Doucy, agrégé de philosophie à Lille, sur la question « Rapports entre patrons et ouvriers »... Des conférences et études sur Péguy, Claudel, la tournée théâtrale Regain, assurent de saines et solides diversions intellectuelles. « L'Annonce faite à Marie », « L'Otage », furent présentées par le groupe d'études de M. et Mme Debatte. De grands artistes ne dédaignaient plus la province, moins mal ravitaillée que Paris... Baugé, dans Le Barbier de Séville, Villabella dans La Tosca, parurent sur la scène de la salle des fêtes du Cateau ; Le Regain présenta Le Misanthrope, Le Mariage de Figaro, des comédies de Musset, et Cinna, le samedi 29 avril.
Ce fut le dernier spectacle...
30 avril
Le 25 avril, Cambrai avait connu son premier terrible bombardement, et le 30 avril, vers 18 heures, la gare de Busigny était la cible de la Royal Air Force ; deux trains de voyageurs, arrêtés en gare, étaient atteints et prenaient feu...
Hôpital Paturle
82 blessés furent amenés à l'hôpital Paturle, par les services de défense passive... ce soir-là, et lors des bombardements de Maurois et de Solesmes, la grande offensive aérienne alliée avait commencé sur le Nord, et les gares importantes du réseau.
L'hôpital Paturle fonctionna comme clinique chirurgicale de grande importance pendant cette guerre. En 1937, il n'y avait que 15 opérations pendant l'année. En 1939, avec le chirurgien, commandant Richard, il y en eut 116, et le Dr Hutin, en 1941, opérait 385 fois... 646 en 1942, et 850 en 1944, y compris les blessés civils et militaires.
Le débarquement des alliés
Le langage sibyllin de la radio britannique, ses messages personnels aux phrases conventionnelles, tells que « le Bénédictin a rencontré la Bénédictine », révélait aux seuls initiés, au début de juin, que le débarquement était proche. Les Catésiens s'attendaient à ce qu'il eut lieu sur la Manche et le Pas de Calais, tant étaient fréquents et terribles les bombardements massifs et isolés, les mitraillades des convois et des trains : le pauvre tramway du Cambrésis avait été pris comme cible, deux fois, à Catillon, à cause des péniches de la Sambre, et près du pont de Basuel ; il y avait eu morts et blessés, mais un déluge de fer et de feu déferlait ainsi sur toute la France.
… Le 4 juin, on apprenait l'entrée des alliés à Rome. Le lieutenant infirmière, Mlle Thérèse Ponsin, faisait partie des forces du général Giraud, pendant la campagne d'Italie, qui de Rome gagna Florence. Le 16 juin, l'île d'Elbe était occupée par des commandos français... un Catésien y trouva une mort glorieuse, dans un corps parachuté, c'était Charles Preux, fils de M. Henri Preux, maire du Cateau. Après l'enterrement de son père, il avait pu gagner les forces françaises libres.
… A des commandos français, soutenus et protégés par des contre torpilleurs français, revint l'honneur de débarquer les premiers en Normandie, à l'aube du 6 juin 1944, entre Bayeux et Caen. Le général américain Eisenhower, et le maréchal britannique Montgomery, avaient minutieusement préparé la gigantesque opération, contre le « mur de l'Atlantique », réputé par la propagande allemande, de plus en plus invincible et imprenable.
Et le mur fut dépassé et défoncé de face, et tourné... il faudrait un nouveau Jules Verne pour décrire le matériel inédit inventé pour le débarquement et la campagne de Normandie : des trains aériens de planeurs, des corps parachutés, occupaient les aérodromes ; des navires gigognes... dont l'avant se rabattait, comme s'abaisse un pont-levis, déversaient tanks, artillerie motorisée, et les petites « Jeep », ces rapides et pratiques autos américaines qui franchissent tous les obstacles.
Un port en pièces détachées, remorqué en morceaux séparés, par des cargos, quelques uns des milliers de navires rassemblés dans l'Armada, l'invincible flotte alliée fut installée à Arromanches.
18 mois de préparation intensive avaient assumé à chaque unité son rôle précis... la flotte protégeait ceux qui débarquaient, l'armée de l'air protégeait le ciel et la mer, des aérodromes furent installés, en papier goudronné, que des machines déroulaient sur le sol, tapissant le sol, écrasant ses aspérités, comme on tapisse un mur de chambre, dans un logis.
Des avions en piqué attaquaient les unités allemandes... pilonnées, anéanties, immobilisées, déroutées... Et les organisations de patriotes restés ou parachutés sur le sol de France, par leurs sabotages, continuaient à détruire ponts, locomotives, voies ferrées. Depuis deux mois, l'action de la Résistance avait bouleversé les plans de défense des Nazis. Le 10 juin, les résistants faisaient sauter la principale ligne reliant l'Italie à la France, arrêtant l'arrivée des renforts allemands relevés du front italien. Le 25 juin, le général Koenig, commandant en chef des forces françaises en Grande Bretagne, était nommé, par le général Eisenhower, chef de la Résistance des Forces françaises de l'intérieur, qu'on appela en abréviation, les F.F.I.
Bayeux avait été libéré le 8 juin. Cherbourg se rendait le 27... les prisonniers allemands de la citadelle défilaient devant la statue équestre de Napoléon, dressée face à la mer, qui avait créé le port du Cotentin. Hitler, comme Napoléon, s'était brisé contre la ténacité et le courage britannique.
Une épreuve nouvelle frappait Londres... en représailles du débarquement de Normandie, Hitler lançait sur l'Angleterre ses bombes volantes, le V1, arme secrète qui devait anéantir Londres, et les Britanniques. Malgré les V1, et plus tard les VII et III, terribles engins destructeurs, l'Angleterre augmenta encore sa production de guerre... L'énergie et la froide résolution du peuple et de la nation du roi Georges VI et de Churchill d'infliger une défaite totale à l'Allemagne, furent accrus par l'explosion des V1.
Le 9 juillet, Caen était pris...
Puis ce fut la gloire de la 3ème armée américaine d'avoir transformé la bataille de Normandie en bataille de France, en fonçant sur le Mont-Saint-Michel et Rennes, délivrant la Bretagne par une manœuvre d'encerclement ; délaissant les poches nazies de Lorient et de Saint-Nazaire, elle atteignait Le Mans...
Le 15 août, la 7ème armée américaine débarquait sur la côte d'Azur... s'emparant de Toulon, Marseille, et remontait à vive allure la vallée du Rhône, puis de la Savoie. Parmi les divisions françaises qui en faisaient partie, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, avait débarqué sur le sol de sa patrie, l'officier Thérèse Ponsin...
… Son frère, à la mairie du Cateau, dirigeait la ville en des temps difficiles. Grâce à sa sagesse, bien des incidents furent minimisés avec l'occupant et les S.S. ; le maire du Cateau prit son tour de garde fil sur la voie de chemin de fer... il assura en sous main le ravitaillement officiel des gars du maquis voisin.
Après le 15 août, on ne pouvait circuler sans danger hors de la ville, car les Mosquitos alliés faisaient bonne garde... le 11 août, le vaillant chemin de fer du Cambrésis, ravitailleur en charbon et providence des citadins et du pays minier qui, grâce à son inconfortable transport, pouvait aller chercher des vivres à Catillon et au delà, cessait tout trafic... Bien souvent, ses voyageurs avaient du se « planquer » dans les fossés, sous la menace des patrouilles alliées, surveillant la route nationale 39...
Des camions de ravitaillement circulaient avec des drapeaux blancs...
Le 19 août, un camion allemand plein d'essence flambait sur la Place Verte. Un F.F.I. Catésien avait jetée l'allumette sur l'essence coulant au réservoir ouvert... un panache épais de fumée noire recouvrit le quartier, quelques arbres, trois platanes qui s'efforçaient de rendre à la Place Verte son nom verdoyant, furent grillés...
Le soir, une partie des réserves de laine du Dahomey, annexe de l'usine Seydoux, fut détruite par le feu. On craignait que les Allemands ne les transportent en leur retraite, mais ils n'en auraient pas eu le temps, ni les moyens.
Le 22 août, les épreuves du baccalauréat avaient lieu sous les auspices du collège du Cateau, à Montay, au spacieux collège de Mme Deligny, à l'ancienne sucrerie, qui semblait à l'abri des attaques aériennes multiquotidiennes, diurnes et nocturnes, annoncées ou suivies par le glapissement de la sirène... rarement au repos et qui, souvent, glapissait trop tard. L’exécution, en plein jour, en son café, d'une jeune italienne accusée d'avoir dénoncé des patriotes du Pommereuil, abattue par une mitraillette, passa inaperçue...
Par radio, on apprenait l'approche des alliés vers l'Île de France. La première armée canadienne ayant brisé le front allemand de Falaise approchait de la Seine et de Rambouillet. Les Américains s'approchaient de la capitale : la croix de Lorraine remplaçait la croix gammée dans Paris libéré, après les six journées glorieuses de lutte des F.F.I., appuyés finalement par la division blindée du général Leclerc. Le 25 août, après Leclerc, arrivait le général de Gaulle. Le 26 août, au tombeau du soldat inconnu, et à Notre Dame, il mettait officiellement fin à quatre ans d'occupation allemande.
… Les Catésiens se souvenaient... que 30 ans auparavant, le 26 août 1914, commençait leur première occupation du siècle. Mais leur seconde occupation allemande allait bientôt prendre fin.
La dernière semaine d'occupation nazie
… Depuis le 24 août, la Wehrmacht en retraite traverse Le Cateau, c'est une « forêt motorisée », les camions sont camouflés de branchages et de petits arbres, comme dans les bals populaires ou les cavalcades d'il y a 40 ans... Les soldats et officiers sont souvent habillés d'un surtout de batik, caméléons humains, pour échapper à l’œil vigilent des aviateurs.
Ce samedi 26 août, le Maréchal Mortier, plutôt son socle, puisqu'il a été en mai déporté à
Lille... où l'homme de bronze attend en compagnie d'hommes illustres, eux aussi déportés, l'heure
de la délivrance (N.B. 1), sert de borne giratoire à des unités errantes ou déroutées de la grande
armée allemande. En des véhicules réquisitionnés dans la région parisienne, camionnettes de
l'entreprise Catherine d'Asnières, avec la pancarte encore intacte « service Paris Béziers », camions de la « Bière des alliés », qui transportent les rescapés de la forêt normande, sous les feuillages qui, sous le beau soleil d'août, donnent à ce cortège disparate, l'aspect (festif) d'un cirque ambulant en déplacement. Parmi les conducteurs, un chauffeur français parisien : il est bien anxieux sur le sort de sa famille. Propriétaire de son camion, il avait été requis pour un transport de charbon, il rentrait vers Paris, venant de Nancy, avec trois tonnes du précieux combustible. En route, des S.S. l'arrêtent, font verser le charbon dans le fossé et, en route vers Arras, pour transborder des troupes via Le Cateau, en direction de Charleville Mézières et la Meuse... Echappera-t-il aux avions alliés, qui vrombissent dans le ciel, et attendent, hors de la ville, les convois camouflés ?
N.B. 1 : Enlevé, comme bronze à récupérer, en mai 1944, le maréchal fut... oublié dans les entrepôts Mazelier, Rue de Cambrai à Lille, où M. Raoust, alors adjoint au maire de Lille, lui rendit visite et rassura sur son sort, ses amis catésiens. Il était à l'abri, avec l'amiral Wakermée de Dunkerque (?), Jean Mabuse de Maubeuge, les comédiens Coquelin, Mariette, Duchesne, tous de Boulogne, Ghesquières, Potié de Lille , etc. (Photo du Nord Éclair, octobre 1944).
« Je crains un avion me tomber sur la gueule », déclare un chauffeur allemand, à la porte des grands garages, avec le sourire... car les soldats ont le sourire. « Enfin, on va rentrer à la maison », dit cet architecte de Cologne qui, avec son officier, en auto particulière, abandonnant sa formation, regagne le Rhin, « c'est insensé de continuer la guerre »... il n'a pas recours à l'office de triage, centre régulateur, installé à l'hôtel du Mouton Blanc (dont l''hôtelier Ernest Coquio a été déporté pour avoir déposé un drapeau anglais, le 14 juillet, au pied du monument aux morts de 1914-1918). Lugubre est l'opinion du bureaucrate de l'entreprise Wacher de Munich, qui a construit redoutes mystérieuses et casernement au sein du Bois du Pommereuil... le tout abandonné depuis 4 jours, et qui répond à une voix féminine :
La femme : « Paris pris. Gut pour vous. Vous prisonnier. Bon, prisonnier
L'Allemand : Non, nix prisonnier, moi kaput ».
Ils ont tous la frayeur d'être attaqués par les F.F.I.
Les grisettes, ou souris grises, jeunes Allemandes de l'armée qui tenaient l'important centre d'écoute de Croix-Caluyau, ont reçu l'ordre de se débrouiller pour rentrer de l'autre côté du Rhin : à pied, en vélo, elles s'en vont.
Le 26 août, l'interdiction a été sonnée de circuler à vélo.
Le 29 août, le couvre-feu est fixé à 20 heures.
Le 30, la Feldkommandantur quitte Le Cateau ; le soir, le poste d'écoute de Croix-Forest saute... il comprenait 90 chambres pour 180 guetteurs. Pour contrarier leurs recherches, les avions alliés lançaient de longues banderoles de papier d'étain qui couvraient rues et jardins. Les enfants s'en amusaient. Les vieilles gens prétendaient lors des premières chutes de ces papiers, que c'était des journaux sur des films, et cherchaient, en leurs caves, à lire ou voir au travers.
La nuit, les Allemands sonnent aux portes, frappent aux fenêtres, « de la lumière », réclament-ils ; les routes sont couvertes de clous, plus exactement d'ergots à pointes acérées « crève-pneus ». Route de Bohain, des S.S. furieux veulent exécuter une famille qu'ils rendent responsable de leurs avatars. Puis, c'est contre M. le maire, qu'on a été chercher, qu'ils tournent leur fureur. Mais le calme et la dignité de M. Ponsin apaisent leur courroux.
Derniers logements, le mercredi 30 août : officier de S.S. harassés avec une femme ordonnance, qui descend avec les bottes poussiéreuses ; il fait le salut hitlérien, « Heil Hitler ! ». Après six heures de repos, il part, disant « au revoir, auf wiedersehen »... non, pas d'au revoir... c'est un adieu définitif.
Jeudi 31 août
Avant de quitter l'usine Seydoux, les Allemands mettent le feu à des magasins bondés de matériel : pneus, moteurs d'avions. Ils empêchent les pompiers d'éteindre l'incendie, mais permettent de préserver les maisons voisines... Les garages catésiens, les ateliers Flaba, échappent de justesse à la destruction par le feu, après de longs palabres.
Tout ce qui roule est enlevé... autos, vélos, carrioles, chevaux. Les garages particuliers sont fracturés, les maison à portes cochères ouvertes de force.
Puis, au matin, des colonnes de carrioles russes avec de petits chevaux dévalent vers la Selle... pas de frein, une poutre maniée par le conducteur traîne sur le sol, pour freiner l'avance de ce véhicule primitif, venant de la Volga...
Détonations la nuit ! Les Allemands ont fait sauter trois arches du viaduc de Saint Benin. Le pont de Basuel, où passe aussi la ligne Paris-Bruxelles, saute aussi le matin.
1er septembre 1944
Et le cavalcade continue, toute la journée... cavalcade fleurie, mais pas de lauriers. Beaucoup de traînards quémandent « un verre d'eau s'il vous plaît ». Le ravitaillement n'est plus régulier. Les soldats font la queue aux portes des boulangers et croquent des pommes achetées aux marchands de fruits.
2 septembre
C'est l'arrière garde... l'autobus Roye-Compiègne les transporte, indiquant par où arrivent les libérateurs. Les officiers consultent les cartes, et le ciel. Autour de la ville, les Mosquitos tournent en rond, et bombardent en piqué les carrefours des routes de Basuel et Cambrai.
On apprend par le téléphone, qui est coupé brusquement, comme le courant électrique, que Cambrai a été libéré le matin à 10 heurs par les Anglais, marchant vers Douai-Lille.
… A 14 heures, changement d'atmosphère : des S.S. ont chargé leurs armes, et attendent le long des murs, et se postent aux croisements de rues... On ferme les volets. Un silence de mort règne sur la ville. Des camions s'arrêtent... des pièces d'artillerie sont braquées, près de l'église, Ruelle Wauters, Rue du Maréchal Mortier... A 6 heures, la prière des hommes, comme chaque premier samedi du mois, hommage à Note Dame de France, a lieu comme d'habitude, mais avancée d'une heure... Les avions alliés font dans les airs de véritables sarabandes (N.B.1).
N.B. 1 : 2 septembre, au propre de Cambrai : fête de l'officier catésien Jean Villette, tué à la Révolution et patron secondaire de sa ville natale. Au soir de sa fête, l'ennemi qu'il avait combattu sur le Rhin, avant 1789, quittait sa patrie, et le sol de ses descendants et compatriotes : coïncidence !
A la sortie, même branle-bas de combat... est-ce la bataille ? Mais à 9 heures, coups de sifflets, ordres gutturaux... la colonne s'ébranle, les S.S. ont grimpé dans les camions, ils s'en vont, non plus vers Charleville, mais descendant vers Valenciennes et sur Richemont-Forest, direction de Namur... Les Américains ont franchi l'Oise et la Sambre et sont au Mazinghien et à Catillon.
Landrecies et Maubeuge étaient libérés cet après-midi. Haspres sur la Selle avait été délivré à 17 heures. Le Cateau restait dans le fond d'une poche... qui se vidait, de Compiègne à Mons. Dès le 2 septembre, les Américains entraient en Belgique. Arras et Verdun étaient aussi libérés.
Des camions hors d'usage sont incendiés par les S.S. au départ. La cloche de l'église sonne le tocsin : c'est le glas des armées allemandes en retraite.
Un camion chargé de munitions est en panne dans la cour de la ferme Henniaux, face à l'Ermitage, en haut du Faubourg de Landrecies. Les Allemands ont ordre de le faire sauter. Mais des pourparlers s'engagent, car la ferme va flamber et être détruite... il y a du marchandage, et marché est conclu : la bâche est vendue 1 000 francs, les pneus 3 000 francs. Les nouveaux propriétaires poussent, avec les Allemands, le camion hors de la ferme, descendent le faubourg et l'immobilisent près de la petite chapelle, loin de toute habitation. Alors les Allemands y mettent le feu... il explosera une partie de la nuit.
3 septembre
La nuit est calme, sauf au matin, des détonations : les derniers Allemands ont fait sauter les pièces d'artillerie face à la maison Flaba et Ruelle Wauters, avant de se replier sur la Chaussée Brunehaut. A 7 heures, des motocyclistes croisent, près du Jet d'eau, l'aumônier du pensionnat Notre Dame d'Espérance, qui monte au château pour y dire sa messe.
… A 9 heures, des Allemands étaient encore à Basuel, et se repliaient sur le bois du Pommereuil. A 10 heures, les drapeaux français, alliés, flottent aux fenêtres. Un Américain est arrivé à la gare du Nord... venant de la ferme de Bodival. La messe est écourtée. A la sortie de l'église, un F.F.I., genou en terre, calot en tête, met en joue la foule... Il surveille le bulbe du clocher où un Allemand pourrait être posté comme guetteur : on dirait un volontaire de 1793 ou de 1830...
On entend des détonations : des F.F.I. catésiens ont attaqué une pièce allemande de D.C.A., Route de Fesmy, au deuxième pont. De Bodival, les Américains tirent sur Richemont et Forest ; leur tir est dirigé par un avion observateur.
A midi, toute résistance a cessé... une ambulance américaine venant de Maretz (N.B. 1), par la Chaussée Brunehaut, monte la Place, allant vers la gare ; Le Cateau est libéré...
Des sonneurs bénévoles mettent en branle les cloches de l'église, à toute volée, elles chantent la délivrance. Et les F.F.I. du Cateau défilent devant l'hôtel de ville où le carillon, qui ne s'est jamais tu, narguant l'occupant avec ses gaies chansons françaises, chante en leur honneur, « La Madelon » et « La gloire immortelle de nos aïeux », des soldats de Faust.
N.B. 1 : Réflexions des F.F.I. De Maretz, à l'arrivée des Américains : « ils arrivent quand nous avons fait tout le travail ».
A l'hôpital Paturle, on amène les blessés : 27 civils et 36 Allemands, qui venaient des côtes, et avaient été surpris près du Cateau par l'arrivée des alliés... Un groupe de S.S. s'est retranché dans le cimetière international, au dessus de la ville et de Montay. En voulant les capturer, Jean Carpezat, le boulanger Belin et d'autres braves, ont été tués. Les Allemands, au nombre d'une cinquantaine, étaient bien armés, avec réserve de munitions.
Leurs coups de feu répondent à la Marseillaise et à l'Internationale, chantés à 16 heures, au monument aux morts, et troublent la cérémonie et le discours du maire, prononcé au balcon de l'hôtel de ville... des paisibles promeneurs, se reposent sous les calmes ombrages du parc Fénelon.
L'aide américaine est demandée pour briser cet ultime noyau de résistance. Quelques autos mitrailleuses sont détachées des colonnes qui, ayant quitté Bodival à midi, avaient à travers champs, atteint et dépassé la route 39, continuant sur Le Pommereuil et cernant le Bois-Lévêque. A 15 heures, par Becquériaux, ils gagnaient Bazuel.
A 18 H 30, arrivent de Bazuel, les blindés américains : des monstres d'acier, forteresses roulantes, et roulant sans bruit sur des chenillettes de caoutchouc. Comme le dragon des contes de fées ou de la mythologie germanique, dompté par Siegfried, (Fafner, monstre qui crache et vomit le feu), ils lancent des étincelles bleues au pont arrière... Les Américains, avec deux doigts écartés en V, font de lents saluts bénisseurs... ils sont acclamés ! Vin, gâteaux, champagne, leur sont offerts... Ils jettent aux enfants cigarettes, bonbons au citron, chewyng gum (orthographe du Dr Tison).
Pas de camouflage de verdure... mais des filets qui emboîtent le casque du soldat et recouvrent la carapace des mastodontes dont le défilé ne cessera qu'à la nuit noire, à 10 heures. (N.B. 1)
N.B. 1 : Le même jour que Le Cateau, qui était le 5ème anniversaire de l'entrée en guerre de la France, Bruxelles, Lyon, étaient délivrés, la capitale belge par les Anglais, Lyon par les Français, et les Américains franchissaient la Meuse près de Namur.
Sept morts de civils français assombrissent malheureusement cette journée d'enthousiasme... Les héroïques F.F.I. qui avaient voulu, avec leur fusil de chasse, attaquer les S.S. puissamment armés de mitraillettes... Avoine et Albert Moguet, adjudant, prisonnier rapatrié, fusillés le matin près de Richemont, alors qu'ils s'étaient hasardés sur le chemin de bataille.
Il y a des blessés... Donneur de sang, lors des transfusions, le dunkerquois Depuydt, blessé grièvement à la tête, lors de l'attaque de la pièce allemande de D.C.A., au pont de Fesmy... il doit être trépané, et soigné dans le service parisien des blessés du crâne ; il en restera infirme.
Deux morts parmi les blessés allemands, la plupart jeunes recrues de 16 ans, qui tremblent devant les F.F.I., et qui pleurent de douleur physique et morale... Le Dr Hutin opère, et le service hospitalier panse les plaies, avec douceur et réconfort. Sous le signe de la Croix-Rouge, il n'y a plus d'ennemis... il n'y a plus que des blessés, frères par la souffrance, qui réclament leur « maman », et qu'une bonne parole finit par endormir.
14 hommes
Morts du 3 septembre 1944
- Jean Carpezat, 20 ans, au Cateau
- Gaston Théry, 27 ans
- Gustave Belin, 45 ans, à Montay
- Gabriel Barousaud,(?) 25 ans, à Limoges (?)
- Maurice ? , 32 ans, à Serillac, Corrèze
Blessés au crâne
- Grumiaux (?)
- Depuydt, Rue de Fesmy
Tués, Route de Richemont, le matin
- Gaston Avoine, 49 ans
- Albert Moguet, 38 ans
- voisins, Rue de l'Ecaille
Accidents de l'hôpital, 14 septembre
- Paul Hanappe, 22 ans, Rue des Hurées
- tué à la relève des F.F.I.
Déportés morts en captivité
- Lieutenant colonel Édouard Richez, à Gross Rosen
- Ernest Coquio, à (?)
- Maurice Thuru
- Théophile Boyer
4 septembre
Et de 10 heures à 12 heures, reprit le défilé des chars et autos américaines, venant cette fois de Cambrai, traversant la Place au Bois, passant devant l'église, pour monter vers Wassigny, Guise... rythme ultra rapide, souplesse étonnante des petites jeep qui font l'admiration des connaisseurs... Parfois, des prisonniers allemands cueillis en route, sont allongés, échevelés, sur le capot. Chaque véhicule porte le nom d'une marraine, d'une star, d'une fiancée. A la craie, des noms ont été tracés sur la carrosserie des gris mastodontes, Fresnes-Solesmes, suivis de noms et prénoms : une agence ambulante de renseignements a été ainsi imaginée par des débrouillards, des Catésiens l'ont utilisée aussitôt...
… Sur toutes les routes nationales et départementales du Nord continuait l'avance prodigieuse des blindés et chars alliés. Du 15 août au 15 septembre, les Canadiens avaient progressé de Falaise à Bruges, les Britanniques, de la Basse-Seine à Anvers par Bruxelles ; nos libérateurs américains, partis d'Argentan, gagnaient Liège et Luxembourg... Campagne foudroyante, qui n'avait pas eu sa pareille depuis l'épopée napoléonienne à travers l'Europe, qui s'arrêta sur le Moselle, aux approches de la ligne Siegfried, et à l'embouchure du Rhin et de la Meuse.
L'après midi du lundi 4 septembre nous fait reculer de quatre siècles en arrière... atmosphère de kermesse, où les casques plats américains rappellent les « bourguignottes » des soldats de Charles Quint... Un capucin, pieds nus, retenu au Cateau par la libération, dans sa robe de bure archaïque, traverse la foule, mais il n'a pas à exercer son ministère, il n'y a pas d'exécution capitale, mais des opérations symboliques. Il manque le pilori, jadis appelé « chaise d'infamie », colonne de pierre haut perchée sur un socle important, près des prisons de l'hôtel de ville. On y aurait installé les malheureuses femmes, que le jugement populaire condamna à la perte de la chevelure... elles sont juchées de force au balcon de l'hôtel de ville, qui n'était pas destiné à cet usage, et, lentement, les ciseaux, puis la tondeuse, rasent leur tête. La foule crie, trépigne, se pâme d'aise...
Les véritables coupables ont-elles été passées à la tondeuse ? Des innocentes, comme toujours, ont été victimes de vengeances personnelles (N.B. 1). Elles expient pour d'autres, pour les terribles tortures que la Gestapo allemande, la police secrète de ces soldats avec qui certaines ont trompés leurs époux ou oublié leur dignité de Française... pour les martyrs d'Ascq, pour ceux qui sont morts dans les camps « de la mort lente » et scientifique, à Compiègne, ou suppliciés dans des laboratoires de torture,... auprès desquelles, les chambres à gaz et les piqûres anesthésiantes du Docteur Petiot n'étaient que pratiques de mort humanitaire... comme la guillotine de Dr Guillotin, lors de la Révolution, avait préservé de la pendaison et de la hache, les pauvres victimes de ces jours de justice sommaire.
N.B. 1 : « Que celle qui resta « pure » de tout sentiment de lucre ou de faiblesse, qui demeura « incorruptible » aux tentations de l'argent de l'occupant, leur coupe la première mèche de cheveux ».
La proclamation du maire, Charles Ponsin, rappelait, après la joie délirante de la libération, « la gravité des grandes heures que nous vivons à la veille d'une victoire si chèrement acquise, après cinq années de sacrifices, de ruines et de deuils cruels. »
« Pas de représailles, il y a une justice en France pour reconnaître et frapper les vrais coupables. Sachons nous élever à la hauteur de ceux qui souffrent, qui combattent et qui meurent pour nous ».
6 septembre
Le mercredi 6 septembre, Le Cateau célèbre ses morts par des funérailles solennelles. Un immense catafalque a été dressé dans la cour du Palais, témoin des jours fastes et néfastes de l'histoire de la ville. Sept cercueils y sont alignés ; des F.F.I., chemise kaki, béret alpin, portant le brassard tricolore timbré de la croix de Lorraine, montent la garde d'honneur. Lorsque le cortège funèbre entre à l'église, des Américains font la haie et présentent les armes.
Au cimetière, d'émouvants discours saluent les victimes de la libération du Cateau, frères des martyrs de 1914-1918, de 1940, des prisonniers décédés, des ouvriers déportés.
Cinq années de guerre... et elle n'est pas terminée, ont cumulé ruines sur ruines... Unis sous les plis du drapeau tricolore, les survivants, les préservés, comme les Catésiens, dont la cité a été miraculeusement préservée, doivent travailler pour que finisse la guerre, et qu'une nouvelle France, plus belle, ressuscite.
C'est le thème des discours que le général de Gaulle, chef du gouvernement français provisoire, adresse au peuple de France, lors de son voyage aux grandes villes martyres.
Le 3 octobre, il est à Lille, sa ville natale... Près de lui, la robe blanche du R.P. Carrière, natif d'Armentières, religieux dominicain et vice-président de l'assemblée consultative d'Alger qui, complétée, s'installe au Palais du Sénat à Paris. Union sacrée de tous, pour reconstruire un nouvel ordre social dans la fraternité.
Le prieur des Carmes, le R.P. Philippe, membre du Conseil supérieur de la résistance dans la capitale, salue dans un meeting, ses « frères communistes ».
L'amiral Thierry d'Argenlieu, chef de la Flotte libre, et libérée, renoue les traditions moyenâgeuses des moines soldats ou marins... dans le civil, il était prieur du couvent des Carmes de Paris.
Octobre 1944
A la rentrée d'octobre, le collège du Cateau rend hommage à la France combattante : tous les élèves assistent à la levée des trois couleurs, devant la plaque du souvenir, où sont gravés les noms des anciens « morts pour la France ».
Un F.F.I., élève du collège, fait monter vers le ciel le drapeau tricolore... M. Dumeige, principal du Cateau, M. Gustave Claisse, président du Comité de Libération, prennent la parole avant l'émouvant discours de M. Charles Ponsin, maire du Cateau : il évoque les provinces d'Alsace, de Lorraine, la ville et la région de Dunkerque non libérées, la souffrance et les angoisses de cette jeunesse encore captive, et la dernière classe des écoliers alsaciens en 1871... qui écrivirent au tableau noir cette devise, d'après la nouvelle d'Alphonse Daudet... « ne jamais oublier »...
Les jeunes Dunkerquois pleurent... La cité de Jean Bart est toujours sous la botte allemande. Plusieurs des élèves du collège sont partis s'engager dans les forces qui rêvent de reprendre leur chère cité...
Bientôt, une nouvelle cérémonie aura lieu, à la même place... M. Nadal, principal du collège Jean Bart, commande à nouveau l'envol des trois couleurs, à la mémoire de l'héroïque Robert Blommet, un bond et doux Dunkerquois, aimé de tous, au Cateau, qui tomba au champ d'honneur, devant Dunkerque inondé, offrit sa vie pour le salut de sa terre natale, en digne fils de Jean Bart... M. Lequeux, second vice-président de la délégation municipale et ancien mutilé de guerre 1914-1918, déporté en 1941, salue la mémoire de Robert Blommet, fils adoptif du Cateau.
Un arrêté du 24 octobre 1944 ; du nouveau préfet du Nord, M. Verlomme, avait dissous l'ancien conseil municipal. En vertu de l'arrêté du 19 septembre de Monsieur le Commissaire régional de la République, M. Closon habilitait le préfet à prendre toutes décisions concernant l'organisation des pouvoirs publics en France après le libération.
Le 29 octobre, les membres de la délégation municipale étaient installés.
Délégation municipale provisoire
Le président en était M. Édouard Richez, le commandant Richez, actuellement détenu en Allemagne. Ses fonctions étaient remplies par Gustave Claisse, premier vice-président, assisté de M. Alfred Lequeux, déporté politique, Robert Poulin, Théodore Carpezat, respectivement second, troisième et quatrième vice-présidents.
Étaient membres de la délégation : Marcel Leduc, Mme Adèle Boyer, Marie-Louise Bernard, anciens prisonniers politiques ou femmes de déportés, Mrs Albert Wallez, ancien instituteur, Paul Bidot, grand mutilé amputé de la présente guerre, Henri Méresse, Marcel Eloire, Marcel Tondeur, Arthur Millot, Maurice Guillot, Jules Bacquelé, Pierre François, Julien Dherbécourt, huissier, Robert Angot, Émile Camut, représentants de la Résistance des groupements politiques.
Dans son allocution inaugurale, M. Claisse salua les absents, « Ma première pensée, dit-il, se porte vers nos aînés qui attendent la fin de leur martyre dans les geôles allemandes... le président Richez, l'imprimeur Boyer, ardent et intrépide optimiste, le Docteur Edmond Bernard, avec son bon sourire ».
Le nouveau conseil décida la réquisition des stocks de charbon supérieurs au maximum prévu pour les foyers domestiques, la visite des caves des particuliers, qui eut lieu à partir du 22 novembre, afin de donner aux malades une part de combustible.
Il réclama des pouvoirs publics la suppression des agents intermédiaires trop nombreux, faisant partie des commissions de répartition des denrées contingentées, cause de l'augmentation du coût de la vie. Il demanda l'augmentation des rations alimentaires et la suppression des largesses de l’État vis à vis de certaines catégories, qui semblent toujours avoir été privilégiées. Une proposition tendant à donner à des rues du Cateau les noms des F.F.I. morts pour la France sur le territoire de notre cité, est mise à l'étude.
1er novembre
Le jour de la Toussaint 1944 fut celui de l'union sacrée dans le culte des morts. Drapeaux tricolores et drapeaux rouges portant la faucille et le marteau soviétiques, clergé et délégation municipale, toutes les sociétés locales rendirent au cimetière un pieux hommage à tous ceux qui donnèrent leur vie pour la liberté et un meilleur sort de leurs frères, les hommes.
Depuis la libération, les drapeaux de tous les alliés flottaient au balcon de l'hôtel de ville (N.B. 1) et celui de l'Union soviétique rappela la vaillance des armées russes, pour l'écrasement du nazisme.
Des blessés russes avaient été soignés, puis « camouflés » à l'hôpital Paturle, dès mars 1944. D'autres étaient cachés dans les fermes, ou en ville... souvent ils étonnèrent par leur connaissance de la mécanique les Américains qui les délivrèrent.
B.B. 1
Français, américains, russe et anglais : le 11 novembre 1944, M. Churchill est acclamé à Paris ; le peuple de la capitale reconnaît en Churchill l'âme de la résistance anglaise, et aussi celui qui ne doute pas de la France. Comme l'avait déclaré le général de Gaulle : « Churchill comprit en 1940, que le poignée d'évadés que l'on appelait alors les Français libres, portaient en eux l'avenir de la France, et les fit aider largement ».
Le 23 novembre 1944, les blindés français entraient à Strasbourg (division Leclerc). Le 19, Metz avait été libéré par les Américains (armée du général Patton). Le 20, les Français occupaient Belfort, et le 21 , Mulhouse (armée du général de Lattre de Tassigny).
Ce 1er novembre 1944, la Russie était libérée de l'occupant allemand ; les armées soviétiques occupaient Varsovie, Belgrade, après la Roumanie, et marchaient sur Budapest...
Aux Philippines, les Américains infligeaient de cuisants revers à la flotte et aux forces terrestres japonaises.
En Italie, les Anglais avaient libéré Florence.
Viaduc de Saint Benin
Le but de la promenade favorite du dimanche était, en ce mois de novembre, pour les Catésiens, le viaduc de Saint Benin.
Les Allemands avaient fait sauter trois arches, faisant deux brèches chacune de 35 mètres de long, sur 25 mètres de hauteur... Les blocs qui gisaient au sol pesaient 400 000 Kilogs chacun. L'un d'eux, tombé dans le lit de la rivière, la Selle, l'avait obstruée ; par suite de ce barrage, les eaux s'étaient répandues en amont, inondant la vallée et entourant le moulin Chamberlain d'un lac artificiel. Le moulin ressemblait à un château fort isolé par la rupture de digues, contre une attaque éventuelle...
Le 16 octobre, le travail de réfection du viaduc commençait. Il fallut libérer le lit de la rivière par de puissantes charges d'explosifs... construire des supports métalliques et y lancer deux tabliers d'acier, de 35 mètres chacun.
1er décembre
Le 1er décembre, jour de Saint Éloi, les travaux étaient terminés, avec 15 jours d'avance sur (le calendrier) prévu. Le viaduc de Saint Benin, long de 180 mètres, rétablissait la ligne Paris-Bruxelles. Le même jour, la gare de Busigny était rendue au trafic, et les trains, chargés de troupes américaines, passaient lentement, sur le pont de Saint Benin et le pont de Basuel, réparés provisoirement.
En décembre, arrivaient au Cateau des colonnes de camions, conduits par des soldats américains de couleur. Ces soldats noirs, ce sont les « quartier master », service de ravitaillement de la 9ème armée aérienne. Ils s'installent à la fabrique Seydoux, dans la brasserie Scalabrino. Superbes gars, très soignés, aux bracelets et chaînes d'or... ou de simili. Ils ont beaucoup de succès auprès des enfants ; ils adorent le jazz et le swing, et des fenêtres souvent ouvertes de la maison Lefebvre Scalabrino, s'échappent de nostalgiques chansons des Antilles, des airs de banjo, des chants tristes ou au rythme endiablé.
Leurs camions et leurs « jeeps » roulent à toute allure sur les routes... les bornes du Marché aux chevaux tombent comme des quilles, sous le choc des bolides transporteurs d'essence.
Dernière offensive allemandes
Le 20 décembre, ils filent encore plus vite : c'est que les Allemands ont rompu le front le 17, dans le massif des Ardennes, sur la lisière du Luxembourg ; par une brèche de 80 kilomètres, les blindés de von Rundstedt, qui a remplacé Rommel, décédé des suites de ses blessures (N.B. 1) reçues à Lisieux, s'avancent vers la Meuse, et menacent Sedan et Namur... Garel... le couvre feu est sonné au Cateau à 20 heures. Le brouillard entrave la riposte de l'aviation alliée.
Mais, le 23, le soleil paraît, avec le froid et le gel... Les vaillants défenseurs d'Echternach ont tenu bon, et les lourds bombardiers alliés pilonnent les voies de communication allemandes... L'offensive est enrayée.
Von Rundstedt devra bientôt rétrograder (N.B. 2) ... Il avait promis à ses soldats de passer la Noël à Bruxelles, et de commencer l'année 1945 à Anvers et à Paris... c'est le Rhin qu'il leur faudra bientôt défendre, et abandonner...
Mais Liège et Anvers ont souffert des bombardements de V1 et V2, comme Londres, et notre région connaît, en cette fin d'année, des alertes fréquentes. La nuit, des avions allemands mitraillent les gares de Hirson à Busigny et les cheminots sont leurs victimes.
Le 1er janvier, c'est la dernière alerte...
N.B. 1 : Non, empoisonné par ce nouveau Néron qu'était Hitler, lors de sa convalescence.
N.B. 2 : Ce dimanche 23 décembre, des chars allemands ayant franchi le Meuse, passant par la trouée de Philippeville, s'avançaient jusqu'à 40 Km de Maubeuge, et restèrent en panne d'essence.
L'hiver a commencé son offensive, et ce dernier hiver de guerre est dur et pénible. Le charbon manque, le ravitaillement est insuffisant. La France meurtrie soit se consacrer avant tout à réparer ses ruines... rétablir ponts et routes. Le peu de matériel roulant qui lui reste sert à transporter munitions et soldats qui montent vers le Luxembourg, l'Alsace.
Les Catésiens ont la chance d'avoir conservé leurs maisons intactes ; ils ont, plus heureux que tant de Français, un toit pour s'abriter... Le Cateau a été, en cette guerre, occupé et libéré avec peu de dégâts, et les bombardements aériens l'ont épargné.
Fin septembre, comme leurs ancêtres au Moyen Âge, les Catésiens accueillaient avec ferveur et reconnaissance, non la fierte des reliques de la cathédrale de Cambrai, mais l'image elle-même de Notre Dame de Grâce,... qui allait de village en village et de ville en ville, portée par les hommes, pieds nus, et chantant les cantiques de leur enfance. Les Catésiens se souvenaient que leur ville était cité mariale, et que son premier nom avait été le « Château Sainte Marie », protectrice du château fort, origine du « Chastel en Cambrésis », l'actuel « Le Cateau ».Télécharger la retranscription en PDF (partie 8, 232 Ko)
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