Monographies
des communes du canton du Cateau-Cambrésis

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La mort du Maréchal Mortier

Au lendemain des fêtes qui célébrèrent l’anniversaire des « trois glorieuses » journées de juillet 1830, les Catésiens apprirent avec horreur la fin tragique du Maréchal Mortier. Ce fut l’une des victimes de l’attentat du 28 juillet contre la famille royale.

Un terroriste, Fieschi, avait imaginé, Boulevard du Temple, de mitrailler le roi et son cortège avec une machine infernale, faite de 24 canons d’armes à feu, bourrée de poudre et de balles. Que reprochait-on au roi bourgeois que l’on représentait avec un parapluie prosaïque ?

Pour les royalistes, il était l’usurpateur de la couronne légitime du duc de Bordeaux. Pour les républicains, c’était un traître qui avait empêché l’avènement de la liberté. Les Bonapartistes, non ralliés, faisaient chorus avec les libertaires ; des sociétés secrètes décrétaient l’assassinat de Louis Philippe. La police le savait et aussi qu’un attentat devait avoir lieu, au cours de la traditionnelle revue des gardes nationaux de Paris par le roi, le 28 juillet. Le roi, prévenu avait refusé de supprimer la revue et le Maréchal Mortier, qui avait été Ministre de la Guerre jusqu’au 12 mars de cette année 1835 et président du Conseil depuis le 18 novembre 1834, tint à être au côté du Roi. Et cependant, le brave Maréchal avait enfreint les ordres de son médecin pour venir à Paris, quittant son château de Sceaux – il était souffrant et fut incommodé au départ du cortège… on l’invita à se retirer, mais le Maréchal de répondre : « Ma place est auprès du Roi, des maréchaux, mes compagnons d’armes… et puis, s’il y a du danger, avec ma haute taille, je préserverai peut-être le Roi et les princes, ses fils ».

Le Maréchal fut blessé mortellement d’une balle à la tête par l’un des projectiles… La volée de balles passa par-dessus la tête du Roi et n’atteignit que le haut de son chapeau à cornes. D’après Georges Caïn (Coins de Paris), « le glorieux Maréchal expira, couché sur une des tables de marbre du café Turc, où les blessés et les morts avaient été transportés » (p. 270). Non loin de là, près de la Bastille, était (en 1905, 9 rue de Neuilly) la Brasserie de l’Hortensia, tenue en 1789 par le fameux Santerre, de souche catésienne et cambrésienne, dont le jeune Mortier connaissait la famille. Bientôt tonitruant général de la garde nationale, Santerre déchaîna les effrayants bataillons du faubourg qui terrorisaient la Convention elle-même (id. p. 212).

Il suivait immédiatement le Roi avec le duc de Broglie, Président du Conseil, et Adolphe Thiers, ministre de l’Intérieur, qui furent indemnes, mais 42 victimes jonchaient le sol… avec le Maréchal, des officiers supérieurs, des grenadiers de la 8ème légion avec leur Colonel, M. Meunec, des spectateurs… cinq femmes du quartier et un apprenti de treize ans… il était onze heures.

Le cheval du Roi et ceux des princes furent atteints… ; continuant son métier de roi, Louis Philippe termina de passer la revue, il assista ensuite au défilé des troupes, sous un soleil torride, pendant plus de deux heures.

« Pauvre Maréchal, mon brave Mortier ». Ce fut l’adieu du roi à son grand dignitaire… au serviteur de la Patrie, épargné par les balles ennemies sur les champs de bataille… abattu au champ d’honneur du devoir.

Réaction au Cateau

Le 4 août, le conseil municipal du Cateau décide de rendre à ce digne compatriote les honneurs dus à son rang. Un service funèbre sera célébré à la mémoire de Mgr le Duc de Trévise, l’illustre Maréchal, dont la mort a frappé de douleur la population entière de la ville. Le dimanche 9 août, le conseil forme le vœu qu’un monument soit élevé pour perpétuer le souvenir de sa bravoure et de sa bonté ; la ville s’inscrit pour 2 000 francs, c’est le 5 août, jour des funérailles solennelles aux Invalides.

Haut dressé, le catafalque du Maréchal Mortier dominait les quatorze cénotaphes des victimes de l’attentat, seul, isolé, sous le Dôme qui allait recevoir, cinq ans plus tard, la dépouille mortelle de l’Empereur dont il avait été le fidèle soldat. « Adieu, mon vieil ami », dit une dernière fois, en sanglotant, le roi Louis Philippe.

Lettre de Mgr Belmas

Les Catésiens purent lire dans les gazettes les détails des obsèques… Mgr Belmas, dans une lettre pastorale, loua en ces termes le Maréchal Mortier : « Partie dominante du contingent que vous, mes chers diocésains, avez fourni à la gloire nationale… vous qui vous enorgueillissez d’avoir vu naître, dans ce département, un soldat qui, par sa bravoure et autres talents militaires, par une fidélité longtemps éprouvée, avait su se faire distinguer, au milieu de tant d’illustrations par un chef aussi habile appréciateur que juste rémunérateur du mérite ». Cette périphrase désignait l’Empereur Napoléon.

Mgr Belmas, en 1831 (pastorale du 4 février) avait prêché l’obéissance à l’autorité établie, citant le pape Zacharie enjoignant l’obéissance envers Pépin le Bref, en dépit de la survivance de Childéric III, le dernier roi mérovingien. Pie VI, bien que persécuté par le Directoire, avait recommandé aux Français de lui être soumis et Grégoire XVI recommandait aux évêques français la même attitude vis-à-vis de Louis Philippe.

Cette lettre provoque une vive émotion dans la presse légitimiste et chez les partisans d’Henri V, le duc de Bordeaux (Vie de Mgr Belmas, p. 401, Tome II, par le chanoine Mahieu) (Lettre sur le Maréchal Mortier, p. 360, Tome II).

Éloge du Comte Caffarelli

L’éloge funèbre du Maréchal duc de Trévise fut prononcé le 23 mai 1836 à la Chambre des Pairs du royaume par le Comte Caffarelli qui rappela sa longue carrière et ses titres, ses décorations aussi : « Grand-Croix de la Légion d’Honneur, Commandant du Christ du Portugal, Chevalier de la Couronne de Fer, Commandeur de l’ordre royal et militaire de St-Louis… ».

Il flétrit l’attentat, « déplorant les excès funestes auxquels peuvent se livrer les hommes en proie à des idées fausses sur l’organisation des sociétés et dont fut victime le meilleur des Français, dont il traça le portrait moral… »

« D’un caractère égal, d’humeur douce, il avait l’âme ferme et les goûts modérés, l’amour de l’humanité, le dévouement à sa Patrie et à ses devoirs, un sang-froid imperturbable au milieu des dangers », telles étaient les qualités dominantes de celui que nous pleurons, avec une épouse désolée et inconsolable…

Humbles ou éclatants témoignages

La Maréchale et ses enfants reçurent les preuves les plus touchantes des sentiments que lui conservaient les étrangers chez lesquels il avait exercé des commandements. En Hanovre, en Silésie, la douleur causée par sa mort fut exprimée par des cérémonies funèbres. L’Empereur de Russie adressa une lettre touchante à sa douce épouse, qui reçut aussi des messages de condoléances de soldats anglais, faits prisonniers en Espagne, et qui avaient été bien traités par le Maréchal ou grâce à son intervention charitable.

Imageries

Le portrait du brave Maréchal Mortier était populaire. Il n’avait pas échappé à la caricature, rançon de la popularité. Une estampe le représentait, Ministre de la Guerre « Grand Mortier, à petite portée »… portrait charge à qui Louis Philippe faisait cracher des décorations.

Anecdotes

On préférait l’image familière du Maréchal Mortier, en bonnet de coton, se chauffant à la cheminée d’une chaumière, la veille de Waterloo ; elle cadrait davantage avec ses goûts modestes de terrien, bon fils de fermier, s’intéressant à l’agriculture… à son château de Bousies, à ses propriétés du Cateau comme à ses dotations en Allemagne.

Il adorait la culture ; il échangea une curieuse correspondance avec le Général La Fayette, le héros de l’indépendance des États-Unis d’Amérique… le grand homme de 1830, sur les « cochons chinois » (les cobayes ou cochons d’Inde) et une variété de blé au rendement extraordinaire.

Il s’y connaissait en chevaux ; son haras de Bousies était renommé ; très attaché à ses chevaux de selle, il composa l’épitaphe de son coursier « Le Favori ». Son dernier cheval fut « La Perle », sur lequel il fut tué. La Perle méritait son nom : elle ne se cabrait pas à la salve car le Maréchal dressait avec méthode ses chevaux : dans les écuries de son hôtel de Paris, rue de Bourbon, devenue rue de Lille, il faisait distribuer l’avoine, tambour battant, pour habituer, en temps de paix et de repos, ces braves bêtes aux bruits de la guerre et de la bataille. La jument la Perle, survivant du 28 juillet 1835, finit ses jours au château de Sceaux, paissant l’herbe des gras pâturages. Tous les 15 août, la salve de deux canons évoquait le passé de son illustre maître ; le Baron Napoléon Mortier, le seul héritier mâle, réveillait alors l’airain silencieux de deux pièces d’artillerie qui avaient été jadis offertes à son père par le Hanovre, en reconnaissance de sa bienveillance de vainqueur et de sa justice de gouverneur.

Descendants du Maréchal Mortier

Napoléon fut le second duc de Trévise. Officier d’ordonnance du Roi en 1836, il devint officier supérieur d’état-major, sénateur du 2ème Empire. Il était le 3ème des six enfants du Maréchal, dont les 4ème et 5ème (fils et fille) moururent en bas âge.

L’aînée, Caroline, Marie-Anne, Eve, Marguerite, épousa Hypolyte Gueully, Marquis de Rumigny, pair de France, ambassadeur au Piémont.

La seconde fille, Malvina, était filleule de l’Empereur… admirateur d’Ossian, barde écossais, qui allait unir son fils Oscar à la belle Malvina. Napoléon donna le nom d’Oscar au fils du général Bernadotte, son filleul, qui, après son père, monta sur le trône de Suède et régna sous ce nom d’Oscar Ier.

Le dernier enfant, Eve, portait le nom de sa mère, épousa César, comte Gudin, ancien page de Napoléon Ier qui devint général et sénateur du second Empire.

En 1836, il était lieutenant-colonel au 7ème régiment de chasseurs à cheval à Provins (Un neveu du Maréchal Mortier, Mortier, était ambassadeur de France à la Haye en 1837 ; il était gendre de M. Cordier, directeur général du domaine (Lettre Morcrette Jh. Nicolas, négociant à Paris).

(D’après l’acte de vente de l’hôtel de France, 1836, au Cateau, face au Palais) emplacement de l’étude de Maître Macron-Bricout, renseignements puisés aux archives de l’étude). Les ducs de Trévise conservent l’hôtel… maison familiale, solide construction bourgeoise, occupée par Monsieur Dubail, carrossier ; elle a jusqu’à ce jour (21 mai 1944) échappée aux destructions des guerres et des hommes.

Une autre petite-fille du Maréchal Mortier habite au Cateau, sous le costume de chanoinesse de la Congrégation N. D. incognito… elle ne pourrait plus répondre ce qu’elle répliqua à une visiteuse indiscrète, alors qu’elle habitait en Belgique, qui la questionnait sur sa famille. J’ai mon grand-père au Cateau, il demeure sur la grande place… et la curieuse ne trouva pas l’habitacle car, depuis le vendredi 18 mai, la statue du Maréchal Mortier est partie… enlevée par le service de récupération des métaux non ferreux ; il paie son tribut au lourd impôt métal. Mais il est rentré depuis…

Des pivoines, des aubépines fleurissent son socle. Des vieux Catésiens pleuraient… consolés par l’assurance qu’ils reverraient, en des jours meilleurs, la statue de bronze… ayant hélas perdu cette patine vert de grisée qui donnait au Maréchal la vêture d’un immortel… de l’Académie (Académicien, le Maréchal le fut presque… membre de la Société d’Émulation de Cambrai, membre de la Société du Nord, fondée en 1825, qui réunissait les plus éminents des septentrionaux ; il avait présidé leur séance du 20 avril 1835. « C’était, dit le compte-rendu de cette séance, la dernière fois que les Enfants du Nord devaient l’avoir au milieu d’eux, recueillir ses paroles bienveillantes, s’entretenir avec lui des souvenirs du pays qu’il aimait tant à rappeler »).

Le monument

Théophile Bra, statuaire de Douai, fut choisi pour reproduire les traits du grand soldat. Le premier projet prévoyait une statue pédestre (nous dirons « en pied ») de 7 pieds de haut environ, sculptée en marbre blanc, élevée sur un piédestal. Le 7 novembre 1835, le conseil examine « l’esquisse faite par Monsieur Bra » et considère que « le Maréchal est représenté dans l’attitude qui convient à la carrière militaire qu’il a parcourue et aux souvenirs que le monument est destiné à perpétuer, confiant d’ailleurs dans le mérite de l’artiste illustre auquel est confié l’exécution du monument. »

Quand le roi vit le buste, à lui présenté, il s’écria avec émotion : « C’est lui, c’est notre bon et brave Maréchal… On dirait qu’il vient à moi ».

Où serait placé le monument ? Sur la place, face à l’hôtel-de-ville ? demande le conseil ; mais il y a des objections… ne va-t-il pas être un obstacle à la circulation intense, sur le marché au bois, près du tournant de la route royale… les chevaux ne vont-ils pas se cabrer, prendre peur… et le Maréchal Mortier sera cause d’accidents graves, peut-être mortels ? Les timorés voudraient qu’on plaçât la statue loin du centre, au faubourg de France, près de sa maison natale. Monsieur de Baralle, architecte départemental, sera pour ce dernier projet, mais le conseil municipal tiendra bon ; il concède que le monument ne pourra occuper plus de quinze pieds carrés de surface.

Monsieur le Préfet sera instamment prié de nommer la Commission départementale pour l’érection de la statue et de solliciter de la munificence du gouvernement le don des marbres nécessaires.

Mais le gouvernement est peu généreux… et aussi les souscripteurs. La collecte faite parmi les députés du Nord ne rapporte que 690 francs. Monsieur le Comte d’Estourmel, général sous l’Empire, l’ancien député de la noblesse aux États Généraux pour le Cambrésis, en a pris l’initiative généreuse.

3 septembre 1835

Ont souscrits : le Vicomte d’Haubersard, le Lieutenant-Général Baron Méchin, préfet (du Nord), Demont, De Lamartine, le poète, député de Bergues, ont répondu à l’appel… et dans cette somme de 690 francs est compris le don de Monsieur Paturle, ancien député du Nord, actuellement député de la seine, manufacturier au Cateau.

La souscription en ville, ouverte chez les notaires de la ville, Bricout, Napoléon Deudon, Charles Carlier et Hector Flayelle, a donné 1 000 francs ; c’est maigre…

14 mars 1837

Le Président de la commission du monument est le lieutenant-général Comte Corbineau, pair de France, Commandant de la 16ème division militaire. Par économie, la statue est coulée en bronze, mais on est loin du compte… et le déficit est considérable. Le Comte Corbineau sollicite de nouveaux fonds de la ville.

Mais la ville du Cateau ne peut pas faire plus. Le conseil rappelle qu’il s’agit d’un monument national, que la cité natale du grand disparu a versé sa part locale, vu « les faibles ressources de la ville qui manque d’abattoir, d’hospice de vieillards et d’établissements utiles ». Les Catésiens ont fait leur possible.

22 avril

Le Comte Corbineau ne l’entend pas ainsi ; il entend que la commission du monument s’empare de la direction de l’érection ; il menace la ville de lui enlever sa statue… on l’érigera à Cambrai, par exemple ; c’est de la part de Monsieur le Comte de Corbineau outrepasser ses attributions. Le conseil municipal le lui rappelle et une correspondance aigre douce s’ensuit.

Le monument sera donc installé sous le signe de l’économie. La ville vient de recevoir, le 11 mai 1837, un buste du Maréchal, envoi du roi et destiné à orner l’hôtel de ses séances, la mairie. Mais il y a les frais de transport : 84 frs 24, à régler au voiturier, plus la confection d’une colonne destinée à soutenir le buste ; coût : 228 francs, frais en sus…

Le buste préside depuis lors (plus de cent ans) à l’union de nombreuses générations dans la salle des mariages. Ce buste, offert par Sa Majesté, fut inauguré le 30 juillet 1837. Deux discours furent prononcés dans la grande salle de l’hôtel-de-ville, l’un par Monsieur Sartiaux, maire, l’autre par Monsieur Colomb, premier adjoint, ancien officier.

La colonne est petite dépense à côté du socle qui devra supporter le bronze du Maréchal Mortier. Le conseil vote, le 13 octobre 1837, 2 500 francs pour le piédestal, modèle proposé par Monsieur de Baralle, « seul, digne de la mémoire de cet illustre Maréchal ». La commission, enfin apaisée, alloue 3 000 francs, ce qui complétera les 5 500 francs de travaux prévus par Monsieur de Baralle.

Pour réduire les dépenses, les matériaux de soubassement sont fournis par la démolition des vieilles portes de France et Eauresse (nov 35). « Ne recevant plus de réparation, tombant en ruines, d’aspect désagréable à la vue, nuisant à la circulation des voitures, ces portes arrêtent de plus les courants d’air et forment des cloaques où s’amoncellent les immondices… Les matériaux encore bons seront employés au soubassement du monument du Maréchal » ([les] pierres bleues provenant de la porte de France furent vendues, par adjudication au parvis de l’église, par Me Carlier, notaire, le 11 janvier 1838. Monsieur Charles Lesage, docteur en médecine et juge de paix, fut le dernier enchérisseur pour 255 francs ; il construisit une maison, hors de la dite Porte, et utilisa les pierres qui étaient à pied d’œuvre).

Quant à la Porte de Cambrai, elle subit le même sort le 17 avril 1838, Me Deudon la vendit en l’hôtel-de-ville. Les adjudicataires des matériaux devaient le démolir : Monsieur Fidèle Armand Boudart, négociant, acheta la vieille Porte Lévêque, antique et rafistolée, pour 465 francs. La suppression des portes Saint-Martin et Landrecies fut aussi décidée.

Mais le devis de Monsieur de Baralle fut dépassé… il fallait une grille contre les déprédations des gamins… ou la fougue des coursiers des cabriolets ; des motifs de canons, grenades devaient la décorer ; de 5 500 francs, le devis avait atteint 7 000 francs et il manquait encore 995 francs 50… ; le conseil refuse, le 9 mars 1838, de voter de nouveaux fonds et maintient l’emplacement primitif, en haut de la Place, près du puits, quoique Monsieur de Baralle prétende que cet emplacement soit plus onéreux à consolider.

Ce n’est que le 14 janvier 1839, quatre mois après l’inauguration du monument, que la question reviendra au conseil municipal. Le Préfet invité, des détails lui sont demandés…, le conseil qui vote à cette date 150 000 francs pour la chaussée du Cateau à Bohain, comme route départementale, refuse encore un coup de payer le reliquat.

Inauguration du monument

Peu avant la ducasse de Saint-Mathieu, le 16 septembre 1839, « l’an neuvième du règne de Louis Philippe, 1er roi des Français (ainsi commence le compte-rendu officiel et solennel) » fut procédé à l’inauguration de la statue pédestre et colossale, en bronze, de feu Monsieur Édouard Mortier, Maréchal, duc de Trévise… (suit le long énoncé de ses titres et dignités), né au Cateau-Cambrésis le 13 février 1768, frappé par l’explosion d’une machine infernale et mort à côté du roi le 28 juillet 1835.

« Nous, Alexandre Edme, Baron Méchin, Préfet du Nord (je asse sur les fonctions honorifiques et décorations), nous nous sommes rendus en cortège, à la tête des autorités publiques et des membres de la commission du monument, ayant à notre droite Monsieur le Duc de Trévise, fils unique de Monsieur le Maréchal, sur le terrain où la statue est érigée ».

Les gardes nationales des environs, des troupes de ligne de la garnison de Cambrai rendirent les honneurs et faisaient la haie. « Le voile qui couvrait la statue s’étant abaissé, une salve d’honneur de 13 coups de canon a annoncé au pays que l’image de l’illustre Maréchal était livrée à son admiration et à son respect ». Un discours du Préfet du Nord précéda la mise en place, dans les fondations du monument, de médailles et du procès-verbal de la cérémonie, avec le nom du statuaire, des membres de la commission, des souscripteurs (en tête desquels le trouve le nom du roi).

Commission du monument

  • Comte Corbineau, Préfet du Nord, président.
  • Lorain, vice-président du Tribunal de Lille, vice-président.
  • Baron de Brigode, pair de France.
  • Bigo, maire de Lille.
  • Auguste Richebé, conseiller d’arrondissement de Lille.
  • Bernos, conseiller de Préfecture.
  • Montigny-Campon, colonel de la garde nationale de Lille.
  • Edouard Raynaut, Albert de Roucroy, propriétaire à Lille.
  • Victor Leplus, architecte du département à Lille.
  • Dibos, receveur percepteur à Lille, secrétaire trésorier.

Inscriptions

Le piédestal, fait de deux blocs superposés, est entouré d’une grille qui présente aux quatre angles un canon renversé. On y lit, sur la face regardant l’hôtel-de-ville, l’inscription suivante :

Au Maréchal Mortier, duc de Trévise,

Né au Cateau-Cambrésis, en 1768,

Mort, assassiné à Paris

A côté du Roi

Le 28 juillet 1835

Le Roi, les Princes

les Ministres, les Maréchaux, ses concitoyens

lui ont élevé ce monument

et sur la face opposée :

Mutten Thal, Hanovre

Diernstein, Ocana

Moscou, Lutzen

furent les principaux

théâtres de sa gloire.

Ducasses et marchés

Les habitués de la ducasse, ou fête communale St-Mathieu, purent admirer à leur aise la statue du brave Maréchal Mortier pendant les cinq jours de la kermesse, du 21 au 25 septembre, et aussi les marchands venus pour la « foire franche » durant 9 jours et commençant le 22, jour des bestiaux. « Les marchands étrangers y seront fort bien accueillis et protection leur sera accordée », déclare l’arrêté municipal annonçant ducasse et marché et lu aux quatre coins de la ville (1836).

Mâts de cocagne, jeux d’arcs, tirs à la cible, au fusil. De même à la Saint-Philippe du 1er mai, « un jeu de cible horizontale est ouvert gratuitement aux gardes nationaux et aux sapeurs-pompiers ».

1er prix : une louche d’argent.

2ème prix : 6 cuillères à café d’argent.

Les Compagnies d’arbalétriers et d’archers ont aussi leurs prix. Monsieur Crinon, conseiller municipal, arbitrera les difficultés qui pourraient opposer les joueurs d’arc, au faubourg de Cambrai.

Le dimanche, dernier jour de ducasse, avait lieu une attraction supplémentaire : sur la Place Verte, à 9 heures 1/2, la revue semestrielle des militaires en congé et des hommes de réserve « en uniforme » par les officiers de la garde, dont le notaire Napoléon Deudon et le propriétaire des moulins à eau, Napoléon Mouton, « en uniforme », c’est-à-dire avec la partie d’équipement que les militaires avaient été autorisés à emporter du régiment… képi, bonnet à poil,… qui les faisaient ressembler aux sapeurs de la garde nationale ou aux déjà légendaires grognards du Petit Caporal…

Vieilles gravures vers 1836

Des lithographies d’Adam et Jacotet ont fixé, vers 1836, la physionomie du Cateau un jour de foire (Victor Adam (1801 – 1866), spécialiste de la lithographie et grand artiste).

L’une représente le marché aux chevaux, un 22, hors la porte de Landrecies, démolie peu après ; une chapelle en ruine occupe le coin de la rue de la Fontaine à Gros Bouillons, sans doute dédiée jadis à la Vierge, qui donnait son nom antique à la Porte dite Notre-Dame de Grâce.

Une petite porte remplaçait, face à la maison Fr. Goffart, relais des postes, avec sa grande porte cochère pour les passages des « Cambrésiennes » où diligences des messageries rapides, la grand porte fermière de l’abbaye de St-André, dont les dépendances appartenaient à M. Chantreuil-Siraux. Beaucoup d’arbres encore, au pied du clocher, dont la flèche bulbeuse était plus élancée, il semblait tout au moins, car il n’y avait pas la gouttière carrée nécessitée par l’écoulement des eaux de pluie, qui en alourdit la base.

Maquignons et acheteurs font courir les chevaux, de grand matin ; on les retrouve l’après-midi dans la foule, lente et compacte qui remplit l’autre marché et la Place de la Halle aux grains : c’est le sujet de la seconde gravure : un dentiste ambulant, juché sur un char, attire la clientèle, promettant d’extraire sans douleurs les molaires barrées. « Menteur comme un arracheur de dents » murmurent les incrédules. Dans le fond, la silhouette de fer forgé du puits communal ; un important agent de police, coiffé d’un bicorne, revêtu de l’écharpe, portant culottes, essaie d’inspirer quelque terreur aux enfants terribles. Ils cassent les chaines des sonnettes, jettent des cailloux à la grande caserne, cassent les branches des arbres du parvis de l’église pour chasser les sansonnets du clocher ; ils abiment les pompes publiques (banales, dit le texte) en mettant en mouvement le balancier de façon irrégulière (1836, 18 mars) ; ils ont inventé un nouveau jeu… dangereux, avec des bâtons de bois trempés de phosphore rouge : on appelle « allumettes allemandes à la congrève » ces allume feux, nouveauté bien pratique qui doit remplacer la pierre à feu et le briquet d’amadou ; mais il y a u des accidents et, le 11 juillet 1837, le conseil municipal a défendu de vendre aux enfants ces engins, dangereux pour leur âge, « qui donnent du feu en les frottant légèrement ».

Près du garde de police, au beau costume, des portefaix chargent des sacs de grains. Comme les forts des Halles de Paris, ils forment une corporation de costauds, mettant en commun leurs petits bénéfices, qu’il a fallu limiter par juillet 1836, leur interdisant aussi, sous peine d’amende, les gros mots vis-à-vis des cultivateurs et marchands de grains.

Comme signes distinctifs, les portefaix de la Halle porteront dorénavant des médailles de cuivre rouge avec l’inscription : « Portefaix ville du Cateau » et numéro d’ordre ; les propos orduriers, l’état d’ivresse seront cause de suspension et ils percevront leurs droits à leur part de salaires mis en commun.

Les revendeurs publics portent aussi une plaque d’identité : probité et honnêteté doit être leur devise ; elles ne doivent rien d’acheter d’enfants ou de mineurs, sans autorisation des parents. Monsieur Egret est alors commissaire de police.

Gravures 1838 – 41

Une lithographie donne la vue perspective du monument du Maréchal Mortier. On y remarque les angles de la grille protectrice représentent des canons. Un piéton, à longue blouse de paysan, un élégant cavalier, qui doit porter un de ces foulards chinois à la mode de Paris et des dandys du Palais Royal, admirent le maréchal de bronze, cependant qu’un cabriolet découvert, avec une belle dame, contourne la statue ; le cheval est fringant, le conducteur semble l’apaiser… ; le cheval est-il effrayé par la majestueuse statue du bon Mortier qui aimait tant les chevaux ? Les vieilles maisons du marché au bois, avec fronton triangulaire ou colonnade classique, ont plus d’allure que leurs remplaçantes, nos contemporaines. La maison de Monsieur Lozé, ambassadeur de France, et sa voisine, jadis maison Thibaut et bureau des omnibus, dont la porte s’encadrait à l’automne d’une floraison de capucines aux teintes feu et rousse.

Pas de trottoirs alors sur la Place ; de gros tonneaux à l’entrée d’un café et les encadrements faisant saillir des escaliers de caves habitées par les pauvres gens…, ceux qui plus tard flânaient près de la statue, désœuvrés et qu’on allait chercher pour les coups durs et imprévus… charbon à encaver, corvée urgente ; on les appelait « les aides de camp du Maréchal Mortier ».

Hôtel-de-Ville

Une autre gravure représente le Maréchal de dos. Elle illustre le « Précis sur l’histoire du Cateau » de Ad. Bruyelle, en 1841. L’hôtel-de-ville en est le motif principal ; à droite, l’ancien hôtel de l’Ange avec sa porte cochère et le gracieux balcon de fer forgé qui le domine. Ce balcon est encore bien intact, mais la porte cochère est devenue boucherie et les deux corps de bâtiments sont le magasin de chaussures Wuillaume et le bureau de M. Ballin, géomètre.

Bibliothèque

Bientôt l’hôtel-de-ville abritait la bibliothèque communale, émigrée du collège ; elle y fut formée du vieux fonds de livres, en 1835, précieusement recueillis au dépôt littéraire de Cambrai par le bénédictin Dom Carville, principal du collège ressuscité, et abandonnés, parait-il, depuis sa mort dans les greniers du collège. Ce fonds constitue de précieux souvenirs du passé monastique et historique de notre région, avec ses volumes aux reliures fauves, de cuir frappé, et souvent marqués aux armes des abbés, de Vaucelles ou d’ailleurs…

Le Cateau était en période de prospérité et d’extension : de 1836 à 1841, le chiffre des habitants passait de 6 015 à 6 810 ; de 1826 à 1841, il était monté de 4 107 à 6 810.

Industrie

Elle la devait, cette prospérité, à la florissante industrie de la laine ; les fabriques de mérinos, au nombre de deux en 1841, d’après Bruyelle, où la cité comptait un amidonnier, un établissement de bains, 14 aubergistes, 1 cafetier limonadier, à l’instar de Paris, 10 corroyeurs tanneurs, 2 fabricants d’hydromel, 1 poissonnier, 1 restaurateur, 3 confiseurs pâtissiers et 2 saliniers.

Usine du Palais

L’industrie du coton connaissait des fortunes diverses depuis le départ de M. Hippolyte Boulet en 1828 ; vendu par la veuve Ladrière, devenue Mme Cesbron, de St-Quentin, à M. et Mme Lozé-Duminil en 1832 (Lozé-Duminil J. B. Antoine, né au Pommereuil en 1784, fils de Jean-Louis et Marie Rosalie Jh. Besse, pharmacien, époux de Marie Adrienne Charlotte Duminil – frère de Lozé Augustin Jh., né au Pommereuil en 1783 (Lozé aîné), pharmacien, époux de Marie Th. Geneviève Tilmant). Elle était, en 1833, dirigée par la société Largillière et Cie qui céda « Le Palais » à M. Bricout ; que de changements de propriétaires… alors que la firme Paturle-Lupin grandissait !

La seconde fabrique de mérinos, citée par Bruyelle, est sans doute celle du Baron de Fourment (François Cuglien [Luglien ?] de Fourment, demeurant à Frévent et dont le gérant catésien était M. Ognier en 1837. M. de Fourment occupait alors deux maisons de la veuve Henri Chantreuil, née Emélie Siraux, depuis 1832). Fourment (Baron François Cuglien de Fourment) était fabricant de mérinos au Cateau même en 1839 ; son tissage principal était à Cercamp-les-Frévent (Pas-de-Calais). En 1832 il avait, le 15 février, créé, pour la seconde fois, un tissage au Cateau. Madame Chantreuil reprenait en 1837 ses maisons.

Usine du mérinos

La manufacture du Mérinos, la seule qui survécut sous la vigoureuse impulsion de Charles Seydoux et de ses descendants, avait une succursale de la Caisse d’Epargne de Cambrai installée dans l’établissement. Réservée aux ouvriers, elle fut ouverte le 20 février 1838 à tous les habitants de la ville.

Le peignage se modernisait… la mécanique remployait progressivement les 3 000 peigneurs de laine qui travaillaient dans le canton et au-delà pour alimenter les broches de la filature.

Amidonnerie

L’installation de l’amidonnerie Copie-Corroyer en 1841 souleva de vives protestations. Elle fut l’objet d’une enquête parmi les habitants de la rue du Chêne Arnaut et des riverains de la Selle, en continuation de la rue des Récollets et des Tanneurs. Il y eut de fortes oppositions…

Hygiène

D’abord, Charles de la Fons, comme frère de Mélite de la Fons, propriétaire du jardin contigu n° 46 même rue, et au nom des héritiers de sa tante, Mme Tétard, née Zevallos… c’est l’ancien jardin de Zevallos dont le fronton portait, jusqu’il y a quinze ans, les armoiries de famille « chevalier casqué » avec la devise « Galeatus fortiter audet ».

Simon Lacomblez, Dehaussy-Flayelle, brasseur, Lavandier-Lestoquoy, Morcrette-Gallonde, brasseur, donnent les raisons suivantes pour l’interdiction de l’amidonnerie : « cette usine, située au sud de la ville, répandrait des miasmes morbifiques et corromperait (!) les eaux de la Selle qui sert aux brasseries ».

Auguste Jacqz et Ferdinand Jacqz, marchands tanneurs, prévoient « l’odeur infecte ».

Auguste Dormay, marchand brasseur, craint « l’odeur désagréable qui vicierait la fabrication de sa bière »

La femme Bertin, blanchisseuse, se voit ruinée car « les eaux sortant de l’amidonnerie rendraient celles de la rivière incommodes au lavage du linge ».

M. Hannequant-Pierrard, marchand tanneur, a des raisons météorologiques : « le vent qui souffle du Sud une grande partie de l’année empestera la ville ».

M. Hannequant-Parmentier, aussi marchand tanneur, s’associe aux raisons de son collègue… L’amidonnerie doit être interdite.

Mais M. le maire Sartiaux-Morcrette (« Sartiaux » né esclave et redevenu libre – correspondance privée 1837), que ses adversaires accusent de dictature, donne avis favorable et réduit à néant les arguments des riverains et voisins du n° 28, rue du Chêne Arnaud, en ces termes : « les opposants pour salubrité des eaux de la rivière n’ont jamais porté plainte sur les latrines, eaux sales et égouts de la ville ayant issue dans la rivière ».

Instruction

L’instruction des classes laborieuses préoccupait le maire du Cateau.

Sœurs

Pour les filles, tout allait pour le mieux. Les religieuses enseignaient à grand nombre d’enfants pauvres, filles d’indigents et leur subvention en 1836 était élevée à 1 000 francs. En 1839, elles ont plus de 200 jeunes filles pauvres.

Frères

Du côté des garçons, le collège végète, l’école des Frères refuse du monde. La ville demande un sixième frère et vote son traitement, 600 francs ; s’il n’arrive pas, 80 enfants devront être renvoyés chez eux. De plus, le sixième frère ferait le soir une classe destinée aux jeunes artisans ; mais le supérieur général ne peut accorder un frère faisant une classe le soir.

En 1839, un sixième frère est arrivé et on prévoit la venue d’un septième frère… qui recevra 800 francs pour son trousseau et 600 francs de traitement.

En 1844, Frère Agricole est directeur de l’Ecole chrétienne. Le conseil municipal demande au comité de l’instruction pour l’arrondissement de Cambrai de le nommer instituteur communal. Il s’appelle Vieillard et était né à Laval, dans l’Aisne, le 24 mars 1797.

Collège

C’est le collège qui doit prendre en main cette école mutuelle. M. Thomas (Thomas Rémy, principal, l’est encore en 1846 – à cette date le collège a 12 pensionnaires, la ville a 7 686 habitants), le nouveau principal y est favorable ; il admettra gratuitement à son cours d’instruction supérieure chaque année dix enfants de plus de 12 ans (âge limite de l’instruction des Frères), sortant des Frères ou aptes à cet enseignement.

Le conseil municipal maintient le traitement des trois régents (3 700 francs), exprime le vœu que la classe latine, enseignée par l’un d’entre eux, soit remplacée par un enseignement de hautes sciences.

Justement arrive au collège, à la rentrée d’octobre 1836, un jeune maître, brillant sujet de l’Ecole Normale de Douai, recommandé par le recteur de l’Académie. M. Thomas le propose pour diriger l’école primaire supérieure annexée au collège.

C’est M. Hyacinthe Debuyser (1813 – 1894 – enterré au cimetière du Cateau), âgé de 23 ans ; en plus du cours habituel, il sera tenu à ouvrir chaque jour, sauf dimanches et fêtes, un cours public et gratuit de deux heures de durée ; un jour, il y enseignera la géographie, l’histoire et les mathématiques, le second jour sera consacré à la lecture, la calligraphie et l’orthographe.

M. Debuyser est donc nommé instituteur communal primaire supérieur aux appointements de 800 francs (1). Son école d’adultes du soir à grand succès ; après les vacances de Pâques 1837, elle se transporte dans une des salles hautes du collège, vu l’affluence des auditeurs.

M. Debuyser est chargé de plus des fonctions de bibliothécaire, avec indemnité de 60 francs par an, élevée ensuite à 120 francs car la bibliothèque sera ouverte jeudis et dimanches au public.

Le 1er janvier 1837, le nouveau portier du collège, François Simon, ancien militaire et tailleur d’habits, assure aussi la charge de portier de la bibliothèque publique et du collège communal ; il a à ouvrir et fermer les portes, aux ordres du principal, du collège et de la bibliothèque, sonner les cloches, entretenir cours, salles, lieux d’aisance et devant du collège et allumer l’hiver, mais le matin seulement, les poêles des salles d’étude, le tout pour un traitement annuel de cent francs.

(1) En 1844, il recevra 1 800 francs de traitement. Celui de M. Thomas, principal, a été porté de 1 300 à 1 600 francs… mais il demandait 1 800 francs avec promesse d’admettre à l’étude communes tous les enfants fréquentant le collège, de façon qu’ils soient surveillés de 6 heures du matin à 11 heures 1/2 et de 1 heure 30 à 9 heures du soir. Les maîtres d’étude ne chômaient pas alors et on se levait de bonne heure !

Cimetière

L’agrandissement de la ville avait nécessité un troisième vicaire et le cimetière devenait de plus en plus exigu, mais où trouver un terrain convenable ?

Après l’échec des pourparlers pour l’établir vieux chemin de Troisvilles, M. Napoléon Mouton, conseiller municipal, avait offert un terrain sur la route de Landrecies, à l’encontre du chemin du Pommereuil. L’affaire en resta là en mars 1837.

En 1838, un terrain semblait favorable, route de Valenciennes, au chemin de Montay. Mais les riverains ……lot, Tasbille-Mortier, Warnet-Bourdon s’y opposaient, objectant l’éloignement de la ville et aussi « le voisinage de lieux où l’on danse plusieurs fois par semaine ». M. Rodriguez avait une objection plus valable : « la seule source d’eau salubre du quartier est à 25 ou 30 mètres au-dessous du terrain projeté ». Il fallut chercher ailleurs un emplacement « froissant moins d’intérêts privés ».

C’est M. le Maire qui, en 1841, proposa la route de Fesmy, avec les terres des pauvres, les anciennes « coultures de St-André ». Il y adjoindrait une terre de 78 ares 20 centiares qu’il cèderait à 3 000 francs la mencaudée. Un certificat du Dr Louis Carlier attestait que ces terrains « étaient propres à la décomposition des corps ».

C’est là que commencèrent les travaux du nouveau cimetière entouré de murs, planté d’arbres. En 1844, un désaccord opposa l’architecte de Baralle et la veuve Carville-Romby, adjudicatrice de la maçonnerie. C’est l’emplacement du cimetière actuel, non loin de la ligne de chemin de fer de Valenciennes – Guise, via Solesmes – Le Cateau.

Chemins de fer

C’était le 3 février 1838 que la ville avait eu à donner son avis sur le trajet prévu pour la ligne Paris – Bruxelles. Nos conseillers avaient préconisé le plan passant par Cambrai-St-Quentin plutôt que celui desservant Amiens.

M. Martin du Nord, ministre des Travaux Publics, avait proposé, en 1837, aux Chambres, le projet de loi prévoyant un réseau ferroviaire, construit et dirigé par l’Etat ; ce fut un tollé général… suivant le rapport du grand savant François Arago qui était fort pessimiste. « Les tunnels feraient périr les voyageurs par fluxions de poitrine occasionnées par de formidables et meurtriers courants d’air ; quant aux soldats, le transport confortable par voies ferrées serait amollissant et leur valeur combative en serait annihilée… ».

« M. Cockerill avait soumissionné pour 80 millions le chemin de fer de Paris à la frontière belge » écrivait un Catésien en mai 1837, admirateur de « cet homme vraiment extraordinaire, dont la poitrine était cousue de décorations qui lui ont été délivrées par presque tous les souverains d’Europe par suite d’entreprises gigantesques qui ont eu plein succès ». Nos bourgeois avaient peu d’enthousiasme pour ces diligences à vapeur et sur rail, ils y préféraient les « Cambrésiennes des Messageries Royales, à chevaux ». Le projet d’un canal leur séduisait davantage, qui faciliterait le commerce de la ville.

Projet de canal

Un embranchement de 2 km 737 mètres ferait du Cateau un port fluvial si le projet du canal de jonction de Sambre à l’Escaut, par la vallée de la Selle, était mis à exécution.

Le canal, en théorie, était décidé depuis le 10 mars 1827 ; on en reprenait l’étude en 1840. Trois tracés étaient prévus : l’un par la vallée de la Selle, avec embranchement sur Le Cateau ; l’autre par la vallée de l’Ecaillon, avec embranchement sur Le Quesnoy ; un troisième, via Valenciennes – Le Quesnoy, par la vallée de la Rhonelle et le ruisseau de Sepmeries ou le ruisseau de la Noire Tête, en aval de Berlaimont.

Le projet le plus pratique, établi par M. Cordier, était celui qui utilisait la vallée de la Selle, riche en sources, alors que les autres projets pêchaient par le manque d’eau suffisante.

Du Cateau à l’Escaut, la Selle a un débit abondant toute l’année ; entre Montay et la Sambre, les 8 700 mètres de parcours bénéficieraient des eaux abondantes de la rivière de Richemont, des sources nombreuses et du peu de profondeur de la nappe souterraine – un souterrain de 550 mètres franchirait le seuil de partage des bassins de la Sambre et de l’Escaut, le canal aboutirait en amont du sas d’Ors.

A Montay serait le bief de virement.

De Montay à l’Escaut, en aval de Lourches et en amont de Denain, le canal aurait 29 253 mètres. Au total, le canal demanderait la construction de 41 écluses et desservirait 29 000 habitants. 20 000 mètres cubes d’eau de réserve pris sur la Selle en amont du Cateau par machine et rigole assureraient l’alimentation normale du canal.

Si le tracé prévu par Le Quesnoy (par embranchement de 2 kilomètres, d’Hachette à Thiant est le plus court) (32 km 668), il prévoit 48 écluses et ne desservirait que 11 700 habitants, en empruntant la vallée de l’Ecaillon (projet Delaserre). Mais l’Ecaillon n’offrirait pas assez d’eau pour un trafic normal, et encore moins les trajets avantageux pour Valenciennes – Berlaimont.

Les Catésiens font ressortir en un long rapport les avantages de la vallée de la Selle… le trajet le plus court de l’Oise au bassin de la Sensée (Bouchain) et avec le moins de coûteuses écluses ralentissant le trafic.

Une variante (projet de M. Mathieu) utilise la vallée de la Selle jusque Saulzoir, puis le canal prend un raccourci, direction d’Estrun, en passant par le riot de Cavignies, Le Temple, Avesnes-le-Sec, Hordain et aboutit au bassin rond de la Sensée – ce qui donne un gain de 5 écluses et un raccourci de 13 kilomètres.

Arguments

Nos concitoyens sont les défenseurs du projet : vallée de la selle, Le Cateau et sa région qui contribueront au trafic du canal.

Montay, au bief de virement, a une usine considérable, un moulin à huile qui recevra par bateaux les graines grasses nécessaires à son approvisionnement (1) ; il existe encore à Montay et à St-Benin plusieurs fabriques de broches et une fonderie au Cateau, qui a 7 000 habitants et s’accroit sans cesse, avec 4 machines à vapeur pour l’industrie, dont l’une est de 50 chevaux ; le charbon leur est nécessaire comme pour les brasseries, salines, briqueteries, fours à chaux car le bois y est rare à cause des défrichements opérés. Il y a aussi au Cateau tanneries, savonnerie et commerce très important de fer et grosse quincaillerie, mercerie, draperie, épicerie, bois, farines et eaux de vie.

Clary et Troisvilles ont des établissements demandant du charbon.

La laine arrivera par bateau – 2 800 000 kilogs en sont utilisés par an. Les tissus en laine fabriqués au Cateau feront la charge de sept bateaux (720 000) en poids ou de vingt en volume. Le commerce est prospère. Rien que deux maisons au Cateau ont fait, en 1840, plus de 4 millions 1/2 d’encaissement.

Le canal apporterait à pied d’œuvre les pierres des carrières d’Avesnes-le-Sec, les grès des environs de Solesmes, le foin des prairies de Catillon, Oisy, Basuel dont les magasins militaires s’approvisionnent annuellement.

(1) Près du moulin du Tordoir, longeant le chemin d’usance allant au moulin Ponsin et la propriété de M. Danjou-Méresse, maire de Montay, sur les confins du territoire des deux communes, était la ruelle dite Tirlemont (Thierimont ou mont Thierry) dont l’issue était abandonnée depuis un temps immémorial (issue jadis du Pont de Thierimont vers Baillon). Cette ruelle est vendue en 1845 pour 300 francs à Monsieur le Maire de Montay.

Réfutation de deux objections : canal Sambre-Escaut

1) le souterrain sera coûteux. Non, un souterrain de 1 500 mètres ne coûtera pas plus de 200 000 francs, M. Pidarcel l’assure. Au point de vue social, cette construction provoquera une hausse des salaires en attirant de la main d’œuvre des 12 000 (?) ouvriers occupés par une seule fabrique du Cateau.

2) Raison stratégique. Les adversaires de la canalisation de la Selle prétendent que cette voie faciliterait à l’ennemi, dans le cas d’invasion, la prise des villes de la frontière telle que Landrecies, et pourrait les priver d’eau si l’ennemi était maître de la Sambre. Nous prétendons, au contraire, que c’est la vallée de l’Ecaillon canalisé qui amènerait l’ennemi, par voies d’eau de transport de matériel d siège sur Valenciennes et Condé.

La discussion reprend le 8 août 1845.

La vallée de la Rhonelle a beaucoup de partisans contre la vallée de la Selle. Nos conseillers argumentent : Le Cateau a besoin d’une voie d’eau. Les mines de Douchy et d’Anzin, Denain retrouveraient ainsi la clientèle du Cateau, qu’elles ont perdue au profit des mines belges que dessert le canal de la Sambre à l’Oise.

Puis, la richesse de la vallée de la Selle avec une forte densité de population, demande le canal – alors que le contreprojet Rhonelle ne desservira que quatre agglomérations : ce sont Le Quesnoy (3 922 habitants), Villers-Pol (1 307 habitants), Aulnoy-les-Valenciennes (1 301 habitants) et Marly (1 113 habitants), tandis que le projet Selle Traversera :

Ors (1 302 hab) Neuvilly (1 997) Monchecourt (306)
Basuel (1 212 hab) Brisatre (841) Saulzoir (2 227)
Pommereuil (1 236 hab) Solesmes (5 295) Haspres (2 846)
Le Cateau (6 880 hab) St-Python (1 268) Noyelles/Selle (731)
Montay (369 hab) Haussy (4 710) ? Douchy (1 558)

Et les raisons stratégiques sont en faveur de la vallée de la Selle. Parallèle à la frontière, cette vallée a toujours été considérée comme l’une des plus importantes du Nord par sa direction, sa profondeur et les positions militaires des environs.

Les généraux du génie, dont le général Baudrand, consultés, émettent un avis favorable à la vallée de la Selle. L’histoire nous rappelle que c’est sur la ligne de Selle que les armées françaises, sous Louis XIV et pendant nos révolutions, ont pris position pour défendre ou attaquer la ville de Valenciennes occupée par l’ennemi. Le canal de la Selle fermerait l’entrée de la frontière et le passage de la voie romaine ou chaussée Brunehaut qui ouvre la France à l’ennemi. Des têtes de pont à Montay, Solesmes, Douchy arrêteraient l’ennemi.

Dernier argument. La Selle, au débit abondant, fournit 20 000 mètres cubes au bief inférieur du canal ; le bief supérieur sera alimenté suffisamment par la Sambre.

Malgré ces beaux arguments qui prouvent la richesse de notre région, avec des précisions techniques, le projet de canal fut enfoui dans les dossiers des Ponts et Chaussées… on en parla trois fois par siècle… cent ans après, il dort toujours sous de vénérables poussières.

Mais on espérait sa réalisation lors du tracé de la ligne Guise – Le Cateau – Valenciennes car le pont de Montay, belle œuvre d’art, enjambe un véritable chenal de canal, avec chemin de halage… sur le ruisseau de Richemont ; il s’est envasé et les roseaux y abondent, et les torrents St-Georges et St-Maurice continuent à dévaler avec de belles cascades, jusqu’au terroir de Montay, sans connaître le joug d’écluses modératrices et le pas lent des chevaux halant les lourdes péniches…

Routes

A défaut de cette voie d’eau, Le Cateau veut améliorer ses voies de terre ; l’état de la route départementale du Cateau à Valenciennes est si délabré, entre Le Cateau et Solesmes, que la diligence du Cateau – Solesmes a dû cesser son service en plein été, le 10 août 1841.

Elle doit se continuer sur Bohain. La ville a voté 162 650 francs pour sa création mais demande qu’elle desserve St-Benin, St-Souplet, etc… pour relier le plus possible de localités au Cateau. Mais le tracé est prévu hors des agglomérations par la ferme des Blancs Monts (massifs calcaires) où la route grimpera, après le Pont à Capelle et la ferme des Essarts, vers Busigny. Mais elle passera aux limites d’Honnechy. L’avis des gros contribuables est demandé ; par 22 voix contre 16, le tracé par Honnechy est accepté.

Réunion des contribuables les plus imposés en 1844 :

  • Hiolin-Sartiaux, propriétaire et cultivateur.
  • Ponsin-Sartiaux, salinier et savonnier.
  • Flayelle Henri, notaire.
  • Mouton Jacques, propriétaire et cultivateur.
  • Mouton Auguste, propriétaire et cultivateur.
  • Lozé-Tilmant, pharmacien.
  • Crinon-Houche, brasseur.
  • Eraux-Moreau, brasseur.
  • Dehaussy-Flayelle, brasseur.
  • Gosset-Macaire, raffineur de sel.
  • Lacomblez-Lefebvre.
  • Delvallée-Dehaussy, tanneur.
  • Jacqz-Caille, tanneur.
  • Hannequant-Pierrart, tanneur.
  • Jacqz-François, tanneur.
  • Jacqz-Vitoux, tanneur.
  • Hennequant Charles, tanneur.
  • Dumont-Diot, cultivateur.
  • Denis-Canonne, marchand de grains.
  • Lacourte-Dormoy, cultivateur.
  • Loir-Colmant, maître d’hôtel.

Déceptions

Malgré sa prospérité, la ville n’obtient pas la création d’un Tribunal de commerce, qu’elle réclamait, pas plus que l’aide des Beaux-Arts pour restaurer la façade de l’église qui s’écroule. L’édifice ne date que du 16ème siècle (de 1635, ce qui est le XVIIe) et les secours de l’Etat ne sont accordés que pour les monuments antérieurs au XIIe siècle.

Eglise

Le devis de M. de Baralle pour le portail de l’Eglise s’élèvera, en 1846, à 11 215 francs. D’énormes pierres s’en détachent comme de la façade de l’hôtel-de-ville avant sa réparation de mars 1841. Or la fabrique de l’Eglise est pauvre… les 40 stalles sculptées à Douay et placées en 1844 dans le chœur n’étant point payées en 1846. Le Sr Couvenant, menuisier, demande alors l’autorisation de traduire les marguilliers devant les tribunaux pour être payé.

L’Eglise est le seul édifice du culte. Sur 7 000 habitants, on ne comptait, en 1842, que 7 à 8 protestants… Il n’est point question de Temple.

Pour recevoir dignement le successeur de Mgr Belmas, qui est à nouveau archevêque de Cambrai, comme avant la Révolution, et lui réserver une entrée solennelle en juin 1843, 800 francs sont votés par le conseil municipal (Mgr Giraud)

Foire

La ville doit défendre sa foire séculaire du 22 de chaque mois et la foire annuelle du 22 septembre contre la rivalité des cités du Nord et de l’Aisne. Avis favorable a été donné en 1834 pour qu’Etreux rétablisse sa foire mensuelle du premier jeudi du mois et son marché hebdomadaire, comme avant 1793.

De même, avis favorable pour que Clary ait un marché en 1837.

Mais la ville de Valenciennes projette de reporter sa foire annuelle du 15 septembre – les 10 jours en finiraient le 25 septembre – ceci est une criante injustice contre notre marché traditionnel. Le prétexte est que la foire de Lille finit le 7 septembre – que Valenciennes conserve sa tradition datant du Saint-Cordon le dimanche le plus proche du 8 septembre, et notre traditionnelle foire de St-Mathieu Ste-Maxellende du 22 septembre n’en pâtira pas.

De même, Douai, en 1841, veut fixer au 22 de chaque mois son marché aux chevaux, qui avait lieu le dernier mercredi du mois. Ce décalage est néfaste pour Le Cateau où le marché des chevaux est nécessaire au canton.

1844

La ville interdit la mendicité aux étrangers, embellit la Place Vert de nouveaux arbres, derrière le tir à la cible. Par contre, on abat les arbres de la Promenade des Digues, trop ombrageux, et qui gênent les riverains, dont M. Caffeau-Presnin, promu le 29 août adjoint de M. Sartiaux-Morcrette avec M. Charles Carlier, deuxième adjoint.

Deux rangées de tilleul limiteront la belle promenade des Digues si chère aux Catésiens, qui souhaitent le rétablissement d’un pont au moulin Fourneau qui en commande l’une des issues, après le chemin vert ou ruelle des loups.

M. Mouton a une usine en aval du rivage de Tupigny et se plaint de manquer d’eau. Or, le lavoir de la Fontaine à Gros Bouillons, l’ancien Pavillon de Mgr de Bryas, est menacé par les barrages illicites de M. Jacques Mouton ; il est mis en demeure de ramener le barrage de 1 m 42 à 1 m 30 car le ruisseau de Tupigny n’est qu’un ravin, sans eaux, jusqu’au pont de Fontenoy, sauf aux temps de crues et de dégel, et les sources du Pavillon assurent l’eau potable du quartier.

Les corps de garde des portes de Cambray, de France et de Landrecies vont être démolis ; ils exigent fréquemment d’onéreuses réparations. La vente des corps de garde en 1845 (automne) permettra d’envisager l’établissement de salles d’asile.

L’éclairage des rues est insuffisant… et coûteux. L’entretien des réverbères et l’huile sont cause d’important déficit.

Gaz

Le 24 novembre 1844, M. Bréat de Choisy propose l’éclairage au gaz de notre cité et en demande le privilège par lettre de Paris.

Le Cateau en 1844 – Crise sociale 1838 – 48

L’industrie avait attiré bon nombre de nos concitoyens, désertant le magasin de commerce ou la charge familiale. « Je n’occuperai jamais aucun emploi du gouvernement, qu’il soit carliste, absolu, constitutionnel ou républicain, écrivait le fils de l’huissier Morcrette en 1838, ma carrière est toute tracée dans l’industrie ». Il avait établi des plans de machines qui devaient révolutionner la mécanique et l’enrichir. Hélas, il y engloutit sa fortune ; c’était en 1839, la lutte contre les machines anglaises et les peigneuses mécaniques. En avril avait éclaté une formidable crise commerciale due à la surproduction « Les maisons les plus solides sont ébranlées, écrit-il… 369 000 protêts ont été portés en 8 jours… 59 000 en un jour à Paris. Jamais on n’a vu une telle catastrophe. Ce mal immense est la faute d’un seul homme qui, par son entêtement, a totalement dérangé la machine gouvernementale. Cet homme, c’est le ministre Guizot. Nous aurons un soulèvement ; quelques personnes craignent déjà pour l’ouverture des chambres. » C’est l’opinion des Parisiens en avril… les banquiers encaisseurs du Cateau, De Paris et Joveneau, ont fort à faire… Cachés dans le monde difficile des affaires industrielles, sans relations… pouvaient redouter la faillite et « d’être envoyés apprendre à siffler à l’hôtel de Clichy », la prison pour dettes…

Le sort de l’ouvrier était pitoyable. « L’autorité devrait s’appesantir sur les détails de la vie ouvrière de ce monde laborieux que l’on traite souvent trop légèrement », lit-on, en 1839, dans la réponse au questionnaire adressé aux fabricants du Cateau par le Sous-Préfet. M. Ognier, gérant de la fabrique de mérinos du baron de Fourment, y expose consciencieusement les méthodes de travail du tissage, créée pour la seconde fois en notre ville, le 15 février 1832, par M. de Fourment de Cercamp-les-Frévent.

Lieu de travail

Les ouvriers tisseurs travaillent chez eux, sur un métier leur appartenant et d’une valeur d’environ 40 francs. Ils sont disséminés dans 60 communes qui avoisinent Le Cateau… des surveillants les visitent tous les dix ou quinze jours. Ce sont des contremaîtres qui font leurs rapports sur la bonne ou mauvaise confection des tissus de laine.

Durée du travail

La fabrication est ralentie de mai à novembre car l’ouvrier a ses travaux personnels : houblonnage, jardinage, récoltes. La plupart des tisseurs sont inconstants. Leur inconstance est en rapport avec leur misère car plus ils sont malheureux, plus ils sont disposés à changer de fabrique sous de faux semblants d’avantages.

Aussi voit-on des misérables, dans des temps de réaction (c’est-à-dire de mévente et crise, comme en 1839) végéter et être repoussés de toutes parts. Le bien être d’une entreprise dépendant de l’ordre des détails et de la précision de l’exécution, l’industriel s’attache naturellement à ceux qui le secondent par leur stabilité ; les autres ne sont qu’accessoire. La concurrence ne permet pas à l’industriel d’être charitable par son industrie…

Nombre de tisseurs

M. de Fourment occupait 400 ouvriers mérinos, c’est-à-dire de laine. Au Cateau même, 48 ouvrières dites « épousieuses », dirigées par 12 contredames, retirent les boutons sur le tissu. 15 ouvrières travaillent à la préparation des tissus dans la maison du tissage…

En des temps plus favorables, le nombre des tisseurs mérinos était de 800 à 950. Cette suppression a été causée par la hausse immodérée de la laine qui ne permet que de travailler en petite quantité. Le mérinos, qui se vend 7 francs dans une année ordinaire, devra se vendre 9 francs à l’aune. Cette augmentation empêchera d’aborder cet article avec confiance, on n’achètera qu’avec des besoins réels. La mousseline a produit cette augmentation extravagante sur la laine filée par les difficultés qu’il y a à s’en procurer.

Et pourtant, M. de Fourment a de bons débouchés : il dirige lui-même sa filature de Cercamp ; par jour de travail, on y file pour 15 000 francs de laine aux prix actuels (1839), laine vendue à Paris, St-Quentin, Amiens, Crèvecœur près Beauvais et Le Cateau.

Ses dépôts de mérinos sont à Paris, Londres, New York, Bruxelles. Depuis quatre ans, peu de mérinos ont été vendus en Espagne à cause de la guerre ; les tissus y sont vendus par des consignataires qui garantissent les ventes moyennant une commission déterminée. Le prix moyen du tissu mérinos est de 8 francs pour l’aune de 120 centimètres. M. de Fourment organise l’ensemble de son affaire pour faire tout par lui-même…

Salaires

Tout dépend de la valeur du tisseur. Les ouvriers d’élite peuvent gagner de 2 frs 50 à 3 frs 50 par jour. Les hommes mariés et courageux de 30 à 45 ans, de 2 frs à 2 frs 25 par jour – jeunes garçons et jeunes filles de 15 à 21 ans, de 1 fr à 1 fr 25 – de 21 à 30 ans, de 1 fr 50 à 1 fr 75. Les époutieuses ont un salaire de 1 fr 50 à 1 fr 75.

Plus les tissus sont fins, plus ils sont avantageux pour les ouvriers à cause de l’élévation de la façon ; les ouvriers soigneux et habiles se les voient confier.

Mais il y a les aides qui ne sont pas payés… pour 4 tisseurs, il faut une fille, un garçon ou une femme pour disposer les trames sur le métier. Dans les ménages, c’est la femme, une petite fille ou un petit garçon qui s’en occupe. Le travail laisse assez de temps à la femme pour les détails du ménage. Quand les enfants ne réclament pas de soins assidus, les femmes ont un second métier sur lequel elles tissent une partie de la journée.

Ainsi travaillait-on dans les caves en sous-sol des maisons du Cambrésis, éclairés par une large baie, ou dans les chambres hautes.

La concurrence anglaise jouait sur les marchés. En 1837, une maison britannique avait installé un tissage à Beauvois-en-Cambrésis… affaire qui ne se développa qu’en 1870.

Cette année 1837, dans son mandement de Carême, Mgr Belmas flétrissait la cupidité et le matérialisme de l’industriel, il réclamait une augmentation de salaire pour l’ouvrier.

En 1839, le doyen du Cateau, M. Delambre, demandait à la municipalité du Cateau la création d’un hôpital pour la classe indigente, si misérable.

Le retour des cendres de Napoléon, en 1840, ramenées de Ste-Hélène par le prince de Joinville, l’un des fils du roi Louis Philippe, avait détourné un instant les murmures du peuple et réveillé le vieil esprit guerrier…

Mais la crise continuait. Le gouvernement cherchait des débouchés pour les produits manufacturés. En octobre 1843, il envoyait une ambassade en Chine et demandait à l’industrie catésienne, le 9 octobre, des échantillons de tissus à présenter en Extrême Orient.

Des questionnaires de statistiques industrielles étaient envoyés fréquemment. En 1844, Edouard Delannoy, directeur de la Manufacture du Palais, y répond… au nom de la raison sociale Bricout Henri, Boniface et Cie.

En 1846, il y a 7 686 habitants au Cateau.

En 1847, enquête gouvernementale sur les salaires de la classe ouvrière. M. Edouard Delannoy fournit un rapport très consciencieux pour sa manufacture de coton.

Salaires de 1830 – 1837

Il établit la distinction entre les ouvriers travaillant en atelier et ceux travaillant chez eux ; ceux-ci forment les neuf dixièmes de la classe ouvrière de notre canton.

A domicile, le tisseur gagne de 0 fr 75 à 1 fr alors qu’en 1830 son salaire était de 2 frs à 2 frs 50. En atelier, les femmes gagnent 1 fr au lieu de 1 fr 25 en 1830, les hommes gagnent 2 frs 50 au lieu de 3 francs.

C’était la misère noire dans les villages… « tableau qui n’est pas rassurant, signale le manufacturier du Palais, mais qui est l’exacte vérité » et « puisque l’autorité supérieure tourne enfin ses regards sur un mal si profond, il est utile de le lui révéler ». Lettre – Archives du Cateau, 16 novembre 1847.

M. Legrand est aussi explicite. Dans sa maison (qui n’est pas indiquée), « l’ouvrier gagne moitié moins qu’en 1830 à l’atelier et 17 à 20 sous à domicile, alors qu’en 1830 il pouvait gagner 2 frs ; la diminution est venue successivement dans le tissu laine et ce triste résultat provient des tissus de nouveauté. Le prix de vente (1847) est égal au prix de fabrication en 1830 ; pour les tissus de coton, il en est à peu près de même ».

M. Delarue (son en-tête porte « Delarue au Cateau ») est venu s’établir au Cateau en 1836. « Les ouvriers gagnaient alors de 2 à 3 frs et même 4 frs par jour, suivant leur capacité. Mais depuis 1844 les façons ont toujours baissé selon le cours des affaires, tant qu’aujourd’hui à peine s’ils peuvent avoir 1 fr 50 à 1 fr 25 par jour… ».

La réponse de la grande firme catésienne du mérinos, signée « Paturle Dupin Seydoux Sieber », est précise : « Nous estimons que le salaire actuel dans les manufactures a subi une réduction d’un tiers dans la plupart, et de moitié dans quelques-unes, suivant leur genre d’industrie ».

Mais le reste de leur rapport est rassurant pour le sort de leurs nombreux ouvriers : « Dans notre établissement, nous travaillons dans des conditions tout à fait exceptionnelles et notre manière d’agir envers nos ouvriers ne peut aucunement servir de règle… il serait sans utilité pour vous de le connaître ». 21 décembre 1847.

La grande extension du mérinos avec peignage, filature, tissage et leurs grands débouchés leur permettent sans doute d’occuper des chômeurs dans telle ou telle branche de leur industrie. Puis la firme était modernisée et avait « les reins solides ». La prospérité continuait donc à régner au Mérinos.

Chômage

Et cependant, le 16 janvier 1847, le registre des séances du conseil municipal porte ceci : « Le nombre des pauvres est augmenté par quantité de chômeurs que les importantes fabriques de la ville (1) ont été dans la nécessité de renvoyer à cause de la stagnation du commerce et auxquels il est urgent de procurer de l’occupation ».

6 000 francs sont votés… ils seront employés à des travaux d’utilité publique : réfection de la chaussée Brunehaut et chaussée de Guise, travaux à l’Arbre de Guise, carrefour vers Mazinghien – St-Souplet. La lettre des administrateurs du chemin de fer d’Erquelinnes – Charleroi, datée du 9 octobre 1846, permettait de prévoir du travail pour chômeurs ; il y était question du prolongement de St-Quentin – Erquelinnes, de Creil à St-Quentin. Notre ville allait avoir, dans un avenir pas trop lointain, sa ligne et gare de chemin de fer.

(1) Il y avait deux fonderies au Cateau : celle de Vinchon-Caron, maréchal ferrand, qui avait atelier de fonderie cuivre et fonte, rue de Baillon, sur le ruisseau de Tupigny (17 nov 1844) qui, en 1855, sera transférée 5 rue de Landrecies, ancienne brasserie Colmant (M. Colmant, brasseur, marie sa fille avec M. Collery, brasseur, rue de Landrecies, 17, qui transfère sa brasserie, en 1842, 3 rue du Marché aux chevaux). Le magasin Marsy, avec les dépendances (cheminée écroulée en 1942) remplace la fonderie Vinchon devenue savonnerie Flayelle aîné en 1864.

Celle de Bouchez-Lefebvre Antoine, qui s’installe rue St-Lazare en 1845. Un plan est dressé qui montre l’emplacement resté libre de l’hôpital St-Lazare (près duquel il va fondre), de l’église N. D., du jardin des Récollets, des vestiges du cloître et couvent (Brasserie Morcrette), des deux fontaines. La rue Genty est désignée comme Ric’rue sur le plan de l’arpenteur JH Meuniez.

Les fonderies seront plus tard sur les Digues.

1847

L’instruction au Cateau était à l’avantage des écoles primaires supérieures préparant au commerce et à l’industrie.

Collège

M. Hyacinthe de Buyser avait son changement ; il devait être nommé sous-inspecteur de l’enseignement primaire. Un nouveau principal était chargé des fonctions de principal après le départ de M. Thomas Rémy ; c’était M. Retaux, breveté du degré supérieur (26 mars) … le recteur de l’Académie souhaite qu’il remplace, comme titulaire seulement, M. Debuyser, directeur de l’école primaire. Mais, d’accord avec le conseil, ce dernier refuse de partir et le conseil maintient sous direction unique la séparation du collège et de l’école primaire supérieure, direction qui a permis son bon fonctionnement.

Le travail des enfants aux manufactures devait entraver le recrutement des écoles primaires, si l’on en juge par l’enquête de la chambre de commerce de Lille du 18 décembre 1847.

Travail des enfants dans l’industrie

C’est M. H. Bernard, 22 rue de Courtrai à Lille, qui en fut chargé. Il demandait le nombre d’enfants de 6 à 10 ans, de 10 à 12, de 12 à 16, employés dans l’industrie au Cateau, combien de la ville ? le nombre de ceux venant à pied des communes environnantes ? quel parcours ils faisaient chaque jour ?

M. Bernard pose la question aux industriels catésiens. Que penseraient-ils de l’application en France, pour les enfants de 8 à 12 ans, du régime actuellement en vigueur en Angleterre ? En ce pays, ces jeunes enfants ne peuvent plus être employés qu’une demie journée de 6 heures 1/2 par jour, avec obligation de fréquenter l’école pendant trois heures.

Les parents ne livreraient-ils pas ainsi plus volontiers et de meilleure heure leurs enfants à l’industrie parce que l’industrie n’abuserait pas de leurs forces et qu’ils conserveraient le bienfait de l’instruction, notamment à la préparation de la 1ère communion ; et aussi parce qu’en même temps les parents seraient portés à profiter d’un moyen d’augmenter les ressources de la famille.

En votre ville, demande M. Bernard, quels établissements s’arrangeraient, par relais de demies journées, de jeunes enfants… L’industrie bénéficierait d’une quantité plus considérable de jeunes enfants mis à sa disposition…

Question électorale

Mais la misère du peuple continuait, surtout dans les campagnes. On réclamait la réforme électorale qui permettrait une représentation des classes ouvrières. Guizot et le Roi y étaient opposés… et aussi le conseil municipal du Cateau.

Pour être porté sur la liste des électeurs, il fallait payer une somme élevée d’impôt ; déjà en 1837, Pierre Gavériaux, artiste vétérinaire, n’avait pas été admis à voter ; il y avait trois raisons qui motivaient le refus : il habite chez son père, n’a donc point de contribution mobilière ; il cultive un jardin loué à la veuve Ambroise Boudart ; enfin, sa patente n’est que de 20 francs 98… le minimum pour être électeur est de 31 frs 80.

Gavériaux proteste mais en vain. « S’il en était autrement, lit-on au registre municipal du 9 février, il serait loisible à un riche propriétaire de créer des électeurs à sa guise et de fausser par-là les élections municipales ». Guizot repoussait chaque année les demandes de réformes électorales, le cens devait être abaissé à 100 francs. L’élite intellectuelle, les professions libérales… médecins, notaires, vétérinaires, professeurs de facultés, officiers de la garde devraient au moins y être admis… Refus impératif de Guizot.

Au Cateau, en 1836, conformément à la loi, le conseil municipal rayait même de la garde nationale les citoyens qui ne sont pas imposés à la contribution personnelle ; 261 hommes sont ainsi rayés des contrôles du service ordinaire.

30 octobre 1846

Le Sous-Préfet et M. Seydoux, colonel de la Garde, insistent pour la réintégration de ceux qui le désireraient. D’ailleurs, 99 citoyens sont d’office à rentrer au service… à rappeler. 23 sont propriétaires d’un champ, 4 sont des vétérans… ils font partie de la Garde depuis sa création. 64 font le service depuis 5, 10 et même 12 ans, 8 font partie de la musique qui, sous la direction éclairée de M. Birck, a fait de grands progrès.

Le Colonel ne conteste pas la légalité de la délibération prise, mais si le conseil persiste, il enverra au Roi sa démission motivée. M. Sartiaux-Morcrette, maire, propose la réintégration des 99 … mais au scrutin : 10 voix contre 8 rejettent la proposition.

15 janvier 1847

Le maire revient à la charge : en janvier 1847, il propose l’arbitrage du Préfet pour ce dissentiment concernant l’article 19 de la loi du 22 mars 1834 concernant la garde nationale et la révision des contrôles… 12 voix contre 7 rejettent sa proposition.

Malaise au Cateau

L’obstination de nos édiles répond à l’entêtement de Guizot et du Roi ; mais les partisans de la réforme électorale et des libertés s’agitent. Pétition, banquets : Lamartine, à Macon, flétrit ce régime d’aristocratie locale… qui devrait être celui du peuple tout entier. Il prédit « la révolution du mépris en cette France bourgeoise, humiliée devant l’Europe ».

Les Républicains réclament le suffrage universel…

En juin 1847, « les crimes et délits se multiplient au Cateau de façon effrayante », au mécontentement unanime du conseil qui vote un blâme au commissaire de police et à ses agents, accusés de « négligence coupable ».

Des journalistes de talent, des écrivains ambitieux accablent la Monarchie de Juillet trop embourgeoisée, prônent la République. Depuis 1841, Le Cateau a sa gazette imprimée en ville, mais la presse locale est rarement subversive.

« Le Journal du Cateau » est orléaniste opposant… comme M. Seydoux, le grand industriel… partisan de liberté ; mais les almanachs de Cambrai sont carlistes… pour la monarchie du duc de Bordeaux. Les pronostics en patois de Jérome plumecovq dit fissiau (1841) plaisante le cousin Flippe (Louis Philippe, moribond, unitricolore et gris blanc dans son vêtement, son avarice ; le cousin Filippe va demander une dot pour son fils dans toutes les maisons du village (allusion à la demande d’un apanage de 500 000 francs pour le duc de Nemours) ; les paysans en ont assez « du vinaigre d’Orléans », ils préfèrent goûter bientôt du « vin pur de Bordeaux », etc… Spécimen des pamphlets en circulation dans le Cambrésis. « Notre pays ressemble à un plat de cafouillache… y en a pour tous les goûts » (1840).

Février 1848

A l’occasion d’un banquet organisé par le XIIe arrondissement pour réclamer une fois de plus la réforme électorale, une émeute éclate. Le 22 février 1848 Guizot interdit ce banquet. Manifestation dans les rues de Paris, barricades… coups de feu et c’est la révolution.

Louis Philippe doit abdiquer ; abandonné par ceux qui l’ont amené au trône, il déclarera avec mélancolie : « J’ai mis 17 ans à relever le pouvoir en France… en une heure on le fait retomber ».

Il abdique en faveur de son petit-fils, un enfant de 10 ans, le comte de Paris, fils de son aîné, le duc d’Orléans, tué en 1842 dans un accident de voiture. Mais le comte de Paris ne règnera pas plus que le duc de Bordeaux qu’en 1830 Louis Philippe avait remplacé sur le trône.

Et au roi des Français succède la République.

La France connut sous le roi–bourgeois paix et prospérité. Mais la bourgeoisie enrichie négligea le sort des humbles… la question sociale, malgré les appels émouvants des Lacordaire, Lamennais, Montalembert…

Le Cateau sous la 2ème République – 1848

Le 29 février 1848, M. Petit Théophile réunissait le conseil municipal en l’absence de M. Sartiaux-Morcrette, démissionnaire, et leur annonçait la nomination d’un gouvernement provisoire. Un message de M. Amédée Bertin, sous-préfet de Cambrai, faisait connaître cette nouvelle aux maires et habitants de la région.

La cloche communale convoquait les habitants sur la grand’place ; du balcon extérieur de l’hôtel-de-ville, lecture leur fut donnée de la proclamation du sous-préfet. Le gouvernement provisoire de la seconde République française comprenait 12 membres. Louis Blanc, leader du parti socialiste, y voisinait avec Arago, Ledru-Rollin et Lamartine.

A trois heures de l’après-midi, le conseil déclarait adhérer au gouvernement provisoire, dont la tâche était lourde. A Paris, des bandes armées voulaient imposer le drapeau rouge ; Lamartine s’y opposa car le « drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie, tandis que le drapeau rouge n’a fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang du peuple ».

Il fallait conjurer l’anarchie, rendre confiance au peuple, conjurer la crise financière. Le premier acte social du gouvernement fut de garantir du travail à tous les citoyens ; il le fit par l’ouverture rapide d’ateliers nationaux.

Au Cateau, devant l’insécurité générale, usines de laine et de coton fermaient leurs portes. Le Journal du Cateau lançait des appels au calme et la proclamation de la commission municipale provisoire remplaçant l’ancienne municipalité (23 mars).

M. Emile Chantreuil, brasseur, en était le président avec deux adjoints, M. Lozé, banquier, et Facon, horloger, et 30 membres dont le pharmacien Laurent, Mrs Lefebvre-Leroy et Napoléon Mouton.

25 mars

« Le nombre des pauvres et ouvriers sans travail augmente sans cesse, constatent les nouveaux édiles ; il est à craindre qu’il n’aille encore croissant si la crise qui frappe actuellement l’industrie continue ». Appel est fait à la bienfaisance publique : 40 000 francs sont prêtés par les habitants pour soulager la misère des ouvriers.

Le blé, de qualité médiocre, était monté à 43 francs l’hectolitre. Nos artisans auraient été les plus mal payés de tout le département ; beaucoup logeaient dans les aves insalubres… c’était le chômage, source de troubles.

En fait d’ateliers nationaux, on décide d’ouvrir le chantier de la route de l’Arbre de Guise. La foule des « sans travail » manifeste le 31 mars au soir ; 300 personnes assiègent la maison de Mrs Mouton Jacques et Augustin et brisent les vitres.

Pour mettre fin à ces rassemblements tumultueux, les cafés sont fermés le 2 avril, les façades des maisons doivent rester éclairées la nuit, comme il avait été décrété à Paris. La Garde Nationale était sous les armes. Interdiction de tirer coups de feu ou pétards… une véritable panique régnait. Ne racontait-on pas au Nouvion que les mineurs d’Anzin, les noirs, pillaient la fabrique Paturle et Le Cateau ; la garde du Nouvion prit les armes pour aller au secours des Catésiens… en route, on les fit rebrousser chemin ; de tels bobards, un vent de terrorisme excitaient les cerveaux.

La plantation de l’Arbre de la Liberté, sur la grand’place du Cateau, béni par le clergé, provoqua la détente ; elle eut lieu solennellement le dimanche 16 avril, avec défilé de la Garde et participation des autorités et des élèves des écoles.

Assemblée Constituante – Suffrage universel

Elections

C’est le 23 avril 1848 qu’eurent lieu les élections à l’assemblée constituante au suffrage universel, décrété par le gouvernement provisoire et défendu par Ledru-Rollin. Tous les catésiens, âgés de 21 ans, domiciliés depuis six mois dans la ville, furent électeurs. Tout électeur âgé de 25 ans était éligible. On votait par canton au scrutin de liste.

Garde

Le canton redevenait la subdivision type pour les élections comme pour la Garde Nationale. La légion du Cateau était remplacée en avril par un bataillon cantonal où étaient accueillis ouvriers comme bourgeois. Le bataillon cantonal du Cateau comprenait, en plus de la ville, Neuvilly, Montay, Inchy-Beaumont et Troisvilles.

Le 28 juillet 1848, Humbert Cousin, du Cateau, en était le chef de bataillon et était à la tête du conseil de discipline comprenant :

  • Wagon Damase, capitaine et médecin à Neuvilly.
  • Lorgne François, sergent au Cateau (descendant de Marie Lorgne).
  • Lempereur Pierre, sous-lieutenant à Troisvilles.
  • Bruyelle Basile, caporal à Neuvilly.
  • Wattrelot Gabriel, sous-lieutenant au Cateau.
  • Sarcy B., garde national au Cateau.
  • Ledieu Louis, garde national à Neuvilly, cultivateur.

Enfin le capitaine rapporteur Noel Basquin, notaire au Cateau, et le lieutenant secrétaire J. B. Fontaine, huissier au Cateau, rue de France, successeur de Joseph Morcrette en 1836.

L’assemblée constituante se réunit le 4 mai. Elle eut à défendre l’ordre contre l’insurrection. Le 15 mai, les insurgés (en majorité des socialistes extrémistes exclus du pouvoir) envahissaient la salle des séances, assiégeaient l’hôtel-de-ville de Paris. La garde nationale rétablit l’ordre.

Les ateliers nationaux, où près de 100 000 hommes de toutes professions travaillaient à des terrassements, étaient le refuge de meneurs qui poussaient les ouvriers à la révolution. Le gouvernement dut agir. Un décret invita tous les ouvriers de 18 à 25 ans, employés aux ateliers, à s’enrôler immédiatement dans l’armée ou à accepter de l’embauche en province.

Manifestations, cortèges, protestations. Le 23 juin, Paris se couvrait de barricades : 50 000 insurgés menaçaient le gouvernement dont l’énergie rétablit l’ordre. Le général Cavaignac reprit les pleins pouvoirs… quatre jours de guerre civile ensanglantèrent la capitale (1) ; il y eut plus de mille tués. Mgr Affre, archevêque de Paris, voulant apaiser la lutte fratricide, fut frappé mortellement sur les barricades du faubourg St-Antoine.

Expirant, il avait demandé à Dieu que « son sang fut le dernier versé ». C’était la fin de l’émeute. Le 3 juillet, les ateliers nationaux étaient fermés. Cavaignac avait fait appel aux gardes nationaux de province.

(1) Le 25 juin, place le la Bastille, en enlevant sa 35ème barricade, l’illustre général Négrier, héros de l’Empire, tombe sous les balles des insurgés… comme le Maréchal Mortier était tombé sous les balles d’un assassin (notice biographique).

« Le lieutenant Négrier, commandant la 2e division militaire, représentant du peuple pour le Département du Nord, fut tué le 25 juin 1848 en combattant pour l’ordre et la liberté » (notice biographique extraite de l’Echo du Nord).

Le Cateau fournit un contingent de 50 gardes. Le registre municipal des délibérations conserve leurs noms qui y furent inscrits, le 24 juillet, en « témoignage de reconnaissance aux citoyens qui, en juin 1848, ont marché sur Paris ».

Le capitaine Levent, secrétaire de mairie, était à leur tête, avec les lieutenants Jules Morcrette et Jules Moulin, les sous-lieutenants César Egret et Lussiez, les sergents-majors Derripon et sergent fourrier Dutrieux commandant les gardes (contremaîtres tous deux au Mérinos ».

Sous la dictature du général Cavaignac, le calme régnait. M. Charles Seydoux, manufacturier du Mérinos, était élu, le 20 août, conseiller général pour le canton du Cateau. Le 7 octobre, lors des élections municipales, il venait quatrième élu : le citoyen Charles de Lafons était tête de liste, puis les citoyens Ponsin-Bonnaire et Bricout-Auger.

Le 10 novembre, un décret du général Cavaignac nommait le nouveau maire du Cateau, M. Herbert-Houche, marchand d’étoffes, rue de France ; comme son premier adjoint, M. Fiévet-Rémy, aussi marchand d’étoffes ; le second adjoint était le marchand tanneur Jacqz-Caille.

Deux jours plus tard, le 12 novembre 1848, était publiée la nouvelle constitution. On fêta au Cateau, le 19 novembre, sa promulgation : du haut du balcon de l’hôtel-de-ville, l’ancienne bretèque, le texte en fut lu au peuple assemblé. Une grand’messe fut chantée… la garde nationale était sous les armes pour la revue traditionnelle. La ville fut illuminée le soir, aux lampions…

On fêtait le retour de l’ordre, après l’expérience socialiste et la grande peur de la Révolution. Le blé avait baissé de prix ; la qualité médiocre ne valait plus que 11 frs 50 l’hectolitre en novembre 1848.

Le besoin d’autorité ressenti par le peuple, réclamé par les bourgeois, détermine le choix du Président de la République… élu au suffrage universel. Quatre candidats se présentaient…

Lamartine, le poète et défenseur du drapeau tricolore

Ledru-Rollin, le père du suffrage universel

Le général Cavaignac, le vainqueur de l’insurrection, le sauveur de Paris

C’est le quatrième qui fut élu. Entré à l’assemblée constituante lors d’élections complémentaires, Louis Napoléon Bonaparte, à la surprise générale, l’emporta par 5 millions de voix contre un million et demi au général Cavaignac… Lamartine n’en récolta que 18 000.

Le prince Louis Napoléon, Président de la République

Le prince président qui, sous la Monarchie de Juillet, avait fait figure de prétendant en débarquant à Boulogne, en haranguant les troupes à Strasbourg, fut l’homme du plébiscite populaire ; il représentait son oncle, l’Empereur… dont le prestige était resté immense, irrésistible.

1849

L’Assemblée Législative, qui se réunit le 29 mai 1849, fut vite impopulaire ; elle avait une majorité monarchiste, hésitant entre le duc de Bordeaux et le comte de Paris. Sous l’impulsion de Montalembert, le prince président envoyait à Rome le général Oudinot rétablir le pape Pie IX, chassé de ses Etats par la Révolution. Ledru-Rollin accusa le président de haute trahison et fomenta le 13 juin une insurrection.

Louis Napoléon rétablit l’ordre. Il lança une proclamation pacifiante : « Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent ». S’appuyant sur la nation qui voulait la sécurité dans l’ordre, après d’autres soulèvements à Paris, Louis Napoléon était à nouveau plébiscité par le peuple… 7 millions et demi de voix, le 20 décembre, le confirmaient, pour dix ans, président de la République.

M. Charles Seydoux avait été élu, en mai, député de l’Assemblée Législative ; le 11 août, il s’intéressait à ses concitoyens dans la détresse. Après avoir « décimé les habitants de plusieurs communes, le choléra exerçait de cruels ravages dans la ville du Cateau ». Notre député avait appris cette épidémie à son retour de Paris « avec un très grand chagrin ». Il s’efforçait de porter aide et remède au fléau. Voici les passages essentiels de sa lettre à la municipalité :

« Il est regrettable qu’il n’y ait pas dans notre ville un seul établissement pour y recevoir les pauvres malades et leur donner des soins. Je sais que les ressources y ont été jusqu’ici trop minimes pour réaliser ce que la charité aurait souhaité créer… Dans le temps d’épreuves que nous traversons, il est du devoir de tous de s’entendre ».

M. Seydoux veut offrir à la ville, en toute propriété, les bâtiments dits « la grande Caserne » (souvenir de l’occupation russe en 1815), avec les terrains qui en dépendent, le tout tel qu’il l’a acquis récemment de M. Ponsin-Sartiaux, savonnier.

Fondation de l’asile des vieillards

Voici les conditions du donataire :

  1. les petites maisons qui ont entrée sur la ruelle, côté du levant, seront destinées à loger des ouvriers infirmes ou trop âgés pour travailler, choisi de préférence parmi les ouvriers que ma maison (les Etablissements Paturle Lupin, Seydoux, Sieber) aura employés (Ces maisons, ruelle St-Hubert, devenue rue de Vendegies ont été transformées partie en asile de vieilles femmes ; en partie conservées, elles doivent être démolies prochainement (juin 1944), après avoir été de sordides logis sans cour et sans lumière.
  2. la maison, à gauche sur la rue, abritera une famille d’ouvriers pauvres et honnêtes dont l’un des membres pourra servir de concierge (c’est la loge du concierge).
  3. la grande maison (ancien bâtiment des fermiers de l’abbaye de St-André ou ferme des Coutures) et tous ses bâtiments seront convertis en hôpital et en salle « d’asyle » pour les enfants d’ouvriers.
  4. les jardins et terrains seront cultivés en jardinage pour les besoins de l’hôpital. Une partie sera divisée en petits jardins pour les logements gratuits.
  5. M. Seydoux se réserve pendant quelques années (5 au plus) la jouissance du bâtiment qui est au fond de la cour et qui sert en ce moment de magasin de laine.

Cette lettre, du 10 août 1849, fut accueillie avec reconnaissance par le conseil municipal qui remercia M. Seydoux pour le « don magnifique, généreux et charitable fait à la ville du Cateau ».

L’acte de donation fut passé à Paris devant Me Le Tavernier et son collègue, notaires à Paris. M. Charles Seydoux (Jean-Jacques Etienne Charles), représentant du peuple, demeurant à Paris, 66 rue de Clichy, époux de Louise Henriette Gouy... [Gourgas], faisait remise à la ville du Cateau de la « grande Caserne », sise au faubourg de France, tenant à la ruelle Delhaye (autre nom de la ruelle Ponsin ou St-Hubert) et d’autre à M. Mortier de Trévise, fils de feu le Maréchal.

Arrivée des religieuses Augustines

Pour soigner les Catésiens atteints du choléra, des Augustines de Cambrai (comme jadis des Récollets en 1635) vinrent leur prodiguer leurs soins. En reconnaissance de leur dévouement « lors de cette funeste invasion, de leur zèle soutenu et charité ardente », le conseil municipal décide, le 28 février 1850, de leur offrir la direction de la salle d’asile : deux religieuses et une sœur converse, avec Sœur Monique Leroy comme supérieure, s’installent alors au Cateau… qu’elles ne quitteront plus, providence des vieillards, des malades et des enfants.

Le Cateau en 1849

Le Cateau comptait alors 7 686 habitants. L’éclairage à huile y était assuré par M. Pantigny du faubourg de Landrecies, concessionnaire, on disait alors entrepreneur, pour 56 réverbères contenant 168 becs.

Le Journal du Cateau paraissait chaque samedi, dirigé et imprimé par M. Dumesnil, rue de France, depuis 1841 (imprimerie installée dans le reste du logis des hôtes de l’abbaye – bâtiments qui abritèrent successivement l’Avenir des 3 cantons et l’imprimerie Lozé-Malaquin, bâtiments qui disparurent avec les incendies et le bombardement d’octobre 1918) ; il renseignait surtout sur la vie économique de la cité : mercuriales des grains dont le marché, tenu toujours à la halle les mardi, jeudi et samedi, était peu actif à cause des transactions des particuliers. La grande foire du 1er mai, la foire aux bestiaux du 22 de chaque mois, et surtout celle du 22 septembre, accompagnant la ducasse St-Mathieu et qui durait 9 jours, attiraient beaucoup de visiteurs… et de visiteuses. Beaucoup de jeunes Catésiens « se mettaient alors en devoir de faire quelque jolie conquête pendant la fête », et on célébrait bien des fiançailles au « raccroc » du dernier dimanche.

La ville était bien approvisionnée (Annuaire de 1850 – prix de Cambrai, sensiblement ceux du Cateau). La bière, boisson favorite, valait 15 francs l’hectolitre, le vin ordinaire 70 francs… la marée ou poisson de mer 0 fr 40 le kilog et 0 fr 45 les poissons d’eau douce. Les huitres coûtaient 3 frs 40 à 5 frs le cent, de très belle grosseur. Le beurre était vendu 2 frs 20 le kilo et les œufs 10 sous la douzaine.

Les diligences ou messageries assuraient deux transports quotidiens de Cambrai au Cateau. Le départ en était Place au Bois, à 6 heures du matin et 3 heures de l’après-midi – mêmes horaires pour le trajet du Cateau à Cambrai. Les relais de poste de Watremez à Beauvois ou au Jeune Bois…, et le maître de poste aux chevaux au Cateau, Fr. Goffart, au faubourg de Landrecies (la grange à la charpente de chênes mal équarris, la porte cochère du relais des postes Goffart existent encore, rue du marché aux chevaux) assuraient des équipages et coursiers bien soignés que dirigeaient les postillons Larivière, hommes de confiance.

Parmi les hôtels de la ville, il y avait l’Hôtel de France, face au Palais, tenu par M. Loir-Colmant (Antoine Loir, maître d’hôtel, époux de Rosine Colmant), rue d’Entre Marché ; il avait acheté cette maison le 15 septembre 1836 des héritiers du Maréchal Mortier qui, lui-même, l’avait achetée deux ans plus tôt, en 1834, le 6 mars, des héritiers Bonnaire. M. Loir l’avait payée 22 000 francs. En 1857, il la revendait 43 750 francs à M. Bergthold (Jules Stanislas), ancien limonadier, époux Rosalie Forel de Rheims (42 rue Cérès).

Dévasté, l’hôtel devint la maison et étude de Me Baudhuin, notaire au début du 20e siècle… avant d’être celle de M. Macron (1944) chez qui j’ai trouvé ces détails.

Le 17 novembre, le conseil municipal envisageait le passage du « railway » de St-Quentin à la frontière belge que le gouvernement regardait comme « stratégique » par notre ville ; il s’agissait d’un projet… l’embranchement de Cambrai, relié à Douai, à la grande ligne Paris – Lille devait desservir Le Cateau. C’était le souhait de nos édiles.

Le bureau de postes aux lettres était tenu par Mme Debouche, directrice, petite rue St-Martin ; il était ouvert de 7 heures à 1 heure et de 3 heures à 7 heures de l’après-midi. La petite rue St-Martin s’appelait aussi rue de la Prison, du nom du « dépôt de sûreté » pour vagabonds ou délinquants. Une cave de l’hôtel-de-ville servait alors de prison, dont le concierge geôlier était Hannequand.

A la Justice de Paix siégeait M. Edouard Chantreuil ; deux huissiers instrumentaient en ville : J. B. Fontaine, rue de France, et Lepaon, rue de la Prison. Les jours d’audience étaient le vendredi, 9 heures.

Quatre notaires avaient leurs études au Cateau :

  • Me Basquin-Noël (d’Inchy), successeur des Deudon père et fils
  • Me Charles Carlier, successeur de Mrs Mallet et Sculfort
  • Me Henri Flayelle, successeur des Bricout fils et père
  • Me Hector Flayelle, successeur de Mollet et Rodriguez.

M. Joveneaux, gendre de feu Maître Mallet, notaire, était percepteur.

Une bibliothèque, de 2 000 volumes, était ouverte au public le dimanche, de 8 heures à 12 heures, et le jeudi de 1 heure à 4 heures, dans une des salles du collège. M. Dubois, professeur au collège, était bibliothécaire.

Instruction publique au Cateau

Le collège était en état déplorable de décadence, constatait, le 10 juillet 1850, le conseil municipal. En 1849, il y avait 31 élèves, dont 17 pensionnaires.

Le départ de M. Hyacinthe Debuyser, nommé inspecteur primaire qui avait refusé puis démissionné, lui avait fait le plus grand tort car il s’était installé maître de pension, et son pensionnat jouit tout de suite d’une grande vogue.

Le principal, M. Retaux, déplorait cette déchéance. Pour rendre au vieux collège des Jésuites son ancienne splendeur, M. Bricout-Auger, ancien notaire (Bricout fils) propose d’en confier la direction à des professeurs libres… que M. Le Comte, principal du collège de Tourcoing enverrait au Cateau. Ce projet de collège libre est pris en considération par 10 voix contre 7, mais un contre scrutin, huit jours après, le 17 juillet, le repousse par 12 voix contre 8.

En 1852, M. De la Fons reviendra à la charge : il souhaite que le collège soit confié pour 5 ans à une association religieuse ou laïque rétribuée par les familles aisées et la ville pour les familles peu aisées. Ce vœu est repoussé par 11 voix contre 1 et 2 abstentions. Le conseil a l’espoir que M. Dufay, le nouveau principal, par sa direction habile, relèvera de sa déchéance le collège du Cateau…

Sa voisine, l’école des Frères, prospérait toujours. Le Frère Agricole avait 461 élèves et 7 frères pour leur faire la classe.

Les religieuses, rue Cuvier, avec la mère Dame Marie Radegonde, avaient 345 élèves. En 1851, elles enseignent 210 à 220 jeunes filles indigentes.

En plus, Mlles Degrelle, rue St-Lazare, Ladrière, rue des Fours, et Boitte, rue des Savetiers, étaient institutrices en ville.

Théâtre au Cateau

Dès 1842, des troupes ambulantes passaient en notre ville. M. Brunelet demandait, le 14 novembre 1849, la concession gratuite pour 99 ans, d’un terrain sur la Place Verte, de 13 mètres de large sur 30 mètres de long, pour y établir un théâtre avec salle de danse, café et habitation. La ville en deviendrait propriétaire, sans indemnité, à l’expiration du terme. Sur le refus du conseil, M. Henri Brunelet (ou Brunlet) aménagea une salle de spectacle, à l’instar de Paris, rue St Jacques (rue Jules Halette actuelle), au faubourg de France. Il y fit des « sacrifices onéreux » et demandera en 1851 à la ville d’autoriser de plus fréquents spectacles. Deux troupes, celles de Mrs Bias et Clément, étaient seules privilégiées par arrêté municipal et habilitées pour y jouer. M. Brunelet, qui signe « propriétaire du Théâtre du Cateau », court à sa ruine… et le conseil lui donne satisfaction, invitant le maire, à l’exemple du sous-préfet d’Avesnes, dans l’intérêt de cet établissement naissant, d’accueillir des troupes ambulantes avantageusement connues, ce qui est voté à l’unanimité.

Les vieux Catésiens appréciaient leur théâtre … construit à la façon des Bouffes Parisiens de Paris, avec loges et galeries, qui connut à la fin du Second Empire des jours très prospères.

Cimetière

La raison du refus du conseil municipal d’établir un théâtre place Verte était la trop récente fermeture du cimetière St-Martin, désaffecté depuis le 9 avril 1845. On décida en 1852 d’en louer l’emplacement pour dépôts de bois ou hangars, sous la défense expresse d’y pratiquer fouille ou construction qui auraient remué le sol où reposaient les morts ; il était resté jusqu’alors abandonné… sauf certains monuments, comme celui de M. Ferdinand Ladrière, transférés au nouveau cimetière de Fesmy ; croix et monuments se dégradaient. En août 1851, on avait construit un mur partant du côté droit de l’ancienne grand porte et allant en ligne directe à la rue des fossés St-Martin, qui bordait le passage de 2 mètres, agrandi ensuite permettant de communiquer avec le faubourg St-Martin… et remplaçait les palissades provisoires.

Le nouveau cimetière, établi dans les terres des anciennes « coutures » (cultures) de St-André, rue de Fesmy, était clos de murs et planté d’arbres. Dans le rond-point, deux mètres carrés avaient été concédés gratuitement à la famille du vénérable M. Delabre, décédé doyen du Cateau le 14 septembre 1842. Il avait été remplacé par M. Hippolyte André Wallez. Les nièces de M. Delabre, Melles Bocquet, demandèrent, en 1855, l’autorisation d’élever un calvaire sur la tombe de leur oncle. La ville voulut participer, par une subvention de 400 francs, à l’érection du calvaire, en reconnaissance pour le pastorat de son ancien et vénéré doyen. Il dut être béni en mai 1856. La générosité de Mme Veuve Paturle-Lupin, qui a pris généreusement à sa charge les dépenses supplémentaires d’érection de ce pieux monument, soit 600 francs, a permis de terminer et d’élever ce calvaire.

De son côté, le 1852, M. Auguste Seydoux, manufacturier, demandait une concession de 12 mères carrés, dans le cimetière, dans l’espace réservé au culte protestant ; il voulait y établir un caveaude famille pour y déposer d’abord les restes de Mme Suzanne Angélique Brelaz, sa mère, veuve de M. François Seydoux – ce qui fut naturellement octroyé.

Inscription de la chapelle du cimetière

Brelaz Suzanne, Vve Seydoux, née à Vevey (Suisse) 28 –7 -1769, décédée au Cateau,

mère de

Charles (Jean Jacques Etienne) Seydoux, né à Vevey le 6-7-1796, mort en Seine et Oise 1875

et Auguste (Philippe), né à Vévey en 1801, décédé en 1878

Ce dernier épousa :

Annette Ponsin, née à Stenay (Ardennes) en 1797 + 1886

Avec enfants :

Rosalie, épouse de Henri Sieber (1803 – 1881)

Charles (Jean Etienne) (1827 –

Industrie

La crise économique touchait à sa fin, tout au moins dans l’industrie lainière… une lettre des Etablissements Seydoux (alors Paturle Lupin, Seydoux Sieber), répondant à une demande préfectorale, en témoigne (13 octobre 1850). Les soussignés assurent que l’industrie du pays est en situation satisfaisante. Les ouvriers tisseurs sont tous occupés, même il en manque pour certains genres de fabrication. En somme, l’année 1850 aura été plus heureuse encore, nous le pensons du moins, que celle de 1849…

Ce n’était pas l’avis de M. Edouard Delannoy, directeur du Palais, qui filait et tissait laine et coton ; il employait 1 800 à 2 000 ouvriers, tant à l’atelier que chez eux, qui déclarait : « Les affaires sont moins faciles qu’en 1849 et menacent d’être mauvaises pour l’année prochaine ».

M. Seydoux s’efforçait d’améliorer la race des moutons à laine, peut-être voulait-il acclimater à la Feuillée de Montay, dont il était propriétaire, les moutons mérinos ? Il recevait de la Société d’Emulation de Cambrai, dans la séance publique du 17 août 1849, deux primes de 1ère classe de 50 francs pour deux béliers, Dishley et anglo-saxon, dont la toison devait être opulente et d qualité supérieure (p. 83, annuaire pour 1850).

Des fabriques de broches étaient créées sur la Selle (M. Féret à Montay) ou sur le ruisseau de Tupigny. En 1848, Jacques Mouton (le citoyen) avait été autorisé, le 20 octobre, par arrêté du général Cavaignac, à « convertir en usine à polir les broches » l’usine construite sur le ruisseau de Tupigny par les citoyens Piot et Jourdan…. La ville dut, une fois de plus, défendre les eaux pures et salubres du Pavillon (alias Fontaine à Gros Bouillon) contre la prétention de M. Mouton d’utiliser et de diriger le cours des eaux des vieilles fontaines St-Pierre.

Sucre

L’industrie sucrière a fait son apparition au Cateau : route du Pont à Capelle va s’élever la sucrerie Piette-Baudry et Cie qui, le 19 novembre 1852, utilisera 3 chaudières à vapeur, machine à vapeur, 4 bassines à serpentins et 3 monte-jus ; en 1855, une distillerie y sera adjointe. En 1857, la fabrique de sucre est reprise par M. Jules Halette et Cie, dont la famille dirigera l’importante sucrerie jusqu’à sa disparition au début de ce siècle.

Gaz

L’éclairage au gaz fait son apparition en 1853 aux Etablissements Paturle Lupin. Le gazomètre va s’élever rue du Bois Montplaisir. L’usine du Palais (Delannoye et Cie) en aura bientôt un autre ; c’est l’emplacement de l’actuelle usine à gaz. Il fallut rogner sur le beau parc des seigneurs Archevêques pour installer l’éclairage à la filature de coton du Palais.

Asile St Charles (1851)

La question de l’entretien de l’asile allait amener une crise municipale. Le sous-préfet refuse le vote de 2 000 francs que le conseil municipal destine à l’entretien de la salle d’asile. Le conseil alors arrête l’éclairage de la ville le 8 mai… et décide qu’il en sera ainsi pour le restant de l’année. Cette économie libèrera 1 830 frs 90, disponible pour le maintien de la salle d’asile. Devant ces difficultés nouvelles, M. Herbert-Houche a démissionné.

M. Seydoux est un généreux mécène. Il a fait un don de 400 francs pour l’entretien de l’asile. Pour supprimer le litige entre le Bureau de Bienfaisance et la sous-préfecture, M. Charles Seydoux fait un nouveau don de 2 000 francs. Les 2 400 francs seront répartis comme suit :

1 200 francs pour l’ameublement de la salle d’asile des enfants

1 200 francs, montant de sa souscription à la fête publique projetée en faveur des vieillards.

Entre temps, la donation de M. Seydoux a été officiellement autorisée, le 23 juin, par le décret signé « à l’Elysée national » par L. N. Bonaparte, président de la République. Cette donation de la « grande caserne » des Russes est estimée 57 298,61.

Le nouveau maire, M. De la fons de la Plesnoy (Charles Hector René Joseph), nommé par le prince président le 27 juin, a comme adjoints, portés sur le même décret, M. Ponsin-Bonnaire Jean Baptiste et M. Evraux-Chantreuil Ange Charles Antone.

A l’unanimité, maire et conseillers décident que la salle d’asile, en souvenir du fondateur, M. Charles Seydoux, sera désormais appelée : l’asile St Charles ; c’est l’expression de la reconnaissance de toute la population ; en cet asile du faubourg de France, 200 enfants pourront être admis, chiffre maximum.

Une autre salle d’asile sera créée par générosité de Mme Seydoux, rue de St-Quentin, pour les enfants du quartier où habitent nombre d’ouvriers de la fabrique (on réparera la rue de St-Quentin, depuis la salle d’asile jusqu’au lieu-dit la Mairie (ancien lieu de juridiction ou fief de la mairie de la ville). Les Sœurs Augustines dirigent aussi cette salle de protection des premiers âges.

Hygiène publique

Les docteurs Pétel et Louis Carlier s’occupent de la salubrité publique. Leur dévouement lors du choléra de 1849 leur a valu de donner leurs noms, le premier à une minuscule ruelle, entre la route de Guise et celle de St-Souplet, plus exactement communicative entre la rue de la Gare (rue Théophile Boyer (1945) et rue Faidherbe, de nos jours ; le second à la rue belle ou du Pont Bleu.

La commission d’hygiène vote la suppression, le 10 septembre, de trois abreuvoirs, comme « causes permanentes d’infection affectant la salubrité publique » ; ces mares d’eau croupissante sont « des foyers délétères de vases boueuses » sans aucun secours en cas d’incendie.

Il y en a un au faubourg de Landrecies, alimenté par le ruisseau adjacent, dangereux aussi pour les chevaux des passagers qui croient en sécurité la santé de leurs montures qui s’y abreuvent. M. Laude, cultivateur riverain, est d’accord pour sa suppression.

Les deux autres sont sur les hauteurs des Plats Fossés, rue du Bilbacq, qui continue les Hauts Fossés… dont le peuple conserve les noms anciens indiquant leur utilisation en tranchées de défense ou d’abri lors des attaques de la ville forteresse. L’ensemble des hauts Fossés et du Bilbac fera, en 1854, « une promenade agréable, ombragée, une belle et large rue… » ; le boulevard Paturle les comblera, le Bilbac terrassé, avec plantations d’arbres, les Hauts Fossés nivelés.

Logements insalubres

Beaucoup de maisons manquent de fosses d’aisance… de plus, les caves où habitent nombre d’ouvriers n’ont pas été blanchies à la chaux comme il était prescrit. 17 caves sont interdites, comme insalubres, par la commission de salubrité, rue du Bon Dieu (ou des 3 maisons), St-Lazare, des Récollets et Gentil ; on incrimine de plus l’élevage dans les cours sans eau, de nombreux lapins « dont les fumiers exhalent une odeur fétide ». La commission décide que ces animaux seront détruits. M. Richard, commissaire de police, très zélé, est félicité… il reçoit une augmentation de 300 francs en plus du traitement fixe de 1 000 francs.

La ville ne peut être plus généreuse : elle est dans la gêne par les dépenses énormes engagées pour la construction de ses routes, l’entretien de ses rues, leur élargissement ; le bas de la rue du collège est agrandi par une portion de terrain cédé à la voie publique par M. Hector Flayelle-Laurent, notaire ; celui-ci proteste par pétition du 18 février 1858.

1852 (1) : Sa pétition, lit-on au registre du conseil municipal, « est remarquable quant à l’inconvenance des termes dans lesquels elle est conçue ». Elle est renvoyée à son auteur pour être rédigée en termes convenables ; alors, elle sera examinée.

(1) 1852 : Ephémérides

Fondation de l’Asile de la sagesse, rue de St-Quentin.

Construction d’un temple protestant.

Le 31 août, le conseil décide l’achat d’un buste du Prince président, coût : 35 francs, devant lequel se fera la prestation de serment réglementaire « obéissance à la constitution et fidélité au Président ».

Depuis le 26 août, Le Cateau a un nouveau maire, nommé par le Prince président : c’est M. Seydoux Philippe Auguste. M. Eraux devient premier adjoint et M. Jules Sartiaux second adjoint.

Le 2 octobre, le conseil municipal envoie une adresse au prince Louis Napoléon, le félicitant d’avoir échappé à l’attentat dirigé contre sa personne à Marseille. Deux conseillers démissionnent, protestant contre cette adresse qu’ils jugent inopportune.

Mrs Jacqz-Caille et Lozé-Tilmant, les démissionnaires, républicains convaincus, n’auront pas à s’associer au vote du conseil du 2 décembre qui destine un crédit de 600 francs, en charitables dons, pour fêter la proclamation de l’Empire et l’Empereur Napoléon III. Les 600 francs furent utilisés, moitié en bons de viande, moitié en vêtements pour les petits enfants pauvres.

Le « coup d’état du 2 décembre » était ratifié par un nouveau plébiscite. Le peuple français avait adopté l’Empire héréditaire, le 21 novembre, par 7 880 000 oui contre 250 000 non.

Victor Hugo, réfugié à Guernesey, puis à Bruxelles, écrivait les Châtiments ; il restera dans l’opposition… (1) ses poésies exaltaient Napoléon le grand, l’oncle, et accablaient le neveu « Napoléon le petit », interdites en France, arriveront clandestinement en volumes minuscules, de Bruxelles, cachés dans des bustes de l’Empereur ; on en brisera le plâtre pour distribuer les poésies aux vers puissants et vengeurs…

(1) Ancien député, il fut exilé comme Thiers. Victor Hugo appelle communément l’Empereur « mandrin, cartouche… », du nom des voleurs les plus connus de l’époque ; il se plaindra ensuite d’être seul « à braver Sylla ». Il verra dans la guerre de Crimée la pierre d’achoppement qui précipitera l’Empire aux abîmes (1853). Le régime tint bon jusqu’à la guerre désastreuse de 1870… 17 ans encore … malgré les imprécations du grand poète et pamphlétaire.

Chemin de fer

En juin 1852, M. Auguste Seydoux, maire, demandait que le tracé du chemin de fer de Somain vers Le Cateau ne passât point par Cambrai, mais par Valenciennes et Anzin, centres houillers. Mais cette demande ne pourra être prise en considération, ni celle du 24 octobre 1854 demandant que le débarcadère de la station du Cateau soit placé entre les chemins de Fesmy et la route vicinale 52. De nombreux ouvriers travaillent aux travaux de la voie ferrée St-Quentin-Erquelines et habitent en ville ; elle sera inaugurée fin octobre 1855. Le 22 octobre (à contrôler), le premier train passe en gare du Cateau, établie loin du centre de la cité, et M. le Baron de Rothschild, directeur de la Compagnie Nord-Belge, fait don de 500 francs aux pauvres du Cateau.

Le Cateau sous le Second Empire (1852 – 1870)

L’Empereur Napoléon III s’employa à développer le bien-être du peuple. Thiers écrivait de l’Empire que c’était « une monarchie à genoux devant la démocratie ». L’Empereur des Français veut donner à son règne un caractère populaire et social lorsqu’il se marie, en janvier 1853, avec une comtesse espagnole, la belle Eugénie de Montijo ; il manifeste ses tendances démocratiques, n’ayant pas cherché, déclare-t-il, « à s’introduire à tout prix dans la famille des rois » ; devant la « vieille Europe, il prend la position de parvenu, titre glorieux lorsqu’on parvient par le libre suffrage d’un grand peuple ».

Comme Louis XVIII succédait à Louis XVI (le dauphin Louis XVII s’il avait régné étant mort dans l’interrègne de la Révolution), Napoléon III succède à son oncle Napoléon Premier… le titre de Napoléon II étant laissé au petit Roi de Rome, devenu duc de Reichtaedt [Reichstadt] et mort en 1832 à la cour de son grand-père, l’empereur François II à Vienne…

De fait, le pays connaît alors une prospérité sans égale et Le Cateau voit se développer l’industrie lainière. En 1853, les Etablissements Seydoux ont leurs premiers métiers à tissu mécaniques : 10 cette année-là, 50 l’année suivante. Dix ans après, on en comptera 400. A la filature, le nombre des broches semi-mécaniques (système Mull Jenny) était, en 1854, de 33 500 contre 1 600 en 1818, début de la maison Paturle Lupin.

Les ouvriers étaient élus au Conseil des Prudhommes… le sort de leurs enfants était amélioré : crèches, asiles, comme il s’en créa au Cateau sous l’impulsion de la maison Seydoux, en attendant la fondation de l’hôpital Paturle.

L’Empereur voulait aussi une politique agricole, avec caisses de crédit, secours mutuel, assurances…

Sa Majesté Impériale est de passage à Lille le 9 septembre 1853 ; une députation du conseil municipal du Cateau va « le saluer et lui exprimer la reconnaissance du pays ». « L’Empire, c’est la paix » avait déclaré le souverain.

Ouverture de la rue Fénelon

La tranquillité de notre ville n’était point troublée par les nombreux ouvriers étrangers occupés aux travaux de chemin de fer. Le Bilbac, habité par la population ouvrière, manque de débouchés. Le 9 juin 1853, une rue est ouverte entre le Bilbac et la rue de St-Quentin, c’est la rue Fénelon… Un plan, tracé alors, montre l’étendue de la belle promenade des digues, entourée de fossés, plantée d’arbres, que les ouvriers du Bilbac devaient contourner pour gagner, par la passerelle du moulin Fourneau, par la ruelle des Loups continuant le chemin Vert, puis par la rue du Chême Arnaut, s’ils montaient vers la gare. D’autres rues (la future rue Carville), avec la Passerelle d’Arcole et un pont doublant le passage du moulin Fourneau, sont en projets.

Sapeurs-pompiers

Grâce à la libéralité des Etablissements Seydoux (officiellement la maison Paturle Lupin Sieber co-manufacturiers), la ville est dotée d’un excellent matériel contre l’incendie et de valeureux soldats du feu.

Le Mérinos avait déjà une compagnie autonome de 60 sapeurs-pompiers, non armés, choisis parmi leurs meilleurs ouvriers, avec 3 pompes. M. Seydoux propose d’y recevoir, en février 1853, 30 hommes, parmi les volontaires de la ville… pour former une compagnie de 90 hommes sous les ordres de l’autorité municipale. L’armement sera fourni par l’Etat. L’habillement ne coûtera rien à la ville, la libéralité des manufactures y pourvoira. On ne peut utiliser les armes de la garde nationale… trop anciennes : les fusils, qui avaient été confiés aux gardes bourgeois de 1830, dataient de 1777…

L’ancienne musique de la garde devint celle de la Compagnie des sapeurs-pompiers. De fait, les sapeurs-pompiers du Cateau ont une très belle tenue « admirée par le Préfet et le général Frumin » (février 1853, à l’occasion probablement d’une revue à Lille). Surtout leur zèle est digne d’éloges, il a permis d’arrêter un incendie qui menaçait le faubourg de Cambrai tout entier.

Le sinistre qui, en 1857, détruira la salle de spectacle, ruelle St-Jacques, prouvera leur valeur : nos sapeurs-pompiers protègent alors une vaste grange couverte de chaume, presque contigüe au théâtre ; l’embrasement du chaume aurait très probablement entraîné la destruction d’une partie di faubourg de France.

En 1860, la foudre met le feu au clocher de l’église, le 27 mai. Les efforts des pompiers limitent les dégâts et protègent notre église paroissiale. L’assurance « La France » a payé les réparations du clocher.

La crainte du feu amène le conseil municipal à louer aux boulangers de la ville le terrain de l’ancien cimetière pour y entreposer leurs bois de chauffe des fours… l’accumulation des bois en ville étant un danger d’incendie.

Ecole des Sœurs

Ce terrain est demandé par les religieuses de Notre-Dame qui voudraient y construire un asile de 250 enfants à leurs frais (1) mais le conseil réserve cet emplacement pour y édifier la future école communale.

M. de la Fons plaide pour les religieuses ; elles ne peuvent envisager la gratuité de l’asile, ainsi que l’aurait souhaité le conseil municipal : elles ont déjà 265 élèves et un asile payant de 40 enfants, rue Cuvier. Mais le conseil reproche aux Sœurs d’enfreindre le règlement des écoles primaires publiques, établi par le décret du 10 juillet 1851. Leurs élèves internes sont séparés des externes, les payantes des non payantes… celles-ci portent même un bonnet uniforme que n’ont pas les autres élèves. M. Flayelle s’associe à son collègue de la Fons pour défendre les dévouées éducatrices de la jeunesse.

La Place Verte, voisine de leur école, est le plus souvent encombrée de voitures : le conseil a formé le vœu qu’elle serve aux jeux des enfants et non plus de garages aux véhicules.

(1) Les veuves Chantreuil et Grozo réclament aussi, comme voisines du terrain, habitant la rue Cuvier, leur part de fossé, cimetière désaffecté.

Asile

Le plan de l’asile, qui va être construit faubourg de France, est arrêté : M. Pétiaux, architecte de Valenciennes, a présenté le projet – celui de M. de Baralle, architecte de Cambrai, est rejeté… les 250 enfants, soignés par les Sœurs Augustines, sont trop à l’étroit. Dans la nouvelle salle de l’asile St-Charles, on pourra en recevoir beaucoup plus (2).

(2) M. Pétiaux a réalisé une façade de style roman qui rappelle l’entrée d’une église, avec rosaces, niches… où manquent les 3 statues de la Foi, l’Espérance et la Charité. C’est une des curiosités de la ville, entre la maison du Maréchal Mortier et l’hospice-asile, de bon style 18ème siècle.

Eglise

M. Pétiaux a été également choisi pour restaurer la façade de l’église paroissiale qui tombe en ruine : les colonnes en pierre bleue du portail sont à remplacer par suite de la complète détérioration du soubassement (3).

(3) Sont-ce les quatre colonnes remplacées qui sont placées contre les murs latéraux, à droite et à gauche de l’église et que l’architecte laisse comme motif décoratif qui eut été acceptable s’il avait été tapissé de vigne vierge ou de verdure ?

1855

C’est toujours M. Pétiaux qui l’emporte sur M. de Baralle pour dresser le plan du futur abattoir. Le terrain en est acheté, en février 1855, 9 000 francs à M. Diot, charpentier, M. Mouton ayant refusé la pièce de terre lui appartenant et convoitée par la ville. La construction de l’abattoir, devis compris, ne doit pas dépasser 60 000 francs.

Guerre de Crimée – Epidémie au Cateau

Le 15 août 1855, Sa Majesté l’Empereur avait décidé que les sommes destinées à sa fête, célébrée comme sous le Premier Empire le jour de l’Assomption, seraient employées à secourir les familles des militaires morts en soutenant si noblement, en Crimée, la gloire et l’honneur du nom Français.

L’Empire avait dû rompre la paix, par question de prestige… et aussi pour maintenir l’équilibre européen, en s’alliant à l’Angleterre, jadis l’ennemie implacable du 1er Empereur. C’était au loin, pour défendre les Dardanelles, les Turcs contre l’impérialisme russe, que la guerre était portée en Orient, en août 1854, puis se localisait en Crimée. Le siège de Sébastopol dura plus d’un an. Le 8 septembre 1855, la prise de Malakoff faisait tomber la puissante forteresse.

Ce fut un Catésien, César Guislain Vaillant qui « posa les échelles et jeta les ponts » lors de ce fait d’armes décisif ; son épitaphe mortuaire du cimetière nous l’apprend… lieutenant comptable au 86e régiment de ligne, vétéran des campagnes d’Afrique, de Crimée et d’Algérie, l’officier César Vaillant mourut jeune, à 38 ans, en 186… (chiffre effacé).

Le traité de Paris assure le prestige militaire et politique de la France ; l’exposition de 1855 étala, devant les étrangers visitant la capitale, les richesses de son sol et de ses industries.

Chômage

Cependant, au Cateau, la cherté de la vie et une crise dans les manufactures amenai[en]t la ville à établir des ateliers de charité. 9 000 francs de travaux de terrassement étaient décidés, en octobre, pour aider les ouvriers inoccupés. Les travaux du chemin de fer étaient terminés avec l’ouverture de la station du Cateau ce même mois.

Epidémie

Le faubourg St-Martin avait été frappé, au temps de la ducasse, d’une épidémie de fièvres graves, la typhoïde. Les habitants, en ce quartier surpeuplé, manquaient d’eau potable. Une seule maison, la maison Delhay, abritait 80 à 90 habitants. Dans la maison Diot, il y avait 4 cas de typhoïde sur 8 membres de la famille.

La commission des logements insalubres intervient : 53 habitations sont encore signalées comme dangereuses : pas d’eau ni de fosses d’aisances. Ce sont les caves habitées de la Ruelle du Bon Dieu qui présentent le type le plus complet d’insalubrité. Le secrétaire de la commission, le docteur Sautis, a des mots sévères : « quelques taudis à cloaques innommables ne devaient pas exister en une population chrétienne ».

Caves

Par contre, les caves de l’hôtel-de-ville sont relativement saines… un ancien agent de police, Vaillant, y habitait en 1855 ; il cesse d’y rester, résiliant son bail qui est trop onéreux pour ses petits moyens.

Beaucoup de vieilles caves, à ogives ou à voûtes de pierre, avaient été modernisées. Rue Cuvier, les maisons du notaire Rodriguez Hippolyte, ayant remplacé le Gouvernement ou maison du châtelain gouverneur, ont « de vastes caves, avec cuisines souterraines, puits, four, chaudière et pertes d’eau… ces puisards des caves catésiennes. »

Ses héritiers mettent en vente immeubles et meubles le 18 octobre 1852. « Le journal du Cateau », du 17 octobre, reproduit l’affiche de vente ; elle nous permet de connaître le confort d’une maison bourgeoise sous l’Empire naissant.

Salons avec glaces, consoles, appuis de fenêtres en marbre – à l’étage, 6 places à feu (à cheminée), 2 cabinets et, ce qui était rare dans les maisons, « lieux à l’anglaise (W.C.) – Lits de plumes, prussiennes et calorifères, réchauds et cloches argentées et plaquées, servant de chauffe-plats – vins en bouteilles dans les boves… »

Les religieuses de N.D. durent acheter l’immeuble pour agrandir leur établissement. La cour de récréation du groupe scolaire remplace ce vieux logis, confortable il y a un siècle…

Casernes

Les gendarmes étaient moins bien logés que les bourgeois. Installés rue des Récollets, dans l’ancienne auberge de l’Opéra de Louis Tilmant, les vieux bâtiments, mal entretenus, se dégradaient chaque jour. Nos gendarmes, si appréciés des honnêtes gens, se plaignaient à juste titre de leur casernement, « le plus mauvais de l’arrondissement » (en 1857), aux « logis humides et malsains comme beaucoup d’autres en notre ville ».

La ville avait bien pensé, en 1856, à la maison de M. le Duc de Trévise pour y transférer la caserne, mais elle dut y renoncer.

L’autorité militaire intervient… refusant de renouveler le bail du casernement délabré, dont le couloir et la cour sont dallés avec d’anciennes pierres tombales, des Récollets, venant de l’Eglise, qui était presque en face, au-dessus de la Fontaine souterraine. La ville décidera donc de la construction d’une caserne sur l’emplacement de l’ancien cimetière, au bout de la Place Verte… le 8 juin 1857.

1856 : Inondation

Une nouvelle calamité frappe les Catésiens, habitants des quartiers bas de la ville. Des pluies diluviennes, en juin, font déborder la Selle et les eaux, sortant du lit, font d’importants ravages.

Baptême du Prince Impérial

Aussi les fêtes qui devaient avoir lieu le dimanche 15 juin 1856 pour célébrer le baptême du prince impérial, Louis Napoléon, baptisé le 14 juin, sont-elles supprimées. Le crédit de 300 francs, qui avait été voté pour les réjouissances, est employé pour venir en aide à nos malheureux compatriotes si cruellement éprouvés par les inondations.

L’aqueduc de la rue d’En Bas doit être assaini car les exhalaisons méphitiques qui s’en dégagent incommodent tout le quartier… il est vrai que les habitants y jettent leurs détritus, à cause de l’enlèvement irrégulier des ordures, la coalition des boues empêchant un service normal et journalier.

L’activité de M. Richard, commissaire de police du canton, très actif même en ville, puis celle de son successeur, M. Sceller, venant de Merville, ancien sous-officier décoré en Afrique, n’ont pu briser cette coalition… (2). Leurs efforts vont s’exercer sur d’autres questions d’hygiène.

(2) Parmi les motifs des 161 contraventions dressées du 1er mai 56 au 30 avril 57, on trouve une contravention pour vente de livres non estampillés, une autre pour usage de poids anciens.

Pollution des eaux de la Selle

Le lit de la Selle est rempli d’une matière infecte : l’installation d’une distillerie en amont du Cateau en est cause. M. Piette-Baudry distille jus de betteraves et mélasse depuis 1855 – il faut obtenir la levée mensuelle des vannes des usiniers ; le rigolage régulier des eaux de la rivière, suivant les prescriptions de l’ingénieur hydraulique, est indispensable.

La lenteur des bureaux de la préfecture empêche d’aboutir dans les questions des pompes et de l’abattoir.

Fonderies

L’installation d’une fonderie, au faubourg de France, rue Belle, par M. Deloffre-Sartiaux, pompier mécanicien, facilitera l’installation et réparation des pompes. L’avis d’enquête de commodo vel incommodo est publié à son de caisse et affiché à la porte principale de l’église et à celle de la maison commune le 26 avril 1855.

De même pour le transfert, de la rue de Baillon au 5 de la rue de Landrecies, de la fonderie Vve Vinchon-Cavro dans l’ancienne brasserie Colmant (fonderie de métaux au creuset et à la calibasse).

Des fonderies de suif (en branche, par l’acide sulfurique) sont transférées dans les faubourgs : Carette-Sartiaux, grand place ; Copie-Corroyer, rue des Récollets (1) ; Egret frères établissent un équarrissage faubourg de Landrecies ; M. Fievet-Remy, grand place, n’est pas autorisé à fabriquer chandelles et bougies à proximité de l’église, par opposition du conseil de fabrique.

(1) Mais M. Copie-Corroyer pourra continuer son industrie de sel (salineur) rue des Tanneurs (alias Récollets prolongée) ; il aura comme successeur, en 1863, E. Fievet-Perinet « Sels, amidons, huiles, savons » qui, en 1877, vendra les denrées coloniales, café, etc…

Eclairage

Une enquête est faite 1° sur le coût de réparation de matériel de l’éclairage à l’huile qui est en très mauvais état ; 2° sur l’entente possible avec les directeurs du Palais, M. Edouard Delannoy-Bricout et Muller, qui sont propriétaires d’une usine à gaz pour leur usine. Pourraient-ils en fournir à la commune ?

Ce deuxième point est adopté à l’unanimité. Tous les conseillers sont d’avis de substituer, au fur et à mesure de l’usure du matériel, l’éclairage au gaz.

1857 : gaz d’éclairage (1)

Le 16 mars 1857, un accord est réalisé. Mrs Delannoy et Müller signent une convention pour 13 ans pour l’éclairage de la ville au prix de 6 centimes par bec et par heure, soit au gaz, soit à l’huile pendant 6 ans 1/2, et pendant l’autre période de la convention au prix de 5 centimes l’heure. Ce prix paraît relativement élevé mais il comprend l’installation des tuyaux dont la longueur permettra d’alimenter 30 becs ailleurs.

(1) 1857 : Ephémérides

Mars (?) incendie du Théâtre, ruelle St-Jacques ou Brunlet – Eclairage au gaz – Plan d’alignement de M. Dagatier, agent voyer – Rédaction d’un supplément à l’inventaire des archives – Erection calvaire au cimetière (tombe doyen Delabre).

Instruction

Mrs Paturle Lupin Seydoux Sieber ont fondé en 1852, rue de St-Quentin, une institution charitable dirigée par les Sœurs de la Sagesse considérée comme un modèle du genre, avec trois degrés d’instruction. En 1857, l’asile comprend :

  1. salle d’asile de 275 enfants pour l’A.B.C.
  2. classe primaire pour 50 jeunes filles.
  3. une classe du soir pour 160 jeunes ouvrières qui travaillent le jour.

Dans la fabrique même, une école primaire du soir reçoit 240 jeunes ouvriers.

Les Frères de la Doctrine Chrétienne en enseignent 324 avec sept frères.

L’asile St-Charles, terminé en 1856, recevra plus de 250 enfants.

Les Sœurs Augustines ont créé, dans leur maison, un orphelinat de 25 enfants, dont 5 sont à la charge du Bureau de Bienfaisance.

Les religieuses de la Congrégation de N.D. (2), rue Cuvier, ont :

  1. une salle d’asile de 50 payants.
  2. un pensionnat de 21 payants.
  3. un externat de 84 payants.
  4. deux classes pour jeunes filles peu aisées aux frais de la ville avec 151 élèves.

L’institution de Mlle Duthoit reçoit 25 jeunes filles payantes.

M. Hyacinthe Debuyser avait fondé, dans le reculé de la halle, une école professionnelle et commerciale (enseignement primaire supérieur) qui « jouit depuis longtemps d’une réputation justifiée par les succès des jeunes gens qui en sont sortis ».

Elle comptait, en 1856, cent élèves dont 45 pensionnaires. La fanfare de l’établissement était réputée. En 1857, 115 élèves, dont 50 pensionnaires. M. Debuyser était un transfuge de l’enseignement officiel et débuta, on l’a vu, au collège du Cateau.

(2) Les religieuses de la congrégation N.D. auraient débuté en 1822, faubourg de France, dans le presbytère actuel, maison Sartiaux, puis Flayelle-Sartiaux.

Collège du Cateau

Celui-ci, sous l’habile direction de M. Louvet qui remplaça M. Deland, inspire confiance aux familles. Il compte 41 pensionnaires, 59 externes. 60 adultes suivent l’école du soir.36 élèves y suivent les études classiques.

Au Cateau, l’enseignement primaire était suivi par 925 élèves à titre gratuit et 155 à titre payant.

Au collège, 4 régents à 1 000 francs par an et un maître de mathématique, un maître d’études à 800 francs de traitement, émargeaient au budget de la ville.

Le prix de la vie qui augmente rend leur situation triste et peu enviable ; ils sont augmentés de 200 francs.

Le budget de 1858 prévoit une nouvelle augmentation de 100 francs et la construction d’un abreuvoir au faubourg, l’installation d’un calorifère à l’asile St-Charles, 200 francs de traitement pour le portier du collège et la nomination d’un professeur de mathématiques au collège ; son traitement est voté… ce serait un véritable bienfait pour de nombreuses populations industrielles (1).

(1) Une filature de coton, en 1857, est en marche rue du Bois de Mon Plaisir, avec machine à vapeur de 6 chevaux : M. Robiquet en est le propriétaire ou directeur.

Tramways à chevaux

L’ingéniosité d’un certain M. Lautet, séduit par la commodité des chemins de fer, lui fait proposer à la ville le projet suivant : transformer nos routes en chemin de fer, par rails ou voies ferrées par traction de chevaux… Le conseil municipal est séduit par ce projet qui faciliterait les relations d’une foule de communes déshéritées avec les chemins de fer à vapeur. La réalisation des tramways à chevaux eut grand succès, avant la traction électrique, dans les villes et banlieues.

Chômage

En cette fin d’année, le chômage des ouvriers augmente par suite de la crise financière… une collecte philanthropique est organisée en leur faveur. Elle doit rapporter un minimum de 4 000 francs. Si la somme est inférieure, la ville sera imposée d’un centime additionnel.

Les ouvriers « sans travail » sont occupés aux travaux des chemins vicinaux, à l’élargissement des ruelles St-Jacques, St-Hubert et Pépin, portées à 10 mètres (rue Jules Halette, ruelle de Flandre, ruelle St-Jacques où la salle de spectacle de M. Brunlet est détruite par un sinistre), à l’agrandissement des entrées de la ville, au faubourg Eaureste (« l’eau y reste »), quartier d’eau stagnante.

Depuis novembre, une soupe populaire est distribuée aux enfants pauvres par les religieuses de l’asile, dont le jardin fournit les légumes.

1858 : Attentat d’Orsini

Le 15 janvier 1858, le conseil municipal envoyait à l’Empereur Napoléon III une adresse de félicitations à l’occasion de l’attentat de la veille. L’italien terroriste Orsini et 3 complices avai[en]t jeté des bombes sous la voiture impériale, sans les atteindre, alors que Napoléon et l’impératrice Eugénie se rendaient à l’Opéra. On y stigmatisait « les lâches insensés qui osent encore rêver le renversement du gouvernement le plus ferme et le plus tutélaire qui ait jamais régi un grand empire ».

Guerre d’Italie

Orsini était un nationaliste italien qui voulait libérer son pays de l’Autriche, puissance occupante. Sa bombe fut considérée comme un avertissement à Napoléon, qui décida de consolider la position de la France en Europe par la Guerre d’Italie.

Magenta, Solférino (juin 1859) furent les victoires les plus célèbres de cette campagne à laquelle des Catésiens nombreux prirent part (dont César Guislain Vaillant). La médaille commémorative d’Italie décorait la poitrine de nombre de nos compatriotes (1). La Savoie et le Comté de Nice furent rendus à la France par le futur roi d’Italie, Victor-Emmanuel, roi de Piémont. Mais les Italiens se plaignirent de n’avoir pas été aidés dans leurs intégrales revendications (ils voulaient Rome et les Etats pontificaux) et d’avoir dû céder aux Français deux provinces.

Une amnistie des condamnés politiques marqua, après la campagne d’Italie, le début de l’empire libéral. Victor Hugo refusa de bénéficier de cette mesure d’apaisement.

(1) Mon grand-père, Anicet Théophile Ménard, portait cette médaille.

Urbanisme : Le Cateau se transformait

le plan d’alignement de l’agent voyer Dagatier prévoit l’élargissement de certaines ruelles, telle la ruelle St-Jacques ou du Théâtre. Elle sera continuée par une nouvelle rue, avec égout collecteur qui supprimera le cloaque des eaux stagnantes des fossés, au faubourg Eaureste (2), bien nommé à cause de ses fossés insalubres et sans courant d’eau.

Cette nouvelle rue (dite du Pont Fourneau) devra franchir la Selle et se continuer par la ruelle des Loups et le Chemin Vert, dont les hurées seront aplanies.

Jusqu’alors, la passerelle pour piétons du moulin Fourneau était le seul passage ; de plus, un abreuvoir très dangereux, car des hommes et des chevaux y ont déjà perdu la vie, trop près du gouffre du moulin, devra être supprimé.

(2) C’est en 1863 que disparaîtra « le cloaque qu’est la Place du Rejet. » Le large et profond fossé dangereux du faubourg Eaureste sera comblé en 1865.

Pont Fourneau

M. de la Fons consent à céder une partie de son jardin (qu’il hérita de M. de Zevallos) pour établir l’entrée d’un nouvel abreuvoir.

M. Mouton, propriétaire du moulin Fourneau, veut supprimer le droit de passage par la passerelle du moulin.

La ville doit établir son droit incontestable à ce passage, d’après les lettres en ferme d’avant la Révolution. Ces lettres en ferme ou embrefs des échevins de la ville et châtellenie, juges civils et criminels, nommés par le seigneur archevêque, sont preuves irréfutables, d’après l’article 6, livre 5 des coutumes du Cambrésis, de l’existence d’un pond, antérieur au moulin (voir note page suivante). Plus tard, le moulin l’emporta sur le pond qu’on supprima pour les nécessités de la défense de la ville.

Moulin Fourneau

Depuis 30 ans et plus, de temps immémorial même, avant la Révolution, le public avait conservé le droit de passage au moulin Fourneau (moulin à fourneaux, jadis). M. Mouton père, par actes du 29 mars et 19 mai 1792, devint propriétaire du moulin qu’occupait auparavant le sieur Bodesse, fermier du moulin pour le ci-devant archevêque de Cambrai.

Le nouveau pont Fourneau coûtera 6 200 francs, plus 1 000 francs pour l’aqueduc qui remplacera donc un fossé à ciel ouvert où se collectent, rue du Chêne Arnaud, les eaux de la route départementale n° 10, de la rue du Pont Bleu et de la rue du Théâtre. Mais le pont reste à l’état de projet.

Caserne de gendarmerie

Par contre, la caserne de gendarmerie s’éleva près de la Place Verte. On déplaça le magasin aux pompes, qu’il fallut reconstruire. La caserne fut prévue pour deux brigades, une à pied, une à cheval ; bâtiment à un étage, dont le devis monta à 34 000 francs. Les gendarmes occupent l’ancien cimetière St-Martin. Une nouvelle rue est tracée en 1859 pour accéder à la nouvelle caserne, allant de la rue St-Martin à la rue des Fossés St-Martin.

Marché aux vaches

Le nivellement de la rue dite derrière les murs (des remparts) du chemin de Fesmy, rue du cimetière, permet l’aménagement du marché aux vaches, tenu alors rue de Landrecies jusque 1861. Des chaines y sont posées, reliant des bornes, comme au marché aux chevaux ; coût de l’aménagement : 10 400 francs comprenant empierrement et pavage des marchés jusqu’aux fossés St-Martin.

En 1863, des marchands de chevaux souhaiteront que le marché aux chevaux soit transféré au marché aux vaches, plus propice à la présentation des bêtes. Les protestations des habitants de la rue et faubourg de Landrecies obtiennent le statu quo.

Marché aux grains

Ce marché périclite par suite de la mauvaise foi, les exigences et la grossièreté des agents employés le plus souvent par l’adjudicataire des droits de la halle.

En 1861, une partie de la Halle sera appropriée au Bureau d’octroi et une agence aux grains est installée en ville.

Un marché couvert serait utile. M. Bienvaux, commerçant sur la place, avait offert, en 1859, de transformer à ses frais sa maison en marché couvert, puis de le vendre à la ville. Celle-ci refuse à cause de la médiocrité de ses finances… et les marchés continuent en plein vent, mais les étalages qui encombrent les trottoirs sont réduits et contrôlés… Ils débordaient sur la chaussée, gênant les piétons, obstruant l’entrée des caves habitées dont on interdit le plus possible l’utilisation comme logement.

On vend au Cateau beaucoup de produits en terre cuite d’Englefontaine… produits régionaux des potiers de la forêt de Mormal.

Caisse d’Epargne

La création d’une Caisse d’Epargne était souhaitée par beaucoup de Catésiens. Evidemment, nos compatriotes pouvaient utiliser la caisse d’épargne installée depuis 25 ans aux Etablissements Paturle Seydoux, qui était ouverte à toute la population et qui donnait l’intérêt élevé de 4 à 5 %. Le sous-préfet, en 1859, demandait l’ouverture d’un établissement, cette fois, municipal.

La caisse officielle, d’Epargne, sera créée par décision du conseil du 14 novembre 1860. Le 8 avril 1861, les 15 administrateurs, dont 5 conseillers municipaux, furent choisis parmi les notabilités catésiennes (1).

(1) Mrs

  • Devaux Alfred, md de bois
  • Delsarte Edmond
  • Lozé-Morcrette
  • Ponsin-Bonnaire
  • Sartiaux-Sales
  • Boudard-Morcrette
  • Devaux Charles
  • Chantreuil-Boitot
  • Fiévet fils
  • Flayelle Fernand
  • Lavendier
  • Penart, notaire
  • Ponsin Charles
  • Seydoux fils

Culte protestant

Un poste de pasteur protestant est créé au Cateau : une trop grande étendue de la région (Inchy à Avesnes) est sans pasteur. De plus, le temple neuf a été construit en 1852 par les deniers protestants. 11 voix contre 3 acceptent cette création en 1859. La paroisse protestante fut constituée le 18 janvier 1866.

Le temple fut élevé rue des tanneurs, près de la vielle fontaine Roland, non loin du Pont d’Arcole, faisant communiquer cette rue avec

En 1860, aulnes et saules sont plantés sur le bord de la Selle ; un aqueduc y conduit les eaux dévalant rue du Pont d’Arcole, des rues Genty et collège montant vers l’église. Le clocher fut frappé par la foudre le 27 mai 1869. L’assurance « La France » couvrit les dégâts et paya 2 000 francs d’indemnité. Le zèle des sapeurs-pompiers préserva l’église.

Le prix du pain était en octobre :

Les 3 kilogs
ou
Le « pain de six livres »
Pain blanc : 1 fr 20 – 0,40 le kilog
Pain de ménage : 1 fr 18
Pain bis : 0 fr 98

1861

Preuves de la propriété par la ville du Chemin allant au Pont Fourneau

(registre aux délibérations du conseil)

« La ville du Cateau fut plusieurs fois assiégée, prise et entièrement démolie. Deux sortes de recueils restent de son passé :

  • des embrefs ou lettres en forme des échevins de la châtellenie ;
  • des terriers ou cartulaires des droits, biens et revenus de l’archevêché, des abbayes et du chapitre métropolitain de Cambrai. »

Embrefs

Les échevins, nommés par l’archevêque, comme seigneurs du Cateau, étaient juges civils et criminels. Ils avaient connaissance par voie d’appel ou de réformation de toutes les instances rendues en matière civile par les sièges inférieurs de la châtellenie.

Les échevins constataient les ventes, échanges et donations des héritages, les créations de rentes, constitutions d’hypothèques et, d’après l’article 6, livre V de la Coutume du Cambrésis, les Lettres en ferme sont m……… (!) entre elles, faisant pleine foi de ce qu’elles contiennent. D’autres articles de la même coutume viennent confirmer celui-ci, montrer la valeur et importance de la magistrature échevinale.

Cartulaires

Les cartulaires, les terriers sont aussi d’une grande valeur ; leur établissement était entouré de nombreuses et sérieuses formalités.

Une requête présentée au Roi par l’Archevêque, les communautés religieuses, le chapitre métropolitain, était suivie d’une ordonnance du souverain et d’un arrêt du Parlement de Douai qui prescrivaient les nombreuses formalités à remplir et désignaient un notaire exerçant au Cateau pour la réception de tous les actes relatifs à la châtellenie. Par cet exposé, l’assemblée pourra juger de nos preuves :

Texte tiré d’un embref

« ruelle qui descend de la mairie au moulin à Fourneau : 5 mencaudées de marécage dites les Digues, y compris les promenades publiques… tenant aux prairies du pont Fourneau et à la rivière ».

Le chemin continuait de la rue du Chêne Arnauld au-delà de la montée par ruelle des Loups, le long des digues, puis montait au Chemin Vert vers Troisvilles.

Examen d’un plan militaire à la bibliothèque impériale. Sans légende – antérieur à 1642, où les fortifications ont été démolies définitivement (?). La ville n’avait que 3 portes :

- N.D ou de Landrecy
- L’Evêque ou de Cambray
vers Valenciennes
vers Cambrai
- Belle ou de Franc
vers Guise
et Pont Fourneau

Le mot Pont Fourneau est ancien.

Plus tard Porte Hivrette en vieux patois, c’est-à-dire Eau y reste ou Hiorette, vers le Pont Fourneau.

Le moulin Fourneau, par acte du 19 mai 1792, a été acheté par M. Mouton père. Auparavant, il était occupé par le sieur Bodesse, dépendant du ci-devant archevêque de Cambrai, « tenant à la rivière et au chemin qui conduit aux digues, à celui de St-Benin et au pré de l’Archevêché ».

1861 (1) : Les troupes

En avril, des troupes logent au Cateau, le 15, c’est l’Etat-Major et le 2e bataillon du 82e régiment de ligne.

Le 1er mai, conseil de révision. Les conscrits reçoivent des bons pour bains gratuits aux Etablissements Seydoux, rue du Bois Montplaisir.

(1) M. Flayelle, aîné, installe une savonnerie, 2 rue de Landrecies ; au n° 5, la fonderie Vinchon-Caron y avait été transféré, en 1855, dans l’ancienne brasserie de M. Colmant (auparavant rue de Baillon). La cheminée, démolie par la tempête vers 1942, subsiste encore (Collery-Colmant, brasseur, 17 rue de Landrecies, transfère sa brasserie, n° 3 rue du marché aux chevaux en 1842).

Conscrits

Avant la réunion du conseil, le général commandant passe en revue, à midi, sur la place, les militaires en congé renouvelable et les maintenus dans leurs foyers comme soutiens de famille ; ils devaient être en tenue devant l’hôtel-de-ville.

Charité

Le directeur de la poste du Cateau tient le registre des lettres reçues pour le compte du bureau de la mairie ; c’est l’occasion d’aumônes charitables faites à des voyageurs malheureux… sans ressources et dont l’argent attendu par lettre n’arrive pas.

Le port de lettre venant de Lyon coûte 0,30.

Celui de lettre allant à Cambrai coûte 0,20.

0,80 sont payés pour un voyageur dans le dénuement, peut être pour solder le port de la lettre qui lui apportera subsides ou espoir de ressources. C’est souvent que la mairie rembourse ces actes de bienfaisance : même le prix de l’hébergement d’infortunés passagers, … pour 0,60, le gite est assuré à l’auberge (1857 – 58).

Hôpital Paturle

Le 16 mai 1861, la ville a la joie d’accepter une magnifique donation de Madame Claudine Sophie Lupin, veuve de Jacques Paturle, ancien pair de France, faite en son hôtel de Paris, rue de Paradis Poissonnière n° 21. La veuve du créateur de l’industrie lainière en notre ville veut y fonder l’hôpital qui porte depuis son nom : Hôpital Paturle. Elle fait don d’une propriété, sise au Bilbac, devenue le Boulevard de St-Quentin, et d’une rente de 8 000 francs attachée à l’hôpital. Les frais d’enregistrement de la donation s’élèvent à 25 000 francs.

Le 21 mai, une lettre de remerciements est adressée à la généreuse donatrice, qui rappelle la mémoire bienfaisante de son mari. « En introduisant dans nos contrées une industrie qui y était inconnue, en créant dans notre ville un établissement devenu l’un des plus importants de France, M. Jacques Paturle, votre digne époux, a donné le travail et l’aisance à de nombreuses familles. Vous, Madame, en fondant un hôpital, vous avez voulu leur venir en aide dans leurs souffrances, en leur offrant un magnifique asile ».

Ducasse

Les fêtes de la ducasse, qui débutèrent le dimanche 22 septembre, ne furent pas ensoleillées. Le programme de 1861 comprenait, ce premier dimanche, un concert vocal et instrumental par la Société Philharmonique dont M. Birek était le chef, le jeudi 24, un bal public dans les salons de l’hôtel-de-ville avec entrée payante de 2 francs. Au boulevard de St-Quentin, des jeux de ciseaux attiraient les amateurs les 22-24 et 26 : on y pouvait gagner robes, foulards, fichus et bonnets.

Me « raccroc » commença cette année le samedi 28, où fut inauguré solennellement l’hôpital Paturle.

D’après 7 LK 3646, bibliothèque nationale de Paris

Fêtes de l’inauguration et de la bénédiction de l’hôpital Paturle : A six heures du matin, cloches et carillon annonçaient la solennité et le soleil, « boudeur depuis 8 jours reparut », signale le reporter du Journal du Cateau, numéro du 5 octobre 1861.

A 9 heures 1/2, le sous-préfet et les autorités quittaient l’hôtel-de-ville pour l’église et se joignaient à Mgr l’Archevêque de Cambrai (Mgr Régnier) qui venait d’administrer le sacrement de confirmation.

A 10 heures, le cortège se rend vers l’hôpital avec, en tête, le prélat, revêtu de ses ornements pontificaux… les médaillés de Ste Hélène faisaient partie du cortège, les pompiers formaient la haie. Plusieurs milliers de personnes suivaient… par les rues décorées de mâts et de guirlandes, tous les cinq mètres, à oriflamme, couronnes de verdure, fleurs, fausse-portes ; les initiales de Jacques, Sophie et Adèle Paturle : J. S. A. étaient souvent répétées sur des cartouches.

Un majestueux arc de triomphe se dressait au boulevard de St-Quentin, face à l’hôpital ; sur sa voûte avait pris place la musique de l’institution Debuyser qui jouait des airs entrainants.

Dans la cour de l’hôpital, sur les quatre banquettes de gazon, les enfants des asiles et des écoles, « ces intéressants petits êtres », vêtus de bleu, de blanc et de rose, semblables à des corbeilles de fleurs, avaient été groupés en gradins.

Dans la salle d’entrée de l’hôpital, Madame Paturle recevait, appuyée sur le bras de M. Seydoux, maire du Cateau… ses infirmités la forçant à s’assoir pour entendre les discours.

M. Eraux-Chantreuil, l’adjoint, le doyen Wallez, curé du Cateau, qui exalte le dévouement des filles de la Sagesse, ordre auquel est confié le service de l’hôpital, un ouvrier et une ouvrière de la maison Seydoux Sieber et Cie célèbrent, tour à tour, « la Bienfaitrice de la ville, la mère des pauvres », l’assurant de la reconnaissance des ouvriers mémoire du cœur.

Le sous-préfet voit dans l’érection de cet hôpital le trait d’union entre patrons et ouvriers, « à la sollicitude bienveillante du maître répond le zèle reconnaissant de ses employés ». L’industrie chrétienne repose ainsi réellement sur le principe chrétien de la fraternité. « Les ouvriers sont des frères à respecter, à aider, à éclairer… ne repoussez pas les mains amies qui sont tendues de toutes parts ».

Madame Paturle, très émue, s’aidant du bras de M. le Maire, M. Auguste Seydoux qui fut « l’exécuteur de ses généreux desseins », remercie orateurs et assistance.

« L’écho de cette fête n’est pas dans le monde… mais dans le cœur de ceux qui m’entourent, des pauvres malades qui seront soulagés par cette œuvre, et aussi dans le souvenir des habitants du Cateau. »

« Cet hôpital est fondé à la mémoire de mes chers disparus, d’abord ma fille Adèle… mon enfant chérie, enlevée en 1835 dans tout l’éclat de sa jeunesse, mariée depuis un an à peine (1). Ma douleur fut grande : dès lors, je me suis consacrée à des œuvres de charité. J’ai compris que, n’ayant plus d’enfants, Dieu m’ordonnait de considérer les indigents comme mes enfants. »

« Plus tard, en 1858, je perdis mon mari (2), je résolus de fonder au Cateau l’hôpital Paturle. »

« … Pardonnez-moi de m’être étendue ainsi sur ma famille : mon but a été de montrer aux pauvres ouvriers souffrants que, malgré les apparences de prospérité, qui frappent les yeux tout d’abord, il y a des douleurs pour tous en ce monde… ».

Et la vénérable fondatrice termine par cette magnifique péroraison : « Sur la fin de ma carrière, infirme et remplie du souvenir douloureux de ceux qui ne sont plus, je loue cependant la Bonté divine qui m’a donné les moyens de faire le bien et je me résigne. »

« Se soumettre est le devoir de toute âme chrétienne… que le Dieu de Bonté, que nous allons tous invoquer, apaise les douleurs des malades qui entreront dans cet hôpital, et qu’Il répande la consolation et la force dans leurs âmes affligées ».

Monseigneur l’Archevêque célébra ensuite la messe dans la chapelle de l’hôpital, puis parla et bénit l’hôpital… dont la salle Adèle rappelait la mort prématurée de celle qui fut un an à peine Madame Casimir Périer (3).

(1) Adèle Paturle épousa, en 1834, M. Casimir Périer, fils du ministre de Louis Philippe, enlevé en 1832 par l’épidémie de choléra. Attaché d’Ambassade à Bruxelles, puis à Naples, où ce poste lui fut donné à cause de la santé précaire de sa femme. Les lettres de la jeune épouse sont en dépôt à l’hôpital Paturle, avec d’autres souvenirs. Elle y évoque la vie de la capitale belge, de la cour napolitaine, de Rome et de la Savoie. Maladive, sensible à l’excès, choyée par le meilleur des maris, sa correspondance est empreinte de mélancolie et d’attachement filial exemplaire.

Veuf, Casimir Périer se remarie : de sa seconde union naquit le futur président de la République.

(2) M. Jacques Paturle, député du Nord, en 1830, puis député de Paris, fut élevé à la pairie en 1848,… dans sa propriété de la région parisienne, il se livrait à des travaux d’agriculture jusqu’à sa mort, en 1858. L’établissement Paturle porte celui de Seydoux Sieber et Cie.

(3) Puis le cortège, musique en tête, reconduisit Mgr à l’église. Un second arc de triomphe était dressé place au Bois, sous lequel passa le cortège.

La fête de l’inauguration de l’hôpital Paturle se termina le soir par de brillantes illuminations. Et à 8 heures, sur la grand’place, un feu d’artifice, de la composition de M. Zevelling, le réputé artificier de Paris, fut tiré.

Le clou fut la grande pièce où resplendit, en lettres de feu, le nom vénéré de Madame Paturle : Sophie. Un bal y succéda dans les salons de l’hôtel-de-ville ; étaient commissaires de ces festivités : Mrs Collery, Regnaudin, Lozé-Morcrette et H. Deveau, conseillers municipaux.

1862

L’hôpital fut un refuge pour les ouvriers sans travail et malades (1). La nouvelle politique commerciale de l’Empire, inaugurée en 1860, celle du libre échange des marchandises entre peuples, détermina dans certaines industries une crise. Une collecte faite au Cateau, le 13 janvier, pour les chômeurs, rapporta 4 641,05. Les chômeurs furent employés à des travaux d’extraction de cailloux et de terrassement.

Par contre, la ville pouvait offrir, lors de la ducasse de septembre, une montre en or comme premier prix des concours de tir.

Fénelon Bracq, le nouvel afficheur et crieur municipal, en fit l’annonce aux carrefours de la cité dont les rues, depuis mai, étaient signalées par des plaques en fonte portant le nom : rue St-Lazare, de St-Quentin, Place au Bois, etc…

(1) L’exemple de Mme Paturle fut suivi. En 1863, M. Delhaye, receveur municipal, faisait don à l’hôpital, le 17 juillet, de 2 maisons contigües, 17 rue Cuvier, situées entre les maisons Chantreuil Gransard et Veuve George, élevées sur 4 caves et 3 boves, d’une valeur minima de 10 000 francs. Il y ajoutait 3 000 francs pour la fondation perpétuelle d’une messe à la chapelle de l’hôpital, dite par l’aumônier, chaque samedi, pour la délivrance de l’âme la plus abandonnée du purgatoire, et une messe anniversaire au jour de son décès, chaque année. D’après l’abbé Méresse, faute de dispositions testamentaires légales, les dispositions de M. Delhaye ne purent être exécutées.

1863

La question des eaux préoccupe nos édiles

le fonctionnement des 12 pompes de la ville donne bien des déboires… qui sont installées sur les vieux puits ; celle de la rue Gentil (marché aux braises), dans sa partie basse, est brisée ; celle de la rue du Collège, système à godets défectueux, est à remplacer, le 20 mai 1863.

M. Deloffre, mécanicien et « pompier » (fonderie Deloffre-Sartiaux, rue Belle au Faubourg de France) a la charge d’entretenir les pompes par abonnement.

L’éclairage de la ville, mixte

à quinquets d’huile et aux becs de gaz est insuffisant… la rampe dangereuse du chemin d’accès de la gare n’est pas éclairée le soir (2). En ville, on décide d’éclairer de 5 heures à 6 heures du matin, les trois derniers mois d’automne, pour faciliter la circulation des nombreux ouvriers travaillant dans les fabriques dès 5 heures 30 ou 6 heures du matin.

L’éclairage de l’horloge du beffroi est prévu par cadrans en glace, éclairée la nuit. Mais il faut remplacer l’ancienne et mauvaise horloge de l’hôtel-de-ville. M. Collier, de Paris, « successeur du célèbre Wagner », est venu en personne examiner l’emplacement de la future horloge. Le carillon est aussi à réparer ; il en coûtera 5 000 francs pour l’horloge et 2 000 francs pour le carillon.

(2) La ville avait perdu ses droits à un embranchement direct sur Somain mais non de réclamer en faible et incomplète compensation d’un chemin plus direct sur Lille (via Somain, Marchiennes, Orchies) un raccord avec la ligne belge Anvers-Tournay.

Guerre du Mexique

De concert avec l’Espagne et l’Angleterre, Napoléon, qui voulait être un grand Européen, rétablit l’ordre au Mexique, mais poursuivit la lutte, seul, dans l’idée utopique d’y fonder un nouvel empire ami de la France, dont le souverain serait l’archiduc Maximilien, frère de l’Empereur d’Autriche…, qui céderait la Vénétie aux Italiens revendicateurs de leur unité.

Les Catésiens apprirent par des dépêches officielles, envoyées au ministère des affaires étrangères par M. de Montholon, consul général de France à New-York, les succès de notre corps d’expédition.

Premier succès

« Puebla est à nous. Ortega (le général chef des insurgés) s’est rendu sans condition avec 18 000 hommes ».

Le 14 juin, le bateau à vapeur, la Chine, arrivé la veille de New-York à Southampton, apportant les dépêches complémentaires du chef du corps expéditionnaire, le général Forey, décriront l’enthousiasme des Mexicains envers la France.

Le 11 juillet, le Scotia, autre transport, apportait un télégramme de San Francisco : c’était l’annonce de la prise de Mexico, la capitale.

Mais les victoires furent suivies de revers. Le général Bazaine, qui succéda au général Forey, ne s’entendait pas avec le nouvel empereur Maximilien… le pays restait hostile au souverain. Napoléon dut rappeler nos troupes. L’infortuné Maximilien, trahi et abandonné, fut fusillé en 1867 et la République à nouveau proclamée au Mexique. Cette tragique aventure ne releva pas le prestige de Napoléon III.

En 1863, fin juillet, la fermeture des cafés et cabarets était fixée à 22 heures et la retraite sonnée à 22 heures. Les ouvriers, levés tôt, travaillaient à leur jardin ou lisaient jusqu’au couvre-feu les livres que la Bibliothèque Franklin, société parisienne pour la lecture des campagnes des classes ouvrières, mettait à leur disposition au dépôt du Cateau.

Etaient électeurs patrons au conseil des prudhommes : extraits :

Cortiaux Victor, ferronnier 31 ans
Cousin Emile 44 ans
Flayelle Théodore 40 ans
Deloffre Auguste, mécanicien 44 ans
Hurtebis Clovis, ferblantier 29 ans
Ménard Théophile, tailleur 44 ans
Moulart Georges, menuisier 58 ans
Egret Henri, tanneur 33 ans
Egret Victor, - 30 ans
Hannequant Charles, tanneur 66 ans
Jacqz (1), -
Jacqz (2), -
Jacqz (3), -
Jacqz (4), -
Macron Charles 56 ans
Halette Jules, ft de sucre 36 ans
Ponsin Adolphe, marchand d’huile 32 ans
Ponsin Charles 30 ans
Bara J. B., fabricant de tissus 50 ans
Basuyaux J. B. 48 ans
Lozé constant 43 ans
Ognier Félix 56 ans
Robert Romain 40 ans
Seydous Auguste, manufacturier 61 ans
Seydoux Charles, - 35 ans
Truffot Rodrique, fabricant de tissus 47 ans
Velerne J. B. 37 ans

1864

Une société de secours mutuel, répondant aux désirs de l’Empereur, était créée à leur intention… caisses de chômage, de retraites, d’avances (caisse du Prince Impérial) étaient à leur disposition sur l’initiative impériale (février 1864).

La bibliothèque de la ville leur était ouverte vers juin 1864, les livres étaient alors au collège… leur transfert à l’hôtel-de-ville libèrera une salle d’études pour les pensionnaires.

Ecole des Frères

Les relations du collège avec leurs voisins, les Frères de la Doctrine Chrétienne, étaient moins que cordiales.

Il avait été question, vu le grand nombre d’élèves fréquentant l’école des Frères, de transférer les deux nouvelles classes au faubourg de France, dans la cour de l’asile, mais c’était trop éloigné. La maison Petit-Cousin fut transformée pour agrandir l’école : les frères y trouvèrent un logement et deux salles d’étude.

Mais les fenêtres de certaines classes avaient vue sur le collège et le conseil municipal est saisi d’une demande du Principal, réclamant, souhaitant plutôt, que ces fenêtres « soient vitrées en verre dépoli et fixées de manière à ce qu’on ne put les ouvrir, le voisinage étant devenu, surtout depuis un an, aussi mauvais qu’il était bon autrefois ». Les collégiens reprochaient aux frères d’avoir le mauvais œil…

C’était l’époque où M. Deveau-Carlier proposait de louer à la ville une partie du terrain libre qui entoure l’école des frères, ce terrain « n’ayant aucune utilité… ». Le sous-préfet était hostile à l’augmentation des classes des frères, au fond du jardin contigu au collège.

Les élections de 1863 avaient amené à la Chambre, comme députés opposants, Thiers, ancien proscrit de 1852, Jules Simon, adversaire de l’Empire.

Les élèves devaient acquitter une rétribution scolaire que le conseil municipal avait fixé à 1 fr 50 par mois pour les écoles des frères et les classes payantes du collège, et à 3 frs pour les classes latines, les indigents ayant la gratuité. Un cours de solfège était donné au collège par M. Féret, qui entrera ensuite dans la musique comme sous-chef.

Rue Carville

Une nouvelle rue avait été percée entre la rue de St-Quentin et la rue des Digues, à travers la propriété de M. J. B. Carville ; elle portera le nom de rue Carville (1) ; un embranchement l’unit à la rue de derrière les digues (rue de Péronne-sur-Selle) qui, longeant la fontaine St-Quentin (jadis St Aldebert), joint la ruelle des Loups (rue du Pont Fourneau).

(1) descendait du Boulevard de St-Quentin. Dès 1853, le projet avait été établi d’une rue neuve coupant la rue de St-Quentin, se continuant sur le terrain de M. Carville-Leblanc, coupant le fossé des Digues, traversant la Selle puis, par le terrain de M. Hannequant, gagnant la rue Gentille en coupant la rue des Tanneurs. De ce projet sorti la rue Sieber, puis la rue Carville.

Par la passerelle d’Arcole, le quartier populeux de la rive gauche de la Selle aura accès rue des tanneurs et du Collège.

Sur la Place Verte avait eu lieu, le 24 mars, à l’occasion de la fête de Pâques, un concours d’animaux de boucherie. Un kiosque à musique y fut placé, en novembre, en vue du concours musical de 1865 : coût : 6 000 francs. En 1865, des tilleuls furent plantés sur la Place Verte, pour compléter sa parure de verdure, et aussi sur les Digues aux promenades des Hauts Fossés et du Boulevard Paturle.

En nivelant la Place Verte, on retrouva le caveau funéraire de l’ancienne église St-Martin, supprimée en l’an XII, long de 4 m sur 6 m, ne renfermant qu’ossements humains et petit cercueil bien conservé, qui est tombé en poussière au premier contact : c’était la crypte de l’église (Bruyelle – Tome 28 Société d’Emulation de Cambrai).

1865

Le 7 mai 1865, un terrible orage ravagea la ville. Des pluies effrayantes, accompagnées de grêle, ont envahi bon nombre de maisons, bouleversé et détruit plusieurs habitations, couvert d’une vase épaisse la partie basse de la ville, ensablé aqueducs et fontaines, ravagé les toitures et croisées de tous les édifices communaux.

X ont emporté, en outre, le ponceau du bas de la rue de la Fontaine à Gros Bouillons (Pont du Fontenoy) et la passerelle du Pont d’Arcole.

La commission d’hygiène dut intervenir pour le curage des fossés et autres mesures de salubrité. Elle fit la chasse aux logements insalubres : 103 sont dépourvus de latrines… On supprime les lieux d’aisance de la Place Verte… inutilisés, trop loin des habitations. En termes d’une verve ironique, les membres de la commission dépeignent la rue du Théâtre (ruelle St-Jacques), au faubourg de France, comme un modèle d’insalubrité :

« L’entrée de la ruelle St-Jacques a plutôt l’aspect d’une vaste fosse d’aisances que d’une rue. Les nombreux locataires du Théâtre sont les seuls à proximité de ces dépôts d’ordures ; ils sont accusés par la rumeur publique de concourir à cet embellissement d’un nouveau genre, des abords d’un lieu de plaisance » (« les sentinelles » du Théâtre !).

Nomination de maire

A nouveau, M. Seydoux (Philippe-Auguste) est nommé maire du Cateau. M. Evraux-Chantreuil est premier adjoint ; il meurt bientôt et M. Ponsin-Bonnaire J. B. le remplace. M. Lozé Constant est second adjoint. Le maire et ses adjoints prêtent serment en ces termes : « Je jure obéissance à la constitution et fidélité à l’Empereur ».

L’un des premiers devoirs de leur charge est d’assister au service solennel célébré, le 13 novembre à 11 heures, à la mémoire du préfet du Nord décédé, M. Vallon – hommage rendu à la mémoire d’un « éminent magistrat à la paternelle et loyale administration ».

1866

Avis favorable sera donné par la municipalité, en février 1866, à la création d’une paroisse protestante au Cateau et à l’appellation officielle d’Hospice St-Charles et d’Asile St-Charles des bâtiments de bienfaisance dus à la générosité de M. Charles Seydoux.

Le cimetière doit être agrandi. La population s’accroit ; de plus il y a urgence car à nouveau le choléra est aux portes de la ville. Par suite : les propriétaires devront blanchir au chlorure de chaux murs et plafonds non tapissés. L’épidémie se termine fin août, après une période calamiteuse.

Le Dr Louis Carlier, qui prêta son cours dévoué dans la lutte contre le choléra, s’opposait, en novembre, à l’autorisation demandée par M. Picard-Tastille, 21 faubourg de France, de construire un gazomètre, considérant ce voisinage (car il était proche voisin) comme dangereux. Mais le Conseil de Préfecture passa outre à la protestation (pièce signée par le conseiller Des Rotours).

M. Emile Picard et Cie (auparavant Picard et Desse) éclaira donc au gaz sa fabrique de dentelles… devenue l’importante Broderie mécanique française.

Le développement de l’industrie amenait l’installation d’un bureau de dépêches télégraphiques à l’Hôtel-de-Ville. Le bureau était auparavant à la station de chemin de fer. Le nombre de dépêches envoyées en 1865 (1 800 contre 1 200 l’année précédente) amène cette création d’un bureau en ville ; le télégraphe prend la place des archives qui seront reléguées finalement dans les combles de l’Hôtel-de-Ville. En attendant, les archives eurent leur cabinet, en 1867, tapissé de neuf comme la salle du télégraphe.

1867

C’est l’année de l’exposition universelle de Paris ! Cinq ouvriers du Cateau et un instituteur de la ville seront envoyés à Paris, aux frais de la ville, pour la visiter. La ville du Cateau imite en cela Roubaix.

M. Francq, instituteur primaire au Collège (ou il a pour collègue M. Lhomme, professeur de français), dirigera la caravane. Les heureux élus seront convoyés par Canonne, architecte : Deloffre Auguste, mécanicien pompier, Valentin Nattier, serrurier, Boet, charpentier, Cattelin fils aîné, menuisier, Gosset, ferblantier lampiste… M. Canonne est secrétaire, M. Francq, président. Les principales professions de la ville sont représentées. M. Bück, chef de musique, fut aussi envoyé à l’exposition. Chacun des touristes reçut 50 francs pour le voyage. Cinq ouvriers travaillant chez Seydoux et chez Rodrigue Truffot les accompagneront.

C’est au cours des fêtes de l’Exposition qu’arrive la terrible nouvelle : l’empereur Maximilien a été fusillé par les rebelles au Mexique…

L’année précédente, Bismarck avait battu l’Autriche à Sadowa. La politique de rêve de Napoléon III s’écroulait… il avait « travaillé pour le roi de Prusse ». L’Italie, libérée par nous, en voulait à la France de ne l’avoir point fait plus grande…

L’Empereur avait souhaité « unir les parties sous un manteau de gloire »… les expéditions de Chine, Cochinchine, Syrie, Crimée, Italie avaient satisfait le panache français… mais la réalité s’avérait amère. La Prusse, au nom du principe des nationalités, si cher à Napoléon III, devenait notre voisine dangereusement puissante…

On fêta, comme d’accoutumée au Cateau, le 15 août, fête de l’Empereur. Le kiosque de la Place Verte fut brillamment illuminé au gaz, ainsi que les salles de l’hôtel-de-ville, ornées de nouveaux lustres à gaz. On dansa.

Prospère était la ville. Le tissage Seydoux comptait, en 1864, 400 métiers à tisser, d’où sortait le drap Alma très à la mode depuis la campagne de Crimée. En 1867 était ouverte la succursale de Bousies avec 1 500 métiers.

Le tissage du Palais, sous la magistrale direction de M. Rodrigue Truffot, se développait à nouveau. En 1864, 211 métiers y tissaient le coton (1).

M. Félix Ognier, Vilène, Bara Antoine, représentant la maison Guérin et Jonault de Paris, Basuyaux et Lozé, Piette et Moreaux, fabricants de tissus écrus, faisaient tisser au Cateau ou dans les villages.

La rue des Tanneurs méritait bien son nom : Egret Henri et Victor, les quatre Jacqz, Charles Macron, Charles Hannequant, corroyeurs et tanneurs, utilisaient les eaux favorables au tannage des peaux de la Selle (comme celles de la Scarpe à Marchiennes).

Le commerce des bois en gros était l’apanage de M. Deveau-Carlier, Scalabrino-Druart, Adolphe Boulogne-Robage, Grozo-Goffart.

La brasserie Emile Chantreuil-Boitot, rue de France, avec malterie et huiles, s’était doublée d’une raffinerie d’huile, près de la gare, le long du chemin de St-Souplet.

(1) La Société du Palais reçut du gouvernement impérial une subvention de 300 000 francs pour développer le tissage mécanique. M. Rodrigue Truffot en était le directeur.

M. Constant Lozé fit construire, en 1868, des ateliers de tissage et une nouvelle machine à vapeur qui appartiendraient, par amortissement à la Société.

L’institution Debuyser faisait florès en ville et dans le canton. Devenu conseiller municipal, M. Hyacinthe Debuyser avait été élu secrétaire de séances et les registres des délibérations sont écrits de façon impeccable, lettres moulées, avec fioritures.

A l’asile St-Charles, le 20 février, Sœur Marie-Julienne était supérieure. Le 6 avril, Sœur Marie-Radegonde lui succède.

1868

A l’instar de l’institution Debuyser, on souhaite de transformer le collège en établissement moderne, sans latin… car 20 élèves seulement suivent l‘enseignement classique en 1867.

Depuis un an, la rétribution scolaire pour l’enseignement primaire était supprimée… chez les frères comme au collège, où d’importants travaux étaient effectués en juillet 1868 par l’architecte Eugène Canonne. Hélas ! Il ne s’agissait pas d’agrandissement, mais de démolir d’antiques vestiges du passé… du collège Fénelon. « Les avants corps, sur le côté du bâtiment où était la chapelle, et l’étage surmontant le bâtiment sur rue, sont supprimés ».

Le 29 juin, le 59e régiment de ligne avait logé en ville… suivi les 5 et 6 juillet par les deux colonnes du 2e régiment de dragons, allant ou revenant de manœuvres. La France avait besoin d’une armée solide et entraînée. Une loi prévoyait des réformes militaires ; elle fut ajournée.

1869

Suppression du puits de la Place, ajournée aussi depuis 1865, est un fait accompli en juin 1869. Malgré sa balustrade ajourée de fer forgé, il était condamné comme objet disgracieux et surtout comme obstacle dangereux à la circulation. Une pompe le remplace à l’angle de la place au Bois et de la grand’place, derrière le cabaret Lemaire appartenant à M. Chantreuil, brasseur.

Le vénérable puits gênait les voitures, cabriolets, calèches, omnibus… des nombreux acheteurs qu’attiraient les beaux magasins du Cateau, dont les papiers à en-tête, aux enseignes et énoncés prometteurs, nous révèlent les marchandises de qualité. « Maison de confiance et sédentaire » s’intitulait tel magasin de nouveautés.

La vignette de M. Clovis Hurtebise-Guiche, ferblantier lampiste, rue de France, membre du conseil des prudhommes et futur conseiller municipal, mérite la description : de deux énormes cornes d’abondance s’éparpillent les spécialités de la maison : marabouts (ou cafetières à réchauffer), quinquets à l’huile, crassets, lanternes, réflecteurs, ciseaux à mèches, etc… curieux étalage digne de figurer dans une histoire de l’éclairage. C’était la maison de l’homme de confiance qui réparait les lustres de l’hôtel-de-ville et les rampes à gaz du kiosque de la Place Verte (1).

(1) En 1870, M. Clovis Hurtebise assura l’éclairage de la cour du collège, le 27 septembre, pour la 3e compagnie de la garde nationale du Cateau. 13 lanternes et lampes y furent installées. Son honnêteté et sa complaisance étaient louées par tous, qualités familiales dont a hérité son fils… photographe émérite et plombier zingueur qui, véritable artiste, s’est dépensé sans compter pour conserver des documents photographiques du vieux et du nouveau Le Cateau.

Même rue de France, au coin de l’église, était le magasin de nouveautés de M. Cousin-Debeaumont, à l’enseigne « A la ville de Paris » ; châles en tous genre (imitation de cachemire des Indes), draps, toiles, soieries… il vendait 12 torchons à 0,65 à Sœur Marie-Claire de l’Asile St-Charles.

A côté était le magasin de fers Cottiau-Fiévet, successeur de Senez-Chantreuil. En plus de la quincaillerie, M. Cottiau tenait un rayon d’articles de chasse, fusils Le Faucheur, carabines, pistolets, revolvers.

Rue de France était la demeure de M. Edouard Féret, sous-chef de la musique, qui tenait un magasin d’instruments pour fanfares et musiques d’harmonie. Professeur de solfège au collège, il fut plus tard organiste de la paroisse.

Rue des fours St-Lazare, en face de l’église, était l’imprimerie Jules Lempereur, successeur de Dumesnil, où était édité l’hebdomadaire local, le Cambrésis (1). Plus bas, Melles Collignon, au n° 15, tenaient un magasin de cierges, bougies, chandelles, qui étaient fabriquées à domicile.

Sur la place au Bois, n° 9, M. Tamboise-Bodechon, qui avait obtenu en 1868 la faculté d’entreposer des vinaigres, annonçait un « dépôt de harengs blancs et saurs ».

Plus loin, au n° 13 de la place au Bois, M. B. Delobel-Legrand, à l’enseigne « Au gros volant », avait un rayon de bimbeloterie, spécialités de pipes et lunettes, articles de Paris et de voyage (jeu de volants, gracieux sport des jeunes filles).

Au n° 1, place au Bois, était la maison de nouveautés Fiévet-Rémy.

(1) Jules Lempereur, 20 rue des Fours, eut pour successeur Th Samaden. On y édita, en 1877, les Souvenirs de 1870-71, intitulés Patrie de Charles Pisson. L’imprimerie Roland-Delcroix continua l’imprimerie librairie.

Près de la Halle, plus bas que l’hôtel-de-ville, l’enseigne « Au vaisseau marchand » surmontait le magasin de fers et quincaillerie Degoix-Bienvaux.

Presque en face, la maison Devisse-Cappe, successeur d’Hélie Egret, 15 rue d’entre marché, sous le vocable « A la bonne marchandise », tenait confections, draperie, toilerie, rouennerie, etc.

Au n° 37, face au Palais, M. Blondeau, horloger-bijoutier, remontait les pendules à l’année à domicile et réparait aussi celle du Télégraphe du bureau de l’hôtel-de-ville.

La maison R. Truffot et Cie, manufacture du Palais, assurait, par son usine à gaz particulière, l’éclairage de la mairie, du kiosque de la Place Verte et aussi du théâtre.

Le théâtre du Cateau

La ville du Cateau payait l’éclairage du théâtre au moyen d’un visa et contrôle sur le programme de chaque représentation. Le bon à payer était le plus souvent de 20 francs.

Les programmes visés ont été conservés aux archives du Cateau, ce qui permet de connaître l’activité théâtrale de notre ville à la fin du Second Empire.

Les spectacles, à la salle Brunlet (1), ruelle St-Jacques, étaient copieux au moment de la ducasse. Le rideau se levait à 6 heures 1/4 lorsque le programme comportait un drame en 5 actes, un opéra bouffe et un vaudeville. Vers minuit, fin du spectacle. Les places les plus chères étaient de 2 frs 50. Les abonnés occupaient une loge à l’année pour 2 francs. Pour 0,25 de supplément, les spectateurs ont droit au bal qui suit, les jours de ducasse, la représentation.

Nos ancêtres étaient gâtés par la troupe Delehaye et Giraud. Le 22 septembre 1869, le spectacle comprenait Le Juif polonais d’Erckman Chatrian, drame suivi d’opérette et de vaudeville, La Rose St-Flour d’Offenbach, M. Choufleuri restera chez lui, du même compositeur trépident. Le Myosotis, musique de Lecocq, Le sourd ou l’auberge pleine d’Adam, pouvaient satisfaire les mélomanes.

Les succès de l’Ambigu (Miss Multon), du Gymnase (Séraphine), de Victorien Sardou, au Français, Le Post Scriptum d’Emile Augier, créé au Français le 1er juin 1869… étaient offerts aux Catésiens.

La troupe d’hiver, puis la troupe d’été (de mai) jouaient aussi les dernières œuvres d’Alexandre Dumas, Kean, Le chevalier de Maison Rouge, Frou-Frou de Meilhac et Halévy… Victorien Sardou était l’auteur le plus représenté.

Le 24 janvier 1870, on monta au Cateau Patrie… pièce historique évoquant Bruxelles sous la domination espagnole en 1568.

La direction ne reculait devant aucun sacrifice et présentait, au second acte de la Czarine, l’automate joueur d’échecs… chef d’œuvre de mécanisme exécuté par l’illusionniste Robert Houdin.

Le lundi gras, 28 février 1870, on déclamait en supplément La Grève des Forgerons, de François Coppée… scène dramatique jouée par M. Delahaye, premier sujet, avant un vaudeville de Paul de Koch, Un vieux loup de mer. Le 12 avril 1868, la troupe avait interprêté un long drame en 5 actes, Le marchand de coco ou Le retour de l’ile d’Elbe, évoquant Napoléon le Premier.

(1) Reconstruite avec suppression des secondes galeries après l’incendie du théâtre.

Malaise politique

Napoléon III était en butte aux critiques de l’opposition. Les élections de mai 1869 amenaient à la Chambre Gambetta, Jules Ferry, Grévy, Rochefort… Henry Rochefort, polémiste et journaliste qui avait repris la boutade d’un de ses prédécesseurs, dans [la] Lanterne : « L’Empire contient 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement ». … Mexique, Sadowa,… l’ascension de la Prusse,… défaites de la politique impériale,… voilà ce qu’on reprochait au régime… qui brillait encore avec éclat.

Prospérité apparente

En 1869, l’impératrice inaugurait en Egypte le canal de Suez, qui réunissait la Méditerranée à la Mer Rouge. C’était l’œuvre du grand français Ferdinand de Lesseps. Aïda de Verdi était créée par le compositeur à l’Opéra du Caire, après des fêtes splendides.

Le Cateau connaissait aussi, les 27 et 28 juin 1869, des fêtes de bienfaisance, données par la Société des Cavalcades au profit des pauvres.

Cavalcade du 27 juin 1869

400 sociétaires en étaient les promoteurs, réunis sous la devise : « Glorification à l’histoire locale et régionale », notre Histoire, concorde et charité.

La marche devait évoquer les fastes de la Flandre. Le cortège s’ébranla de la cour de la sucrerie Hallette. Hérauts d’armes, seigneurs se rendant au Tournoi, précédaient le premier char historique qui représentait un épisode de l’histoire de notre ville : la belle défense des Catésiens en 1568 contre le Prince d’Orange. Les costumes de Patrie, de Victorien Sardou, furent peut-être utilisés…

Le marquis de la Fons avait fourni le thème du char, emprunté à l’histoire générale des Flandres, par Gabriel Chappuys, 1633, p. 97. Le Cateau, attaqué par les rebelles des Pays-Bas (et non les Espagnols, dont le duc d’Albe était le chef), n’avait que 30 hommes et Jean de Worde, le châtelain du seigneur archevêque, pour se défendre. On imagina de faire paraitre sur les remparts des femmes, coiffées de casques, qui trompèrent l’assaillant sur l’effectif de la garnison, ce qui permit l’arrivée de 200 wallons du régiment d’Hierge, commandés par le seigneur de Molain, qui força l’entrée de la ville et fit lever le siège.

M. J. Francq, professeur au collège, et J. Sartiaux avaient réalisé le décor du char : la muraille du Chasteau-Cambrésis que les gens armés du Prince d’Orange voulaient escalader. Quatre magnifiques chevaux noirs aux harnais flamands, sortant des écuries de M. Monfroy-Petel, brasseur, traînaient le char…

Il passa sous l’arc de triomphe, dressé faubourg de Landrecies, représentant l’ancienne porte de la ville et qui portait l’inscription rédigée par M. de la Fons : « Honneur aux femmes du Cateau qui, par leur courage, ont aidé à sauver la ville le 14 août 1568 » (détails empruntés à la brochure éditée chez Jules Lempereur, comme compte rendu souvenir de la marche historique).

Après, un groupe de mousquetaires…, popularisés par Alexandre Dumas, et fringants cavaliers… d’Artagnan, Aramis, Porthos et d’autres ; et la musique municipale, en tenue de garde française, que dirigeait M. Bück et Edouard Ferret (elle joua 5 heures de suite avec entrain).

Venait le sixième groupe : évocation du traité de Nimègue de 1678 qui rattacha Le Cateau à la France. Un groupe de brillants cavaliers escortaient Louis XIV. Le Roi Soleil, c’était M. Emile Chantreuil, de superbe prestance, au nez bourbonien. Les vieilles catésiennes se rappellent encore sa majestueuse allure. Philippe d’Orléans, son frère (Louis Hallette), Colbert (Charles Ponsin), Louvois (E. Trevet), Turenne (Charles Macron), Condé (M. Hautcoeur), Vauban, Villars et d’autres ministres, maréchaux et dignitaires le suivaient... Le roi et sa cour furent très applaudis et couverts de fleurs.

Le deuxième char présentait les illustrations de la Flandre : Bauduin, comte de Flandre, y voisinait avec les chroniqueurs Froissard, Monstrelet, Comines, le peintre Watteau, le juriste Merlin de Douai, le tisseur Baptiste Cambrai, père présumé de la batiste, le sculpteur douaisien Jean de Bologne, les tragédiennes Clairon (nées à Condé-sur-Escaut), Duchesnois (né à St-Saulve) et le grand acteur Talma (né à Poix-du-Nord) ; en dernier lieu, le général comte Corbineau (celui qui présidait le comité du monument Mortier), fils des Flandres, qui eut, en 1812, la chance de découvrir un gué sur la Bérézina (1) lors de la retraite de Russie ; il fut un vaillant guerrier.

Les postillons Moïse Cra et Théophile Volé, deux sympathiques ouvriers catésiens, garçons brasseurs de M. Jules Morcrette, conduisaient le bel attelage offert par leur patron.

(1) Ecrit le 5 juillet 1944

Au lendemain de la Bérézina par les Russes, maîtres de Minok et bientôt de Polotsk.

Notre maréchal Mortier n’avait pas été oublié… Après les groupes des troupes écossaises, le char canot glorifiant Jean Bart et son état-major, et les héros de 1792, la musique de l’institution Debuyser Honoré, costumée en volontaires de la Patrie en danger, précédait notre populaire héros.

Le onzième groupe

le Maréchal Mortier à la tête de la Garde Impériale, suivi de grenadiers et de fifres. M. Joseph Lemoine représentait le Maréchal Mortier.

Enfin, 4 chevaux blancs, des écuries de M. Seydoux, trainaient le char de l’agriculture et de l’industrie… apothéose des richesses de notre contrée : la charrue près de la machine à vapeur, la laine des moutons transformée en tissus, du blé, des fruits et des fleurs présentés, portés par des déesses blondes et brunes.

Le Président de la Société, M. Charles Seydoux, suivait le cortège, dans sa calèche. Des quêteurs en travestis divers sollicitaient la charité publique… ils continuèrent le soir et le lendemain lors des illuminations et du bal de la Place Verte ; le soir, autour du kiosque où gaz, lampions, lanternes vénitiennes, en triple guirlande de lumières, éclairaient les danseurs revêtus de leurs costumes de cavalcade, « a giorno ».

Le lundi 28, la retraite aux flambeaux et le feu d’artifice, dont M. le Maire tira la fusée d’honneur, à neuf heures et demie « tapante », du balcon de l’hôtel-de-ville, terminèrent les festivités qui rapportèrent 3 000 francs à l’hôpital Paturle et 1 450 francs au Bureau de Bienfaisance, suivant le désir des organisateurs.

1872 était la date prévue pour une nouvelle cavalcade… mais une période désastreuse allait commencer pour la France et ajourner ces beaux projets.

Le 4 septembre 1869, une boite aux lettres fut placée à la gare du Cateau.

1870

« Carroterie » : M. Simons, ingénieur civil, mit en activité, au printemps, une fabrique de carreaux mosaïque en terre cuite, le long de la voie ferrée. Beaucoup d’ouvriers de St-Benin y travaillèrent. On l’appelait et on l’appelle toujours la « carreauterie » (1).

On travaillait dans le calme… le régime parlementaire réapparaissait peu à peu depuis son abolition en 1852. En 1864, le droit de grève était accordé aux travailleurs. Les Caisses d’Epargne conservaient leurs économies. L’Empire, malgré les attaques des Républicains semblait affermi, surtout au lendemain du plébiscite du 8 mai 1870. A la question : « Le peuple approuve-t-il les réformes libérales opérées dans la constitution depuis 1868 par l’Empereur ? ». Il y eut 7 millions et plus de oui contre 1 million 1/2 de non et 2 millions d’abstentions. L’Empire semblait plébiscité…

(1) A l’autre extrémité de la ville, au vieux chemin de Troisvilles, Mme Vve Crinon-Crinon avait une fabrique de colle. Vu les mauvaises odeurs, son maintien était conditionnel, pour des raisons de salubrité publique. L’année suivante, les sieurs Dumortier exploitaient une fabrique de colle et gélatine, route de Cambrai.

Guerre de succession d’Espagne

Mais la question de succession d’Espagne, qui avait déjà amené la guerre en 1710, agitait le monde des diplomates. La candidature d‘un Hohenzollern, prince allemand, frère du monarque de Roumanie, était posée. Par surprise, un Hohenzollern avait été accueilli en Roumanie et l’Europe se trouva en présence d’un fait accompli. Les journaux répétèrent les arguments de 1710 : « l’Empire de Charles-Quint avec Espagne et Allemagne ne peut être reconstitué. » Le roi de Prusse et Napoléon III semblaient vouloir éviter la guerre ; ils étaient sincères mais Bismarck voulait la guerre.

L’Empereur jugeait inutile de revenir sur une question résolue puisque le prince de Hohenzollern avait renoncé à la couronne d’Espagne, mais le texte de la dépêche,… par les soins de Bismarck, fut rédigé en termes voulus pour blesser le patriotisme français,… alors que l’ambassadeur s’était déclaré « satisfait » des assurances transmises par l’aide de camp du roi de Prusse.

La dépêche d’Ems

La dépêche d’Ems, qui annonçait le refus d’audience du roi Guillaume, alors aux eaux à Ems, non comme inutile puisque la question était résolue mais comme un affront, une insulte à notre ambassadeur, était l’œuvre de Bismarck. A Paris, l’opposition s’échauffa… « A Berlin » cria-t-on dans les rues. L’Empereur dut céder à l’opinion.

M. Thiers lutta avec vivacité et clairvoyance contre Gambetta et le parti de la guerre ; « il connaissait sans doute l’insuffisance de nos préparatifs. M. Thiers, considéré comme l’ennemi personnel de l’unité allemande, était avant tout l’homme de l’équilibre européen ; il voyait avec clairvoyance que cette, guerre entreprise sous un prétexte, allait rompre cet équilibre pour longtemps » (Maxime Leconte, Souvenirs de la Campagne du Nord, 1871).

La guerre

Et le 19 juillet, la France déclarait la guerre à la Prusse, escomptant l’alliance de l’Autriche, qui prendrait la revanche de Sadowa, et l’aide de l’Italie, par reconnaissance de Solférino et Magenta, et aussi l’appui de l’Angleterre.

Mais la France resta seule. L’Italie profita de nos embarras pour occuper Rome. L’Autriche connaissait la force de la Prusse… dont les armes secrètes furent une révélation. Nous comptions sur la neutralité des autres Etats de l’Allemagne ; or Saxons, Bavarois, Badois marcheront avec la Prusse pour réaliser l’unité de l’Allemagne, en attendant la plus grande Allemagne austro-allemande…

L’Angleterre nous voyait déjà sur le Rhin et annexant la Belgique ; son aide… fut celle de la Société aux blessés… Croix-Rouge britannique qui envoya médicaments et instruments à l’hôpital Paturle du Cateau, par sa succursale de Boulogne-sur-Mer, en octobre 1870.

Garde mobile

Notre mobilisation fut lente et mal ordonnée. Notre armement était inférieur. Le fusil Chassepot ne pouvait lutter contre la formidable artillerie allemande. L’armée active devait être doublée par la Garde nationale mobile créée en 1868 ; c’était la milice du travail qui, en temps de guerre, devenait la véritable milice militaire.

A la garde mobile fut adjointe la garde nationale sédentaire. Au Cateau, comme ailleurs, leur organisation fut complexe (1), leur équipement malaisé, alors que la plus formidable machine de guerre que le monde ait jamais vu, préparée depuis un demi-siècle par la Prusse, suivait, avec une précision mathématique, le plan d’ensemble tracé par le général de Moltke. En août commença « l’année terrible » pour tous les cœurs.

(1) « Les Français sont des lions commandés par des ânes » (cité par Maxime Lecomte).



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