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des communes du canton du Cateau-Cambrésis

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GUERRE DE 1870

1er août

Au Cateau, comme ailleurs, on rencontrait des gens prêts à parier que l'armée française célébrerait le 15 août à Berlin... la guerre devait être une promenade triomphale à travers l'Europe... pas de dépêches officielles. Mais le 6 août, le bruit se répandit d'une grande victoire de Mac-Mahon – ce n'était qu'un « bobard » (style 1940),... la réalité était la défaite de Reichoffen, succédant à celle de Wissembourg (4 et 6 avril)... Reichoffen est célèbre par l'héroïque sacrifice des cuirassiers, dignes de leurs aînés de Waterloo. Un Catésien, le capitaine Horrie, fut de ces braves... Il tomba à la tête du 1er escadron du 2ème cuirassiers, qu'il commandait, broyé par un obus. Ces désastreux combats étaient suivis de l'occupation de Nancy le 13 août et de l'investissement de Strasbourg.

L'empereur avait donné l'ordre de repli sur Metz, d'où Bazaine devait le rejoindre à Châlons ; le maréchal de Mac-Mahon y organisait une armée... Mais les Prussiens encerclaient Metz où Bazaine dut s'enfermer avec 170 000 hommes formant l'armée du Rhin. L'inertie de Bazaine ne put forcer le blocus ennemi.

L'empereur était au camp de Châlons. « En vertu des pouvoirs qu'il nous a confiés », portent les circulaires officielles conservées aux archives du Cateau, Eugénie était impératrice régente et signait les actes du gouvernement avec le nouveau ministre de la Guerre, le comte de Palikao ; c'était le général Cousin-Montauban, vétéran de l'expédition de Chine, qui portait le nom ennobli de sa victoire d'Extrême Orient.

15 août

La série des dépêches télégraphiées reçues au Cateau camoufle la réalité. De Longeville, le 14 août, l'empereur télégraphie à l'impératrice « que les Prussiens, après une lutte de quatre heures, ont été repoussés avec de grandes pertes, sur la rive gauche de la Moselle ».

16 août

Le 16 août, le Sous-Préfet de Cambrai transmet au maire du Cateau ce communiqué officiel,... d'une imprécision de sources voulue : « Il résulte de renseignements fournis ce matin, 6 heures, par le Sous-Préfet de Verdun, mais provenant de voyageurs et transmis sous toutes réserves aux préfets par le Ministre de l'Intérieur, qu'on se serait battu hier 15, toute la journée entre Metz et Verdun, et que les Prussiens auraient perdu plus de 40 000 hommes dans le combat de la veille, que l'ennemi aurait été vu opérant en retraite vers le Sud. »

17 août

Cette dépêche fut publiée par ordre du Maire :

« Le Ministre de l'Intérieur a reçu des nouvelles de l'armée qui continue à opérer son mouvement combiné après le brillant combat de dimanche ». (il s'agissait des glorieuses batailles défensives de Mars la Tour et de Gravelotte où les Français firent, mais en vain, des prodiges de valeur).

« Dans la journée d'hier, deux divisions ennemies ont cherché à l'inquiéter dans sa marche, elles ont été repoussées. L'Empereur est arrivé ce soir au camp de Châlons où s'organisent de grandes forces ».

Pour copie conforme,
le Chef de station, Collart
Pour le Maire : Constant Lozé, l'adjoint

21 août

Le mot inquiéter devait être inquiétant pour l'opinion publique, mais la dépêche télégraphique du 21 août dissipait le malaise.

« Dans la séance d'hier, le comte de Palikao a déclaré à la Chambre que, d'après information, les trois corps d'armée prussiens réunis contre le maréchal Bazaine auraient été rejetés dans les carrières de Faumont ».

Pour copie conforme,
Pour le Chef de station :
L'employé : C. Bisiaux

… La vérité était que Bazaine était bloqué dans le camp retranché de Metz.

23 août

Mais le 23 août, autre dépêche rassurante... sauf la fin.

Le Sous-Préfet de Cambrai à Monsieur le Maire,

« D'une déclaration faite hier, 22, au corps législatif, par le comte Palikao, il résulte que depuis la note insérée dans le Journal officiel du matin, le gouvernement avait reçu de maréchal Bazaine lui-même, de bonnes nouvelles, mais qui ne pouvaient pas être communiquées, qu'elles montraient de la part du Maréchal, une confiance que partage le Ministre de la Guerre. Le comte Palikao a ajouté, sans entrer dans plus de détails, que la défense de Paris marchait avec une grande activité, que bientôt on sera prêt à recevoir quiconque se présentera devant les murs de la capitale »... dépêche qui fut affichée immédiatement au Cateau... et dont la fin n'était rien que lourdes de menaces.

Que faisait l'Empereur ? Allait-il de Châlons se replier sur la capitale et la défendre ?... Qu'auraient dit le Parisiens de cette retraite ?

Craignant la révolution, sur le conseil de l'impératrice régente, qui avait les mêmes craintes, il décide la marche en avant de l'armée de Châlons, pour délivrer l'armée du Rhin et Bazaine, encerclés autour de Metz.

28 août

Nouveau communiqué officiel qui fut publié aussitôt, le 28 août. En voici la teneur :

« Une dépêche adressée le 25 au Ministre de l'Intérieur par le Sous-Préfet de Verdun, annonce que cette ville a été attaquée le 24, par un corps de 8 à 10 000 Prussiens, que commandait le Prince de Saxe, qu'après un combat très vif et trois heures pendant lequel la population a été admirable de patriotisme et d'énergie, les Prussiens, très maltraités, ont été repoussés sur toute la ligne. De notre côté, il y a eu 5 hommes tués, 12 blessés dont 4 grièvement ».

… Verdun, cité glorieuse, semblait protégée par l'arrivée de l'armée de Châlons et de l'Empereur...

2 septembre

Mais elle était stoppée et enfermée à son tour avec Napoléon III dans Sedan. Les tentatives de percée du cercle de feu prussien et bavarois furent vaines. La maison des dernières cartouches de Bazeilles témoigne toujours de la résistance magnifique des fusiliers marins...

Napoléon dut capituler... avec 100 000 hommes. C'était le Waterloo du Second Empire.

4 septembre

Le dimanche 4 septembre, la nouvelle du désastre fut officielle... Les Catésiens avaient déjà appris avec inquiétude le passage du Prince impérial à Avesnes, puis son séjour à Landrecies... (N.B. 1) et le triste défilé des troupes échappées au désastre, passant en débandade, venant d'Avesnes, révélait la catastrophe effroyable.

« Un grand malheur frappe la Patrie », disait la proclamation des ministres... qui annonçait la capitulation.

A Paris, l'Empire s'effondra au surlendemain de Sedan, comme en 1848, la foule réclama de la Chambre la proclamation de la République.

A l'hôtel de ville se constitua un gouvernement de la Défense nationale (N.B. 2)... et l’Impératrice régente s'enfuyait des Tuileries, errante dans Paris, en fiacre, avant de gagner incognito l'Angleterre.

N.B. 1 : Escorté de 30 cent-gardes, le Prince impérial était le 3 septembre à Landrecies, d'où il se dirigea le lendemain sur Maubeuge.


N.B. 2 : Les députés de Paris : Arago, Jules Favre, Jules Ferry, Jules Simon, Gambetta, Cremeux Rochefort, etc. formaient le gouvernement dont Trochu, gouverneur de Paris, était le président.

La Troisième République (1870-1940) était commencée

10 septembre

Le gouvernement dont le seul but était de « défendre la Nation contre l'envahisseur », voulait galvaniser le pays. Dans ce but, il prononçait la dissolution des municipalités, … récemment nommées par le régime impérial, le 1er septembre. M. Auguste Seydoux, qui avait été alors réélu maire, et son conseil, nommé le 14 août, cédaient la place le 10 septembre, à une commission de 23 membres composée de :

MM. Chantreuil Boitot, industriel – Fiévet Rémy, négociant – Dufrenois, meunier – Jules Hallette, fabricant de sucre – Dormay Béra, négociant – Morcrette Bouchez, cafetier – Pénart Émile, ancien notaire – Normand Wattremez, négociant en vins – Edouard Hélié, fabricant de tissu – Comtesse, notaire – Collart René, employé – Grozo Goffart, marchand de bois – Senaux-Stalart, négociant – Lacourte-Dumont, cultivateur – Rodrigue Truffot, industriel – Georges Lacourte, entrepreneur – Delvalée Abdon, négociant – Émile Egret, rentier – Théophile Petit, cultivateur – Delobel Legrand, rentier – Dormay Delvallée, rentier – Egret Preux, marchand tanneur – Louis Boudart, négociant.

Nouveau maire

Le Sous-Préfet de Cambrai, Éric Isoard, complétait cette nomination par celle d'un nouveau maire (ou président de la commission administrative), M. Chantreuil Boitot, avec comme premier adjoint, le directeur du Palais, le manufacturier Rodrigue Truffot (N.B. 1), et M. Fiévet Rémy, marchand de tissus, comme deuxième adjoint.

11 septembre

Il s'agissait d'organiser la résistance..., car après la chute de Sedan, on pouvait craindre l'invasion (N.B. 2)... Déjà le 7 septembre, le comité de défense de Cambrai, par lettre de son délégué, M. Cirier, s'inquiétait des préparatifs du Cateau : « Votre ville est à 4 kilomètres de la région boisée, et peut être surprise par un attaque par le chemin de fer et la gare ».

Un télégramme du sous-préfet, du 17 septembre, donne des instructions précises au maire.

« Réunissez de suite commission à l'hôtel de ville – constituez-la - Formez comité chargé de surveiller au Cateau et environs mouvements de l'ennemi ; autre comité de subsistance pour secourir ou donner travail aux ouvriers. Grande modération de langage, faisons aimer le République (qui était redoutée depuis l'insurrection de 1848... ) Chargez délégué prendre 200 fusils d'abord – armez deux compagnies – que gardes nationaux gardent l'hôtel de ville – tenez-moi au courant de toutes les décisions prises ».

signé : Éric Isoard

N.B.1 : L'usinier du Palais, M. Truffot (coton) remplaçait M. Auguste Seydoux, usinier du Mérinos (laines).


N.B.2 : Comme en mai 1940.

Comité de défense

Obéissant aux ordres de l'autorité sous-préfectorale, le maire constitue donc un comité de défense chargé de surveiller l'ennemi.

Le commandant de la Garde, M. Lacourte, Bronier, capitaine en second, Fiévet Émile, capitaine commandant, Dormay, sous-lieutenant, Egret Émile, sergent-major, Terrien, Egret Henri, gardes nationaux, sont à la tête de la défense. Leur sont adjoints, le chef de gare, le commissaire de police, le maréchal de logis de gendarmerie, le préposé en chef de l'octroi, le directeur des postes, Séguin, receveur du gouvernement, Gand, contrôleur des contributions, Mallet, conducteur des Ponts et Chaussées, Delhaye, agent voyer... En cas de rupture des fils télégraphiques, deux exprès à cheval seraient envoyés isolément à Cambrai, s'il y avait menace de l'ennemi... suivant la suggestion du comité de Cambrai.

Fusils, cartouches

Et 200 fusils sont demandés à la sous-préfecture. M. Lacourte les fait prendre et obtient du commandant d'artillerie de Douai, quatre barils de 2 502 cartouches chacun (50 cartouches par fusil). « C'est assez pour le moment, déclare le sous-préfet, et maintenant, faites faire l'exercice à tous les gardes nationaux à tour de rôle ».

Garde à l'hôtel de ville

Huit le jour, seize la nuit (postes doubles), montent la garde à l'hôtel de ville, armés, avec chef de poste, sous-officiers, caporaux et tambour. Des rondes, patrouilles et reconnaissances dans les environs, mettent la ville en émoi (N.B. 1), qui commente le manifeste de ses nouveaux édiles.

Manifeste

« La République est proclamée par toute la France. Le gouvernement déchu, seul cause des maux de la patrie, n'a laissé après lui que la ruine et la honte. C'est à l'administration municipale provisoire et républicaine qu'incombe dans ses attributions le soin d'en atténuer les déplorables effets. Son mandat n'est que provisoire. Sa devise est : ordre, liberté, union.

Quelles que soient les circonstances pénibles dans lesquelles elle soit appelée à défendre les intérêts de la ville, ses concitoyens peuvent compter sur son patriotisme le plus désintéressé.

Dès que l'ennemi sera refoulé de notre sol, son pouvoir cesse, et les électeurs appelés à élire un nouveau conseil municipal, pourront, s'ils le jugent, lui prouver qu'elle a bien mérité du pays.

Vive la France et Vive la République. »

N.B. 1 : Le 3ème bataillon de la Garde Nationale du Cateau cantonnait au collège en septembre 1870. M. Hurtebise Guiche assure alors l'éclairage de la cour avec 13 lanternes et lampes.

Comité de secours

Le comité de secours faisait voter 10 000 francs pour soulager la misère publique. Des volontaires étaient demandés pour la garde nationale destinée à se replier sur nos places fortes du Nord ou sur Paris, pour concourir à la défense du pays.

14 septembre

M. Lozé, commandant de la garde, par une proclamation énergique, (dont le texte n'est pas inscrit ni conservé) fera appel au patriotisme des gardes nationaux placés sous ses ordres, ce qu'il fit le 14 septembre.

16 septembre

Nouvelle dépêche télégraphique, le 16, émanant du ministère de l'Intérieur, adressée aux Préfets et Sous-préfets, transmise par le Sous-Préfet au maire du Cateau.

Elle annonce l'investissement de la capitale par l'ennemi : « Le mouvement des corps d'armée prussiens autour de Paris semble se dessiner très nettement. Leurs têtes de colonnes enveloppent tout le côté de l'Est, depuis le chemin de fer du Nord qui est coupé à Pontoise, jusqu'au chemin de fer d'Orléans que l'ennemi a détruit à Juvigny (ou Juvisy). La garde nationale mobile et l'armée se montrent pleines de confiance. La résolution de la population parisienne est admirable ».

19 septembre

… Le conseil de la défense nationale décide l'achat d'armes. On lui signale un dépôt à vendre à Condé ou en Belgique... , des lettres d'information sont envoyées.

La 4ème batterie d'artillerie de la garde mobile a logé au Cateau, commandée par le capitaine Delcourt (N.B. 1), et y revient fin septembre. La retraite est sonnée à 11 heures du soir.

22 septembre – Strasbourg

Nouvelle dépêche : « La garnison de Strasbourg a fait une sortie dans la nuit de 13 au 14 ; les tranchées ont été surprises, le 2ème de ligne badois et un régiment wursembourgeois ont été abîmes.

Dans la nuit du 17 au 18, assaut repoussé avec pertes énormes des assiégeants ».

Strasbourg résistait, comme les places fortes de Toul, Verdun, Thionville, etc. ; d'épouvantables bombardements (incendiaires à Strasbourg) les forcèrent à capituler.

Bitche résistera jusqu'au traité de Paris. Belfort restera imprenable, grâce au gouverneur Denfert-Rochereau...

Metz, le 22 septembre, où l'armée du Rhin est enfermée avec Bazaine, … inerte et inemployée, démoralisée par conséquent, en fait pas d'effort pour attaquer les lignes d'arrière de l'ennemi.

Fin de la dépêche : « République proclamée à Strasbourg. Enthousiasme ».

24 septembre – Pourparlers de paix

La République semblait amener la paix ou la victoire après la lutte... Le gouvernement avait cherché à négocier. Thiers visitait les cours d'Europe pour obtenir une intervention en faveur de notre malheureux pays. Jules Favre avait une entrevue avec Bismarck (N.B .2).

N.B.1 : Le lieutenant Pagniez réclame par lettre, un pantalon de coutil blanc qu'il a laissé dans sa chambre, à l'auberge Bricout, chemin de la gare... Celui-ci le conservait en gage, car un grand couteau, 2 assiettes, 2 fourchettes et un panier lui avaient été enlevés par le brosseur du capitaine Delcourt. Le maire fait enquetter par le commissaire de police Collet, et le pantalon est remis à son propriétaire par le conducteur de la voiture de Cambrai, le 22 ou 23 septembre...


N.B.2 : Jules Favre et ses collègues croyaient que l'Allemagne faisait la guerre à l'Empire et non à la République... en réalité, elle faisait la guerre à la France...

C'était le 20 septembre que l'entrevue eut lieu au château de Ferrières (où Bismarck avait été jadis l'hôte de chasse des Rotschild). Thiers succéda à Jules Favre dans ces entretiens sans issue.

Une dépêche révèle après coup aux Catésiens, comme aux autres Français, à la fois et ces pourparlers et leur échec ; elle est envoyée de Tours, le 24 septembre, où le gouvernement s'est replié. Gambetta rejoindra ses collègues en ballon, s'envolant de Paris assiégé, plus tard, le 6 octobre.

Gouvernement à Préfets et Gouverneur Général Algérie
circulaire « à la France »

« Avant l'investissement de Paris, Mr Jules Favre, ministre des affaires étrangères, a voulu voir Mr de Bismarck pour connaître les dispositions de l'ennemi.

Voici la déclaration de l'ennemi : la Prusse doit continuer la guerre et réduire la France à l'état de puissance de second ordre. La Prusse veut l'Alsace et la Lorraine jusqu'à Metz par droit de conquête.

La Prusse, pour consentir à un armistice, a osé demander la reddition de Strasbourg, de Toul et du Mont Valérien. Paris exaspéré, s'ensevelirait plutôt sous ses ruines à d'aussi insolentes prétentions. En effet, on ne répond que par la lutte à outrance.

La France accepte la lutte et compte sur tous ses enfants. »

25 septembre

A la publication de cette dépêche, M. Chantreuil Boitot, maire, joint une proclamation enflammée dont voici l'essentiel :

« Citoyens,

Un ennemi insolent et vainqueur nous demande de décréter nous-mêmes la mort de la France.

Le voulez-vous ? ...

Voulez-vous, après avoir été dans le passé la première nation du monde, devenir dans l'avenir le plus méprisable des peuples ?

Après avoir été les héros de 1790, voulez-vous rester les hommes dégénérés de 1870 ?

Non... aux armes, citoyens.

Plus de bulletins de vote, mais des fusils. Plus de discussions, mais des armes ».

27 septembre

La veille, la première compagnie de la garde nationale avait été mobilisée (N.B. 1)... on manquait de fusils, - et le conseil municipal formait le vœu que les établissements métallurgiques du Nord « concourent à la construction des pièces d'artillerie, fondent des engins de guerre », « dont le rôle est si important dans les combats modernes et dont la supériorité écrasante a valu jusqu'ici la victoire à nos ennemis ».

Le soir, à 8 heures, le 27 septembre, le conseil se rendait sur la Place Verte, pour provoquer une manifestation patriotique de la population, exciter son courage et l'esprit de résistance à l'étranger. Cette manifestation remplaçait le « raccroc de la ducasse », supprimée cette année. Les 1 000 francs prévus pour la fête Sait Mathieu avaient été versés à la caisse de la Défense Nationale de la cité (en plus des 10 000 francs de crédits ouvert au budget).

N.B. 1 : Déjà le 15 septembre, des éclaireurs volontaires commençaient à faire des reconnaissances dans l'arrondissement. De peur qu'ils ne soient pris pour des ennemis et attaqués, le sous-préfet invitait le maire de faire publier la description de leur uniforme à son de clochette. En voici le détail : pantalon noir à bandes rouges, tunique ou vareuse à boutons blancs, képy rouge à bandes noires.

Ambulances

Déjà, les enfants des couvents des religieuses, rue Cuvier, avaient abandonné, le 23 août, la valeur des prix qui auraient du leur être distribués, en faveur des blessés ; avec le produit d'une loterie-tombola à la même intention, un don de 500 francs avait été remis au maire par M. Delhaye. 70 lits étaient disponibles dès le 11 septembre.

23 septembre

Le 23 septembre, un convoi de 93 blessés passait en gare du Cateau, était débarqué et soigné en ville. Le Sous-intendant de Cambrai, M. Boissoinet, avisé, priait le maire de renvoyer les plus valides à Cambrai, étant sûr « que les Catésiens voudraient retenir et gâter nos malades ».

29 septembre

Vu le manque de numéraire et de pièces d'or et d'argent, des bons municipaux de 1 à 20 francs sont émis en ville.

3 octobre

Un détachement de 12 éclaireurs à cheval de Cambrai traversait le Cateau, le lundi 3 octobre... On craignait l'approche de l'ennemi, signalé sur l'Oise.

6 octobre

Aussi, le 6 octobre, était-il publié que le tocsin et les huit tambours de la garde nationale appelleraient aux armes la garde, sitôt un parti de cavalerie ennemi signalé... seulement si l'on avait affaire à des éclaireurs isolés, car la ville n'avait pas le moyen de s'opposer à l'invasion d'une armée régulière.

Autre surveillance : celle du passage des bestiaux dirigés sur l'Oise, l'Aisne ou Reims, par des marchands trafiquants du marché noir et destinés aux Allemands. La circulaire du sous-préfet ordonne de garder les troupeaux suspects.

7 octobre

Le 7 octobre, au matin, le corps des officiers de la garde nationale, réuni sous la présidence du maire, a décidé, sur la proposition qui lui a été faite, que la garde nationale armée et pourvue de munitions, opposerait une défense relative à tout détachement armé qui se présenterait pour attaquer la ville du Cateau.

9 octobre – Voies, Viaduc

Surveillance des voies : … un train spécial de poudre est envoyé de Maubeuge sur Le Cateau, la gendarmerie est alertée.

… Le viaduc de Saint Benin est chargé, prêt à sauter... Il doit être gardé jour et nuit par la garde mobile. Mais cet ouvrage d'art ne sera pas détruit (N.B.1)

N.B. 1 : Le viaduc de Saint Benin fut-il détruit en 1871 ?

Non, dit M. Léon Hurtebis du Cateau... bâti en 1856, il portait encore cette plaque jusque 1918, … date où le Allemands le firent sauter.

Si, déclare Maurice Chalmin de Saint Benin, qui a interrogé sa vieille tante Euphrasie (86 ans en 1944). Elle se rappelle que des Allemands vinrent un soir d'hiver chercher chez elle des lanternes.

« De retour, demain », dirent-ils. La nuit, on entendit une détonation... comme une porte qui s'ouvre, une petite arche était brisée.

Si, confirme l'ingénieur de la compagnie de Saint Quentin, qui a été consulté par téléphone par M. Trigaut, directeur de l'hôpital-hospice du Cateau, pour son article de La Voix du Nord du 3 décembre 1944.

… Le viaduc fut détérioré en 1871 par explosion provoquée par les Allemands – détruit en 1918 – très endommagé en 1944 (fin août).

Le 1er décembre 1944, réparé provisoirement, « à l'américaine », le viaduc recevait sur un tablier métallique, le premier trains de marchandises inaugural de la reprise du trafic ferroviaire.

14 octobre – Moulins

L'ennemi étant aux limites du département, tous les moulins servant à la mouture des grains, hors des places de guerre, doivent être mis en chômage ; les parties motrices essentielles, les approvisionnements de farine doivent être conduits dans les places de guerre les plus proches.

Les meuniers du Cateau et banlieue sont alertés et signent après avoir pris connaissance de la décision préfectorale : Mrs. Mouton, Petit Pertriaux (qui occupe le moulin Ponsin de Montay). Dufresnois, Millot (Pont-à-Capelle), Déjardin, Tasbille, Passet à Boiries (moulin à vent), ont été aussi prévenus de prendre ces mesures de sécurité contre l'invasion possible.

19 octobre

On annonce la démission de M. Chantreuil, comme maire, après un différent avec le sous-préfet.

Il semble que tout s'est arrangé car la signature de M. Chantreuil continue à être apposée sur les correspondances, et les lettres lui sont encore adressées comme maire.

Histoire de fusils

« Saint Quentin est occupé par l'ennemi », annonce une dépêche télégraphique du sous-préfet, qui prescrit le retour sur Cambrai de 500 fusils achetés par la ville sous condition. Le marché avait porté sur 500 fusils Snider à 100 francs l'un, soit 50 000 francs, avec 200 cartouches pour chaque fusil, plus 13 000 douilles de cartouches (7 250). Or, ces douilles promises par M. Peutin, dit Tancrède, commissaire à Valenciennes, intermédiaire du marché, n'existaient pas. La ville refuse donc de prendre livraison des caisses de fusils et les renvoie à Valenciennes, où ils sont mis en dépôt (le menuisier Édouard Canonne s'occupe du déballage et remballage des fusils sans munitions) à l'hôtel de ville . Un huissier signifie à M. Émile Peutin, dit Tancrède, en son domicile, 9, Grand-Place, que les fusils sont à sa disposition. Or, le dit Peutin représentait Édouard Carlier, négociant à Mons. L'affaire rebondit après la guerre, le 2 juin 1871, la ville prouva qu'elle était dans son droit de rompre le marché, les cartouches n'ayant pas été livrées.

… L'occupation de Saint Quentin n'était que transitoire alors ; les Prussiens se dirigeaient vers la ligne Amiens-Rouen et se heurtaient à Formeries, le 28 octobre, aux gardes mobiles du Nord, venant d'Amiens.

28 octobre – Capitulation de Metz

C'était le jour désastreux de la capitulation de Bazaine à Metz... Il livra 170 000 hommes valides. L'incapacité du maréchal Bazaine s'était doublée d'ambition politique ; il espérait rétablir l'Empire, avait envoyé le général Bourbaki auprès de l'impératrice qui, bonne Française, s'était indignée d'une telle trahison et avait conseillé au mandataire du maréchal félon, d'aller à Tours, offrir son épée au gouvernement légitime de la France.

En 1873, un conseil de guerre condamna Bazaine à la peine de mort, qui fut commuée en bannissement. Le général Bourbaki fut chargé de la défense du Nord et commanda les gardes mobiles... Faidherbe lui succéda bientôt.

Lors de l'occupation de Saint Quentin, un détachement du 4ème bataillon de la garde mobile du Nord était arrivé au Cateau (le 20 octobre), avec 92 hommes, et la mobilisation de la garde continuait : M. Warnet, entrepreneur au Faubourg de Landrecies était parmi les volontaires ainsi que Alexandre Fiévet, 38 ans, mécanicien au Faubourg de Cambrai ; Émile André, 30 ans, conducteur, Boulevard Paturle ; Édouard Testard, 36 ans, menuisier, aux Hauts Fossés qui faisaient partie de la 4ème compagnie. M. Th. Flayelle était capitaine de la 3ème compagnie. La 1ère compagnie avait un effectif de 176 hommes, la 2ème de 191 hommes, la 3ème de 222 hommes et la 4ème de 231 hommes, d'après les rapports des sergents major E. Morbu et E. Dejardin et du capitaine M. Soufflet.

Le 28 octobre, un détachement de la garde mobile assure le poste de surveillance du viaduc de Saint Benin, chargé de poudre... la garde sédentaire prendra la succession de ce service.

Novembre – Garde nationale

Le 7 novembre, 575 ceinturons et 575 cartouchières à 3 Fr 80 sont fournis à la garde par Jules Dubail, 2, rue de Cambrai.

En attendant l'ennemi, les gardes nationaux se plaignent de leurs uniformes, certains répandent malicieusement le bruit que les 89 vareuses et les 89 pantalons d'uniforme manquent de solidité... La commission de défense s'est émue de ces bruits tendancieux et a organisé une revue des uniformes, sauf ceux des sapeurs pompiers que M. Pecqueux, tailleur, a saupoudré de camphre pour leur conservation, ayant assuré de leur parfait état. Il est aux archives une lettre d'un agent commercial de Boulogne-sur mer, proposant un drap anglais, dont échantillon est joint àla lettre, « pour l'habillement des gardes sédentaires » de Boulogne, qui est de qualité – au prix de 4 Fr 75 le mètre sur 1 m 35 de largeur... Le temps n'a pas attaqué la trame de ce tissu.

Il fut prouvé, fin décembre, que la distribution de 200 uniformes faite par les sergents majors et fourriers, ont subi l'influence de la camaraderie et protection,... de plus, il a disparu 12 vareuses et 10 pantalons.

Ambulances

Le 11 novembre 1870, le nom provisoire (qu'elle conserve toujours) de rue Fénelon est donné à la rue allant du Bilbac (ou Boulevard Paturle) à la rue de Saint Quentin et qui traverse la propriété Delsarte Desse. Elle facilitait l'accès de l'hôpital Paturle, où étaient alors en traitement des officiers blessés dont le médecin major de 1ère classe Renard.

Le 17 novembre, 12 malades restaient en traitement à l'hôpital Paturle.

La Société nationale anglaise de secours aux blessés ravitaillait notre hôpital en médicaments et instruments de chirurgie. Le 26 novembre arrivait un envoi, demandé le 12 octobre, contenant quinine, opium, nitrate d'argent, iode, ciseaux et pinces à pansement, bistouris, appareils à fractures, boîtes d'amputations.

Les blessés de l'Asile Saint Charles étaient bien nourris, les bouillons de Sœur Marie Julienne devaient être réconfortants, si l'on en juge par la note de boucherie – bœuf ; veau et mouton sont vendus à la Supérieure, 0 Fr 80 la livre, par le boucher Vaillant Briet. Le 7 décembre, neuf grands blessés étaient en traitement à l'Asile Saint Charles. Le Docteur Dominique Cassine (N.B. 1), ancien chirurgien de l'hôpital du Dey, à Alger, les soignait, ainsi qu'un sous-lieutenant hébergé par M. Ponsin, et un blessé reçu par Mme Veuve Crinon au Faubourg de Cambrai.

Le 30 décembre, l'hôpital-hospice était rempli de varioleux ; il était question de les isoler dans une ambulance provisoire, comme à Landrecies.

M. Chantreuil est à nouveau, fin novembre, en discussion avec le sous-préfet, qu'il somme par lettre, de renouveler la commission administrative de l'hôpital Paturle, les trois démarches faites précédemment étant restées sans réponse. Un silence plus prolongé froisserait la dignité du comité provisoire de défense, et le taxerait aux yeux d'adversaires politiques, de ridicule ou d'impuissance.

Satisfaction lui est donnée le 5 décembre : enfin, le conseil d'administration de l'hôpital est établi par le sous-préfet, M. de Lafons est en tête (N.B. 2)

N.B. 1 : Le Docteur Cassine avait alors 46 ans. Né à Landrecies, il épousa Mlle Lacomblez, du Cateau, sœur de Mme Nicolas Vallez de Briastre ; il eut 4 enfants : Jules, avocat, Henri, Léon (Docteur à Saint Quentin), Marie, qui épousa le Dr Louis Cattet, mon beau-père. Le Dr Dominique Cassine décéda le 1er octobre 1890.


N.B. 2 : Charles de Lafons, marquis de la Plesnoye, demeurant rue Cuvier, « l'âme des ambulances, charitable et dévoué père des pauvres ».

2 décembre

Un bulletin de victoire, le 2 décembre, fit naître au Cateau, une intense espérance : Gambetta faisait savoir par dépêche télégraphique, le haut fait d'armes de l'armée de la Loire, l'offensive réussie d'Aurelle de Paladine, la charge du Général de Sonis et des anciens zouaves pontificaux du Général de Charette... à Loigny. Ce succès, venant après la délivrance d'Orléans, provoqua une vive émotion patriotique en notre ville. Les membres du Comité de Défense se souviennent « que le 8 décembre inaugura le despotisme, les malheurs et la honte de notre Patrie (texte des archives... registre aux délibérations de la mairie). A cette même date, la République ouvre son ère de victoire, et rend au pays l'antique honneur français un instant compromis... »

L'honneur français était sauf... La bravoure des volontaires de l'Ouest, plus tard celle des troupes de Bourbaki et du valeureux Chanzy, se heurtaient à un ennemi supérieur en effectifs et en armements. Après la victoire éphémère de Loigny, l'armée de la Loire, épuisée, se retirait, abandonnant Orléans aux Prussiens.

12 décembre 1870 – Contribution patriotique décidée en principe

… La déception fut grande en notre région. Il fallut organiser la défense, développer les initiatives... Le sous-préfet donnait l'exemple de Charleville, qui vota patriotiquement 100 000 francs afin d'offrir deux batteries d'artillerie au gouvernement pour la défense nationale. Il invitait les villes du Nord à imiter son exemple.

Notre ville était en correspondance avec des représentants de fabriques anglaises (Raisier, 12, rue des Pyramides à Lille, qui avait proposé le 11 novembre, 4 canons montés pour 70 000 francs, une batterie de 5 canons avec 5 voitures, projectiles de 10 Kilogs, livrables en dix jours et moins, pour 15 000 francs ; même 4 canons avec 1 000 bombes, complets pour 58 000, livrables en 3 jours.

La commune de Catillon est disposée à imiter la décision du Cateau, à contribuer à l'armement de notre armée du Nord. Maurois vote 500 francs. Le Pommereuil promet sa quote part.

Mais les événement dépassèrent et précédèrent la réalisation de ces projets.

Le préfet du Nord, Pierre Legrand, prescrivait le 10 décembre, les mesures éventuelles de destruction des œuvres d'art ; coupures de voies ferrées, fourneaux de mines dans les ponts « ne devant jouer, si c'est possible, que sous les pieds de l'ennemi ».

Les chevaux avaient été recensés, les gardes mobiles répartis dans les communes du canton. Le maire, M. Chantreuil, faisait fonction le 4 et 19 décembre, de sous-intendant militaire, pour la Légion mobilisée de l'Aisne et la 1ère compagnie des francs-tireurs de Saint Quentin. Le 22 décembre, il leur fournissait chariots et cabriolets.

24 décembre – Menace d'invasion

La veille de Noël, une dépêche du sous-préfet annonce l'arrivée probable d'un corps prussien marchant sur Le Cateau... ce matin, venant de Guise. Alerte ! Les pompiers prennent leur poste à l'hôtel de ville, des seaux d'eau sont préparés en cas de bombardement. M. Chantreuil demande au sous-préfet l'autorisation de délivrer des fusils aux gardes nationaux sédentaires. Mais ce n'était encore qu'une alerte. (N.B. 1)

Des fourneaux économiques sont installés à la Halle aux blés. Le chef de bataillon des légionnaires de l'Aisne commande la place du Cateau.

N.B. 1 : Envoi au Cateau le 26 décembre, de 10 680 cartouches à balle à percussion, en quatre barils, par la place de Cambrai, cdt d'artillerie.

Une lettre du cuirassier Lefebvre, prisonnier de guerre à Memel, en Prusse orientale, envoyée le 12 décembre, et parvenue à Lille le 17, demandait du secours :

Lettre aux archives. « Nous souffrons beaucoup... Il fait très froid ; n'ayant que de mauvais effets, étant très mal nourris, je me recommande à votre bon cœur ; je suis, Mr le Maire, le fils de Monsieur Lefebvre, ferblantier, un de vos anciens ouvriers.

Je finis ma lettre en vous serrant la main

Votre subordonné
Lefebvre, 9e cuirassiers »

Memel, 12 décembre 1870
cachet de la Kdtur de Memel
arrivée via Belgien

Les prisonniers souffraient du froid, mal vêtus et mal nourris. La Société de Secours aux prisonniers, dont l'emblème était une ancre (l'Espérance), et non la Croix-rouge, section de Lille (Auguste Longhaye, collecteur) s'intéressait à leur sort. De l'aide et des vêtements sont envoyés à notre malheureux concitoyen.

Francs-tireurs

De Lille aussi était envoyée, le 23 décembre, au maire, la proposition de former une compagnie de francs-tireurs pour Le Cateau ; elle émanait de M. Pierron, capitaine des volontaires, 9 bis, rue des Débris Saint Étienne à Lille. Cadre et compagnie étaient au complet... tous anciens militaires. La ville du Cateau leur donnerait le titre et la dénomination qui serait jugée convenable, soit « Tirailleurs du Cateau », ou « Chasseurs du Cateau ».

Maxime Lecomte, dans ses souvenirs (1ère partie, page 19) de lieutenant de garde nationale mobile, regrette le destin qui sépara bientôt mobiles et francs-tireurs autour d'Hirson, après Sedan. Il fait la distinction entre les patriotes, combattant à la façon des guérillas espagnoles, inquiétant l'ennemi et belligérants intrépides : « ils étaient, dit-il, munis de belles carabines américaines, armes de précision et à tir rapide... »

et ceux qui se servirent du titre de franc-tireur « pour échapper au service des corps réguliers, pour vivre à leur guise, évitant l'ennemi et rançonnant le paysan français ».

« Les représailles des Prussiens étaient terribles : maisons brûlées ; francs-tireurs ou ceux qui les hébergeaient, arrêtés, fusillés souvent ; de fortes amendes punissaient les villages. L'ennemi refusant aux francs-tireurs le caractère de belligérant ». (page 49, etc.)

Rixes à Basuel

Il n'y eut point de Tirailleurs au Cateau, en formation officielle, du moins... notre ville était remplie de militaires en armes. De plus, il y avait frictions regrettables entre mobilisés et sédentaires. Le capitaine Marotte se plaignait aussi du maire de Basuel, qu'il disait « en état d'ivresse ». Le même capitaine, d'une humeur peu commode, faisait rosser le tambour d'une compagnie locale des gardes. Les capitaines Lecerf et Denise font leur rapport : le tambour Danappe eut sa caisse crevée... avait été enfermé par les provocateurs au corps de garde, crachant le sang... Plainte fut déposée au commandant Lozé. Enquête s'ensuivit.

« Conflit à Basuel le jour de Noël, entre la 1ère Cie du 2ème Bataillon de Saint Quentin (Capitaine Marotte) et la garde sédentaire de la commune – abus de pouvoir de l'officier.

Protestation du Maire – rixe – dont le tambour Danappe fut la victime. Le sous-préfet fut informé par le maire, insulté et provoqué.

(Enquête tout au long aux archives du Cateau) ».

Le 27 décembre, un Nivernais de 22 ans, Étienne Naulo, né à Carnay (Nièvre) , garde national mobilisé de l'Aisne, décédait à l'hôpital Paturle. Le concierge, Ildefonse Berlemont, 64 ans, et Benoît Berlemont, 65 ans, charpentier, déclaraient le décès et signaient l'acte. La variole qui sévissait alors, fut sans doute la cause de sa mort. L'isolement des contagieux était alors prévu dans une ambulance provisoire, le 30 décembre.

Budget

Les évènements militaires n'empêchaient pas la commission municipale de vaquer aux besoins administratifs, et de préparer le budget.

Le rapport de M. Dormoy Béra critiquait l'administration des conseillers du Second Empire :

… et la création de cette immense caserne de gendarmerie : la commission voudrait la transformer en école de filles, « cette folie de l'ancienne administration, car les crimes viennent dans les rangs des filles illettrées »...

En fin d'année, le cercle tenu par les Frères des Écoles chrétiennes, dans leur établissement jumelé au collège, avait été supprimé, le 24 décembre... car cette tolérance était en désaccord avec le caractère religieux de cette institution.

Par contre, l'initiative de M. Truffot, directeur du Palais, envoyant ses jeunes ouvriers au collège, conformément à la loi sur le travail des enfants dans les manufactures, était très approuvée. Ce travail valait mieux que les flon flons de M. Dirk, chef de la musique municipale, qui « s'était laissé entraîné par la fausse gloire des concours, et a perdu tout son temps et celui de ses musiciens, en passant des hivers entiers à seriner le même morceau ».

M. Dormoy était un critique spirituel, mais impitoyable. Au nom de la Commission, il approuvait la suppression des commissaires de police cantonaux, décidé par un récent décret, -et souhaitait celle « des nombreux agents de police, chargés de propagande électorale avec leur commissaire qui faisait de nombreux et secrets voyages »...

Suit la profession de foi de la commission. Elle se déclare libérale, amie de la Convention, ennemie des préjugés, et d'un faux impérialisme. Elle réclamait par l’Égalité de la haute hiérarchie sacerdotale, une ère de vraie liberté, apportée enfin à la Tribune Française, affranchie de toute entrave parlementaire ; elle formait le vœu, elle espérait « que la séparation de l’Église et de l’État, votée par une chambre nouvelle, sera bientôt saluée par les acclamations du peuple... »

En cette fin d'année terrible, M. le rapporteur entraîné par son éloquence, semblait oublier que l'ennemi était tout proche, que le gouvernement était à Bordeaux et que le premier souci de la chambre nouvelle, était d’acquiescer douloureusement aux conditions de paix, dictées par le Prussiens, plutôt par l'Empire allemand.

1871

« Le 31 décembre 1870, une colonne prussienne avait été signalée près du Cateau, dans les environs de Busigny et de Maretz »... L'ennemi avait envoyé des éclaireurs jusqu'à 2 Km de la ville. La garde sédentaire avait pris les armes et s'était portée en avant de la ville pour appuyer les mobilisés.

… L'approche des éclaireurs prussiens était attendue, car depuis le 20 novembre, « la ville était le point de mire de l'ennemi, à cause des armements et habillements qui s'y font tous les jours, et la formation de nombreux bataillons de la garde nationale mobilisée du département de l'Aisne. Tous les soldats, sans exception, sont depuis le 26 novembre, à leur grande satisfaction, logés, hébergés, et même presque nourris par les habitants du Cateau ».

… Ainsi débute le rapport de la commission de défense du Cateau, sur les évènements de janvier 1871.

La garde nationale catésienne y était justement exaltée pour sa belle conduite... Chaque soir, elle s'entraînait dans la salle du théâtre de M. Henri Brunlet, jadis salle de danse, et salle d'escrime en 1871. Elle avait du faire exécuter des réparations extraordinaires aux fusils détériorés par les mobilisés de Saint Quentin, par M. Tilmant, mécanicien.

1er janvier

« Le 1er janvier 1871, il est arrivé au Cateau une colonne de 1 000 hommes du 40e régiment de Ligne, une autre de 1 000 hommes du 3e, et une troisième comprenant 800 mobiles des Ardennes. Le capitaine Accary commandait la colonne volante de l'Est. Avec les mobilisés cantonnés au Cateau, cela faisait 5 000 hommes avec quelques pièces de canon. Or ces troupes n'ont ni attaqué, ni délogé les 300 ou 400 ennemis de Busigny : elles y sont retournées les 2 et 3 janvier, sans plus de succès... »

10 janvier

Le rapport du conseil municipal du 10 janvier continue : « ces effectifs ont décidé de se replier sur Maubeuge, Landrecies, Le Quesnoy, donnant à une poignée d'ennemis le lieu qui leur avait si bien servi d'asile. Vu les murmures des habitants et la réprobation générale, la commission manifeste son étonnement... il lui a paru que ces colonnes manquaient d'unité et de décision. »

Signé : Guyot.

12 janvier

Ce rapport mit le feu aux poudres... il provoque, premièrement, la protestation de deux conseillers contre l'esprit du rapport, et par conséquence, la démission de M. Dormoy, secrétaire.

M ; Constant Lozé, commandant des officiers de la garde nationale, devant les vives protestations du corps des officiers du Cateau, démissionne à son tour.

Dans le numéro du 20 janvier 1871 du journal local, Le Cambrésis, paraît la protestation des officiers.

M. Chantreuil Boitot, maire, démissionne à son tour. La commission municipale déclare être surprise de cette sorte d'insurrection de la garde nationale contre son autorité et y voit un conflit regrettable de pouvoir, entre l'autorité civile et militaire.

Et le sous-préfet de Cambrai approuve cette délibération ; il stigmatise ces « mauvais citoyens peu enclins à défendre leur pays ou encore attachés à la cause de l'ignoble Bonaparte ». Il conclut sa lettre ainsi : « que chacun fasse son devoir et comprenne que jamais la concorde n'a été plus nécessaire ».

19 janvier

M. Eric Isoard avait raison : « la concorde, l'union sacrée, étaient indispensables au lendemain de la Bataille de Saint Quentin, glorieuse défaite, où le 22e corps battait en retraite sur Le Cateau par l'ordre de l'héroïque général Faidherbe, commandé par le général Lecointe. »

Nos concitoyens voyaient passer les restes de l'armée du Nord (N.B. 1) ; affamés, épuisés ; en débandade, un grand nombre parvint à Landrecies. Après une lutte longtemps victorieuse auprès de Saint Quentin, nos soldats avaient été écrasés sous le nombre. Les Prussiens étaient à leur poursuite, exaltés par la récente proclamation (l'avant veille, le 18 janvier), dans la Galerie des Glaces de Versailles, de l'Empire allemand. Leur roi, Guillaume, devenait empereur d'Allemagne, du Reich...

N.B. 1 : Armée du Nord. Le 4 décembre 1870, elle était réorganisée par le général Faidherbe, arrivant d'Algérie à Lille. Le 8 décembre, elle marche pour délivrer Le Havre, s'arrête sur la rive droite de la Somme, atteint l'Oise à La Fère, puis Amiens.

Du 26 décembre au 5 janvier, combats près de Bapaume et Péronne qui capitule le 10. Le 19 janvier, bataille de Saint Quentin.

Le 22 janvier, Cambrai, qui refuse de se rendre aux Prussiens.

Le 23, bombardement violent de Busigny par les Allemands, puis levée du siège, premier repli allemand sur la Somme.

Le 25, Von Lippe au Cateau.

L'invasion allemande

20 janvier

… Depuis le matin, des bruits persistants circulaient dans la ville, privée de maire, privée de commandant, de l'arrivée des Allemands. Une forte colonne ennemie serait à la poursuite de troupes débandées...

M. Fiévet Rémy, faisant fonction de maire, demandait des instructions au sous-préfet par dépêche, et s'il convenait de renvoyer les fusils entreposés au Cateau dans une place forte et de désarmer la garde nationale.

Dépenses de guerre

Avant-poste ou poste avancé

Une coupure de dix mètres de largeur avait été faite à travers la route départementale n° 10, à la hauteur des Blancs Monts, entre Saint Benin et Honnechy, pour mettre la ville à l'abri d'un coup de mains.

Éclairage

De plus l'éclairage qui, en temps de paix, commençait en septembre et se terminait le 31 mars, les nuits sans lunes (16 à 18 jours par mois, de la tombée de la nuit à 11 heures du soir), était conservé toute la nuit, avant même le 1er janvier 1871, à cause des passages de troupes et la crainte de voir arriver les Prussiens... d'où supplément de dépenses : 7 600 Frs et plus.

Il y eut aussi l'impression de bons municipaux, l'achat d'une chaudière pour l’ordinaire des troupes cantonnées à la gare et (une) installation d'ambulances.

24 janvier

M. Rodrigue Truffot devenait président de la commission municipale, alors que les Allemands faisaient irruption dans le département du Nord. Le 21 janvier, à 11 heures, à l'hôtel de ville, il annonçait l'arrivée de l'ennemi, signalée comme un coup de foudre.

Bientôt, la division de cavalerie saxonne du général Comte von Lippe, renforcée de deux bataillons des régiments d'infanterie saxonne n° 86 et 96 pénétrait dans la ville, au son aigu des fifres, précédés de groupes d'éclaireurs.

A midi, 2 à 300 cavaliers cernaient l'hôtel de ville, quelques uns y pénétraient et brisaient les appareils télégraphiques. Pistolet au poing, sabre au clair, ils emmenaient M. Truffot à la station du chemin de fer qu'un nombreux peloton occupait déjà.

Pendant ce temps, des colonnes serrées d'infanterie et de cavalerie étaient venues se ranger en bataille sur la place de l'hôtel de ville. M. le Maire, rentré de la gare, et au même instant, un officier (prussien, dit le texte... on appelait Prussiens tous les Allemands), en réalité saxon allemand, entre dans la salle des délibérations, requérant, en maître, pour une heure, montre en main, des vivres pour les troupes, environ 5 000 hommes. Il réclame en même temps le désarmement général de la garde et des habitants. Les soldats emporteront les armes ou briseront les fusils de chasse et revolvers déposés à la mairie.

Ambulance

Une ambulance allemande est installée au collège, dans les deux classes de Mrs Lhomme et Bocquet.

22 janvier

Le lendemain, dimanche, le général de Lippe stationne au Cateau. Des troupes de la 16e division, comprenant un détachement de réserve, le 41e d'infanterie, une batterie de grosse artillerie et une d'artillerie légère, arrivent en renfort, qui quitteront le lendemain notre ville, pour aller encercler la place forte de Landrecies.

23 janvier

A midi et demie, était remise, le lundi 23 janvier, à M. Truffot, présent à la mairie, la communication écrite suivante :

« Par ordre du général en chef, commandant la 1ère armée allemande : le général von Goeben, le canton de Le Cateau Cambrésis est chargé d'une contribution de guerre en hauteur de 25 francs pour tête d'habitants. La somme est ainsi fixée à 850 000 francs, payable en argent ou valeurs.

Signé : Comte de la Lippe
Général de division.
(note manuscrite) à midi 1/2
le 23 janvier 1871. »

Pièce portant le cachet en bleu

Commando O.K.S. Reiter-Division

avec couronne et armes.

Il fallait s’exécuter : les maires du canton convoqués d'urgence, furent d'avis de recourir à un emprunt et chargèrent M. Truffot de le réaliser.

La situation était pressante, appel fut fait au patriotisme de tous les citoyens aisés. Comme il y a encore des cœurs généreux en France, 200 000 francs, chiffre du rapport officiel, furent presque instantanément ramassés. (N.B.1)

25 janvier

… Et le mercredi 25 janvier, une premier reçu de 150 000 francs était établi par le commandant de Olszewski, et signé par Block, lieutenant au 5e Rgt ostpreussen infanterie n° 41.

Pièce qui porte le cachet du Bataillon de fusiliers de ce régiment, marqué de l'aigle prussien à une seule tête.

Mrs Morcrette et Guyot avaient été, entre temps, délégués par le conseil auprès du général en chef von Goeben, dont le quartier général était près de Saint Quentin. Ils obtinrent, comme les Solesmois l'avaient obtenu, une diminution d'impôt de guerre, qui fut fixé à 400 000 francs.

Mais le commandant de Olszewski ignorait encore cet accord. N'ayant pas touché toute la contribution, il demande au maire de désigner deux otages ; mais comme les opérations du tirage au sort pour décider des membres du conseil qui seraient emmenés, traînaient en longueur, les Allemands arrêtaient les deux anciens maires Chantreuil Boitot et Seydoux, jusqu'au paiement intégral de la contribution de guerre, et quittant Le Cateau le 26 janvier au matin, ils emmenaient les deux otages. (N.B.2)

N.B. 1 : Contribution de guerre – cœurs généreux :

Decaudin 500 frs Samaden 500 frs
Gabet Pottier 500 frs Ménard Boulet 500 frs
Sautier Emile 500 frs Vinchon Louis 500 frs
Guérin Jouanet 2 000 frs Picard Émile 500 frs
Deudon Napoléon 1 000 frs 24 janvier 1871


N.B. 2 : Les Allemands se rempliaient sur Amiens et la Somme, laissant le Nord et le Pas-de-Calais libres, suivant les conditions de l'armistice conclu pour 3 semaines.

26 janvier

Grand émoi en ville : des bruits calomnieux contre les membres du conseil circulaient, les accusant d'avoir voulu égoïstement sauver leur peau. Le sort désigne Mrs Collart et Hallette ; ce dernier, souffrant, est remplacé par M. Grozo qui vont se présenter au général allemand, à la place de Mrs Chantreuil et (Seydoux), mais trop tard, les otages étaient déjà dirigés sur Amiens ou Saint Quentin. Par un froid rigoureux, leur odyssée fut pénible : M. Chantreuil dut porter sur son dos son compagnon de captivité qui ne pouvait plus avancer, pour traverser la Grand place de Saint Quentin. M. Seydoux fut relâché, mais M. Chantreuil fut retenu 15 jours...

L'avance de 200 000 francs faite par la Maison Seydoux permit de compléter les souscriptions, et d'attendre les 400 000 francs exigés.

28 janvier

C'était la fin de la résistance : Paris capitulait, un armistice de 3 semaines était signé. L'Assemblée Nationale, qui devait être élue au suffrage universel, aurait à conclure la paix.

Les réquisitions allemandes vidèrent les bureaux de tabac, les boucheries et magasins de vivres et de chaussures. Le Dr Cassine dut céder une paire de bottes ; les occupants étaient friands de lard salé (N.B. 1), de sucre, de café... Il n'est point question de « pendules » dans les réclamations des habitants. Mais la population avait gardé souvenir de leur immense appétit, car la locution proverbiale resta longtemps au Cateau ; après avoir fini un repas, mon grand-père disait : « Encore un que les Prussiens n'auront pas... » (N.B. 2)

N.B. 1 : Troisvilles dut livrer le 26 janvier 1871, 100 Kgs de bas lard aux Prussiens ; ceux-ci se servirent en nature de 4 porcs vifs, annonçant leur retour... et ne revinrent pas. Le maire du Cateau, comme cette livraison tardive s'abîmait, le vendra 1 Fr le Kilog, au profit des Pauvres du Cateau. Troisvilles réclame cette somme aux pauvres en 1874.

B.B. 2 : Bons de réquisitions

22 janvier :

  • 1 000 paquets de tabac
  • 1 875 pièces cigares pour le 96e régiment d'Infanterie
  • 2 tonneaux (de) cognac

25 janvier: une paire de bottes réquisitionnée à Boudart Courtois et Dr Cassine pour le 41e inf. Régiment de fusilliers, signé : Meyer

26 janvier : 40 autres bottes à livrer par la ville

22 janvier : Pain et café pour le régiment 96e chez Huart Fiévet

24 janvier : 1 voiture couverte avec cocher pour le 17e royal Saxon, régiment de Uhlands. Livrer à 12 heures devant l'hôtel de France

Réquisition de 9 chariots, Signé : von Goeben


Il y eut en cette guerre, de tristes disparitions :

Un innocent, fusillé comme espion prussien (cf. 1940)

Le fils de M. Jules Hayé, menuisier sur les digues, fut tué accidentellement par un Allemand.

La ville eut à nourrir 5 jours, 4 000 hommes, (dépense estimée 2 frs par jour) et 300 chevaux (dépense estimée 3 frs par jour). Le chiffre des réquisitions s'éleva à 105 000 francs moins 40 francs, et la valeur des armes détruites des particuliers : 6 000 francs.

29 janvier

Mais, en partant, le gros des troupes ennemies avait abandonné force chevaux et voitures qu'on mit en vente le dimanche 29 janvier, à 3 heures, sur le marché aux chevaux (N.B. 1).

31 janvier

Malgré l'armistice signé le 29 janvier, un officier prussien se présente à l'hôtel de ville le 31 janvier, pour demander deux logements. Le maire refuse, et l'officier le fait garder à vue au greffe de la mairie. La commission, réunie sous la présidence de M.. Fiévet Rémy, adjoint, proteste contre cette violation formelle au droit de la guerre, considérant que, pendant un armistice, le troupes des deux belligérants doivent rester dans les cantonnements et ne plus avancer ni se déplacer. Cette protestation est transmise au général en chef prussien à Saint Quentin et au gouvernement de Bordeaux.

1er février, Hôpital Paturle

Les Allemands avaient laissé des malades à l'hôpital Paturle. Le 1er février y décédait le soldat saxon Korsptodt Steinier, des suites de petite vérole (variole). Il avait été hospitalisé le 24 janvier 1871, et portait l'uniforme des gardes à cheval du roi de Saxe : uniforme bleu de ciel, rebords en blanc. De Dresde, en 1872, l'aide de camp du régiment demandait l'acte de décès. Signé von Broirew (Dresde, rue du Manège).

Quatre Français, hospitalisés depuis le 16 janvier, Louis Gaillet, de la Cie franche de l'Aisne, Léon Duvalet, 15e compagnie d'artillerie de l'Aisne, Alexandre Perdoux, du 24e de ligne, et Legris Léon, du 46e mobile, y décédaient du 5 au 16 février... 14 militaires moururent à l'hôpital Paturle de septembre 1870 au 16 février 1871., et 3 soldats (99e de ligne, 4e marine, 3e zouaves), à l'Asile Saint Charles, du 23 septembre au jour de Noël 1870. Le monument aux morts du cimetière rappelle leur mémoire.

A l'Asile Saint Charles, Sœur Marie-Claire délivrait en mars, 200 kilogs de pommes de terre pour 18 francs à l'ambulance, qui fonctionnait encore pour soldats et malades le 18 mai (N.B. 2).

N.B. 1 : Le 28 février, il y avait encore grande quantité de voitures abandonnées sur la Place du Cateau, attendant réclamations de leurs propriétaires (demande de M. Trocmé de Soyécourt Vermand, au maire du Cateau, pour retrouver son véhicule).


N.B. 2 : Du 1er janvier au 18 mars, Célestin Desse livrait 176 litres de lait pour les soldats de l'ambulance.

Il ne semble pas que les archives de la ville, déposées depuis 1831 et mises en liasses par M. Collart père, dans un cabinet dépendant du bureau du maire, aient eu à souffrir de la guerre de 1870-1871. Elles étaient depuis, par suite du déplacement du bureau du greffe, reléguées au grenier, au dessus du greffe, à l'abri de l'humidité, mais non du feu.

18 février

C'est ce qu'explique M. Collart fils, qui, depuis 1857, aidé par les conseils de M. Desplanque, archiviste du Nord, mort à 36 ans, a rangé et classé les liasses éparses, en présentant le résultat de son travail dans un rapport détaillé.

Il y raconte les diverses pérégrinations des archives, déposées d'abord au château des archevêques, dans leur Maison du Palais, comme l'endroit le plus sûr, puis réintégrées en partie, après 1678 (le Cambrésis est alors rattaché à la France) au greffe du magistrat. La Révolution en envoya une partie, la plus précieuse, à Lille ; beaucoup de titres, établissant des propriétés privées de la ville du Cateau, furent alors soustraite par des gens intéressés à leur disparition.

L'inventaire prescrit par le Consulat le 17 ventôse, an VIII, fut saboté. Pêle-mêle, les précieux documents du passé restaient gisant dans les greniers de la maison commune, ouverts à tout venant.

Les archives fournirent les papiers pour dégraisser les fusils des Russes en 1815 et aussi, sans doute, pour allumer le feu de leur corps de garde.

Il y eut le classement de 1831, tout au moins des documents antérieurs à la Révolution, dont M. Le Glay, alors conservateur général des archives du Nord, rendit compte dans sa notice sur l'histoire du Cambrésis.

… En 1857 donc, M. Collart les rangea, se mettant au travail dans ses moments de loisir, et vient d'achever son laborieux classement.

M. René Collart a fait deux classements :

  1. 1) les archives historiques (antérieures à 1750), avec 100 000 embrefs sur parchemin et requête, environ 50 000 pièces, intéressant la propriété publique et privée, remontant à 1609, et sont, ajoute le rapporteur, « pour la plupart illisibles », ce qui est d'ailleurs inexact.
  2. 2) La section administrative, comptes, etc...

M. Collart a bien mérité, pour ce travail de bénédictin, la gratification de 500 (francs)

que lui vote le conseil.

Ces considérations historiques sont une diversion au malheur des temps, et aux soucis de nos édiles.

Dossiers des réquisitions militaires prussiens et français

Réfugiés... la préfecture de l'Aisne est momentanément résidente au Cateau (N.B. 1) (le) 27 février. La ville a fait rouvrir la Caisse d’Épargne.

N.B. 1 : Comme elle l'était, en camionnette, à Mayenne, en juin 1940, se repliant sur le centre, au delà de la Loire (18 juin 1940), ambulante et fuyante.

Le 8 février, on votait pour les membres de l'Assemblée Nationale, qui se réunissait le 12 à Bordeaux. Le 20 février, l'assemblée signait les préliminaires de paix. Mais de graves incidents allaient surgir... la guerre civile allait succéder à la guerre étrangère.

18 mars

Le 18 mars, une insurrection éclatait à Paris, deux généraux étaient assassinés ; un gouvernement révolutionnaire, la Commune, s'installait à l'hôtel de ville.

24 mars

Le 24, par dépêche, le sous-préfet de Cambrai adressait au maire du Cateau, cet avis :

« Vous conseille faire comme ici, tous les bons citoyens vont y signer, adresse de dévouement à République, ordre, liberté, protestation énergique contre prétendu gouvernement de Paris... »

La commission municipale modifie la forme de l'adresse en ces termes : « Émue des évènements regrettables qui troublent en ce moment la capitale, la commission municipale du Cateau proteste énergiquement contre un mouvement insurrectionnel qui menace de porter une funeste atteinte aux institutions républicaines auxquelles elle est fermement attachée ».

… Et nos édiles s'occupent d'embellir de verdoyantes allées notre cité : deux ormes, cent soixante dix peupliers sont plantés sur la promenade des Hauts Fossés, allant vers Montay, où les enfants vont s'amuser à l’écho, qui résonne des murs des fabriques Seydoux.

150 peupliers (à 0 Fr 75), 60 ormes (à 0 Fr 90), sont fournis pour le cimetière par le pépiniériste de Romeries, Houriez-Dhaussy ; 245 peupliers (à 1 fr) par Bleuse, pépiniériste.

On révise les pompes municipales, au nombre de 15, dont 3 pour la rue des Récolets, la Fontaine Noiret, et près de la Selle, rue de Cambrai.

30 mars

La commission municipale décide de démissionner. Ses membres ont été surpris par l'article II du projet de loi sur les élections municipales, qui remet à l'ancien conseil, la charge de procéder aux élections. Après lecture de cet article vexatoire, pour leur dignité, il prennent spontanément, à l'unanimité, la délibération suivante :

« Républicaines, dévoués à l'ordre, ennemies aussi déclarées de la violence que de la réaction,

atteintes dans leur dignité et dans leur honneur par un projet de loi qu'elles considèrent comme une véritable mise en suspicion,

profondément peinées des tendances d'une assemblée, dont chaque séance semble consacrée à ruiner leurs espérances, l'administration et la commission municipale du Cateau, déclarent cesser immédiatement leurs fonctions. »

LE CATEAU SOUS LE PRESIDENT ADOLPHE THIERS

L'assemblée nationale était en forte majorité monarchiste... mais, d'accord avec Thiers, la question de régime avait été laissée de côté, et la République demeurerait le régime transitoire.

L'énergie de Thiers, élu député par 28 départements, lui valut la confiance de l'assemblée qui le nomma chef du pouvoir exécutif. Thiers chargea le Maréchal de Mac Mahon de réprimer la Commune.

4 avril

Appel fut fait à des volontaires, pour former des bataillons destinés à protéger l'assemblée de Versailles, car les députés s'étaient transportés de Bordeaux à Versailles, antérieurement aux séditions de la capitale. Le maire du Cateau fut sollicité par le baron Séguier, préfet du Nord, pour l'inscription de volontaires, ayant toutes les garanties de moralité nécessaires. Bismarck avait offert des troupes contre la Commune, mais Thiers refusa. Occupant les forts du Nord et de l'Est de Paris, les Allemands assistèrent à la répression terrible de la guerre civile.

11 avril

L'obligation des passeports était rétablie pour tous les voyageurs le 11 avril.

30 avril

Le 30 avril, l’assemblée électorale du Cateau votait et nommait un nouveau conseil municipal :

Mrs Boudard Constant Debuyser Hyacinthe
Seydoux Auguste Flament Gabet
Lozé Pecqueux Degoix Bienvenu
Hallette Jules Lefebvre Delvallée
Mouton Augustin Lefebvre Mairesse
Basquin Noël Maréchal Tréca
De Lafons Charles Harel Georges
Truffot Rodrigue Soufflet Melchior
Deveau Carlier Cottiau Fiévet
Ponsin Charles Collery Colmant

étant installés le 14 mai.

Quatre jours après la signature du Traité de Francfort, qui coûtait à la France une indemnité de 5 milliards, (ainsi que) l'Alsace et la Lorraine. L'assemblée l'approuvait, et les dernières signatures étaient échangées le 21 mai, jour où les Versaillais (nom donné à l'armée régulière), étaient maîtres de Paris. Mais que de ruines fumantes ! Tuileries, hôtel de ville, Bibliothèque du Louvre et ses 80 000 volumes, ministère des Finances, Cour des comptes ; que de vies humaines anéanties par les communards et parmi les otages fusillés, l'archevêque de Paris, Monseigneur Darboy.

26 mai

Le 26 mai était nommé maire provisoire, M. Auguste Seydoux.

1er juin, stocks de pétrole

Gouverner, c'est prévoir. En vue d'empêcher de nouveaux complots incendiaires, comme ceux des pétroleurs et pétroleuses de la Commune, le Préfet du Nord ordonne de contrôler les stocks d'huile minérale existant dans les agglomérations et en particulier au Cateau, car « les incendiaires projetaient de répandre dans la France entière l'incendie et le désastre. A Versailles et à Marseille, des complots incendiaires ont été découverts ».

Calomnies

Il n'y eut, Dieu merci, aucun trouble de ce genre en notre ville, quoique le Préfet du Nord en ait écrit en son rapport du 15 juillet 1871. Il y a représenté, à propos de l'insurrection de Paris du 18 mars, « la ville du Cateau comme favorable à la Révolution, et les ouvriers des usines du Cateau, Inchy et Saint Souplet (… où il n'y eut pas d'usine antérieurement au 15 juillet 1871), l'objet des flatteries du parti radical et du journal de Cambrai, Le Libéral, fondé en 1869. L'Internationale se serait facilement introduite parmi eux et, depuis, les sentiments d'ordre et d’honnêteté, si connus autrefois, chez les ouvriers de ces contrées, ont beaucoup diminués ».

Le nouveau conseil, complété par Mrs Fiévet Rémy, Grozo Goffart, Crinon Mortier, protesta contre ces allégations fantaisistes. M. Truffot, élu maire, le 8 juillet, et ses adjoints, Augustin Mouton et Noël Basquin, déclarèrent que tout ce rapport était faux, que pendant les malheurs de la guerre civile, les ouvriers étaient restés, comme toujours, calmes, honnêtes et laborieux. (N.B. 1)

Messieurs les conseillers reçoivent l'hommage d'un livre d'actualités, « Les exploits d'un guerrier, suivis d'une Épître à César ». L'auteur en est M. Briatte qui fut, 25 années durant, maître de pension au Cateau, et qui vient témoigner, ainsi des bons sentiments qu'il conserve de cette ville.

Novembre

M. Charles Seydoux, conseiller général du Cateau, donne de bonnes nouvelles des futures relations ferroviaires avec Valenciennes : à bref délai, sera construit un chemin de fer suivant la vallée de la Selle, vers Valenciennes, et qui par la suite sera prolongé sur Guise, où il sera relié au chemin de fer de Verdun.

Ce qui promettait du travail pour les ouvriers au chômage. Il y en avait à l'issue de cette guerre, et une souscription était présentée à domicile pour l'extinction de la mendicité (N.B. 2).

N.B. 1 : En été 1871, l'heure de la retraite était sonnée à 11 heures.


N.B. 2 : La garde nationale sédentaire a été licenciée... mais le 13 septembre, la maison Seydoux fournissait l'équipement des sapeurs pompiers (45 casques en cuivre, etc), coût : 864,90 (Frs)

… A côté des mendiants, il y avait aussi les mutilés et les militaires blessés. Une loterie nationale de 10 millions de billets à 9 Fr 50 l'un, étaient organisée par la S.B.M. (Société de Secours aux Blessés Militaires). New York, Buenos-Ayres et l'Europe y faisaient bon accueil. Les Catésiens aussi, suivant l'exemple de M. Lempereur, gérant du journal Le Cambrésis, qui, déjà en 1870, avait fait une souscription de 1 000 (frs) pour les blessés. Plus de 4 000 lots étaient exposés à Paris, dans le nouvel Opéra, dons des plus grands artistes de l'époque. La visite de ces objets d'art attirait foule de visiteurs dans les salons et foyers du Théâtre ex impérial.

Théâtre en 1871

Nos concitoyens avaient repris le chemin du théâtre, ruelle Saint Jacques, qui manquait encore de réverbères, en novembre 1871.

M. Brunlet avait rouvert sa salle pour le bal de la Saint Louis, le dimanche 17 août, et le lendemain, un drame en cinq actes, Le Paysan des Alpes, Les Pantins de Violette, opérette musique d'Adolphe Adam, et un tableau populaire de Lambert Thiboust, L'Homme n'est pas parfait, attiraient une foule de spectateurs. La vie reprenait.

Mais le clou de la saison d'automne fut la représentation extraordinaire, le dimanche 19 novembre, du « plus grand succès de l'année », par la troupe Gérard, La Famine de Paris, grand drame nouveau et historique en cinq actes de W. Touroul : 1er acte, le Blocus ; 2e acte, le Rationnement ; 3e acte, le Bombardement ; 4e acte, la Famine ; 5e acte, Morte de faim.

C'était vraiment un spectacle de tragique actualité... terminé, avant Les Amours de Cléopâtre, 3 actes de vaudeville, par Les adieux de l'Alsace à la France, poème lyrique de Théodore de Banville, déclamé par le jeune premier de la troupe (N.B. 1).

N.B. 1 : M. Brunlet, entrepreneur de divertissements publics, doit fermer six mois, par ordre préfectoral, pour violences et menaces envers l'administration locale. Cela prive les boulangers de leur bal, à leur fête patronale, le 26 mai.

1872

L'année finissait, l'année tragique, par des grands bals, les dimanches 24 et 31 décembre, et 1872 commençait aussi dans la danse. La jeunesse oublie vite...

Et le 2 janvier, Les mystères de Paris, 9 tableaux tirés du roman d'Eugène Sue, « que l'Europe entière a lu », assurait le programme, et même « appris par cœur ».

Le gouvernement de la République continuait... la sagesse de Thiers prouvait que c'était alors « le Régime qui nous divise le moins »... Les querelles entre orléanistes et légitimistes finalement réconciliés, puis le manifeste du comte de Chambord, refusant le drapeau tricolore et s'en tenant symboliquement au drapeau blanc... affermissent peu à peu la Troisième République.

Puis, la guerre finie, il fallut payer les 5 milliards et les frais de guerre et d'occupation... Thiers trouva rapidement l'énorme somme ; une fois versée intégralement, les Allemands évacueront notre territoire... par anticipation.

Au Cateau, la contribution de 400 000 francs fut remboursée par un emprunt levé, non par tête d'habitant, mais d'après les cotes de contributions, payées par chaque commune, solution qui ne fut pas facilement accueillie par les villages. M. Seydoux déclara renoncer à tout intérêt sur les 200 000 francs de prêt et 10 000 de souscription comme habitant du Cateau, à condition que tous les souscripteurs feraient le même geste patriotique (N.B. 1).

On décida de demander à l'assemblée nationale de faire de la contribution de guerre du Cateau une dette nationale, pour les motifs suivants :

« La petite ville du Cateau fut presque la seule du département du Nord à être occupée, dès le 21 janvier 1871, par 6 000 Prussiens ; elle a subi pendant cinq jours l'encombrement de ses maisons et 105 100 francs de réquisitions ».

En juin 1872, un projet de monument aux morts était adopté, à la mémoire des soldats décédés, enfants de la ville tombés au champ d'honneur, malades et blessés morts à l'hôpital Paturle.

Hôpital Paturle

… Avec la paix, le bel hôpital, tout neuf encore, ne connaissait pas la prospérité souhaitable (N.B. 2). Une moyenne de 10 malades y étaient soignés, et le Dr Sautier, médecin chef, pour diminuer le déficit, ne touchait aucun traitement. Le 23 mai, le comte et la comtesse Martin du Nord, en souvenir de leur aïeule, Madame Paturle, y avaient fondé un nouveau lit, par le versement d'une rente perpétuelle de 662 francs. Mais un grave différent allait opposer les descendants de la fondatrice avec le conseil municipal du Cateau, à propos de son testament, daté du 20 novembre 1859.

N.B. 1 : Population du canton en 1870 :

Basuel 1 228 La Groise 1 084 Pommereuil 1 570
Beaumont 901 Maurois 900 Reumont 1 018
Saint Benin 708 Mazinghien 1 243 Saint Souplet 2 813
Catillon 2 696 Montay 526 Troisvilles 2026
Honnechy 1 418 Neuvilly 2 510 Le Cateau 9 974
Inchy 1 715 Ors 1 175

L'emprunt de 400 000 (francs) fut payé non par tête (11 Fr 917 par tête, mais au marc le france, de 2 Fr 06566, sur le montant des 4 contributions, payées par chaque commerce (témoignage de sa richesse). Ainsi :

Basuel qui paye 8 255 verse 17 032
Le Cateau " 79 147 " 163 492
Catillon " 19 317 " 39 924


N.B. 2

L'hôpital était estimé le 9 juillet 1872 à 86 000 frs
Le collège 60 000 frs
L'hôtel de ville 86 000 frs
Hospice et asile 50 000 frs
École chrétienne 48 000 frs
Halle aux grains 7 000 frs
Église 350 000 frs

Legs de Madame Paturle à l'hôpital

Madame Paturle faisait don « à l’Établissement Jacques et Adèle Paturle au Cateau, d'objets restants de sa chère fille, et des souvenirs de famille, qui y seront gardés et soignés à perpétuité ».

Buste en marbre blanc de Mme Casimir Périer, sa fille, cadres de cheveux, album des lettres de jeune mariée, ceinture de mariée, paroissien et anneau nuptial de la jeune épouse, la croix de la légion d'honneur de M. Lupin, celle d'officier de légion d'honneur de M. Paturle, portraits et miniatures de famille.

Le 19 septembre 1871, la commission administrative de l'hôpital avait accepté ce legs.

Or, Mme Paturle avait déjà donné la plupart des tableaux, bustes et souvenirs, à M. et Mme Martin du Nord, ses légataires universels, écrit en octobre 1875, M. Sieber, exécuteur testamentaire ; elle l'avait sans doute oublié.

Il s'agit de toiles de valeur :

Les grands portraits de M. Paturle et de sa fille Adèle par Henri (Harry) Scheffer, peintre de talent, le premier, le second de Champmartin. Il y a aussi le portrait de Mme Lupin par Rouzet, (et) le buste en marbre de Mme Casimir Périer.

M. Sieber sert d'intermédiaire entre le conseil municipal qui réclame le legs « tel qu'il a été décidé par Mme Paturle, et non tel qu'il a été adressé » par ses légataires universels (N.B. 1). M. Chantreuil traite l'affaire avec M. Sieber : une transaction honorable intervient le 29 juin 1875, qui évite de plaider le différend devant les tribunaux. Le comte Martin du Nord conservera l'original d'Ary Scheffer... mais en verse la valeur, soit 2 500 frs à l'hôpital Paturle. L'expertise du tableau fut faite par François Petit, 7, rue Saint Georges à Paris, qui refusa tout honoraire, parce qu'il travailla, déclara-t-il, pour les pauvres.

N.B. 1 : L'arbitrage du sous-préfet fut nécessaire en décembre 1873, lors de la phase aiguë du conflit.

Un décret du président de la République (Maréchal de Mac Mahon), autorisa le conseil d'administration de l'hôpital Paturle à accepter le legs de Mme Paturle tel qu'il lui a été adressé.

Le portrait de M. Jacques Paturle, copie d'Ary Scheffer, présida aux réunions du conseil d'administration de l'hôpital jusqu'à ce jour. Le buste de sa fille Adèle et les souvenirs de famille y sont aussi religieusement conservés : lettres, montre, carnet, croix, placés sous vitrine, et aussi le tableau de la Vierge à la Chaise, dessiné par Mme Paturle.

Un portrait d'une vieille femme, aux traits énergiques, retrouvé en 1944, dans les greniers de l'hôtel de ville, pourrait être celui de Mme Lupin par Rouzet ;.. elle porte une charlotte de gaze empesée avec collerette, et enrubannée comme au temps de la reine Amélie. Elle a été hospitalisée à l'hôpital Paturle, près des membres de sa famille.

Bibliothèque

La question du collège préoccupe le conseil municipal... Il s'agit d'abord de la débarrasser des 2 000 volumes de la bibliothèque communale qui y occupent beaucoup trop de place... Le plupart de ces volumes sont, parait-il, dépareillés... d'autres sont en double et même triple exemplaire. Une commission doit les examiner, avec le concours d'un membre du clergé pour apprécier la valeur de vieux ouvrages ecclésiastiques. Les rares lecteurs ne les lisent guère... On conserve ceux qui ont une valeur locale... On déposera momentanément sous les combles de l' hôtel de ville, les livres décrétés indésirables.

En 1875, le transfert de la chambre de sûreté à la gendarmerie, libéra le local dit « prison » à l'hôtel de ville qui devait être bibliothèque, mais devint justice de Paix. Il fallut le départ du télégraphe de la mairie, pour libérer un local, devenant Bibliothèque... après avoir été salle répétition de la musique, la bibliothèque communale où le vieux fonds dit ecclésiastique » fut relégué sur les plus hauts casiers, à l'abri des curiosités et des chercheurs.

Collège, 24 juillet 1872

Le collège, ayant récupéré un vaste local, ne voyait pas pour cela croître le nombre infime de ses élèves. Chaque année, il absorbait 10 000 francs du budget, non compris l'entretien des bâtiments et du mobilier, sans résultats appréciables. Le conseil municipal voudrait supprimer ces dépenses inutiles et propose une solution : à côté du collège, dépérissant d'année en année, il y a en ville une institution florissante dirigée par un ancien maître du collège, M. Hyacinthe Debuyser, animé d'un dévouement qui fait de son enseignement un véritable sacerdoce ; avec l'aide de son gendre, M. Honoré, aussi estimé que lui-même, il a créé une maison très prospère. Pourquoi ne pas supprimer la concurrence des deux établissements ? Et faire fusion(ner) dans la main habile que l'on connaît les deux institutions rivales ? Et faire du collège un établissement libre ? Mrs Debuyser et Honoré accepteraient 12 élèves gratuitement pour une subvention de 2 000 francs par an.

Le conseil, séduit par cette proposition, vote cette transformation, au 1er octobre 1872 prochain, sous réserve d’approbation du rectorat, demande de conserver le titre de collège libre à cet établissement rénové et rajeuni.

Visitant les bâtiments du futur collège libre, le maire et la commission des bâtiments, et aussi M. Debuyser qui est conseiller municipal..., sont frappés du désordre, des dégradations et remarquent surtout les inscriptions ordurières dont sont chargées les murailles, tables, pupitres, et qui sont une insulte grossière au nouveau chef de l'établissement et au conseil lui-même.

Mais la décision du conseil provoque de violents remous en ville : une pétition circule en demandant l'ajournement ; M. Lozé, rapporteur de l'Instruction publique, note que la ville se passionne, « plutôt par esprit de camaraderie et de personnes que par esprit d'équité et d'intérêt public ».

… Pendant 20 ans, on a consacré 200 à 300 000 francs à essayer de maintenir la vie de ce collège... plus exactement de prolonger l'existence d'un moribond. Les professeurs dirigent et poussent les élèves, sollicitant partout des signatures. « Ils s'agit de défendre, disent-ils, l'instruction gratuite », alors qu'on ne devait plus être admis au collège qu'en payant. La pétition circule à l'instar d'un plébiscite, et d'une manifestation publique... accumulant les blâmes blessants, auxquels s'ajoute l'insulte des garçons... contre les véritables jaloux des intérêts de la ville. En résumé, conclut le rapporteur, « c'est une lutte autour du cadavre qu'on appelle le collège ».

Que deviendront les professeurs ? Ils ont déclaré, fait savoir par leurs amis, qu'ils refuseraient toute indemnité... le conseil attend les démarches individuelles – il s'en trouve. Des indemnités seront versées à Mrs Leveau, Bocquet, Mercier, qui passeront à l'école primaire publique. Mrs Renaux et Vrau seront aussi indemnisés.

Mais « le cadavre » a la vie dure.

Le 14 septembre, coup de foudre. Le Préfet a mis son veto aux délibérations du conseil, prises trop tard... De plus, la ville est liée par un traité de cinq ans, expirant le 31 décembre 1872, l'entretien pour 1872 a été voté au budget. Le procédé de la commission est illégal. Protestation du conseil qui demande le même traitement qu'à Hazebrouck.

Une nouvelle pétition court la ville pour que le collège devienne école professionnelle : il compte 140 élèves ; on y reproche à la municipalité de vouloir brimer des maîtres distingués au profit d'un établissement privé... M. Lozé déclare à la réunion de la commission de l'instruction publique, qu'il s'agit, avant tout, de sauver le collège, « s'il a perdu ses souvenirs, dit-il, il a cependant conservé une vieille tradition d'honneur et de renommée dont nos pères étaient fiers ».

Mais M. Lefebvre-Delvallée lui reproche de dilapider les deniers de la ville, en faisant un cadeau à M. Debuyser. Les enfants du village qui forment sa clientèle iront au collège, et nos jeunes Catésiens seront à l'étroit dans ses anciens locaux. Il faut choisir.

Transiger ou démissionner !

La pétition de la ville est rejetée. La presse s'en mêle. Le journal Le Cambrésis est la tribune du peuple, où de violentes polémiques fulminent. Démission ! Démission ! C'est le cri de guerre contre la municipalité, en cette fin d'année 1872.

1873, Cours et École de dessin

« Le dessin aide les arts et les métiers », c'est la devise de M. Deveau Carlier, marchand de bois, conseiller municipal, homme de lettres à ses heures ; elle l'accompagnera au cimetière au fronton de sa chapelle funéraire, … auprès des emblèmes du Grand Orient de France. « L'art aidant l'industrie », M. Deveau demande qu'une école de dessin soit installée au collège : il a satisfaction le 18 février 1873. Il en est l'organisateur ; à ce titre, il propose pour un cours public, un Catésien, M. Henri Pavot (dont la colonne funéraire redit tout au long les vertus et les talents). Architecte lauréat, deux fois médaillé, M. Pavot remplacera M. Schaller qui fera le cours d'allemand...

L'éclairage au gaz (4 juillet), facilitera dans les écoles les classes et cours du soir.

Mais M. Deveau revendiquera ultérieurement, en 1875, le titre de fondateur de l'école de dessin. S'appuyant sur le dictionnaire, il veut démontrer que ce titre lui revient légitimement ; mécène du dessin, il tient néanmoins au titre de fondateur ; il fait du maintien de ce mot, la condition « sine qua non » de sa donation d'une médaille annuelle destinée à récompenser l'élève le plus méritant en dessin. M. Chantreuil Boitot répond au nom du conseil à cette demande impérative : qu'il soit reconnu organisateur soit, mais fondateur, non... car les fonds sont versés par la Ville.

En 1877, une classe de Bosse est créée à l'école de dessin ; M. Deveau, satisfait, offre généreusement 30 modèles de plâtre, allant du simple au difficile, de la feuille d'acanthe à l’Écorché de Houdon, en passant par le chapiteau gothique (copie de Notre Dame de Paris), un masque florentin, la tête de cheval du Parthénon, un faune riant, les têtes de Caracalla et d'Agrippa, la Vénus et l'Antinoüs du Capitole.

La plupart sont toujours en service à la salle de dessin installée actuellement sous le comble du bâtiment sur rue, dans une vaste salle appropriée en 1875, pour cours d'adultes ou cours public (N.B. 1).

N.B. 1 : Plan de M. Mallet pour le nouveau collège :

  1. 1) reconstruire, sur les mêmes fondations, en ménageant une entrée de voiture, le bâtiment qui donne sur la rue du collège (rez-de-chaussée, 2 classes, logement du concierge, avec comble élevé de 3 m. 60, pour salle de cours public).
  2. 2) Restaurer le bâtiment principal, pour internat, logement du Directeur, des maîtres internes, en faisant disparaître la Tour carrée qui fait saillie dans la cour d'honneur.

Instruction publique

D'autres mesures ont été prises pour élever le niveau des études et le développement intellectuel de la jeunesse. Déjà en 1872, M. Seydoux remarquait une baisse dans la formation scolaire de ses ouvriers ; il l'attribuait au manque de locaux, et aux classes trop surpeuplées d'élèves.

Au 1er janvier, pour décongestionner les classes, les enfants de Montay (24 garçons, 13 jeunes filles) qui suivaient gratuitement les cours des écoles du Cateau, n'y sont admis que si le conseil municipal de Montay verse une indemnité de 1 000 francs par an, ce qui permettra d'envisager de nouvelles perspectives d'agrandissement.

17 novembre

Un cours de musique vocale est donné à l'école primaire et chez les frères, alternativement, fin 1873.

Au collège, en 1878, un cours gratuit du soir de langues vivantes sera destiné aux plus de 15 ans... il aura lieu de 7 H 1/2 à 8 H 1/2, sera professé par M. Hartmann (anglais et allemand) ; des compositions et certificats d'études sanctionneront les mérites des auditeurs.

Collège

Car le collège ressuscite, se modernisait, l'opinion publique, longtemps divisée sur les transformations utiles s'était calmée peu à peu. L'assemblée municipale, soucieuse de son devoir, voulait maintenir l'étude du latin, nécessaire aux professions libérales ; les Catésiens préféraient l'école professionnelle primaire supérieure, 12 voix contre 9 au conseil, l'emporteront : le latin était sain et sauf.

Août 1874

Il était juste que le maire rendit, en fin de session, hommage par lettre, au zèle officieux et éclairé de M. Debuyser, qui avait accepté la tâche ingrate de régenter le collège, mais que le veto préfectoral avait empêché de réaliser ces fonctions délicates... et qui, comme secrétaire du conseil, réussit si bien dans des fonctions non moins délicates que difficiles qu'il sut si bien et constamment remplir.

1875

… Mais en tant que chef d'établissement, M. Debuyser, avec son adjoint, M. Honoré, durent réclamer à la ville 800 francs pour frais faits par eux afin d'approprier leurs locaux aux exigences de l'école primaire laïque qui devait être installée dans leurs bâtiments.

… Ce qui leur fut finalement remboursés, après examen de documents sérieux et confidentiels...

Le collège connut, en 1876, une ère de prospérité avec 26 pensionnaires, 8 demi-pensionnaires, 111 externes. Le Docteur Camus y professait un cours d'hygiène aux élèves les plus avancés, le jeudi matin. Le nombre des pensionnaires était de 33 en 1877, sous le principal Francq, qui alignait une série de succès. Les élèves : Bachy, nanti de son brevet supérieur, nommé instituteur à Hautmont ; Reumont, nommé adjoint à Gouzeaucourt ; Duval, entré à l'école vétérinaire d'Alfort ; Tamboise, reçu au volontariat.

Ces beaux résultats donnaient raison à M. Jules Lempereur, rapporteur en 1875 de la question du collège, qui avait signalé deux causes à la décadence de l'établissement : 1) la faiblesse des parents, 2) la gratuité de l'enseignement.

Il avait ainsi développé ces deux points :

1) Les traditions locales sont un peu rebelles au succès immédiat des grandes et fortes études scientifiques et françaises qui devaient être l'honneur de notre cité... une des plus fâcheuses habitudes de nos écoliers, c'est de croire leur instruction terminée le jour où ils ont fait leur première communion, et faiblesse des parents, d'accepter docilement ce merveilleux raisonnement, et de s'incliner sans mot dire devant le veto définitif de Messieurs leurs enfants.

2) La gratuité, qui entraîne forcément la promiscuité, avait été, et c'était aussi l'opinion du recteur, le seconde cause de la décadence de notre collège.

La gratuité sera pour la grande école primaire et gratuite à côté du collège.

Le dossier « collège libre » est définitivement abandonné par le nouveau conseil élu en 1874 (Charles Seydoux en tête et Mouton), et le recteur félicita les conseillers de leurs « sages décisions », promettant son appui pour la mise en service du collège reconstitué en octobre 1875.

En 1875, un décret du Président de la République, Maréchal duc de Magenta, rétablissait le collège, signé Wallon, ministre de l'Instruction publique, M. Francq, professeur depuis 20 ans, en était le principal – avec enseignement classique jusqu'à la 4ème exclusivement, enseignement spécial ou professionnel, préparait aux carrières agricoles, industrielles et commerciales, etc … Enfin, avec deux classes primaires élémentaires pour les plus jeunes enfants.

LE CATEAU SOUS LE MARECHAL PRESIDENT

1873, République et constitution

Le Maréchal de Mac Mahon, qui signa ce décret, avait succédé, le 24 mai 1873, à Adolphe Thiers, obligé de démissionner, en désaccord avec la majorité monarchiste de l'assemblée. Le maréchal, d'une parfaite loyauté, considéré par les monarchistes comme le lieutenant général du royaume, consolida, en fait, la République (N.B. 1) ; elle fut votée à une voix de majorité, le 30 janvier 1875, par l'amendement Wallon, … qui adopta la constitution préparée pour un régime monarchique, le 25 février 1875, constitution qui nous régissait encore jusqu'en juin 1940.

N.B. 1 : Le comte de Chambord observa la même attitude qu'en juillet 1871, où il avait déclaré qu'Henri V ne pouvait abandonner le drapeau blanc d'Henri IV ; il renouvela cette déclaration, le 27 octobre 1878, en d'autres termes : « personne, sous aucun prétexte, n'obtiendrait de lui qu'il consentit à devenir le roi légitimé de la Révolution ».

« Devant le drapeau blanc », disait le Maréchal de Mac Mahon, « les chassepots partiraient tout seuls. »

Destiné à rétablir la monarchie, le Maréchal fut, en fait, le restaurateur de la République, qui s'avéra, encore, le régime qui divisait le moins bonapartistes, monarchistes, et indécis...

Mort de M. de Lafons

… Le Cateau, le 28 avril, avait perdu l'un de ses anciens maires, Charles de la Fons, marquis de la Plesnoye, décédé dans sa 77e année... Il descendait des Parisis de Zévallos, famille ancienne, noblesse d'épée... par sa mère, fille d'un vice-châtelain de la ville.

Sur sa tombe, M. Constant Lozé rendit hommage à sa mémoire ;

« Apôtre de l'humanité, père des pauvres, leur ami prévoyant et leur consolateur, Charles de la Fons, maire, s'était dévoué sans compter au chevet des pauvres, lors des épidémies de choléra de 1849 et 1866. Son zèle chrétien assurait une charité secourable, avec complète abnégation de soi-même, et de généreuses aumônes. En 1872, il organisa les ambulances, assistant aux opérations douloureuses, offrant aux agonisants ses douces consolations et ses prières. Il était plein de sollicitude pour les convalescents.

Sa mort fut calme et résignée, aussi belle et calme qu'avait été sa vie.

L'âme du juste se réjouit devant Dieu ».

Fourneaux économiques

… La sollicitude de feu M. de la Fons fut suivie, vis à vis des indigents, par ses collègues du conseil municipal. En 1873, des fourneaux économiques, soupes populaires, avaient été établis pour les pauvres, l'hiver ; les sœurs augustines en avaient la direction : du bouillon bien chaud était servi aux familles nécessiteuses... mais cette distribution de bienfaisance dut cesser... faute de clientèle... 12 à 15 000 portions avaient été prévues pour l'hiver : 3 852 furent utilisées et 3 410 seulement sur bons du bureau de bienfaisance. Ce fiasco eut des répercussions en ville ; les membres du bureau de bienfaisance démissionnèrent. Leur lettre de démission fut insérée dans Le Cambrésis du 12 février 1874.

Fêtes

… Par l'été, une fête de bienfaisance eut lieu Place Verte, autour du kiosque brillamment illuminé au gaz. C'était la société des Cavalcades, qui avait si bien réussi en 1869, qui l'organisait ; M. Ponsin était l'un des organisateurs de la fête.

A la Saint Mathieu, innovation : en plus des manèges, tirs et réjouissances habituelles, « les jeux » si chers aux enfants, et le feu d'artifice, il y eut l'ascension d'un ballon qui, lentement, se gonfla au gaz, face au Maréchal Mortier, sous le regard curieux de tous les gosses de la ville...

Le puits, situé derrière la statue du Maréchal, fut définitivement remplacé par une pompe. M. Napoléon Lesage, entrepreneur, la fournit.

Octroi

Au bout du Faubourg de France, éclairé au gaz depuis 1873, et dont les mauvais trottoirs méritaient l’appellation de trottoirs « casse-cou », au lieu dit rue Belle, s'éleva le nouveau bureau d'octroi. Cet édicule fut établi sur l'emplacement et le pourtour de l'ancienne chapelle de la Belle Croix, terrain vague appartenant à la Ville. Le nom de rue Belle vient de l'antique sanctuaire, vénéré par les vieux Catésiens ; on portait aux malades la Belle Croix conservée dans la chapelle.

Chapelles et sources

D'autres chapelles étaient encore debout, auprès de sources dont les eaux avaient la réputation d'être souveraines dans les maladies des enfants. Rue des Remparts, en contre bas de la muraille, on allait « servir » Sainte Renelde, dont les eaux étaient bienfaisantes pour les maux d'yeux ; près du riot de Tupigny, une autre source était surmontée d'une petite chapelle de Notre Dame de Bonsecours et de Saint Donat, un sentier la desservait, qui dévalait des Hurées et traversait le ruisseau. En 1875, les habitants de ce faubourg demandaient la réparation de cette passerelle (août) appelée « Passerelle Pasteur », alors en triste état. Ce raccourci était utile aux ouvriers pour aller au travail ; sinon, ils devaient aller faire le tour par la rue Saint Donat ou Cavée de Forest, ou par le vieux chemin de Landrecies.

Pont Fourneau

En août 1874, l'adjudication était enfin faite pour le Pont Fourneau, qui devait aussi réduire le trajet des ouvriers du Bilbac (devenu Boulevard Paturle), allant du quartier Eaureste et rue du Chêne Arnauld, vers la Belle Croix, octroi et vers la gare, dont l'allée était alors plantée récemment d'arbres.

Enfin, car la question « Pont Fourneau » avait fait couler bien de l'encre.

8 novembre 1878

Le mémoire de M. Mallet, conducteur des Ponts et chaussées, lu en assemblée municipale, avait en novembre 1872 posé nettement l'urgence de cette construction.

« La ville du Cateau, lisait-il, est construite en amphithéâtre sur les versants de la Selle. Le versant est est celui des monuments anciens, du centre de la ville, des marchés, puis plus récemment, gare et sucrerie. Le versant ouest est celui des établissements industriels et agricoles les plus importants. Deux ponts seulement (le Pont Saint Martin, le Pont l’Évêque ou de Cambrai) réunissent les deux versants. Un troisième est nécessaire. Il ne s'agit d'ailleurs que de son rétablissement, car des pièces authentiques prouvent qu'il existait un Pont Fourneau, bien avant le moulin. »

Février 1873

Mais, il y eut en 1873 protestation de M. Mouton, propriétaire du Moulin Fourneau, et de M. Dufresnois, locataire : « leur exploitation deviendra impossible »... M. Mallet réfute victorieusement leurs objections, et d'ailleurs un décret d'utilité publique est rendu le 1er février 1874 : on construit le pont en amont du moulin Fourneau... utilisant les culées et piles qui subsistent encore, antérieurs au moulin qui en a pris le nom (N.B. 1).

N.B. 1: En 1275, moulin de messire Jehan Fournet

Ce qui encombre la Selle, ce sont les empiècements hors des anciens remparts de la ville, faits par les riverains. Ces emprises se sont développées en jardins et plantations, constructions, sur toute la partie droite de la rivière, depuis le Moulin Fourneau jusqu'au pont de l'ancienne porte de Cambrai.

Or, les pontons établis par les tanneurs leur sont, parait-il, indispensables (aussi, depuis et malgré la délibération municipale du 30 décembre 1837, les ont-ils conservés... ). Mais les alluvions s'y agrègent et ont rétréci le cours de la rivière, depuis (18)40 ; on conservera ces pontons, en limitant leur extension.

Il y a aussi le déversoir des usines, mais elle pollue en plus les eaux. Jadis, notre rivière était fertile en excellents poissons... Tout a disparu ! Cependant, les contestations continuent... et le Pont Fourneau est toujours inexistant.

En 1875, M. Basquin, Mrs Seydoux et Chantreuil sont chargés d'en finir avec M. Mouton, opposant irréductible. Il est premier adjoint, et concède enfin, pour le bien public, ses propres intérêts. Le Pont Fourneau sera le prolongement d'une rue tracée dans l'axe de la ruelle Saint Hubert. Le pont sera indépendant du moulin dont le fonctionnement pourra continuer indépendamment.

Pour satisfaire M. Dufresnois, qui se plaint que les graviers obstruent le rivière de Selle, dans le voisinage des deux moulins qu'il exploite, et perd ainsi 1/3 de la force motrice, il sera procédé au curage du lit de la Selle.

Curage des digues

A la suite d'inondations ayant submergé la rue des Digues, on fait aussi curer le fossé, depuis la maison Guersillon jusqu'à la ruelle des Près, et en même temps, recharger la chaussée depuis l'Estaminet de La Grâce de Dieu, jusqu'au pavé du nouveau pont, car la chaussée reçoit les eaux de la Cavée Martel et de la Ferme des Essarts.

Le Pont Fourneau sera terminé en 1877. Le 19 juin, a lieu sa réception définitive. M. Mouton fait alors fonction de maire.

1875

Depuis 1875, M. Mouton, président du conseil, exerce donc l'intérim de premier magistrat (N.B. 1) à la place de Mr Truffot. Son caractère entier rend les séances souvent houleuses.

École des Frères

… En mars, il s'agit d'agrandir l'école des Frères, qui est la seule école primaire des garçons. On a déjà réclamé des frères brevetés de capacité pour les trois grandes classes, et leur dédoublement. 90 enfants sont entassés dans une salle prévue pour 35 écoliers. 550 élèves fréquentent cette école. La cour est trop petite pour les 390 élèves du jour et les 160 adultes de la classe du soir, et comme la gratuité est supprimée au collège, le nombre des élèves va augmenter nécessairement.

Que faire ? Agrandir les locaux ou créer une école laïque et gratuite, « précieux élément, non de concurrence, mais d'émulation » pour l'enseignement, et les frères iraient à l'Asile Saint Charles...

Le conseil se regimbe, et reproche au maire de le traiter « comme un enfant ». Le maire déclare que le procès verbal de cette séance est un véritable pamphlet qui constitue une injure personnelle. M. Charles Seydoux, conciliateur né, intervient comme toujours et apaise les esprits (N.B. 2) : l'asile doit rester l'asile Saint Charles... suivant le désir du fondateur, M. Charles Seydoux, oncle du conseiller pacificateur.

N.B. 1 : M. Truffot marie sa fille Marie, au Palais, avec un ami de son fils Jean, un musicien beaucoup plus âgé qu'elle et déjà connu, Camille Saint-Saëns (cf. acte de mariage)


N.B. 2 : M. Mouton n'est blâmé, dit-il, que pour des actes de son administration, sa bonne foi n'est nullement en cause.


Mairie du Cateau

ACTE DE MARIAGE

1875 - 3 février - M. Noël Basquin, adjoint, fait fonction d'officier municipal

SAINT-SAËNS (Charles-Camille), 39 ans, compositeur de musique, organiste de La Madeleine, chevalier de la Légion d'honneur, né à Paris, le 9 octobre 1835, domicilié 178, rue du Faubourg Saint-Honoré,

fils de

feu, Jacques Joseph Victor Saint-Saëns, décédé à Paris le 31-12-1835, et de encore vivante Françoise Clémence Collin, âgée de 65 ans, rentière

épouse

TRUFFOT (Marie-Laure), 19 ans, née à Paris, le 16 avril 1855, fille de Rodrigues Philippes Truffot, 59 ans, maire du Cateau et de Marie Hélène Carrion.

Témoins

LE LIBON Albert Marie, directeur des postes, 51 ans,

J. B. Alfred LAMARCHE, receveur de l'octroi, 51 ans, domicilié à Paris,

amis de l'époux

TRUFFOT Louis Félix, 77 ans, conducteur des ponts et chaussées

oncle de l'épouse

LEFEVERE Louis Désiré César, 37 ans, constructeur, domicilié à Péronne

cousin de l'épouse.


Justement, le 23 juillet, M. Charles Seydoux aîné vient à mourir ; il était député, conseiller général.

Pompes funèbres

Les funérailles solennelles de cet homme de bien contrastèrent avec l'habituelle médiocrité de l'équipe des « croque-morts ». Un service de pompes funèbres s'impose, pour faire cesser le scandale journalier des porteurs de cercueil... choisis sans aucune garantie, ivres parfois, maladroits toujours.

Le conseil veut aussi mettre un terme à la saleté des places et marchés... Un trottoir à présent borde les deux côtés de la rue Saint Lazare, jusqu'à la rue des Tanneurs et aussi autour de l'hôtel de ville, dont la prison va disparaître... une chambre de sûreté la remplacera à la gendarmerie. La petite rue Saint Martin conservera longtemps encore le nom populaire de « rue de la prison », avant d'être la rue Victor Hugo. Elle aurait pu être rue de la Justice ou de la Paix... car on y rend la justice de paix (N.B. 1).

M. Lancien présidait à ce tribunal qu'il voulait confortable et digne de ses fonctions. En juillet 1875, il avait demandé deux banquettes longues dans le prétoire, pour les auditeurs et des tables et chaises convenables pour les avocats (N.B. 2).

N.B. 1 : Justice : Nom d'une portion cadastrale vers le vieux chemin de Troisvilles, où l'on exécutait... les criminels. Exécution de justice au Moyen Âge, où les pendus étaient suspendus au gibet (carte, 1530)


N.B. 2 : M. Lancien s'intéressait à l'archéologie. Il avait émis l'hypothèse que Hermoniacum, cité romaine militaire, aurait pu être située au Cateau, au Mont Plaisir. En réalité, c'est au delà de Saulzoir que ce camp fut identifié.

Ses deux filles continuèrent la tradition paternelle ; archivistes émérites, elles exhumèrent le fonds de l'Abbaye de Saint André du Cateau... L'une d'elle publia (Eugènie Lancien) « Les missions et itinéraires de Marguerite de Bourgogne », duchesse de Savoie, archiduchesse d'Autriche.

Comice agricole

La rue de la Prison conduisait à la Place Verte au kiosque à musique... Des sérénades y étaient données l'été... Le plancher en ce but dut être réparé en 1876, et aussi pour les fêtes du Comice agricole (N.B. 3). La présentation des bestiaux eut lieu le 23 juillet au Boulevard Paturle, quartier déshérité qui réclamait le jeu de fléchettes à la ducasse de la Saint Mathieu.

Il y eut arc de triomphe (475 Frs 75), 500 francs de prix et médailles, et feu d'artifice (508 Frs 75). Les étoffes frappées et salies seront réparties entre l'hôpital et l'hospice des vieillards par moitié.

N.B. 3 : M. Jules Sartiaux organisa avec zèle le concours agricole du 23 juillet 1876.

L'état lamentable d'abandon du cimentière est aussi discuté au conseil municipal... Parmi les tombes envahies par le lierre et les ronces, il y a le monument de Mr Ferdinand Ladrière. Le conseil vote sa réparation, car il fut importateur de la filature dans notre pays. Le conseil décide la recherche des membres, même éloignés de sa famille... Au Cateau même, Mme Ménard Boulet, Place au Bois, était son arrière petite nièce, comme petite fille d'Hippolyte Boulet, directeur du Palais. A Neuvilly, sa petite nièce, Mme Robert Boulet, épouse d'Antoine Robert, instituteur, puis fabriquant et propriétaire de tissage et maire, avait sa résidence ; née Flore Boulet, elle était née au « Palais » du Cateau.

En 1943, le lierre a de nouveau abîmé le monument et sa stèle antique. La ville doit veiller à perpétuité sur cette tombe, par suite de don fait par Mme Robert Boulet.

Éclairage au gaz

L'éclairage de la ville est à l'ordre du jour. Le traité conclu le 15 juillet 1857 avec Mrs Delannoy et Cie, directeurs du Palais, pour 20 ans, arrive à expiration. Une nouvelle concession est accordée à Mrs A. Lesne et Cie, successeurs actuels de M. Delannoy.

Le prix est fixé à 0 Fr 25 le mètre cube de gaz fourni à la ville, (et à) 0 Fr 30 le mètre cube de gaz fourni aux particuliers, 4 centimes par bec et par heure pour l'éclairage public.

Ces conditions sont de 20 à 28 % plus avantageuses que celles faites en de grandes villes.

Halle

Face à l'usine du Palais... dont le gazomètre éclaire la ville, se dressait toujours l'antique Halle au blé. Les bâtiments désaffectés avaient été loués à M. Piette Dumont dix francs par mois le 19 mars 1875.

Une pétition signée de 500 noms environ, demande la démolition de cette vétuste et anachronique halle, … qui présente un aspect peu flatteur aux voyageurs arrivant de Cambrai.

Un kiosque élégant pourrait remplacer la halle, et servir de bureau au peseur de la bascule, si elle y restait en activité.

On remplacera la Halle par un marché couvert, où sera vendu poisson et viande.

2 juin

Le 2 juin, Mr Théodore Flayelle offre ses maisons sur la grand'place, pour être vendues, afin d'y élever un marché couvert. Elles ont accès grand'place et rue Saint Lazare... 60 m de profondeur et 24 m de largeur au centre.

6 juillet

Une autre pétition demande des bancs pour les marchandes de beurre, obligées de rester debout sur la grand'place ; entre les marchés, les bancs pourraient être remisés et entassés dans une des nombreuses caves de la place... en attendant le marché couvert.

Après une longue discussion, le projet de construction de ce marché ou halle couverte, est adopté en décembre, par 11 voix contre 9.

Il en coûtera 18 000 (francs) pour l'édifier en place de la halle.

Orage au conseil municipal

… Cette discussion provoque de vifs incidents. M. Deveau Carlier, enfant terrible du conseil, est coutumier du fait...

Né à Cambrai en 1826, conseiller municipal au Cateau depuis 1860, négociant en bois, habitant grande rue Saint Martin, M.. Alfred Deveau, bienfaiteur de l'école de Dessin, avait l'esprit critique acerbement développé.

En 1872, il avait critiqué l'attitude de M. Seydoux comme otage : « il aurait dû être plus patient avec les Allemands, déclare-t-il, peut être aurait-il obtenu une diminution plus importante de la contribution de guerre ».

En 1874... il faisait hommage au conseil municipal d'un plan dressé par M. Pavot, architecte, représentant la propriété qu'il céderait à la Ville pour 15 000 francs, auprès de l’Église – ce qui permettrait d'établir une seconde porte d'entrée à l’Église, par le Faubourg de Landrecies et nouveau presbytère et aussi logement des vicaires. Ce terrain, clos de murailles, de 1 000 à 1 200 mètres, contigu avec le pourtour de l'église (vestige de l'abbaye), permettrait de désaffecter l'antique presbytère Place Verte, humide et éloigné du sanctuaire.

… Mais M. Deveau se ravise... Il monte son prix à 16 000 (francs), car il a des offres supérieures... et le conseil abandonne les pourparlers d'achat. Dommage ! Ce terrain aurait dégagé l'église et (aurait) été bien utile.

Mais l'obstruction de M. Deveau Carlier le 8 décembre 1876 contre le projet de marché couvert, est sensationnelle.

Il dit avoir connu à Cambrai, sa ville natale, deux marchés couverts, « les grandes et petites boucheries », abandonnées depuis 30 ans... Un interlocuteur lui aurait répondu « qu'en fait de progrès, il ne fallait pas aller à Cambrai pour l'apprendre, car c'était la ville la plus arriérée sous ce rapport ». Par écrit, M. Deveau proteste... en voyant la voirie de Cambrai, ses collèges, ses splendides monuments, on ne le croirait pas. Ses collègues démentent la phrase incriminée... et reprochent à M. Deveau ses injustes accusations.

Il y aurait de quoi brouiller notre ville avec sa sœur aînée, la capitale du Cambrésis !

MP. Chantreuil Boitot déclare qu'en tout cas, jadis, les établissements scolaires étaient de véritables écuries...

1877 – École laïque primaire

M. Deveau, en 1877, lors de l'ouverture d'un nouvel établissement scolaire pour la rentrée d'octobre, s'associa aux éloges adressés par le conseil à l'excellente direction de l'école congréganiste, alors qu'il y a quelques années, elle était en situation douloureuse... Volontiers, il se déclarait le promoteur du rétablissement de l'enseignement primaire gratuit, obligatoire et laïc, qui eut lieu en octobre 1877.

Mécène de l'école de dessin, L. Deveau créa trois médailles d'honneur, devant être décernées à perpétuité, chaque année, aux meilleurs élèves des classes de Bosse, architecture et ornement. En plus du don de 30 beaux modèles en plâtre moulé (1877), il compléta plus tard la magnifique collection de travail.

Le rédacteur du Dictionnaire biographique du Nord, en 1893, qui publie son portrait en habit, avec l'imposante décoration d'officier de l'ordre tunisien du Nichan-Iftikar, vante les qualités politiques du grand philanthrope que souhaitait être Alfred Deveau. Républicain sous l'Empire, il avait brigué divers mandats électoraux, puis organisa des conférences populaires.

Il publia des almanachs qu'il distribua à profusion et gratuitement dans tout le Cambrésis (1872-1874), qui portaient sa maxime favorite : Fais ce que dois, advienne que pourra ».

Plus tard (1885), il s'intéressa au jeu du Solitaire, jeu de patience, et exposa dans un livre « le Solitaire amusant », les (infinies) combinaisons de ce jeu.

Ami des hommes politiques de son temps, Jules Simon, sénateur et académicien, plus tard de Waldeck Rousseau, il fut salué par le contre amiral Vallon du titre de « philanthrope par excellence », Président de la ligue Républicaine du Cateau, il fit sous ses auspices, le 16 octobre 1892, une conférence très appréciée sur la Femme.

En son accueillante demeure, rue Saint Martin, un groupe de statues allégoriques : dessin, arts, métiers, ornait le jardin, en bas du grand escalier d'entrée... Animaux en liberté, tortues, serpents, amusaient les enfants, autour des jets d'eau de rocaille.

Le groupe de terre cuite, bien abîmé, existe toujours... Par la porte ouverte, il arrive que des paysannes apercevant le groupe se signent dévotement, croyant avoir affaire à de pieuses statues... les saintes laïques de l'intégral républicain qu'était M. Deveau Carlier.

Grand bourgeois, il s'associa de tout cœur à l'adresse de condoléances, envoyée par le conseil à Madame Thiers, à l'occasion de la mort de son mari.

Mort de M. Thiers

Elle répondit le 13 octobre 1871, infiniment touchée de la sympathie catésienne.

1878

Les élections d'octobre 1877, après la dissolution des chambres, décidée par le Maréchal de Mac Mahon, amena au pouvoir une majorité républicaine, dont Gambetta était le leader.

Le nouveau conseil municipal du Cateau, où M. Deveau n'avait pas été réélu, eut, dans sa session de février, à subir les assauts de M. Émile Chantreuil Boitot qui s'inspirait de la célèbre déclaration de Gambetta, « le cléricalisme, voilà l'ennemi ».

Nouveau conseil – 1876

  • Basquin Noël
  • Chantreuil Émile
  • Lempereur Jules
  • Blangille Émile
  • Cottiau Fiévet
  • Maréchal Fleuru
  • Fiévet-Périnet
  • Baudin Charles
  • Picard Émile
  • Hallette Jules
  • Bracq Blondeau
  • Camus Édouard
  • Seydoux Charles
  • Robert Ledieu
  • Sartiaux Jules
  • Lozé Constant
  • Crinon Jules
  • Jacqz Cousin
  • Collery Colmant
  • Regnaudin Cousin
  • Mouton Augustin
  • Ponsin Charles
  • Lefebvre Delvallée

9 février – Cercle de l’École des Frères

M. Chantreuil s'élève contre le grand abus des frères... d'un bâtiment municipal. « Ils font l'embryon d'un cercle catholique où l'on forge des armes contre la société civile » ; on y joue des comédies ridicules et injurieuses pour de grands patriotes des pays voisins.

M. Maréchal Fleuru, pharmacien, défend les frères, répondant qu'un cercle catholique autonome sera bientôt aménagé ailleurs.

Comme toujours, M. Charles Seydoux sert de médiateur : il défend les écoles des filles où l'on joue d'inoffensifs proverbes, souhaitant que les dimanches, les élèves trouvent dans leurs écoles respectives, de saines distractions, mais n'approuve pas, comme M. Chantreuil, qu'on y vend des boissons, dans un établissement appartenant à la Ville.

En conclusion, M. Chantreuil demande la suppression de l'enseignement congréganiste du Cateau.

Église, sa réfection

Deuxième question brûlante... Le conseil de fabrique de l'église fait appel aux subsides de la ville, pour réparer l'église, dont la nef et le transept doivent être réparés. Le devis de M. de Baralle, architecte, s'élève à près de 20 000 francs. Une lettre du doyen Wallez est jointe à cette demande : « il y a probablement plus d'un siècle que, par une déplorable ignorance, on a badigeonné et empâté les belles sculptures de notre église ». « Plus je l'ai examiné, me disait dernièrement M. Savart, plus j'admire ce monument ».

Le cardinal Giraud, de glorieuse mémoire, me disait qu'« il regardait l'église du Cateau, du haut de la chaire, comme la fille aînée de la métropole de Cambrai ».

Or, M. Chantreuil conteste la disette du conseil de fabrique, « quand il s'agit d'envoyer de l'argent à Rome, le clergé n'est jamais à court, et le diocèse de Cambrai notamment, a toujours montré dans ces circonstances une munificence sans égale ».

M. Charles Seydoux, plus réaliste, confirme les précisions données au conseil par M. Maréchal ; il y a des fissures et fentes dans la voûte de l'église, il est donc d'avis d'accorder des subsides, et défend le clergé catholique.

M. Charles Ponsin demande la suppression de l'affreux badigeon de l'intérieur, et une subvention de 5 000 francs.

Discussion... où l'on compare l'église à un autre édifice religieux, pagode, temple de Bouddha, mosquée, pour lequel on ne refuserait pas de subvention d'entretien... Pourtant le conseil de fabrique avait remplacé à ses frais les vieilles fenêtres de l'église, qui tombaient en ruines, il y a de cela une dizaine d'années.

Crèche

Un projet de crèche est présenté par le Dr Camus et Jules Lempereur... L’œuvre des crèches resserre les liens de la famille et le Dr Camus, vieil humaniste, fait de belles citations : « Princip obsta, sero medicina paratur, cum mala per longas invaluere moras ».

Mrs Seydoux et Sieber décidèrent de doter la rive gauche de la Selle d'une crèche.

Projet de crèche, pour 40 enfants : 18 000 francs d'installation.

Dépenses annuelles une religieuse 6 à 700 francs
3 à Cambrai 460 francs
à Roubaix 600 francs (?)
1 laveuse 500 francs
3 Kg de pain par jour 0,45 francs (300 jours)
3 litres de bouillon 0,15 francs
3 litres de lait 0,20 francs
20 Kg de beurre 3,00 francs le Kilog
15 Kg de cassonade 1,50 francs le Kilog
etc
Total : 4 242,50 Francs

On demanderait (une) rétribution de 0,30 francs par jour.

Nouveau maire

Le 23 février, par décret du Président de la République, duc de Magenta, signé de Marcère,

M. Constant Lozé Pecqueux est nommé maire du Cateau, avec comme adjoints Noël Basquin et Charles Ponsin. Sur la demande de M. Collery, M. Ponsin fait sa profession de foi ; il déclare abandonner ses préférences pour la dynastie d'Orléans, surtout depuis que la branche cadette s'est éclipsée derrière le Roy... il se rallie franchement à la République.

Et M. Chantreuil de constater qu'après M. Lozé, M. Ponsin vient de recevoir le baptême républicain.

En fait, c'était la République elle-même qui était baptisée... et l'Exposition universelle de 1878, consacrait sa vitalité et fêtait le baptême... Brillante exposition, que la musique municipale du Cateau et la Société chorale allèrent visiter, prenant part au concours musical de Puteaux. Baptême à l'âge adulte, car les bourgeois venaient seulement de la reconnaître, après une longue crise de croissance, comme leur régime politique idéal.

Le 21 mars, la collecte des conseillers municipaux du Cateau acheta donc son portrait... Le buste de Marianne, symbole de la République française, grand modèle de Francia. On le plaça dans le grand salon de réception, à l'occasion d'une visite officielle, déclare le compte-rendu de la séance du conseil, « celle du premier préfet républicain qui venait au Cateau, depuis la proclamation de la République ».

1879

L'année suivante, le Maréchal président démissionnait. Son successeur fut Jules Grévy, qui incarnait « la modération, la sagesse et la prudence bourgeoise ». Il continuait Thiers. (Jacques Bainville).

LE CATEAU SOUS LE PRESIDENT GREVY (1879 – 1887)

Place Thiers

… C'est alors, en 1879, que le conseil municipal décide de donner le nom de Thiers, « premier président de la République, illustre et vénéré libérateur du territoire de la France », à une place du Cateau. Une pétition des habitants en faisait la demande... Le 5 février, et aussi de mettre en honneur la mémoire du général Faidherbe, « en souvenir des glorieux faits d'armes du vaillant général en chef ». Les chefs, soldats, mobilisés de l'armée du Nord avaient signé la pétition ; ils réclamaient la plus belle rue du Cateau, seul digne de porter le nom de leur valeureux chef ; ce fut la plus récente des rues, celle qui montait de l'octroi vers la gare, par la route de Saint Souplet, qui porta ultérieurement le nom de Faidherbe.

Quant à la Place Thiers, on décida que ce serait le nouveau nom de la Place de la Halle, débaptisée, le bâtiment devant être démoli. Mme Thiers, par lettre du 27 avril, remercia « du patriotique hommage rendu par les Catésiens à la grande mémoire du libérateur du territoire ».

Halle démolie

La Halle fut donc démolie... Il n'y eut pas d'acquéreur, les démolisseurs, sur mise à prix de 600 francs, purent utiliser les vieux matériaux (6 juin 1878).

Sur son emplacement, il fut question d'établir le marché couvert... Cet établissement que le maire désirait comme philanthrope et utilitaire, mais que M. Hallette condamnait comme dépense inutile et de luxe, eut été d'ailleurs encombrant, « utiliser une place triangulaire pour y installer un bâtiment carré », était assez paradoxal. M. Seydoux, conciliateur comme toujours, départagea les avis... on ajourne le projet, et on remanie les plans de M. Mallet (N.B. 1).

La Place Thiers reçut ultérieurement comme décoration, une fontaine monumentale, dite le Jet d'eau, lors de l'installation des eaux potables en ville.

N.B. 1 : M. Mouton aurait voulu qu'on démolit les 5 maisons, Place d'entre-marché, pour agrandir l'emplacement.

M. Charles Ponsin aurait préféré la disparition des vieilles masures de la rue de Bergues, avec tracé de belle et large rue.

M. Lozé comprendrait ces démolitions si le plan était d'y élever un théâtre ou un monument utile.

Eaux de la ville

Déjà en 1873, un conseiller municipal émettrait le vœu qu'une distribution d'eau fut faite en ville, comme dans les localités voisines, moins importantes, et proposait d'utiliser les sources si importantes de la Fontaine à gros bouillons, au même les eaux de la Selle, captées très en amont de la la ville.

Le legs de 200 000 francs, fait le 30 août 1878, par Mme Annette Ponsin, veuve de Philippe Auguste Seydoux, son mari (Auguste, prénom habituel) permit de réaliser cette mesure si hygiénique et nécessaire... contre les maladies hydriques, surtout la fièvre typhoïde ; Ce legs, fait en souvenir de M. Auguste Seydoux, spécifiait que la distribution des eaux devait être établie dans le délai de dix ans, et qu'il fallait commencer les canalisations « par les quartiers les plus pauvres et les moins bien partagés ».

Rue Auguste Seydoux

Le conseil décida d'ajourner la construction du marché couvert pour consacrer tous les efforts à l'installation du service des eaux, et dénommera rue Auguste Seydoux, l'ancienne rue de Saint Quentin (dont l'église dédiée à Saint Quentin avait disparue, brûlée par les Français, en août 1581). M. Seydoux remercie, le 25 avril, « du souvenir gardé à celui qui se mettait avec tant de bonheur au service d'une ville qu'il aimait ».

M. Auguste Seydoux était le « vir bonus », l'homme de bien, écrit dans son rapport sur la question des eaux potables, le Dr Camus, médecin de l'hôpital et conseiller municipal, qui est, une fois de plus, un latiniste émérite. Grâce à lui, les épidémies vont disparaître avec les vieux puits munis de pompes... mais où trouver l'eau potable ?

Eaux potables

1) La Selle ? À rejeter : ses eaux sont boueuses lors des pluies si fréquentes, et des matières organiques les polluent.

2) Eaux des fontaines ? La Ville a le choix entre la Fontaine des Nonettes, rive gauche, à 300 mètres du Pont Fourneau, et les Fontaines à gros Bouillons, à 1 200 mètres, (au) Nord-Est du Pont Fourneau, sur la rive droite.

La première sort à 93 m d'altitude, et débite 20 litres par seconde (1 728 m3 par 24 heures), ce n'est que le débit minimum apparent.

La Fontaine à gros Bouillons sort à 90 m d'altitude, son débit est plus considérable.

Analyse

L'analyse des eaux fut faite par M. Meurein, professeur de chimie à Lille, et inspecteur départemental des services de la salubrité publique. Celles des Nonnettes (tirant leur nom d'une propriété des religieuses du Saint Esprit, à qui appartenait l'endroit des sources) furent reconnues préférables... Elles avaient l'avantage d'être à proximité du Pont Fourneau, dont la chute fournit la force motrice... sa force minimum constante étant de 15 chevaux.

Et M. Augustin Mouton, propriétaire cultivateur, fait promesse de vendre le moulin dit Fourneau, et le pré de la rive gauche de la Selle (70 ares) tenant à la ruelle des Près, au prix total de 110 000 francs (60 000 pour le moulin, et 50 000 pour le pré).

Usine des eaux

M. Lambert, ingénieur des eaux de Cambrai, est chargé de présenter des projets d'usines des eaux. Il en propose trois :

1er projet : usine à vapeur, type ville de Paris, servant à l'alimentation du Trocadéro – projet rejeté.

2ème projet : transformer le moulin Fourneau, partie pour meunerie, partie pour les eaux – pas pratique, entretien annuel élevé.

3ème projet : créer une usine hydraulique nouvelle, comme jadis sur la rivière était établi, à côté du moulin Fourneau, un rinçage d'étoffes de la maison Wallerand de Paris.

Ce projet est adopté... Il est le plus économique à la longue, car les frais d'entretien sont les plus bas, et permet d'envisager l'agrandissement de la ville. M. Delvallée, propriétaire du terrain des sources, vend le sous-sol et un périmètre de protection de 200 m2 pour 2 000 francs. M. Huilard Raymond cède un terrain, route de Fesmy, au delà du cimetière, sur une hauteur, où sera construit le réservoir des eaux pour 2 500 francs (200 m2), au lieu dit Bellevue (En 1893, un nouveau réservoir d'eau y sera aménagé). Le projet de M. Lambert s’élève à 194 983 francs... Il est voté à l'unanimité.

L’excédent des 200 000 francs servira à ériger une fontaine monumentale Place Thiers. Les travaux de distribution des eaux étaient achevés en décembre 1880, avec 40 bornes fontaines, bouches d'incendie et d'arrosage des rues.

L'inauguration eut lieu, lors de la ducasse Saint Mathieu, le dimanche 26 septembre 1881. La Fontaine monumentale, entourée d'une grille en fer et munie de deux vasques avec sujets (enfants supportant la vasque du bassin supérieur), le tout en fonte, débita pour la première fois, ses 32 000 litres d'eau par heure... à la grande joie des enfants, qui la baptisèrent le Jet d'eau.

Une inscription placée à la partie supérieure, rappelle le nom du donateur. M. Lozé, maire, remercia Madame Auguste Seydoux de sa grande générosité.

Un mois auparavant, le 14 août, avait été inaugurée la ligne de chemin de fer à voie étroite Cambrai – Le Cateau.

CHEMIN DE FER DU CAMBRESIS

Son histoire

Le 25 février 1878 avait été présentées au conseil municipal, les propositions du comité de patronage du chemin de fer à voie étroite du Cambrésis.

Le Comte de Sainte Foy, conseiller général de l'Eure, en était le fondateur ; il habitait le château de Bois de Nemets par les Thelliers en Vexin... Sur son invitation, M. Charles Seydoux avait été voir fonctionner son petit chemin de fer départemental, dans l'Eure, sur la route d'Etrepagny à Fontenay... Il en était revenu emballé... ce train atteignait facilement 4 à 5 lieues par heure, s’accommodant de pentes allant jusqu’à 5 centimètres par mètre, tournait facilement des courbes de 30 mètres de rayon... on pouvait l'établir sur des chemins vicinaux de 8 mètres de large. Depuis deux ans, il traverse des rues étroites de villages, sans le plus petit accident... il soulage les routes, surtout en temps de fabrication de sucre, où il met les bascules de betteraves en rapport direct avec les sucreries.

Comité

Voilà le mode de locomotion idéal que patronnent en plus du Comte de Sainte Foy, les conseillers généraux du Cambrésis : Teilliez Béthune, député, représentant le canton de Carnières ; Crépin, celui de Marcoing ; Dutemple, notaire à Walincourt, celui de Clary et Macarez, celui de Solesmes.

Avantages

Il ne s'agit pas de concurrencer les grandes lignes. Ces petits trains sont des « affluents », et non des concurrents. Leur devise est : « Célérité et sécurité »... Des trains mixtes, voyageurs et marchandises, s'avancent le long des routes, à la vitesse de 20 à 25 Km à l'heure. Les chevaux s'habituent vite à ce voisinage. La Belgique qui a adopté ces « vicinaux » en est la preuve. D'ailleurs, les machines s'arrêtent sur 30 mètres... et leur avertissement sonore à coup de trompe et non au sifflet à vapeur n'affole pas les animaux...

Projets

Le comité prévoit trois tronçons :

Cambrai – Saint Quentin, en suivant le canal ;

Cambrai – Le Cateau – Catillon ;

Le Catelet – Denain, par Villers-Outreaux, Caudry, Quiévy, Haspres.

On prévoit pour Le Cateau, 3 à 4 fois par jour, des communications rapides et sûres. Il en coûtera 15 000 frs par Km : 1/3 versé par le département, 1/3 par l’État, 1/3 par la commune, car le prix de revient au Km est de 45 000 Frs. M. le Maire objecte aussitôt « que la commune verse 7 777,78 Frs, et l'autre moitié sera versée par les industriels ».

M. Seydoux répond que, comme industriel, il ferait volontiers le sacrifice d'indemnité, mais que la Compagnie compte sur les industries pour fournir les capitaux en prenant une partie de ses actions ou en les plaçant.

Le Cateau d'ailleurs coûtera plus cher à la Compagnie, car il faudra une locomotive de renfort pour hisser le train jusqu'en haut du plateau du Faubourg de Cambrai. La ligne suivra à peu près la route... à Beauvois, le tracé la quitte pour desservir Bévillers, Carnières, Cauroir. Quant à l'embranchement de Catillon, il remplacera un canal pour amener du port de la Sambre les charbons belges. L'économie sera de 1 franc à la tonne, soit 40 000 francs par an.

3 mars

M. Jules Lempereur, rapporteur, défend chaudement, le 3 mars, le projet.

« Les voies ferrées sont les meilleurs agents de civilisation. Le tramway... ce sera le nom anglais « train sur route », qui lui restera. Le tramway fera réaliser pour le seul charbon 57 000 francs d'économie par an... il arrivera 34 000 tonnes par la gare avec 1,70 Frs d'économie à la tonne. »

« Et quelle rapidité et confort ! Il y a deux ou trois ans, le service de Guise à Saint Quentin était assuré par deux pataches, pouvant contenir 24 voyageurs au maximum... et elles n'étaient pas combles. Depuis qu'il y a le chemin de fer, il y a 800 voyageurs en moyenne par jour. »

« Et quelle économie ! Actuellement (1878), pour aller à Cambrai, il faut prendre l'omnibus, départ avec bagages jusqu'à la gare : 0,50 Frs ; stationner à Busigny ; le billet Le Cateau-Cambrai en 3e coûte 2,35 Frs ; puis, à l'arrivée, à nouveau 0,50 Frs d'omnibus (N.B. 1), au total : 3,35 Frs. Par le nouveau tramway, en 2e classe, du centre du Cateau au centre de Cambrai, il n'en coûtera même pas deux francs ».

N.B. 1 : La gare de Cambrai était alors la gare annexe actuelle. La gare ville était celle de Picardie Flandres, gare secondaire ; hors les remparts, toutes deux.

Le conseil est enthousiasmé... à l'unanimité, on vote la subvention de 23 333,31 Frs en trois annuités, et par surcroît, rend hommage, non seulement aux rapporteurs, mais aussi à M. Baudhuin, secrétaire de séance, pour l'élégance et la fidélité de ses comptes rendus.

26 juillet 1877 - Tracé de la ligne

… Le tramway de Catillon traversera-t-il Le Cateau de part en part, du Faubourg de Landrecies au Faubourg de Cambrai ? S'il en était autrement, la ville retirerait sa subvention...

… Nos édiles méconnaissaient les graves inconvénients d'une telle traversée : la fumée des locomotives, les accidents possibles, l'étroitesse ou la pente des rues, rien ne semblait arrêter leur désir de voir le futur tramway faire enrager les ménagères et les commerçants... enfumés par le bruyant vicinal.

1879

Plus sage, la Compagnie du Cambrésis a prévu d'éviter la traversée du Cateau par le Marché aux chevaux : le tramway venant de Bazuel abandonnerait au pont du chemin de fer de Paris – Bruxelles, la route longerait la voie de la grande ligne jusqu'au Pont de Guise où un tronçon le relierait à la gare, puis descendant la rue des Tanneurs jusqu'au bas de la Place Thiers, il y trouverait la station... De là, la ligne, suivant le Faubourg de Cambrai jusqu'à la ruelle Saint Sauveur, la remonterait pour aller, par une vaste courbe à travers champs, rejoindre la route de Cambrai, vers le Pont des quatre vaux, la forte rampe du Faubourg de Cambrai ne pouvant être franchie directement.

Mais les frais des travaux importants étant élevés, la ville est invitée à élever sa subvention de 23 331,33 Frs déjà payée, à 40 000 Frs.

La commission municipale ne voit, elle, aucune impossibilité matérielle au passage par le Faubourg de Landrecies, Marché aux chevaux et Rue Belle, la foire n'ayant lieu que tous les 22 de chaque mois, et dure 4 à 5 heures au plus. La traversée de deux trains ne durerait que cinq minutes...

… Mais l'avis de la Compagnie, plus prévoyante que la commission, l'emporta...

1881 - Inauguration du tramway

Le 14 août 1881, était inauguré le premier tronçon de Cambrai au Cateau... s'arrêtant au Faubourg de Cambrai, en haut de la montagne. C'était la fête de Cambrai, et un banquet de cent couverts célébra l'inauguration, en l'hôtel de ville de Cambrai. Il y eut six invitations pour Le Cateau : Mrs Cottiau, Picard, Mouton, Garin, Sartiaux, Blangille, furent les heureux participants à ces agapes arrosées de bon vin et... de copieux discours.

Le tracé suivant le plus possible la Route Nationale, on arrivait à la gare (emplacement actuel) du Cambrésis, bâtiment en bois, par une ouverture au travers des remparts... auprès de la Porte Robert.

La station définitive du Cateau, Cateau ville, fut établie à proximité de la Place, sur le terrain dit des Digues, où l'élevait le cercle de l'Union, au fond d'une allée de beaux arbres, où se réunissait la bourgeoisie.

M. Charles Seydoux avait vendu ce terrain qui lui appartenait à la Compagnie du Cambrésis, à condition d'avoir sa propre voie ferrée, allant à l'usine, pour remplacer ses transports, charrois, et son imposante « cavalerie » de beaux et forts chevaux. De fait, le fond de la gare actuelle n'est séparé des Établissements Seydoux que par la Rue d'En bas et la Route Nationale... Un tunnel aurait pu compenser la déclivité du terrain... mais le projet n'aboutit pas... la traversée de la route de grande communication s'était révélé alors impossible...

1882

C'était en avril 1882 que fut décidé cet emplacement, la commission souhaitant que le tracé, après la descente assez rapide, à la façon d'un chemin de fer de montagne, épargne les arbres et plantations le long de la rivière, et que le tramway pénétrât en gare par la rue dite derrière les Digues (plus tard de Péronne-sur-Selle), mais ce fut impossible : en mai, il fallut se résigner à abattre la quasi totalité des grands arbres ombrageant la rivière ; rançon du progrès !

Ligne de Catillon - 1884

Quant à la ligne de Catillon, elle évite le Faubourg de Landrecies et la gare... arrivant derrière le cimetière et le Bosquet Maréchal, Rue de Fesmy, et de là, Rue Belle... Il y eut le 15 janvier 1884, protestations des riverains de Carrefour de l'octroi, dit de la Croix blanche, qui bénéficiaient cependant d'un arrêt spécial, station : Rue Belle. La circulation intense de ce carrefour (400 voitures par jour environ), rend périlleux le passage du tramway.

… Mais tout s'arrangea : lentement, les rames du piaffant Cambrésis franchirent les passages réputés dangereux, alertant du sifflet à vapeur équipages et piétons... mais, le sifflet, effrayant les chevaux qui se cabraient de peur, fut remplacé par une trompe... et plus tard, par une cloche avertisseuse.

Pour l'époque (1882), il était rapide... 25 Kms à l'heure... Puis le tramway fut décrié, ridiculisé ; on l'appelait « brouette, tortillard ». Parfois, il patinait... ou ne savait pas monter les côtes des Frisettes (Estourmel), ou essoufflé, asthmatique,grimpait au ralenti la forte rampe de la montagne, des Digues au Faubourg de Cambrai, parcours pittoresque où l'on découvre tout le panorama de la rive droite de la Selle.

Après la Grande Guerre 1914-1918, ses jours furent comptés... automotrices remplacèrent le vieux matériel branlant. Puis, ce furent les autobus sur route... rembourrés de cuir, mais surchargés à craquer les jours de fête...

On commença à déboulonner les rails de Cambrai à Awoingt, heureusement, on s'arrêta là... Les besoins de l'industrie sucrière sauvèrent le Cambrésis.

Heureusement, car le vieux tramway... appelé respectueusement par les jeunes générations, le chemin de fer « Le Cambrésis », reprit du service après juin 1940... ce fut sa revanche. Les vieux wagons furent appréciés, lors de la pénurie d'essence et de la restriction des moyens de transport ; il continua, seul mode de locomotion encore possible de Catillon à Awoingt... malgré les bombardements aériens. Son personnel dévoué et toujours de bonne humeur a payé son tribut aux mitraillades des avions (1944!) ... En temps d'alerte, des pancartes l'indiquent dans les gares, et lorsque les « Mosquito » vrombissent et que le guet les signale, le train s'arrête... et les voyageurs vont se planquer dans les fossés ou sur le talus... s'il faut deux heures (et plus, avec les alertes), pour se rapprocher des ruines de Cambrai Saint Cloud, on finit par arriver, plus rapidement que nos ancêtres... Il y a 70 ans que, la voiture de messagerie, patache rapide qu'on appelait à cause de sa célérité « la Diligence », mettait cinq heures pour gagner Cambrai, avec relais au Jeune bois, entre Caudry et Beauvois. Jeune bois, toujours resté jeune, car les plantations sont toujours restées à l'état de bosquet...

En 1873, Jules Beyshold, maître d'hôtel, s'intitulait entrepreneur de messageries et voitures publiques... de son hôtel (Hôtel de France, face au Palais), partait la diligence...

ACHAT DU PALAIS ET PARC FENELON

La liquidation de la Société Lesne et Cie, à qui appartenait l'usine du Palais, posait un problème : que va devenir le Palais de Fénelon, nom habituel sous lequel les Catésiens désignaient la résidence de ses seigneurs archevêques, reconstruite par Monseigneur de Choiseul. La question était discutée dans Le Cambrésis, journal local du 1er février 1878, par un conseiller municipal, avec un point d'interrogation.

« La ville l'achètera-t-elle ? »

Et le 6 juin 1878, le conseil municipal traduisait cette préoccupation en émettant le vœu que le grand établissement industriel (usine du Palais), puisse trouver un amateur sérieux pour la prospérité de la ville; mais que si la propriété ne trouvait pas preneur pour l'ensemble (et le maire, M. Lozé, absent, était d'accord par lettre), la ville se porterait acquéreur du lot n° 4, qui comprenait la maison d'habitation et les grandes pelouses du jardin, mais non du lot n° 3, qui comprenait le potager jusqu'à la rivière de Selle.

Et M. Charles Ponsin, adjoint, était délégué à Lille, auprès du Préfet, pour les formalités à remplir.

Le 2 juillet, le préfet était d'accord. Le maire proposait donc le vote d'un crédit de 70 000 francs pour acquisition possible dudit lot.

M. Robert Ledieu désapprouva cette éventuelle acquisition onéreuse. M. Collery de même, au nom des souffrances du commerce local, car une terrible crise sévissait alors sur le tissage à la main du Cateau. Mais M. Lozé, maire, Mrs Seydoux et Lempereur appuient vivement le projet d'achat ; ils exposent les avantages énormes que la ville en retirera... C'est une occasion unique, qu'il ne faut pas laisser passer, car elle ne se retrouvera plus... Le conseil vote : par 13 voix contre 5, la proposition est adoptée.

Le 26 juillet, la Palais a trouvé amateur. M. Devilder et Cie, ont été adjudicataires de l'ensemble... Ils continuent l'exploitation de la filature, et aussi la direction de l'usine à gaz de l'établissement (qui a rogné une partie du Parc des Archevêques, lors de sa création). Il continue le contrat avec la ville, d'éclairage des rues. Mais la société adjudicataire offre à la ville de lui céder les lots 3 et 4, au prix de 85 000 francs. La ville en accepte l'accord pour 80 000 francs.

14 novembre

« La Société Catésienne », telle est la raison sociale de la société adjudicataire. M. Lempereur est l'un des directeurs de l'usine à gaz pour la firme CH. Yung et Cie, mais cesse de l'être en juillet 1879.

Usine à gaz

L'usine à gaz du Palais est alors achetée par la société anonyme des Usines à gaz du Nord et de l'Est, qui prend ce titre, assurant déjà la service d'éclairage de Soissons, Épernay, Rethel, Châlons et Avesnes. M. Mallet est président du conseil d'administration de cette société ; il fut professeur de physique et chimie à Saint Quentin, puis conseiller municipal de Paris depuis 1871, et maire pendant le siège.

La ville peut s'entendre avec la nouvelle société : elle achètera les lots n° 3 et 4, à condition de réduction du prix du gaz : 3 centimes par bec et heure des lanternes, 20 centimes pour les bâtiments communaux, 25 centimes pour les particuliers, le mètre cube.

… Le lot n° 3 sera réduit de 9 400 mètres carrés à 7 000 mètres carrés, et dans le lot n° 4, la cour d'honneur devra être débarrassée de tous les fours de l'usine qui y peuvent exister.

5 avril 1881

En 1881, le 5 avril, l'acquisition va être réalisée. Le Palais sera acheté pour devenir école des filles ; la vaste étendue des terrains permet d'avoir une vaste école, une crèche, un marché couvert, un jardin public, et en plus 1 200 mètres carrés de surplus où l'on pourra édifier plus tard l'école laïque.

École de filles

Auparavant, l'école des filles avait été projetée au fond de la Place Verte, à l'angle de la nouvelle rue de la Fontaine, joignant la gendarmerie à la rue Saint Donat, à l'entrée de la Fontaine à gros bouillons. Puis, d'autres emplacements favorables avaient été aussi envisagés : grande rue Saint Martin, maison de Madame Veuve Chantreuil, ou l'ancienne ferme de M. Romby, au Marché aux chevaux.

Mais le Palais, dans sa partie non industrielle, offre la situation idéale : position centrale, au cœur de la ville, aucun litige avec les propriétaires de l'usine qui sont actuellement Mrs. Lempereur et Chantreuil.

La crèche devait remplacer le Cercle de l'Union, sur les Digues, et le marché couvert aurait pu être construit entre la rue des Tanneurs et la rivière, sur l'emplacement de deux maisons. La crèche et l'école auraient comme dégagement la magnifique terrasse de Fénelon, devenant le jardin public.

Le marché couvert pourrait s'élever en bordure de l'ancien moulin de ville, au dessus des sources qui l'alimentaient en eau, où se trouvait l'ancien magasin de l'usine.

La société de gaz consent, le 7 juin 1881, à céder une bande de terrain, le long de la Selle, permettant une sortie du jardin public le long de la rivière et la rue Saint Martin. En échange, elle demandait à la ville une prolongation de 15 années de sa concession.

Janvier 1882

En 1882, diverses objections furent présentées aux projets de crèche à proximité de l'usine : au conseil municipal, on jugea peu favorable l'érection d'un local devant être aéré et sain au maximum, en de vieux bâtiments insalubres, séparés de la Selle, à l'ouest, par une seule maison ; la rivière entretenant une humidité constante et exhalant des émanations nuisibles... au sud, sur l'autre rive, des ateliers... l'usine Seydoux ; à l'est, la manufacture de laines du Palais, appelée à présent la « Catésienne », et à côté de l'usine à gaz.

L'idée d'établir une crèche, pour tout petits enfants, fut abandonnée... du moins en cet endroit.

9 mars

Le projet de crèche ajourné, la commission propose d'utiliser l’emplacement devenu libre, pour y installer le bureau central de l'octroi, avec logement du receveur, de même que le logement du concierge de l'école des filles. Ce dernier serait en même temps gardien du marché couvert.

9 février 1884

En 1884, le jardin public était complètement aménagé : une grille clôturait l'entrée rue Saint Martin, des bancs y étaient placés, une autre entrée était prévue par le marché couvert, inaugurée cette année 1884.

21 juin

… Se promenant avec M. Constant Lozé sur la belle terrasse, le préfet du Nord trouve qu'une statue de Fénelon y serait à sa place. Il fit une demande au ministère des Beaux-Arts pour qu'un buste de l'ancien seigneur et bienfaiteur du Cateau soit offert à la ville... M. Denéchau fut chargé d’exécuter ce buste en marbre blanc ; il arriva le 1er octobre 1884. M. Orange de Prat, professeur de dessin au collège, donne son avis pour étudier un modèle à socle convenable et artistique, qu'il dessina. Le piédestal, en pierre d'Ecaussines, taillé dans les ateliers Lebon Leclercq de Jeumont, revint à 800 francs. La réception définitive du monument de Fénelon eut lieu le 21 avril 1885. (N.B. 1)

N.B. 1 : Piédestal très sobre, de deux mètres de haut : deux branches d'olivier et de laurier en dessous du nom ' « FENELON ».

L'établissement de l'école des filles au Palais Fénelon coûta 46 318,47 Frs d'aménagement en 1885.

Une galerie extérieure fut édifiée au marché couvert, près de la porte de sortie du jardin, pour la vente du poisson.

En 1886, M. Alcime Lefebvre de Saint Souplet demanda la concession d'un chalet buvette dans le jardin public, demande qui fut repoussée, comme inesthétique...

En 1892, M. Deveau Carlier proposait une décoration monumentale du grand escalier... de chaque côté de la cascade... qui jaillissait alors d'une grotte de rocaille... Par une idée ingénieuse, elle était alimentée par le déversoir des eaux de l'usine du Palais... jusqu'en 1890, puis ce fut la fontaine monumentale de la Place Thiers qui fournit les eaux de chute... parfois colorées en vert ou rouge, aux cris d'admiration des enfants.

M. Deveau avait prévu un ensemble artistique :

  • une Jeanne d'Arc en fonte au dessus de la Fontaine de deux mètres de haut ;
  • deux griffons ailés en haut de la rampe d'escalier, de 1,05 mètre :
  • en bas, quatre piédestaux auraient supporté quatre lions héraldiques debout portant les armes de la ville...

La proposition de M. Deveau aurait coûté 1 800 francs à la ville, non compris la couleur qui aurait fait ressembler les statues de fonte à de la vraie pierre...

Projet heureusement écarté... il n'aurait pu eu la grâce et l'élégance des statues des quatre saisons, porteuses de fruits, de blé, de fleurs et de feuilles, qui existaient du temps du dernier seigneur du Cateau, Monseigneur de Rohan, et que de vieilles Catésiennes ont connu, délabrées, lorsque Mlle Truffot, la future Mme Saint-Saëns, se promenait avec son frère Jean, à cheval, dans les allées du parc, alors jardin particulier du directeur de l'usine...

Les talus dévalant vers la Selle étaient chargés de groseilliers, framboisiers, très généreux ; le verger y succédait en contre-bas, et celle qui m'a raconté ses souvenirs, était chargée par Mme Truffot, à la belle saison, de porter les plus beaux fruits du Palais aux religieuses de la rue Cuvier... en cachette de Mr le maire du Cateau...

5 février 1879 - Souvenirs de 1870

Un autre projet de monument tenait à cœur aux Catésiens : celui d'un monument au cimetière à la mémoire des soldats morts en notre ville pendant la guerre de 1870-1871.

… Les croix de bois des blessés décédés à l'hôpital Paturle, tombaient de vétusté au cimetière : leurs restes seraient remis sous un monument ; cette initiative fut due à M. Jules Sartiaux.

Rue Chanzy

Pour rendre hommage aux vaillants défenseurs de la Patrie, la ville donnera en 1883 le nom du général Chanzy, la vaillant vainqueur du Mans et chef de l'armée de la Loire en 1871, à la nouvelle rue qui dévale de la gendarmerie à la Place Saint Donat.

Statues

La conseil avait envoyé sa souscription pour l'érection du Lion de Belfort, en 1874, à la gloire du général Denfert Rochereau... Mais il refusa son obole pour Carnot, Camille Desmoulins (statue érigée à Guise), et aussi pour Edgar Quinet.

1880

M. Chantreuil Boitot avait insisté pour que le conseil municipal souscrive à l'érection de cette statue, mais en vain.

En 1880, il avait aussi demandé que la musique municipale (N.B. 1) n'aille plus en uniforme aux processions (N.B. 2) ; il avais aussi souhaité la suppression, à bref délai, de l'enseignement congréganiste, « les maîtres, disait-il, étaient trop disposés à enseigner à nos enfants la haine des institutions qui nous régissent ». il eut partiellement gain de cause en 1881.

… Les frères des écoles chrétiennes quittèrent Le Cateau, à la suite des tracasseries dont ils étaient l'objet. La mitoyenneté avec le collège des garçons s'avérait cause de discorde : quand les frères faisaient réciter la prière du matin, les collégiens entonnaient la Marseillaise. On reprochait aux frères d'avoir « le mauvais œil. »... Pour ramener la paix, le supérieur des pères rappela les professeurs (N.B. 3).

Le collège, sous la direction de M. Francq, avait 133 élèves dont 42 internes (N.B. 4).

N.B. 1 : Ferret en était le chef, après le départ de M. Birck, et M. Jean Van Eckoven, chef de la chorale catésienne, en était le sous-chef.


N.B. 2 : Les querelles religieuses contristèrent les dernières années du Doyen Hippolyte Wallez, décédé le 26 août 1882 ; il fut remplacé par un brillant orateur, M. Séraphin Decorne.


N.B. 3 : « Pétition pour le maintien des frères... qui ont démissionné ».


N.B. 4 : Une coterie veut faire partir M. Francq, parce qu'il n'est pas bachelier, mais l'académie, seules juge des titres, le conserve. Le 3 octobre 1881, est installé M. Eugène Willox, professeur de physique, c'est un emploi nouveau.

Le 15 novembre, M. Charles-Henri-Hyacinthe Delory arrive comme professeur de mathématiques.

Rue de la République

Une pétition des habitants demandent que le nom de la Rue de la République soit donné à la Rue des Récollets, des Tanneurs, et au Faubourg Eaureste, ce qui fut accordé à l'unanimité des votants moins deux voix.

Canal

Le 7 juin, avait eu lieu l'enquête publique sur le canal de jonction de l'Escaut à la Sambre et à la Meuse... question qui intéressait le commerce local... Le conseil demandait l'embranchement sur Le Cateau avec un port vers l'Abattoir, qui avait été d'ailleurs prévu dans l'avant projet de l'ingénieur Quinette de Rochemont.

Chemin de fer

On espérait obtenir ce débouché... d'autant que la bifurcation de la ligne Cambrai – Somain, qui avait été formellement promise au Cateau, fut enlevée au profit de Busigny par de hautes influences. Le conseil avait espéré que M. de Freycinet, ministre des Travaux Publics, obtiendrait en compensation, la bifurcation du Cateau de la ligne Valenciennes – Laon vers Reims, et la canalisation de la Selle, pour le futur canal Escaut Sambre, avec embranchement de Montay jusqu'à notre ville.

La ligne Valenciennes – Le Cateau, décrétée d'utilité publique, et le tronçon du canal auraient fourni du travail aux ouvriers du pays que la crise des affaires depuis plusieurs années laissait sans ouvrage. Les travaux du tramway (Cambrai – Le Cateau), avaient fourni remède au chômage jusqu'en 1881, date de l'inauguration du premier tronçon, à une certaine quantité d'ouvriers.

Fin décembre 1882, Léon Gambetta mourait à 44 ans (N.B. 1), après une courte maladie... il était président du conseil en 1881... mais son ministère ne dura que deux mois. Il se heurta au traditionalisme. Il aurait voulu la réforme électorale, « du nouveau ».

3 janvier 1883

Le conseil municipal, à l'occasion des funérailles du grand tribun, envoya les condoléances de la ville à M. Gambetta, domicilié à Nice, père « du grand citoyen qui vient d'être enlevé à la France ». Mais le conseil refusera, pour ne pas créer de précédent, de souscrire à l'érection de la statue de Gambetta...

Rue Gambetta

… En compensation, M. Cottiau Fiévet propose que le Rue d'Entre marché devienne Rue Léon Gambetta, ce qui est adopté à l'unanimité, moins trois abstentions.

N.B. 1 : Léon Gambetta avait été l'animateur de la résistance en 1871... Mais sa fougue passionnée, son tempérament excessif « faussait sans le vouloir et presque sans le savoir, les rouages de la constitution », a dit Freycinet. Près des républicains sages, prudents, pondérés, il faisait figure de révolutionnaire... Les grands hommes sont vite démonétisés, en France, lorsque le cours des évènements les rend inutiles, tel Clémenceau. (écrit en 1944)

… En 1882, certains bonapartistes. arboraient, au Cateau, la médaille commémorative de la mort du prince impérial, le prince Louis Napoléon, fils de l'empereur décédé et de l'impératrice Eugénie. Il était tombé en héros, en officier colonial anglais « devant l'ennemi », le 12 juin 1879, tué par les Zoulous, dans une embuscade en Afrique.

Rue Chanzy

… Et la rue qui unit la Place Verte à la Fontaine à gros Bouillons porte le nom de Chanzy, qui vient de mourir. En plus, 50 francs de souscription au monument élevé à ce défenseur de la Patrie sont accordés, en témoignage de reconnaissance nationale. (N.B. 2).

B.B. 2

La ville refuse à priori toutes subventions à des monuments, (comme) celui de Diderot, demandé par la ville de Langres, cette même année 1883.

29 décembre 1883 : Grèves au Palais

L'année se termine tristement au Cateau... De graves désordres surviennent, le 29 décembre, à la Manufacture du Palais : l'émeute envahit l'usine, saccage bureaux, matériel de rechange, dans les magasins Place Thiers... Les dégâts s'élevèrent à plus de 6 000 francs... Des meneurs étrangers, mêlés aux ouvriers du Palais, ont commis ces déprédations.

L'arrivée de la troupe sauva la Manufacture d'une destruction certaine, et ce n'est qu'à une heure avancée de la nuit, après de grands efforts, que la force armée a pu disperser les émeutiers. L'escadron de cavalerie envoyé de Cambrai dut rester pour assurer la sécurité par la force militaire. Une eau forte de Lepère reproduit l'arrivée de la cavalerie, dispersant la foule houleuse des grévistes.

… En pareille circonstance, en 1854, un escadron de cavalerie resta cantonné un mois dans la ville.

La grève fut de longue durée... On distribua des secours aux chômeurs... Un conseiller municipal accompagne chaque « Père des pauvres », représentant le Bureau de bienfaisance, pour leur distribution à domicile.

La ville paya les frais de l'émeute à Mrs Chantreuil et Lempereur... et le séjour des troupes. Frais d'occupation militaire : 1 648,96 Frs.

1884 : Marché couvert et jardin public

Le 12 juillet, ouverture du marché couvert et du jardin public (N.B. 1). Pour la première fois, le marché aux beurres et volailles qui se tenait depuis des siècles sur la Grand'Place est transféré au marché couvert... Protestation des habitants de la Grand'Place... mais confort et abri pour les marchandes... (N.B. 2).

N.B. 1 : Le jardin public a été mis en état par M. Édouard Romby, jardinier, pour 10 000 francs.


N.B. 2 : De vieux Catésiens racontaient que les bauves et souterrains de la place venant à s'ébouler, il arriva que des marchandes de fromage Maroilles... culbutèrent en arrière, par suite de l'affaissement du sol, au grand amusement des badauds... elles en furent quittes pour la peur.

Bataillon scolaire

On envisagea de construire à côté une salle de gymnastique, pouvant servir de salle de concert. Mais le projet fut vite abandonné. Cette salle aurait pu abriter le Bataillon scolaire dirigé par M. Gustave Robert, sous lieutenant de réserve et instituteur en chef, qui préparait la jeunesse au service militaire. 8 clairons, 4 tambours... et 150 fusils scolaires sont dévolus aux futurs soldats.

… Le 14 juillet, le drapeau tricolore flotte en haut de l'hôtel de ville et de l'église, innovation... en plus de la revue traditionnelle sur la Place.

Voitures de place

Un stationnement de « petites voitures » ou voitures de place, remplaça, près du Maréchal Mortier, les marchandes de beurre. Charles Beck et Auguste Claude, de Cambrai, furent les concessionnaires pour cinq ans de ce nouveau service. La course coûtera 0,80 Frs, et l'heure de voiture, 1,50 Frs pour une ou deux personnes e la gare au Pont des 4 vaux, et au chemin du Pommereuil.

On continue à moderniser le nom des rues ;

La rue du Mérinos, face à l'usine Seydoux, est parallèle à la petite Rue Saint Sauveur ; toutes deux réunissent la Rue d'En bas au Faubourg de Cambrai.

La Rue de l'Abreuvoir va du même faubourg à la rivière où les chevaux peuvent s'abreuver auprès du moulin Dufresnois.

Disparaissent hélas, les noms archaïques de Rue des Fours, et Ricq Rue, vénérables et séculaires, en bas de la Rue Saint Lazare et Genty... Ricq Rue, appelé aussi Marché aux braises, à cause de sa situation derrières les fours des boulangeries.

La Rue Saint Lazare et la Rue Genty seront les noms uniformes des deux rues en pente qui dévalent de la Rue de France à la Rue de la République.

Des plaques de fonte nouvelles, portant les numéros des maisons, sont placées en novembre ; M. Deloffre, fondeur, les fournit avec la peinture ; l'unité reviendra à 0,47 centimes.

1885

On agrandit la gare du Cateau, par suite de la construction de la ligne de Laon via Wassigny... par Saint Souplet et la vallée de la Selle, en remontant vers sa source.

On utilise au mieux les vieilles fontaines de la ville : la Fontaine Diot, ou de la « bleuse cappelle » (pierre bleue), est déjà utilisée pour l'abattoir ; la Fontaine Saint Quentin, Rue Derrière les Digues, alimente un lavoir qui est réparé pour 1 600 Frs... L'antique source a changé de nom, jadis Saint Aldebert, dans les vieilles archives.

Il est question de ranger, estampiller les archives postérieures à 1790, d'analyser davantage et publier les détails des pièces antérieures à la Révolution... travail qui 60 ans après... est toujours à faire.

Steeple Chase

Le 2 août, brillante fête : un carrousel militaire « steeple chase », (est) offert aux sous-officiers des garnisons voisines ; le président et organisateur de cette brillante innovation sportive est M. Ernest Seydoux.

Église éclairée au gaz

L’Église sera éclairée au gaz. M. Leroy, directeur de l'usine locale s'en occupe. Notre église aura les mêmes appareils d'éclairage que Sainte Eustache, la grande église parisienne des Halles... et que Saint Martin de Roubaix. La maison Tricoullier de Paris les fournira. La Fabrique de l'église payera l'installation et les frais, (se) montant à 12 000 francs.

Pétitions

Une pétition des habitants du quartier déshérité du Bilbac (le Boulevard Paturle), demande le transfert à leur profit du marché aux chevaux, le marché aux vaches restant là où il est. Une contre pétition signée de 500 noms réclame le statu quo, ce qui est sagesse, car la ville ayant dépensé 10 000 francs pour embellir et rendre utile au maximum le marché aux bestiaux, n'a aucune raison d'en transférer une partie.

Rue Hiolin

Nouvelle rue, près du Bilbac... c'est la Rue Hiolin, près de l'hôpital, qui est offerte à la ville par ses propriétaires., descendants de M. Hiolin Sartiaux, à savoir Madame Parent-Hiolin, Devaux-Hiolin, et Mlle Louise Ponsin.

THEÂTRE

M. Vincent Lebègue, conseiller municipal, dont les interventions sont toujours très judicieuses, est rapporteur de la question du théâtre.

Quel était ce théâtre, dont nos grands-mères ont tant parlé ?... une salle ronde, rappelant les Bouffes parisiens, avec galerie, loges... parterres, avec vestibule d'accès, buvettes en bas et au foyer des loges... des glaces, des lustres (13), 20 appliques, 108 becs à gaz, une scène assez profonde, le tout sur 13 mètres de façade, et 42 mètres de profondeur, avec un jardin de 30 mètres ; 6 portes permettent d'évacuer la salle en 4 minutes.

Or, en novembre 1885, il était à vendre... Mme Veuve Pavot l'avait racheté à M. Alexandre, précédent propriétaire. M. Brunlet proposait de le racheter ou de le céder à la ville. De la racheter, si la ville promettait de l'acquérir ultérieurement... pour son prix d'achat plus 8 000 francs, valeur vénale du mobilier d'exploitation, sont deux pianos, un droit et un à queue, matériel de vestiaire, buvettes, décoration florale, et même l'entourage avec buvette et appareils à gaz, destiné aux bals et concerts de la Place Verte.

M. Lebègue était d'avis de racheter le théâtre : il avait servi aux mobiles de 1870, comme salle d'exercice... il serait utilisé par la Société de gymnastique, par les sociétés musicales, comme salle de répétition ; l'Alerte, la chorale, la musique en bénéficieraient. Les bâtiments étaient construits en briques et pierre, et apparemment solides.

M. Fiévet Perinet offrait une maison Rue de la République pour bâtir un théâtre. Mais le conseil ajourna l'éventuel rachat du théâtre, malgré les demandes réitérées de M. Brunlet, qui était accablé par les frais généraux.… La location, les assurances, lui coûtaient 2 200 francs par an ; il donnait 350 francs à la troupe par représentation, et avait 70 francs de frais chaque fois. La ville lui accorde une subvention de 300 francs pour les six représentations à venir, et l'éclairage gratuitement.

Brunlet aura pour successeur en 1888, M. Valentin, puis M. Bertrand... La troupe de Saint Quentin vient jouer pour la saison d'hiver, et lors de la fête communale.

1886, Rue du Maréchal Mortier

Le 23 février, M. Charles Ponsin propose que la Rue Belle (au Faubourg de France), s'appelle à l'avenir Rue Mortier, car jusqu'à ce jour, le brave maréchal présidait face à l'hôtel de ville, mais modestement s'en tenait là... Une pétition appuie cette proposition, qui est acceptée. Le 23 mars 1886, la rue change de nom, et le 10 mai, le Duc de Trévise remerciait la ville de cet hommage rendu à son grand père, en la rue où s'élève sa maison natale.

La musique fait peau neuve

La musique municipale change de tenue. M. Ferret, son chef, avait demandé l'année précédente que l'uniforme soit modernisé... pour être à la mode, le dolman remplacera la tunique archaïque, et des képis seront substitués aux shakos usés et démodés.

Un département de l'Escaut

Une curieuse proposition du maire de Valenciennes est présentée au conseil : celle de demander la création d'un département de l'Escaut, qui comprendrait la Wallonnie qui jadis, avait son intendance propre, et à laquelle était rattaché le comté de Cambrésis. Tentative de retour aux délimitations historiques et géographiques... qui n'eut évidemment pas de suite.

Retour des frères

Les Frères de la Doctrine chrétienne rouvrent leur école. Le doyen Séraphin Decorne leur a bâti en 1883 et 1884, une école en bas de la Rue Saint Lazare, sur l'emplacement de l'ancien hôpital Saint Lazare ; celui-ci lui a coûté 65 500 francs, qu'il a payé « sans faire appel à la paroisse pour un seul centime, par ses ressources personnelles et la générosité de familles du dehors » (extrait de ses notes personnelles).

L'entretien annuel des locaux et des quatre frères coûte 5 500 Frs, qui s’élèvera à 7 500 Frs par l'arrivée d'un nouveau frère et d'un adjoint laïque. 3 900 Frs de souscription permanente de familles de la paroisse permettent son bon fonctionnement.

1887 - Collège

A côté de la prospérité de l'école de frères renaissante, il y a, par contraste, la décadence du collège. Le conseil municipal s'inquiète, « bientôt, dit l'un de ses membres, il n'y restera plus que les professeurs ». D'où vient cette crise ?

Il y a deux ans, il y avait 140 élèves, dont 33 internes, il n'y a plus que 58 élèves, dont 6 pensionnaires. M. Francq, principal, devient le bouc émissaire, on lui reproche de mal nourrir les élèves, puis de manquer de titres universitaires. Le recteur prend sa défense... En réalité, la crise est d'origine économique. L'enseignement primaire l'emporte sur le secondaire.

Fin de l'Institution Debuyser

… La preuve est que M. Debuyser a du fermer son institution... recrutée dans les bonnes familles du Cateau et des environs. La nourriture y était excellente... les élèves mangeaient les bénéfices... ; de bonne mine, ils allaient à la messe, le dimanche, avec leur fanfare. A la sortie de l'office, il y avait le tour de ville, musique en tête au pas cadencé.

M. Debuyser et son gendre et associé, M. Honoré, en redingote et haut de forme (le costume habituel du corps professoral... et médical), saluaient à grands coups de chapeau, à droite et à gauche, en tête de la musique. C'était la joie des pensionnaires... ce défilé apéritif, et c'était une attraction agréable pour les bourgeois de la ville... Elle prit fin en 1887.

Hôpital Paturle

… L'année où le pain fourni à l'hôpital Paturle était à 0,216 Frs le Kilog, et la viande à 1,67 Frs. Heureux temps où le prix de revient de la journée du malade était de 1,61 Frs.

Il fut décidé que le monument du cimetière comporterait, non seulement les noms des soldats décédés à l'hôpital Paturle et aux ambulances, au champ d'honneur et en captivité... mais porterait aussi ceux des morts sous les drapeaux en Tunisie, à Madagascar et au Tonkin.

Chute de Jules Grévy

L'expédition du Tonkin avait amené la chute de Jules Ferry... qu'on appelle « le Tonkinois », à cause de la malheureuse affaire de Lang Son, épisode d'une défaite à côté d'une belle et héroïque campagne de conquête.

1887 amena la démission du président Jules Grévy... dont le gendre Daniel Wilson était accusé de concussion et de trafic de décorations.

1888

Période où le général Boulanger, au légendaire cheval noir, inquiétait les vieux républicains... Au Cateau, entr'autres, en août 1880, une souscription antiboulangiste était ouverte en ville ; les soussignés s'engageaient à payer les frais d'une campagne de presse... à distribuer 200 numéros chaque jour du Progrès du Nord, dans cafés et cabarets, pendant la semaine du 14 au 19 août.

Mrs Chantreuil Boitot, Maison, Dufresnois, Gosset, Normand, Grozo, Alfred Basquin, étaient parmi le souscripteurs.

LE CATEAU SOUS LE PRESIDENT CARNOT - 1887 – 1894

Troisième République

Petit fils de Lazare Carnot, l'organisateur de la victoire sous la Révolution, Sadi Carnot, ancien élève de polytechnique, très décoratif, avait une magnifique barbe noire... Anatole France l'appela « la « Minerve barbue ». Boulanger, ancien ministre de la guerre, réclamait la révision de la constitution.

1889 - Boulanger

En 1889, l'année de la grande exposition de Paris, le « brave général Boulanger » était élu député de Paris, après avoir été plébiscité par la (?). Une vive agitation régnait en France ; on craignait un coup d’État, alors que l'on fêtait avec éclat à Versailles, le centenaire de 1789, le 5 mai.

Centenaire de la République

Au Cateau, on affichait à cette occasion la proclamation du gouvernement, transmise par le Préfet du Nord, M. Saissel-Schneider. C'était le panégyrique du régime. 1789 avait amené l'abolition du régime féodal avec ses abus, iniquités et misères qui avaient survécu au régime féodal antique. Ce fut l'abolition des inégalités que l'avènement de la République, gouvernement nécessaire et définitif de la démocratie.

On fêta au Cateau le centenaire de 1789, par revue, concert, bal et illuminations. Trois Kilogs de pain, un Kilog de viande furent distribués à chaque famille indigente. On distribua par toute la ville la circulaire ministérielle et le Déclaration des Droits de l'homme.

Le général Boulanger n'osa pas faire le coup d’État, craignant d'être arrêté, il se réfugia en Belgique. Traduit devant le Sénat constitué en Haute Cour, Boulanger ne comparut pas. Il mourut lamentablement, se suicidant sur la tombe d'une femme aimée, à Bruxelles, en exil. Ainsi prit fin l'alerte du Boulangisme, en 1891... en mélodrame.

État sanitaire - 10 mai

Fin décembre 1889, commence une épidémie de grippe d'apparence bénigne, qui sévira en janvier et février 1890, faisant grand nombre de victimes.

M. Rossigneux, qui avait remplacé en 1889, pendant six mois, à l'hôpital Paturle, le Dr Douar Camus, décédé en juillet, est nommé médecin chirurgien de l’établissement (N.B. 1).

… Parmi les mesures sanitaires, on combla le fossé nauséabond du côté droit de l'entrée de la Rue Péronne-sur-Selle ; et on établit un aqueduc sous la Rue du Pont bleu aboutissant au Pont Fourneau par la Place du Rejet, vieille route desservant par la Rue de Fesmy, Rejet de Beaulieu et cette contrée agricole et herbagère.

N.B. 1 : Il avait été d'abord installé à Neuvilly, où le Dr Georges Tison lui avait succédé. Sa veuve, Melle Flamant Gabet, est décédée en 1944.

Fermes du Cateau

Les troupeaux de moutons étaient nombreux sur le terroir du Cateau. En 1888, on comptait 1 750 moutons chez les divers fermiers, dont sept troupeaux de 200 têtes chez Mrs Wallez Crinon, Émile Davigne, Passet, de Bohery, Gérard Cognier, Gérard Caille, Dehaussy Dugnolle, Lesne Douay et Jh. Décrouez.

Ce dernier était l'un des fermiers de Bodival avec Brasme, César Soufflet Dupont, Louis Denoyalle, Évariste Moyeux. Les fermes de Bodival appartenaient à M. Louis Piérard, ancien banquier, demeurant à Valenciennes, et à Jean Stievez, ancien notaire, demeurant à Landrecies. Les propriétaires demandent arrangement du chemin particulier qui dessert les fermes et qui est en mauvais état... Le conseil décidera, en séance, à l'hôtel de ville, dont le plan complet a été relevé par M. Scalabrino, architecte, en vue d'une demande de classement par la commission des monuments historiques. Mais il n'y eut pas de suites à cette demande.

1892 - Nouveau maire

Les élections changent l'équipe municipale. M. Charles Martinet maître de fonderie, est nommé maire en remplacement de Mr. Constant Lozé. Maître Baudhuin, notaire, remplace comme premier adjoint son collègue, Maître Basquin. Le Dr Damase Cloëz, médecin adjoint de l'hôpital, remplace, M. Charles Seydoux (N.B. 1).

N.B. 1 : Nouveau conseil municipal : MM. Bauduin, Dr Cloëz, Seydoux, Lefebvre Henri, Vincent Lebègue, Napoléon Lesage, Adalbert Degremont, Ernest Thomas, Henri Cousin, Soufflet Melchior, Petit Jean, Legrand, Eugène Millot, Danjou, Gérard Émile, Déjardin, Gérard Ernest, Wallez Arnould, Desse J. B., Aimable Delattre, vétérinaire, Léon Collery, Albert Hallette, Deveau, Charles Macron, Émile B. Picard.

Crise de l'industrie

… La crise de l'industrie sévit encore dans notre région ; avec les salaires moindres, le nombre des indigents augmente : il y a 1 925 inscrits au Bureau de bienfaisance, qui a installé une tisanerie pour malades au Refuge des vieillards. Mais la ville reste calme, et ne connaît pas le retour des grèves mouvementées de 1883... Par contre, Fourmies est ensanglantée par une meurtrière collision entre ouvriers et troupes.

Hôpital Paturle - Don du Duc de Trévise

L'hôpital Paturle, œuvre de bienfaisance, reçoit de nouveaux dons... sept hectares de terre, le fief de Goeulzin, lui sont laissés par testament du petit fils du Maréchal Mortier, Hippolyte-Charles-Napoléon, troisième Duc de Trévise, décédé le 13 février 1892, à Paris, 18, Avenue Friedland. Mais la duchesse est usufruitière de ses biens.

1893 - Rue Petel

A l'hôpital, le Dr Ronnaux, oculiste à Cambrai, vient donner des consultations le premier jeudi du mois.

Une rue du Cateau porte le nom d'un ancien médecin de la ville, c'est la Rue Petel, petite rue qui unit la Rue Faidherbe à la Rue de la Gare, entre l'Octroi et le Pont de Guise. Le Dr Louis Petel était propriétaire du terrain en 1858, de la future rue.

Rue Jules Hallette

Jules Hallette, sucrier, a laissé 10 000 francs au Refuge des vieillards pour y créer un lit. M. Petit Jean propose de donner son nom à une rue de la ville.

Noms de rues

l'ancienne Petite rue Saint Martin, alias Rue de la Prison, est devenue Rue Victor Hugo, l'ancienne Rue Derrière les Digues, où jaillit la Fontaine de Saint Quentin, devient Rue de Péronne-sur-Selle, tandis que la Ruelle Ponsin, alias Ruelle Saint Hubert, entre le Refuge des vieillards et la savonnerie Ponsin, grimpant vers le cimetière, reçoit le nom de Ruelle de Vendelgies. Il y a eu erreur : la rue de Péronne aurait dû s'appeler Vendelgies, noyau de fondation du futur Chasteau Sainte Marie, sur la rive gauche de la Selle, alors que Péronne, avec le château, s'étendait sur le coteau de la rive droite... La Rue des Fusilliers, au nom guerrier, est ainsi dénommée officiellement... par corruption de son nom authentique de Rue des Fuseliers, auxiliaires aux fuseaux des mulquiniers, tisseurs de fine toile.

Foire d'Ors

Le gros bourg d'Ors est jaloux du Cateau, dont la foire annuelle remonte à l'année 1007, le 22 septembre, et se répète, hors de la ducasse Saint Mathieu, les autres 22 de chaque mois. Ors voudrait avoir sa foire à bestiaux le premier mardi du mois. Nos conseillers donnent un avis défavorable à cette innovation projetée. Les foires à bestiaux de Catillon et de notre ville sont plus que suffisantes pour les besoins du pays.

Marché du beurre

Ors est le marché du beurre. Le Cateau, pour riposter, n'a qu'à installer un marché au beurre en gros au marché couvert.

Monuments

Un monument va être élevé à Bruville, à la mémoire du héros de Rezonville en 1870. La ville souscrit pour 25 francs, car le 16 août 1870, y est glorieusement tombé l'un de ses enfants... Dorez Jules Émile, soldat au 57e régiment de ligne.

Systématiquement, ces demandes de subventions pour monuments sont écartées... sauf pour le monument de Faidherbe élevé à Lille en 1890.

En 1888, c'était la ville de Romans, qui élevait un mémorial à la gloire des États généraux du Dauphiné, Reims qui statufiait Jeanne d'Arc ; en 1889, c'était le tour de la défense de Chateaudun... Dax en 1890 célébrait Borda le physicien, enfant du pays, Bapaume, l'héroïsme du général Faidherbe, et Maubeuge les héros de Wattignies...

Jules Ferry

Saint Dié voulut aussi rendre hommage à Jules Ferry, resté attaché à son pays natal, décédé en 1893. Le Cateau accorde aussi une subvention de 25 francs... à la mémoire du républicain convaincu qu'était Jules Ferry, victime de l'ingratitude des Français. On est vite démonétisé en République française, et l’épithète de « Tonkinois » accolée à son nom, comme celle de l'homme de Sedan à celui de Napoléon III, aurait dû être, au lieu d'opprobre et d'infamie, un titre de reconnaissance... à ses efforts, malgré un revers passager, nous lui devons la colonie du Tonkin.

En 1893, la mort de Mac Mahon, un grand Français, le duc de Magenta... passa inaperçue.

On était dans l'enthousiasme de la récente alliance franco-russe, œuvre diplomatique de Freycinet, un grand Français aussi... qui, cinq ans ministre de la guerre, travailla à la défense du pays. La France avait l'impression d'être en sécurité avec la puissante amitié de l'immense Russie.

Alliance franco-russe

Les marins russes, en visite à Toulon, sont l'objet d'ovations enthousiastes... Le 18 septembre, au conseil municipal du Cateau, le Dr Cloëz propose de célébrer par un fête patriotique la venue de l'escadre russe en France... sa proposition n'eut pas d'écho : une seule voix, la sienne, vota pour l'affirmative. Il est vrai que le conseil avait bien des charges...

La crise industrielle continuait : on faisait extraire du silex pour l'empierrement des routes par l'atelier dit de charité (N.B.1).

N.B. 1 : Le Palais appartenait au seul Émile Chantreuil, était en arrêt partiel depuis le 31 août 1893, et la filature fermée.

Voyage à la mer

Le conseil accordait son appui à la jeunesse, récompensant par un voyage à la mer (Malo-les-Bains), et la visite du port de Dunkerque, les enfants des écoles communales ayant obtenu leur certificat d'études. Coût : 400 francs.

Dortoir du collège

… Il faisait améliorer le dortoir du collège, en calfeutrant et éclairant le grenier utilisé à cet usage, et mal défendu contre le froid et la chaleur.

Il subventionnait la Société de tir, fondée en 1880, qui mettait son stand, le dimanche matin, à la disposition des jeunes gens, depuis la suppression du bataillon scolaire. Cette société était, au début, destinées aux tireurs expérimentés... elle devin peu à peu école d'instruction. 800 jeunes étaient inscrits au stand de tir réduit, en 1892, sous l'active direction du commandant Alfred Basquin.

Un refuge de nuit pour vagabonds indigents était créé près de la gendarmerie et du dépôt des pompes.

Et la musique municipale rajeunissait ses cadres sous la direction de M. Jean Van Eckoven, chef, et de M. Maronnier, premier piston solo, nommé sous-chef... elle utilisait encore les vieux instruments de l'ancienne société rivale, la Fanfare catésienne.

1894 - Modernisations

On installe le téléphone à l'hôtel de ville... pour le cours d'adultes, un appareil à projections lumineuses (coût : 125 francs), serait bientôt acheté (N.B. 2). Un nouveau mode de locomotion fait fureur : c'est le vélo (la petite reine de la route... devenue impératrice avec les évènements de 1940-1944...).

La société « Le Cycle catésien » demande une subvention.

N.B. 2 : On parle de l'éclairage électrique... mais un contrat lie la ville au sort de l'usine à gaz. M. Veaudeau en est le directeur. On met une canalisation jusqu'à la ferme de M. Bricout. L'ancienne ferme appartient à présent à M. Richon... transformée depuis en maison de maître avec parc.

Vélomanie

M. Vincent Lebègue, qui a beaucoup d'esprit, répond aux attaques d'un vélocipédiste enragé qui signe « Guy d'Hong », empruntant les colonnes du journal « Le Cambrésis », pour reprocher aux conseillers d'être arriérés, rétrogrades... parce qu'on refuse à la société une subvention.

A quel titre ? Prenons garde, à la Place Verte, nous seront bientôt sommés par les bicyclistes de la convertir en vélodrome... et je vois le jour prochain où le jardin public aura le même sort ! Ils demanderont, ils exigeront, qu'on jette une passerelle au bout de la grande pelouse, pour y pédaler à la barbe de Fénelon, immobile sur son piédestal.

Assassinat du président Carnot

Le 25 juin, le conseil apprend qu'un crime odieux, un assassinat, a amené la perte tragique du premier serviteur de la République : Sadi Carnot est tombé sous le poignard d'un lâche assassin, Caserio, à Lyon, la veille, à 9 heures du soir. Des condoléances sont envoyées à la veuve et au gouvernement.

Le 9 août, le conseil décide de donner le nom du disparu à une place de la ville. Le vieux Marché au Bois deviendra la Place Sadi Carnot.

Floralies

Le 19 novembre, la société d'horticulture de Valenciennes organise à l'Asile Saint Charles une exposition de chrysanthèmes. Il y a beaucoup d'amateurs de fleurs, au Cateau, dont Madame Martinet, épouse du maire, qui en cultive dans sa serre.

Culte protestant

La ville doit verser une indemnité de logement au pasteur, au prorata des fidèles du culte réformé. Le nombre des protestants de la région, paroissiens du pasteur du Cateau est, à ce propos, recensé. En 1894, il y avait eu au Cateau 345 protestants, 33 à Reumont, 18 à Neuvilly, 17 à Catillon, 9 à Honnechy, 77 à Maubeuge, 52 à Hautmont, 13 à Rousies, et 9 à Feignies.

1894 – 1895 : PRESIDENCE DE CASIMIR PERIER

Le nouveau président rappelait aux Catésiens de vieux souvenirs : son père avait épousé en premières et éphémères noces Adèle Paturle Lupin. Éphémère fut aussi sa présidence. Grand bourgeois, capitaliste, il n'accepta pas ce poste de parade, de « maître de cérémonies », sans moyens d'action ni de contrôle : il démissionna en janvier 1895, et fut remplacé par Félix Faure, d'excellent caractère, commerçant de la ville du Havre, qui se contenterait d'être président représentatif.

1895 – 1899 : PRESIDENCE DE FELIX FAURE

Salle des fêtes

M. Lebègue fut le rapporteur tout désigné pour s'occuper du projet de Salle des fêtes, qui devait remplacer l'ancien théâtre Brunlet, vétuste, et compléter la salle Charlet, Rue des Remparts, trop exiguë.

Trois solutions avaient été envisagées :

  1. racheter l'ancien théâtre... il fallait le transformer de fond en comble, en plus des 65 000 francs d'achat.
  2. Utiliser, Rue de France, d'anciennes et vastes dépendances de l'abbaye ? Façade trop exiguë, n'ayant que 16 mètres.
  3. Acheter la propriété Gambier... Rue du marché aux chevaux, ou le terrain Millot, sur les Digues, au sol très humide de ces anciens viviers Lévêque asséchés.

Le plus séduisant emplacement semblait être la Place Verte. La Salle des fêtes en occuperait le fond, en ne sacrifiant que deux rangées d'arbres sur l'emplacement d'un ancien cimetière, sur une superficie de 40 mètres sur 16 mètres.

Contre pétition, 19 novembre

Il y eut des protestations.

M. Baudhuin trouvant qu'une école supérieure de filles serait peut être préférable à une salle de fêtes, qu'une pétition dénonçait comme innovation néfaste à l'époque où la ville subit une crise industrielle et agricole, y lisait : « le théâtre est un luxe profitant à la seule classe aisée, infime majorité, et dont la lourde charge et dépense incombera surtout aux ouvriers ».

Puis, le lieu prévu paraissait mal choisi.

Les représentations troubleraient les bruits des saltimbanques lors de la fête communale, et réciproquement, ce qui fatalement, entraînerait le déplacement du champ de foire : c'était la grande crainte des gens du quartier.

Mais le projet fut réalisé, et mis au concours. Pour 80 000 francs, il fallait une salle de réunion qui put être utilisée comme salle de gymnastique, avec petite scène de théâtre, et loges d'artistes... Chérier, architecte de Saint Quentin, l'emporta (1896). Dehault de Lille, Dutouquet de Valenciennes, évincés, protestèrent et déclarèrent intenter des procès si on ne les dédommageait pas de leurs plans et travaux.

La Place Verte perd son nom

Hélas : la Place Verte ne méritera plus son nom... on ne sacrifie pas seulement les deux rangées d'arbres du fond, mais tous les arbres : vingt marronniers, vingts tilleuls, tombent sous la hache du bûcheron. L'Avenir, nouveau journal catésien, déplore le 14 janvier 1897 la fin de ces vieux arbres au feuillage touffu.

Avant le 22 septembre, il seront tous tombés... ils sont, parait-il, mal plantés, et gênants pour les forains...

Tout le Cateau d'ailleurs perd sa belle floraison d'arbres : à la promenade des Hauts fossés, 2 acacias, 3 ormes, 3 peupliers, 19 tilleuls sont condamnés, 25 tilleuls disparaîtront encore : ils entretiennent de l'humidité dans les maison avoisinantes. Le cimetière aussi est déboisé : le 17 janvier 1898, 129 peupliers seront vendus après abattage, leurs racines font sauter les maçonneries des tombes. Mais, remplacera-t-on ces disparus ? Le cimetière est sans ombre. La Place « Verte » a retrouvé, depuis six ou huit ans, une seule rangée de platanes, le long du vieux mur qui le séparait du Saint Esprit (N.B. 1). En 1900, 15 arbres seront abattus à l'abattoir, et les vieux saules qui se penchent sur la Selle seront élagués... .

N.B. 1 : Près des vestiges de l'autel du Calvaire du cimetière, deux platanes ont été carbonisés, le 19 août 1944, à 11 heures, par l'incendie de fûts d'essence (3 500 litres, de l'armée allemande). Quel panache de fumée noire s'élevait de ce brasier géant !

Le soir, 6 000 Kgs de laine brûlaient au Dahomey, à la sortie des ouvriers... cause inconnue (jusqu'en 1944, Libération du Cateau).

Imprévu

Des dépenses imprévues augmenteront le prix de revient de la salle des fêtes...

Les fondations devaient, selon le plan, reposer à quatre mètres de profondeur, sur les murs de cimetière ou de fortification. Or, dans le travail de terrassement, on trouva des terrains rapportés de huit mètres et plus (la profondeur de l'ancien fossé des remparts comblé) ; il a fallu démolir des massifs énormes de vieilles fondations, dit le rapport, d'une ancienne église (?), boiser toutes les rigoles de fondation, coller au plâtre les terres, coût : 6 000 francs de fouilles, maçonnerie, charpentes...

… Des ossements furent aussi mis à jour en fin février 1897, « là où l'on pleurait les morts, les vivants danseront », telle était la réflexion de L'Avenir des trois cantons. L'édifice s'élevait... il fallut une augmentation des chaînages, deux ceintures métalliques supplémentaires, à cause du mauvais état des terrains. Avec les 6 000 francs des fondations, des améliorations dans le mobilier (plancher de chêne, etc.), le supplément total s'éleva à 14 500 francs.

La date de la construction : 1897, est inscrite deux fois sur la façade, au dessous des mots Tragédie, à gauche, (et) Comédie, à droite, placés au faîte des deux pavillons de la scène et du foyer.

Rues

La Rue Chanzy débutait après l'entrée de la Salle des fêtes, entre celle-ci et la gendarmerie, allant vers Saint Donat et les Hurées, desservant aussi la Fontaine à Gros bouillons, dont le lavoir dit le Pavillon, fut curé en 1896, ainsi que les deux lavoirs de la Rue de République (anciennes fontaines des Récollets et Noiret), éclairés et aménagés d'une console pour le chargement facile et le déchargement des hottes des laveuses.

La Ruelle de Tupigny était en relation avec les Hurées par une passerelle, appelée alors Passerelle Pasteur en attendant mieux. M. Burillon émettait le vœu que ce nom soit donné à la Rue de Landrecies.

Rue Pasteur

Finalement, ce fut la Rue Saint Lazare qui se laïcisa noblement en portant le nom du grand savant, grâce à qui la rage fut vaincue, et la diphtérie efficacement combattue (N.B. 2).

N.B. : La ville, le 4 novembre, avait voté 200 francs pour l'érection du monument élevé à Pasteur près de son Institut, à Lille.

Le Dr Tesselin, « chirurgien et philanthrope distingué, qui fut un administrateur hors ligne », et déclara, M. Adalbert Degremont, « l'âme de la résistance dans le Nord en 1871 », fut écarté – le rapporteur eut souhaité que le Rue des Hurées, qui désigne si bien le paysage qu'elle côtoie, prit le nom de Tesselin.

La Rue Sieber joignait le Boulevard Paturle à la Rue Carville, la Rue Lupin (auparavant Petite Rue Seydoux), unissant la Rue Auguste Seydoux à la Rue de Péronne-sur-Selle aux fossés persistait, rappelant les noms de M. Paturle et de l'associé de M. Seydoux... animateur de la fabrication de la laine.

Fabrique Seydoux

Malgré la crise générale, l'usine Seydoux occupait en 1893, 1 746 ouvriers au Cateau, 1 075 à Bousies (succursale fondée en 1867), et en plus 800 tisseurs à la main... 800 métiers à la main marchaient toujours à Maurois, pour les articles de nouveauté.

Succursales

En 1890, une succursale avait été ouverte à Elbeuf, pour la fabrication du drap dit d’Elbeuf. En 1893, une autre maison avait été créée en Espagne, à Sabadell, destinée à fournir l'Espagne, des barrières douanières interdisant l'exportation des tissus.

C'était, au Cateau, le triomphe de la mécanique. Le nombre des métiers, de 10 en 1853, était passé, en 30 ans, à 500 pour Le Cateau... 1 500 tournaient à Bousies (N.B.1).

N.B. 1 : Usine Seydoux, progression du nombre de métiers mécaniques :

en 1853 : 10 métiers  - en 1854 : 50 – en 1866 : 400 – en 1878 : 1 600 – en 1893 : 2 000, dont 500 au Cateau et 1 500 à Bousies.

Mort de M. Charles Seydoux

Monsieur Charles Seydoux, qui continua à développer l’œuvre grandiose de sa famille, mourut le 21 mai 1896. Depuis 1849, où il sortait de l’École Centrale, Jean-Etienne-Charles Seydoux, né au Cateau en 1827, y était rentré, aidant son père dans l'industrie de la laine.

Homme serviable et courtois, sa médiation aimable au sein du conseil municipal apaisa bien des conflits. Après sa mort, Madame Charles Seydoux, née Marie Renard, fonda en souvenir de son mari, huit lits destinés à des tisseurs à la main ou d'anciens tisseurs à la main, du canton ou de Bousies, ou employés à la manufacture de Bousies de préférence. Elle donna 60 000 francs pour agrandir l'hôpital et permettre l'installation éventuelle de 16 nouveaux lits, le 29 septembre 1896.

Rue Charles Seydoux

Le 20 juin, le conseil municipal décidait que la Rue de Cambrai, à partir du Faubourg, porterait le nom de Rue Charles Seydoux.

Rue Louis Carlier

Le 22 mai, un conseiller avait exalté la mémoire de M. Louis Carlier, « médecin, bienfaiteur au cœur humain et généreux pour la classe ouvrière ; pendant plus de 40 ans, il avait prodigué ses soins gratuits dans les mansardes comme dans les caves... et il est mort pauvre. Son nom devrait survivre, donné à une rue ouvrière du Cateau ».

Vœu qui fut plus tard exaucé... La vieille Rue du Pont Bleu devint ultérieurement la Rue Louis Carlier.

Des élections municipales, le 3 mai 1896, avaient modifié partiellement la composition du conseil municipal.

La lutte avait été parfois assez vive, en l'assemblée, à propos de la défense de l'école laïque. La création d'un cercle pour ouvriers républicains avait été demandée ; le Cercle de l'Union... avait dû fermer ses portes, au quartier des Digues, (pour) cause de désunion parmi ses membres. Un cercle d'ouvriers, le Cercle Saint Joseph, avait été fondé par Mrs Théodore Flayelle, Ledieu et l'abbé Delmotte, vicaire. Les premiers propriétaires administrateurs s'y intéressaient et assistaient avec les ouvriers aux soirées du dimanche.

M. Decorne fut un créateur d’œuvres : les conférences de saint Vincent de Paul furent établies pour les hommes, (et) en 1894, l'école libre des frères.

Dans les dernières années, M. Decorne, fatigué, avait eu M. Gravelaine comme auxiliaire. M. Bethléem était alors son vicaire.

Il semblait que depuis le ralliement des catholiques à la République et l'Encyclique de 1892 du Pape Léon XIII sur leurs devoirs vis à vis des pouvoirs publics, la concorde aurait du régner entre les autorités civiles et religieuses... il n'en était rien malheureusement. La demande de création d'un cercle pour ouvriers... républicains fut l'occasion de reprocher à l’Église de vouloir supprimer la République.

9 août 1895

Le Dr Cloëz défend la liberté d'opinion, et donne le vrai remède à la question sociale, en s'adressant à ses collègues : « allez droit au peuple, consultez ses besoins, étudiez les difficultés de sa vie, combinez les arrangements possibles, soyez des hommes pratiques. Puisez à ces deux sources : étude pratique et solidarité, et alors, vous trouverez vaines et creuses les assertions sans preuves, les déclarations sur les principes, les chimères qui retardent, les théories qui égarent... »

Paroles de bons sens... mais aux réélections du 3 mai 1896, le Dr Cloëz n'était pas réélu, pas plus que Mrs Adalbert Degremont, Lebègue, Soufflet, Danjou, Émile Picard.

1896

L'union sacrée se réalisait chaque année le 1er novembre... pour le pèlerinage du Souvenir français, dont M. Danjou Blanchard, ancien officier, était alors le président au monument des morts pour la patrie, au cimetière. La musique municipale jouait la marche funèbre de Chopin. M. Durand (N.B. 1), professeur d'histoire au collège et conférencier, prononçait un vibrant discours... le représentant des conscrits de l'année lui succédait... la chorale exécutait un chœur de Hérold... puis on se séparait... Le numéro du 8 novembre 1896 du nouveau journal catésien, L'Avenir des 3 cantons (Cateau – Clary – Solesmes), nous donne la relation de cette cérémonie patriotique de concorde.

N.B. 1 : Était-ce M. Durand que désignait, visait amicalement L'Avenir du 27 décembre, ami des chiens, en cette phrase : « toutou havanais intelligent, inséparable ami d'un professeur de collège ».

L'Avenir

C'est son premier numéro. Il a comme rédacteur Henri Vernez, et est tiré et rédigé, 18, Rue de France, dans l'ancien logis des hôtes de l'abbaye, qui survécut aux révolutions. Mais c'est un journal de combat : il est en constante polémique avec l'autre journal Le Cambrésis, qui sort de l'imprimerie Roland Samaden, Rue Pasteur, et le rédacteur Glem (Gustave Lemyre) ; il y aura procès pour diffamation ; le directeur de L'Avenir, M. Charles Lefebvre fils, ancien officier d'artillerie et fils du banquier de la Rue Cuvier, et le gérant Rigaut seront acquittés... puis, en appel, condamnés à l'amende symbolique de un franc de dommages et intérêts (N.B. 1).

L'affaire Dreyfus divise l'opinion... condamnation, puis réhabilitation d'un officier juif accusé d'espionnage au profit de l'Allemagne... C'est l'année de la visite à Paris du tsar Nicolas II … Une conférence avec projections est donnée, au début de novembre, salle Charlet, sur la Russie, alliée de la France.

L'expédition de Madagascar après celle du Sénégal agrandit notre empire colonial. Un rapatrié de Madagascar, le Catésien Louis Bricout, militaire libéré, rentre en ses foyers. La ville lui donne un secours de 100 francs en juin.

N.B. 1 :Élixir : Parmi les faits divers de l'avenir : 21 mars 1897 : « On relate l'éloge pompeux fait dans un journal scientifique italien, imprimé à Rome, des résultats merveilleux de l'élixir inventé par M. Mutin, pharmacien au Cateau », notre concitoyen.

L'Abbé Meresse

Un nouveau doyen, l'abbé Émile Méresse, curé de Poix-du-Nord, est installé le dimanche 8 novembre. De belle prestance, cheveux bouclés, c'est, d'après L'Avenir, un homme « aux idées généreuses, au zèle ardent, d'un libéralisme éprouvé... »

Sucreries

La saison sucrière bat alors son plein : sucrerie de M. Hallette, Route de Bohain... sucrerie de Montay de M. Leleu, sucrerie de Neuvilly, sucrerie d'Inchy... La culture de la betterave est prospère, et des chariots de pulpe rentrent dans les fermes, déversés en des silos, pour l'hiver.

Vie pas chère

Au marché couvert du Cateau, le 17 novembre, le beurre vaut 1,30 à 1,40 (francs) la livre ; les œufs, 3 à 4,50 (francs) les 26 (2 douzaines avec les 13 œufs pour douze) ; le pain de 6 livres vaut 0,95 (francs) en boulangerie, ou 0,85 (francs) suivant la qualité.

Foire Sainte Catherine

A la foire Sainte Catherine, il y eut 310 chevaux, 1 365 bêtes à corne, 387 porcs, 8 ânes et 1 bouc sur les marchés allant de la Rue de Landrecies (à la) Rue de Fesmy, jusqu'à la maison du Maréchal Mortier. Le 22 novembre est la grosse foire et le marché le plus important après la Saint Mathieu (N.B. 1).

Sur la foire qui occupe la place depuis l'église jusqu'au delà du Marché couvert, on vend des bonbons à la mélasse, les « cacoules », fabriqués devant les consommateurs.

N.B. 1 : A la Saint Mathieu, la ducasse était fêtée avec enthousiasme... La cloche de ville, le 21, annonçait la fête... et les cortèges de tartes défilaient chez les boulangers pour être cuites au four. L'arrivée des forains sur la Place Verte était saluée par les cris de joie des enfants : « v'là les jus, vlà les jus » … (les jeux)

On faisait bombance... et le menu de la Sainte Barbe 1896, fête des sapeurs pompiers, servi à leur banquet traditionnel, chez M. Ghueldre, restaurateur Rue des Digues, donne une idée de l'abondance des bonnes choses, et du bon appétit des convives (Menu reproduit par L'Avenir).

Nouveautés - Distractions

Le gramophone... phonographe à haut parleur... présenté par M. Noiret, qui reproduit la voix humaine, a un grand succès. On parle aussi du cinématographe, encore réservé aux grandes villes, et dont une séance au Bazar de la Charité à Paris, amènera l'incendie fatal, par embrasement du velum, et la mort affreuse des vendeuses et des vendeurs de la vente de charité, Rue Jean Gougon.

Un essai d'éclairage au Bec Auer a fait sensation, au coin de l'hôtel de ville et de la Place. On vente aussi l'acétylène... On parle de l'électricité, fluide mystérieux... des rayons X ou Roentgen ; le célèbre illusionniste Capitaine Charli les présente en janvier 1896 à l'hôtel du Nord. Donato, le magnétiseur hypnotiseur a grand succès le 28 janvier (N.B. 2).

N.B. 2 : M. Léon Collery, rapporte L'Avenir, a seul résisté aux passes magnétiques. Les réparties de quatre gentlemen, Mrs. Solau, Simons, Deloffre, Valette, ont réjoui l'assistance.

Garnison au Cateau

On espère obtenir une garnison au Cateau, car il est question d'augmenter les effectifs du 1er corps d'armée. 15 voix au conseil municipal décident de faire une démarche au ministère de la Guerre pour obtenir un bataillon : Le commandant Block, chef du Génie à Valenciennes, donne des précisions sur les conditions préalables à l'obtention de garnison permanente ; une caserne revient à 1 000 francs par homme ; elle doit être bâtie sur 2 hectares 60 ; elle doit être prévue pour 200 hommes, effectif d'un bataillon au complet. Il faut de plus un champ de manœuvres de 18 hectares, un champ de tir de 10 hectares, de l'eau à profusion, et un pavillon d'hospitalisation. La ville est prête à tous ces sacrifices, dont le montant atteindra 134 000 francs.

M. Ernest Seydoux préférerait, pour la prospérité du Cateau, de nouvelles industries plutôt que de la troupe. D'ailleurs, les pourparlers n'aboutiront pas, la ville de garnison de Landrecies était trop proche, bastion de la Sambre.

1897, Orages

L'Avenir donne des détails sur les terribles orages suivis d'inondations qui, le 27 juin et le 1er juillet, ravagèrent la Rue d'En bas et les quartiers voisins de la Selle. La foudre tomba sur le clocher de l'église, il y eut des dégâts couverts partiellement par les assurances (569 francs), comme en avril 1899 ; des paratonnerres durent être installés.

La Salle des fêtes devait être terminée par la ducasse du 22 septembre … Avec les arbres, disparut aussi le kiosque à musique, faisant table rase pour les attractions foraines... chevaux de bois, plus tard les berlingots, théâtre de marionnettes, montagnes russes (en l'honneur de nos alliés !),... cinéma, manèges de vélocipèdes, à côté des marchands de frites et des tirs à pipe, faisant des affaires d'or...

En attendant l'ouverture du théâtre, la salle Charlet recevait les troupes de passage en mai. Les Cloches de Corneville, la Mascotte, Lili et Madame Mongodin, attirèrent un auditoire restreint (d'après L'Avenir).

Monument de M. Charles Seydoux

En octobre, un groupe de Catésiens, avec en tête de liste, Paul et Émile Chantreuil, Paul Hautcoeur, Edmond Robert, prirent l'initiative d'une souscription pour élever à l'hôpital Paturle un monument à la mémoire de M. Charles Seydoux. La ville souscrivit pour 400 frs. Ce monument fut placé dans le jardin d'entrée de l'hôpital (N.B. 1).

N.B. 1 : Il disparut en 1943, lors de la récupération des statues de bronze... pour les besoins agricoles et viticoles (?) … et sortit de terre après la Libération.

1898, Hôpital Paturle

M. Constant Lozé, ancien maire, laissa à sa mort, survenue le 12 avril 1896, 12 000 francs à l'hôpital pour y créer un lit. Sa belle-sœur, Mme Adolphe Wauters, née Séraphine Morcrette, veuve de l'ancien juge de paix, décédée le 4 juin, avait aussi prévu, dans ses dernières volontés, la création d'un lit.

L'hôpital n'était que rarement au complet. Beaucoup d'indigents préféraient rester chez eux, et garder leur indépendance, comme le couple de miséreux légendaire au Cateau, « Monsieur et Madame Pays », habitant une maison délabrée, ou les chômeurs habituels, qui avaient leur quartier général en haut de la Place, et qu'on appelait « les aides de camp du Maréchal Mortier ».

M. Henri Lozé

Le legs de M. Lozé avait été exécuté par sa veuve, née Henriette-Françoise-Josèphe Morcrette, et son fils Henri-Auguste Lozé, ancien préfet de police, ambassadeur de France, commandeur de la Légion d'honneur, grand croix des ordres de Saint Étienne, François Joseph et caetera (a écrit le copiste du registre), demeurant à Paris, 118, Faubourg Saint Honoré.

Les Catésiens s'intéressaient à la brillante carrière politique et diplomatique de leur concitoyen. Préfet de police, il s'était attiré la haine des toutous, et la verve malicieuse des chansonniers, en ordonnant le port des muselières aux chiens de la capitale ; Paris avait baptisé « lozelières » ces instruments de torture.

Le 27 décembre 1896, L'Avenir avait relaté l'accident dont avait failli être victime, à Vienne, M. Lozé, ambassadeur de France : au cours d'une chasse à courre, il avait failli être encorné par un cerf.

Son fils, continuant la tradition paternelle, devint après M. de Fouquières, le chef du protocole de la 3ème République française, jusqu'en juin 1940...

Service des eaux

Le 21 septembre 1898, l'extension du service des eaux amena la ville à négocier l'achat du Moulin Fourneau, pour doubler l'installation de l'usine des eaux, et du pré voisin, l'ancien pré Chatelain... apanage habituel du châtelain ou gouverneur de la ville, au temps des seigneurs archevêques.

10 février 1899 : achat du Moulin Fourneau

… Ce qui fut réalisé en 1899, pour 30 500 francs. Une turbine Hercule et un jeu de pompes d'un débit de 22 litres à la seconde furent installés (coût : 18 000 francs) (N.B. 1)

N.B. 1 : En 1901, un moteur à gaz est installé à l'ancienne usine de la distribution d'eau pour y remplacer la roue hydraulique.

Piscine

Quant au pré du moulin, il fut destiné à la construction d'un bassin de natation de 35 mètres de long sur 12 de large, avec fond bétonné (devis de M. Mallet : 9 000 francs), et le reste du terrain serait employé à la création de jardins ouvriers.

Mais une salle de gymnastique devenait indispensable ; M. Charlet, Rue des Remparts, ayant donné congé à la société L'Alerte, qui utilisait sa salle, pour le 1er avril prochain. On la construirait donc auprès du bassin de natation. Et aussi une palissade le long de la Selle, le long de la Promenade des Digues, où des voitures étaient tombées dans la rivière.

Mort de Félix Faure

Le 20 février 1899, le conseil municipal envoyait ses condoléances à Madame Félix Faure (N.B. 2). Le président était mort subitement.

Puis, il envoya ses félicitations à M. Émile Loubet, le nouveau président de la République.

N.B. 2 : Le jour des funérailles du président Félix Faure, le député Déroulède est arrêté ; il avait essayé d'entraîner les troupes sur l’Élysée.

PRESIDENCE DE M. LOUBET (1899 – 1906)

Elle débute dans une atmosphère lourde : manifestation, coup d’État avorté du nationaliste député Déroulède, révision du procès Dreyfus, tension avec l'Angleterre après l'abandon de Fachoda par la mission Marchand, le président souffleté au champ de courses d'Auteuil par le baron de Christiani, le rappel de Panama (N.B. 1).

Il fallait un gouvernement à poigne.

N.B. 1 : On accusait sans preuves M. Loubet d'avoir accepté des chèques, moyen employé par les administrateurs du canal de Panama, en Amérique, pour acheter le vote des députés et des sénateurs.

20 mai

Le nouveau conseil municipal du Cateau qui comprenait de nouveaux noms, envoyait le 20 mai, au président du conseil des ministres, ses félicitations touchant l'attitude énergique du cabinet en face des menées réactionnaires, et l'engageait vivement à persévérer dans cette voie.

Ministère Waldeck Rousseau

Waldeck Rousseau était alors à la tête du gouvernement. Alexandre Millerand, alors d'extrême-gauche, et Delcassé, ministre des affaires étrangères, faisaient partie de son ministère de défense républicaine. Déroulède avait été traduit en Haute-Cour, ainsi que d'autres inculpés de complot contre le régime.

Exposition de 1900

Heureusement l'Exposition universelle de Paris avait ouvert ses portes : le trottoir roulant, les Palais des Champs-Élysées, le Pont Alexandre III, et d'autres stands, reconstitutions et attractions, attiraient la foule et égayaient les Français en les instruisant.

Une délégation ouvrière fut envoyée à Paris visiter l'exposition, représentant huit corporations : fileurs, tisseurs, mécaniciens, menuisiers, mouleurs, peintres, jardiniers et enfin maçons. Chaque délégation reçut 50 francs du conseil municipal.

La Société chorale catésienne fit aussi le voyage, à l'occasion du concours des 104 meilleurs orphéons de France. Ses 75 membres étaient fiers d'être classés au même rang artistique que des grandes villes plus importantes. Certains choristes faisaient partie de la société depuis plus de 35 ans.

L'harmonie et ses 73 exécutants participèrent au concours de Corbeil... en remerciement des subsides accordés.

Écoles laïques

A l'instar du gouvernement Waldeck Rousseau, le conseil municipal reprenait la vieille formule chère à Gambetta : « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ».

M. Patte demandait, le 16 juin, qu'au Cateau, ville républicaine, les enfants n'aient pas des livres où la prétendue morale religieuse s'étale à chaque page.

M. Pierrart demandait la suppression des processions, du traitement aux aumôniers du refuge et de l'hôpital, (ainsi que de) la prière dans les écoles laïques (N.B. 1).

N.B. 1 :Suppression des processions : On lit au conseil une lettre du doyen Méresse ; « Une personne généreuse et charitable consent à se charger de la dépense de restauration de la façade de l’Église, par son intermédiaire ; elle n'y met qu'une condition : le maintien au Cateau des processions extérieures qui sont un solennel et public hommage à Dieu ».

Après discussion, maintien de la décision du 24 novembre 1900, par 17 voix contre 5.

Incident à la Confirmation

En juin, le commissaire de police dressait contravention à Monseigneur Monnier, auxiliaire de Cambrai (connu sous le nom de Monseigneur de Lydda, son titre épiscopal), pour avoir béni les enfants de la Confirmation, réunis devant le presbytère. « Vous n'avez pas le droit de bénir ici, je vous dresse contravention ». (Hre de Monseigneur de Lydda par le Chanoine Delval, Cambrai, 1932).

24 novembre - Suppression des processions

Le 24 novembre, M. Pierrart développait sa demande : « dans leur dernier vote, dit-il, la grande majorité des électeurs ont affirmée leur résolution bine arrêtée de poursuivre une politique nettement anticléricale et sincèrement républicaine.

… Les processions rapportent plus au clergé qu'au commerce local... le clergé, par l'entremise des congrégations, n'hésite pas à demander à de pauvres mères de famille, à l'insu du père, une somme variant suivant les emblèmes que leurs enfant doivent porter... ce prix varie suivant le tarif de 0,50 à 8 frs et même plus. Plus l'on donne, et plus l'enfant est digne de porter les emblèmes les plus sacrés.

… Cet argent, ne l'ignorez pas Messieurs, est destiné à remplir les coffre-forts des Assomptionnistes pour la propagande de la bonne cause : le renversement de la République... » (N.B. 2)

Au bulletin secret, 11 voix contre 6, un bulletin blanc et une abstention : les processions furent interdites sur le territoire de la ville.

Une fête laïque dite « de l'enfance », qui durerait deux jours les remplacerait, « et fera plus de plaisir aux commerçants que les promenades ridicules dénommées processions... » (N.B. 3). Contre le « chômage forcé, la crise industrielle, la cherté des vivres, qui fait grossir le nombre des malheureux », une fête suivie de bal avec tombola était proposée au profit du Bureau de Bienfaisance.

N.B. 2 : C'était l'opinion de nombreux républicains convaincus, que les Assomptionnistes, pourtant dociles aux instructions de Léon XIII, et grands propagateurs du ralliement, étaient de véritables moines ligueurs, conspirant à remplir l'armée de leurs élèves, à fanatiser le corps des officiers, et par là, à s'emparer de l’État. (d'après Jacques, la 3ème République)


N.B. 3 : Le 15 août 1944, pendant une accalmie d'alertes, une procession eut lieu, hors de l’Église, où fut portée par les jeunes « Cœurs Vaillants », la Vierge parée du Refuge des vieillards.

Canal Escaut Meuse

Une fois de plus, le vœu était émis de la construction du canal Escaut à Meuse par Le Cateau et Ors, voie navigable réclamée par les Chambres de commerce du Nord, et qui eut aidé les chômeurs employés aux longs travaux de terrassement... projet qui dort toujours dans les cartons de l'administration.

Eau de Caudry

La ville de Caudry a l'intention de capter des sources se déversant dans la Selle en amont du Cateau, pour son alimentation en eau potable, d'où protestation des usiniers riverains de la Selle. Le conseil municipal, premier intéressé, participe à la cotisation pour premiers frais judiciaires d’opposition (50 francs sont versés), au fonds commun de défense.

Une pétition demande la construction d'un pont sur la Selle en prolongation de la Rue Carville... pour dégager la circulation vers la Rue de la République et la Place.

24 novembre - Projet de Bourse du travail

La Salle de gymnastique, près du Pont Fourneau, est construite. M. Patte demande qu'elle soit dénommée Bourse du Travail. Les syndicats ouvriers régulièrement constitués y auraient accès gratuitement pour leurs réunions et y installer leur bureau.

Le maire fait observer que la Société de gymnastique, pour qui la salle a été élevée, doit être consultée.

1901 : Collège

Pour agrandir le collège et l'école primaire, la ville va faire l'acquisition de la propriété Dormay, Rue du Collège, ancienne ferme, appartenant à Mlles Marie et Charlotte Dormay... Or, il s'agit des vieux bâtiments du pensionnat des pères Jésuites, vendus avant la Révolution. La ville les démolira, ces précieux vestiges du passé... pour en faire un jardin, et dégager le coin du collège.

Palais

On voudrait aussi agrandir l'école des filles installée au Palais... dans le vieux château de Monseigneur de Choiseul. M. Masurel, propriétaire de l'usine du Palais, installé dans les communs et dépendances du château, propose de vendre une bande de terrains allant de la maison d'habitation de M. Duquesne, son directeur (pavillon d'angle) ; jusqu'à l'atelier des mécaniciens... mais il en demande 35 000 francs. La ville pense alors agrandir au détriment du jardin public.

Jardin public

Une serre y sera construite, au bord de la Selle, en contrebas du terrain de l'ancien moulin de ville,avec les matériaux de l'abri des marchands de poissons, qui est désaffecté.

Marché à bestiaux

Landrecies voudrait avoir son marché à bestiaux. Le Cateau donne un avis défavorable à cette demande, car les marchés déjà existants à Catillon, Wassigny et en notre ville suffisant amplement aux cultivateurs et herbagers de la région.

A leur intention, pour faciliter leur remonte, une station d'étalons est installée au Cateau, depuis le 1er février 1901, Rue de Landrecies, près du Pont du chemin de fer de Valenciennes.

Rue et Faubourg de Landrecies

Pour éviter toute confusion, suivant la proposition de M. Cousin, la Rue de Landrecies sera prolongée jusqu'à ce pont, et le nom du Faubourg (qui jadis débutait aux portes extérieures de la ville), ne commencera qu'après le pont de la route allant vers Basuel.

16 septembre

Le Tzar Nicolas II arrive en France... Cette fois le conseil municipal prend part à la joie générale, et envoie au président Loubet une adresse, « souhaitant à Sa Majesté Nicolas II et à la très gracieuse tzarine Maria Feodorovna, la bienvenue sur le sol de notre France, où ils apportent, en même temps qu'une nouvelle preuve d'amitié et d'alliance, un gage de paix européenne ».

1902 - Religieuses Augustines

En application de la loi sur les congrégations du 1er juillet 1901, le conseil municipal eut à donner son avis sur la demande des religieuses Augustines d'obtenir l'autorisation de rester en communauté. Depuis 1850, elles desservaient avec dévouement le Refuge des vieillards et l'école maternelle...

M. Patte explique ainsi son vote :

« Attendu que les congrégations sont les plus puissants auxiliaires du cléricalisme qui, lui-même, est le pire ennemi de la République ; considérant que les religieux des deux sexes composant ces associations font une concurrence déloyale à l'école laïque... que dans leurs écoles, ils sèment la haine de la République, déprimant les cerveaux par leur éducation antisociale, à tel point que les êtres qu'ils ont formés retardent inconsciemment la marche du Progrès et la solution du problème social...

Dans les asiles des vieillards, il y a pression sur la liberté de conscience des hospitalisés... il est donc du devoir des municipalités de laïciser les hospices.

… la conclusion est que plusieurs conseillers sont, au point de vue politique, contre l'autorisation demandée ».

Mais, dans l'intérêt de la ville, ils voteront le maintien des Sœurs Augustines... ; car le fondation de M. et Mme Charles Seydoux Gouyas était formelle: leur donation serait révoquée si l'asile était confié à une autre direction que celle des Sœurs Augustines dont la maison mère est à Cambrai.

5 août - Sœurs de la Sagesse

Avis favorable fut aussi donné ultérieurement à la demande d'autorisation des Filles de la Sagesse, maison mère en Vendée, à Saint Laurent-sur-Sèvre,qui tenaient l'école libre de la Rue Auguste Seydoux et l'hôpital Paturle. Dix voix pour, 4 contre, 5 abstentions... vote qui n'était pas désintéressé, mais bien un camouflet pour les dévouées religieuses hospitalières et gardiennes d'enfants.

Prison

Il manquait un gardien de prison... La nuit, les détenus, dans le fond de la cour de l'hôtel de ville, mis « au violon », faisaient bien du boucan... , criant, frappant aux portes, parfois se promenant sur les murs voisins, empêchant les paisibles bourgeois des numéros 1 et 3 de la Rue Victor Hugo (alias Prisch), de reposer en paix ; aussi se plaignaient-ils ! M. Boudart et Valette-Preux réclamaient le déplacement de la prison, et aussi M. Danjou, marchand de fer, Rue Gambetta. Ils craignaient le retour des incidents de 1880, ou vers cette date, où la bonne de Mlle Albertine Boudart avait été très malade, de frayeur, ainsi que Mme Valette Preux, frayeur causée par l'irruption dans la cuisine, d'un malfaiteur en fuite...

Le conseil va faire calfeutrer le violon municipal.

Fontaine à gros Bouillons

Il sévit aussi contre les vauriens et les guêpes ; contre les vauriens : une foule d'enfants, juchés sur la toiture de la Fontaine à Gros Bouillons, ou perchés sur les barres d'assemblage du lavoir, ne se font aucun scrupule de bombarder les pauvres laveuses avec toutes sortes de projectiles ; si elles leur font une réprimande, quolibets et railleries pleuvent sur elles... en sus des courants d'air qui menacent de les rendre gravement malades. Le mur de le fontaine sera exhaussé jusqu'à la toiture, ainsi elles seront protégées contre garnements et intempéries, et la belle fontaine le sera aussi contre les boues qui dévalent dans le réservoir, en cas de fortes pluies, jusque dans le bassin d'eau potable.

Ce travail sera exécuté de façon esthétique, sans rien ôter du côté pittoresque de cette magnifique pièce d'eau. (N.B. 1)

N.B. 1 : 1904 : La Fontaine à Gros Bouillons est à curer souvent. On mettra une vanne, et M. Valette, propriétaire de la chute d'eau voisine, sera invité à l'abandonner.

Ruches

Les abeilles, en sus des guêpes, sont aussi malveillantes pour les riverains de la belle promenade des Hauts fossés. Il est rappelé aux apiculteurs d'observer les prescriptions des lois : les ruches doivent être installées à plus de cinq mètres des habitations, et hors des agglomérations.

Autos et motos

Un autre danger menace la tranquillité des piétons et promeneurs : c'est la vitesse folle des automobilistes et motocyclistes dans la traversée du Cateau. Un arrêté municipal doit réduire leur allure.

Tabac

On se plaint aussi de la suppression du tabac de zone... mesure anti-démocratique.

La visite des généraux boërs à Paris déchaîne l'enthousiasme. Leur héroïsme pour la défense de leur patrie est fêté... Le quartier neuf du côté de la gare, cité prospère, porte le nom sympathique du Transvaal... (N.B. 1), comme le peignage des usines Seydoux, le Dahomey, rappelle la glorieuse conquête d'une colonie française.

Solidarité nationale avec l'empire colonial... 300 francs sont versés pour les victimes de la Martinique, ravagée par l'éruption du Mont Pelé, qui détruisit par le feu de riantes cités.

La saison théâtrale d'hiver est dirigée par M. Créteaux, installé à la Salle des fêtes.

N.B. 1 : 22 ménages y habitent, mais manquent d'eau et de gaz... C'est un propriété due à l'initiative privée...

1903

La fin de 1903 est marquée par des troubles sociaux. Le 15 décembre, 1 812 ouvriers sont en grève ; ce sont les tisseurs des Établissements Noguet (Bd Paturle), Dhalluin (Route de la Gare), et Masurel (usine du Palais). Les tentatives de conciliation échouent. Dix gendarmes de renfort sont venus pour éviter le pire. La présence de la troupe devient utile. On reproche violemment au maire, M. Martinet, d'avoir fait appel à la troupe... et aussi de distribuer les secours aux sans travail, par le Bureau de Bienfaisance, et non par le Comité de grève, dont le secrétaire est Ulysse Claisse, et qui demande 5 000 francs de don.

1904

A Neuvilly, des grèves interminables continuent en janvier 1904... les tisseurs du tissage Cayez, à la sortie d'une réunion, le 31 janvier, mettent le feu au « château Bancquart », habitation (du) neveu de Mlle Inésile Cayez, propriétaire du tissage ; l'incendie gagne... des épisodes sanglants sont évités. La troupe arrive trop tard...

L'effervescence au Cateau se borne à de bruyantes manifestations contre la municipalité capitaliste... Mais il y eut dégâts et condamnation. Le conseil signe un recours en grâce au président de la République, en faveur des condamnés, c'est son dernier acte...

Ulysse Claissse, maire du Cateau

… Car les élections du 8 mai amènent au pouvoir l'animateur des grèves du Cateau et de Neuvilly, Ulysse Claisse, et une majorité socialiste. Le 15 mai, par 16 voix sur 27, Ulysse Claisse devient maire du Cateau. M. Patte Eugène fut premier adjoint avec 25 voix. M. Ducamp Alfred, deuxième adjoint, avec le même nombre de voix.

24 mai

Le nouveau maire reproche à la municipalité sortante d'avoir fait exprès de gaspiller l'argent pour que les successeurs n'arrivent pas à établir une situation nette, et pour les mettre dans l'embarras. M. Bauduin qui sera le leader incisif de la minorité demande la désignation d'une commission de vérification des comptes. Le Maire propose, en plus de deux membres de la minorité, deux de ses amis. Mrs. Gauguier, secrétaire de la mairie d'Houplines et Rivola, directeur des travaux publics d'Armentières. Mais on en reste là... « Les travailleurs, conclut Ulysse Claisse, sauront à qui incombe la responsabilité morale du désordre financier que nous venons de constater. »

… La Salle des fêtes, transformée en Maison du peuple, inaugure l'ère des réformes. Au lieu de Tragédie - Comédie sur la façade, on y lit : Liberté - Raison. L'hôtel de ville devient la maison commune ; on supprime les cours d'adultes pendant l'été, l'emploi de garde au jardin public (le jardinier étant assermenté fera la police en soignant ses fleurs), la garde de nuit à la police municipale (en cas d'alerte, on réveillera le concierge, qui ira réveiller un agent). Renvoi de plusieurs employés municipaux : « ils avaient montré trop de zèle envers l'ancienne municipalité, déclare le maire, pour servir fidèlement celle-ci ; d'ailleurs, ajoute-t-il, à d'autres maîtres, il faut d'autres valets ».

M. le Maire avait des lettres. Ancien porteur de journaux, actif, intelligent, il tenait un café, dont l'enseigne s'ornait de drapeaux rouges. Une indemnité de 3 000 francs lui avait été votée pour frais de représentation. « Il vaut mieux, disait-il lui-même, un maire payé qu'un maire qui fait de la gratte ». M. Bauduin relève chacune de ses boutades, au risque de se voir reprocher « d'être devenu loquace, alors qu'au temps de M. Martinet, on l'appelait « le conseiller muet ». Alors, dit le maire, le Président n'avait qu'à appuyer sur un bouton, et tous les conseillers approuvaient ». - « Vous en avez menti, M. le Maire, réplique M. Cousin... », et M. le Maire reconnaît qu'il a peut être été un peu brutal en paroles...

Sur la proposition de M. Patte, une adresse est rédigée pour être envoyée au président Combes, successeur de Waldeck Rousseau ; elle a deux parties. Le conseil, dans la première, donne « l'assurance de son entier dévouement à la politique anticléricale qu'il poursuit avec tant d'énergie et l'engage à persévérer dans cette attitude ». La majorité est d'accord sur ce premier alinéa.

« Les journaux m'appellent le clérico collectiviste, il est temps que je montre que je suis anticlérical », déclarera un jour M. Ulysse Claisse.

Mais la seconde partie de l’adresse n'est plus du goût de tout le monde. La voici :« Le conseil espère que cette besogne accomplie, il fera aboutir les réformes démocratiques si longtemps attendues par la classe ouvrière ».

Mais M. le Maire proteste le premier. Oui, il approuve la politique anticléricale de M. Combes, mais il désapprouve sa manière d'agir dans les grèves de Neuvilly et du Cateau... Les tribunaux ont réprimé avec sévérité les exécutants des consignes de grève... mais ont oublié les meneurs.

Et la belle proposition de M. Patte ne sera pas adoptée...

Marché

Le nouveau conseil veut transférer le marché sur la Grand Place, abandonnant le Marché couvert ; créer des cantines scolaires. Mais le sous préfet arrêt ces projets excellents peut être, mais inopportuns. Avant les cantines, il faut d'abord des écoles, car, par suite de l'application de la loi sur les congrégations, toutes les demandes d'autorisation des congrégations enseignantes ont été rejetées en bloc, par le gouvernement Combes.

Les religieuses de la Sagesse, Rue Auguste Seydoux, les Frères laïcisés de la Rue Pasteur, s'en vont... leurs écoles sont fermées, et, en octobre 1904, il va falloir trouver de la place pour 150 garçons à l'école laïque, 160 à l'école des filles, 230 enfants à l'école maternelle. La générosité de M. Charles Seydoux met son local scolaire de la Rue Auguste Seydoux à la disposition de la ville... Le conseil lui adresse des félicitations.

Le 17 juin, un terrible orage de grêle (orages si fréquents dans notre ville), a fait de grands dégâts. M. Bauduin Émile propose le renvoi dans les foyers des soldats, dont la profession de couvreurs, zingueurs, et corps de métiers, permettra la réparation urgente des toitures et fenêtres endommagées. L’État donne un secours de 10 000 francs pour les cultivateurs et jardiniers sinistrés par l'orage.

25 février - Écoles - Asile Seydoux

La question des écoles est toujours d'actualité. Heureusement, Mrs. Seydoux cèdent à la ville leur école maternelle de la Rue Auguste Seydoux, à condition qu'elle restera école maternelle pour tous les enfants, et en particulier ceux des ouvriers de la fabrique. C'est en faveur de ces derniers que l'asile a été construit. Le prix demandé est celui du terrain nu, 14 000 francs, dont le montant sera versé intégralement au fonds de réserve des pensions des anciens ouvriers.

C'est une économie de 112 600 francs pour la ville, car le prix de construction d'une telle école s’élèverait à 130 000 francs. En témoignage de reconnaissance, il est décidé que le nom d'Asile Seydoux restera à l'école.

École du Bois Montplaisir

L'école des filles doit être agrandie. Or, la construction d'une aile de bâtiment dans le jardin public en gâterait la symétrie.

M. Léon Collery propose une maison lui appartenant, Rue du Bois Montplaisir, tenant à un immeuble de M. Lozé Morcrette, qu'occupaient les demoiselles Basuyaux, et à un autre de ses immeubles, occupé par Colignon, d'un bout à Me Brunois. Le prix est de 26 000 francs. L'achat permettra l'établissement de 4 classes.

M. Aimable Delattre combat ce projet, car ce terrain est un ancien marais à émanations pestilentielles.

Hôpital

L'hôpital a une certaine activité chirurgicale, grâce au Dr Dervaux, chirurgien des hôpitaux de Bruxelles, qui y opère surtout les hernieux. Il y fit 56 opérations gratuites. Le Bureau de Bienfaisance constate avec satisfaction cette aide apportée aux indigents.

Jardins ouvriers

L’œuvre des Jardins ouvriers, fondée en 1898, prospère et rend grands services à la classe ouvrière.

Huit ouvriers, de diverses industries, sont envoyés à l'exposition de Liège. Coût : 400 francs, aux frais de la ville.

Nouvelles dénominations de rues

On change les vieux noms de rues, comme pour faire table rase des traditions ancestrales.

La Rue Saint Martin s’appellera désormais Rue Fontellaye-Déjardin, en souvenir d'un chapelier catésien, établi à Douai, qui laissa une partie de sa fortune pour construire un patronage laïc.

La Rue Saint Sauveur, derrière la Fabrique, deviendra Rue de la Gaieté.

Toutes deux rappelaient le passé : le souvenir de l’Église paroissiale, Place Verte, et de la Porte Saint Martin, et celui de l'hôpital Saint Sauveur, hors la ville, à l'emplacement de la ferme Soufflet.

La Rue Berghes, du nom de l'évêque Henri de Berghes, protecteur d’Érasme, conseiller de Philippe le Beau (1548), fondateur de l'hôpital du Saint Esprit qui succéda en ville à l'hôpital Saint Sauveur, disparut... la Rue Étienne Dolet, brûlé vif à Paris, Place Maubert en 1546, lors des guerres de religion, le remplaça...

La Rue Sainte Anne, au bout de la Rue de Saint Quentin, s'appela Rue de la Liberté.

La vieille petite Rue du Bon Dieu de Pitié, entre la Rue Gambetta et la Rue Pasteur, avec sa chapelle archaïque et son paradis de statues pieuses, céda le pas à la Rue Émile Zola... Il est vrai que la dépouille de l'écrivain naturaliste était destinée aux honneurs posthumes du Panthéon à Paris, parmi les grands hommes du pays.

La raison de ces innovations ? de cette laïcisation des rues ? Le 31 mai 1905, M. Patte la donne dans cette déclaration :

« Depuis un an que nous sommes à la mairie, nous avons suivi une ligne de conduite nettement républicaine et anticléricale... M. le Préfet a pu se rendre compte que nous avons supprimé l'aumônier du refuge, changé les dénominations de rues qui portaient des noms de saints, et pris un arrêté fixant les heures de transport des corps. Peut-on nous reprocher un seul acte en faveur de la réaction ? Je suis certain que non »...

… Et l'adjoint s'étonnait donc que le Préfet réduisait les crédits votés par d'aussi purs républicains (N.B. 1) … que le sous préfet refusait les noms proposés pour dix agents de police, que le ministre de l'intérieur révoquait, relevait de ses fonctions d'administrateur du Bureau de Bienfaisance, le délégué du conseil, François Cliche.

Le maire se plaignait que ses adversaires l’accusassent d'avoir puisé dans la caisse de l'octroi, après celle du syndicat... d'où échange d'injures...

N.B. 1 : Le crédit de 10 000 francs voté pour l'entretien des rues par les ouvriers sans travail, avait été réduit à 3000 francs.

LE CATEAU SOUS LE PRESIDENT FALLIERES (1906 – 1913)

1906

… Et les séances se succédaient, orageuses et stériles... en 1906, devant le portrait du nouveau président, Armand Fallières, ancien président du Sénat, viticulteur amateur de ses vignes du Loupillon.

Après la crise intérieure, due aux inventaires du mobilier des églises, la France subissait le contre coup de la défaite de son alliée russe en Mandchourie... L'Allemagne contrecarrait notre politique de colonisation du Maroc ; Delcassé, le défenseur de l'Entente cordiale avec l'Angleterre, dut démissionner devant ses exigences sans précédent. « Humiliation sans précédent », écrivait alors un jeune journaliste qui fit son chemin, André Tardieu.

Démissions

Cependant, au Cateau, les réunions du conseil continuaient, houleuses et stériles... Une série de démissions amènera de nouvelles élections partielles. Lorsque M. Bauduin quitte la salle, un auditeur lui crie en patois : « Ti, tu ne passeras toudi pas », et le comble, c'est que le propos du quidam est reproduit dans le compte rendu de la séance...

Bloc d'opposition

… Mais il avait été faux prophète : le 28 octobre 1906, un bloc de 14 nouveaux conseillers entre à la mairie, M. Bauduin vient en queue de liste, bon dernier, mais est réélu.

Obstruction - Démissions

L'ancienne minorité devient majorité. M. Baudoin devient deuxième adjoint. La tactique, dévoilée sans ambages par le nouvel adjoint, est de faire démissionner tout le conseil. Automatiquement, toutes les motions présentées par le maire sont repoussées par 14 voix contre 12, sauf le vote d'une adresse de félicitations à Georges Clémenceau (N.B. 1), ministre de l'Intérieur, acquis par surprise. « Vous être roulé », s'exclame Ulysse Claisse, s'adressant au bloc des 14. « Vous êtes un escamoteur », (ou vous avez fait un escamotage... par rectification), répond M. Aimable Delattre, vétérinaire.

N.B. 1 : Georges Clémenceau représentait toute la République qui, partie de la Révolution, devait se discipliner pour vivre. Sorti du socialisme, il passait de l'autre côté de la barricade. Président du conseil en 1906, il réprima les grèves avec l'aide de la force armée, faisant arrêter les meneurs, maintenant le principe de l’État souverain. (d'après J. Bainville, La Troisième République)

Délégation spéciale

Finalement, la municipalité fut dissoute. Une délégation spéciale présida aux destinées du Cateau, dont le président fut M. Boigey, principal du collège, qui avait remplacé M. Barlet à la rentrée des classes de 1906.

Nouveau conseil municipal (26 mai 1907)

Le 26 mai, M. Boigey installait les nouveaux conseillers qui, en plus des anciens réduits à 13, comprenaient Mrs. Delcourte Oscar, Dubrulle Albert, Wallez Arnould, Carette Alphonse, Boudart Constant, Florent Jules, Deloffre Auguste, Lecomte Jacqz, Bricout Émile, Soufflet Henri, Cottiau Paul, Tordois Parfait, Pezin Jonathan, et Dufresnois Georges.

M. Baudoin fut nommé maire du Cateau par 26 voix, Henri Cousin premier adjoint, et Émile Picard, adjoint.

Salle des fêtes

Le 16 août, les conseillers décidaient de faire disparaître les inscriptions qui masquaient et salissaient les mosaïques de la frise de la façade de la salle des fêtes...  Maison du peuple ; Liberté, Raison... (et) Comédie,Tragédie, reparurent au jour ; quant aux bureaux des syndicats installés dans le foyer, ils furent transférés dans la salle du second étage...

Georges Dufresnois, rapporteur de la commission des finances, fit le procès de la gestion de Mr Claisse, comme maire du Cateau

« Le gaspillage, la favoritisme, et surtout les virements caractérisent cette gestion. Le virement en matière budgétaire est l'affectation de tout ou partie d'un autre crédit ; c'est une opération extrêmement grave et qui doit être bannie par l’honnêteté administrative. »

Le Second Empire le pratiqua, mais il en mourut. Gaspillage : par la monopolisation du service des bovages, du service de balayage..., ce qui est parfait pour les grandes villes, onéreux pour les petites cités.

Gaspillage : rien que les imprimés pour certificat de mariage, ont été alors achetés pour plus de 60 ans... Heureuse cité ! 3 000 ont été fournis, on en utilise 60 environ par an.

Favoritisme : exemple typique, le service des eaux. On crée un nouveau poste, celui de machiniste que l'on offre à un ancien tisseur... c'est le cas de répéter avec Beaumarchais : « il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint... »

… L'exposé très spirituel de M. Dufresnois explique l'état lamentable du service des eaux... manque d'entretien des machines par incurie, négligence des services incapables...

Il fallut acheter de nouvelles turbines. Cette incurie coûta cher à la ville. Heureusement que les deux usines pouvaient se suppléer, l'usine des eaux et la succursale appelée le Moulin Belot, ex Moulin Fourneau.

Assurance - Évaluations

Dans l'évaluation des édifices communaux, pour les polices d'assurance : ces usines des eaux sont assurées pour 30 000 francs ; l’Église pour 393 000 francs ; l'hôpital Paturle y compris le mobilier, pour 251 700 francs ; l'hôtel de ville et contenu, 181 000 francs ; le collège, 171 000 francs ; la salle des fêtes, 107 000 francs ; l'école des filles du Palais dit Fénelon pour 74 000 francs.

1908

L'hôpital Paturle se modernisait. On prévoyait en février 1908, la construction d'une salle opératoire dernier cri. Le devis s'élevait à 12 730,33 (francs). Elle sera complétée en mai 1910 par la fourniture d'appareils et instruments ; le devis de la maison Flicoteaux de Paris monta alors à 3 080 francs.

Une statistique des divers commerces de la ville est établie en 1908. ; elle est faite en vue de demander la création d'une section commerciale au conseil des prud'hommes.

Il y a alors au Cateau : 7 auberges, 3 hôtels, 270 débitants de boissons, les « estaminets » ou cabarets... débitant surtout de la bière, quoiqu'ils s'intitulent cafés, où cette boisson matinale est arrosée de copieux « gloria », d'alcools... rhum, « wambrechies » (genièvre de grains) ou cognac. Il y a 6 brasseries et 6 banques, 12 marchands de chaussures, 4 épiciers en gros et 40 en détail, 4 marchands de fer, 16 marchands de légumes, 5 pâtisseries et 5 librairies... et aussi 5 pharmacies, 7 perruquiers, 9 marchands tailleurs, 4 « vins et spiritueux en gros », 6 marchands de cuirs et peaux... mais un seul tanneur, reste de la riche corporation de jadis qui donnait son nom à la Rue de la République, en partie... Hannequant, Jacqz, Allemant (devenue Lallemand), Santerre, de la famille du populaire brasseur du Faubourg Saint Antoine, à l'enseigne de l'Hortensia ; 2 fabricants d'huile... vestige des florissants tordoirs d'autrefois... Mais on compte 11 marchands de broderies, 1 de tulle... remplaçant les mulquiniers, fuseliers et liniers d'antan, et 2 photographes... nouveau commerce florissant en cette cité.

Prud'hommes

A l'occasion de cette statistique, est rappelé l'historique de l'institution des Prud'hommes, « Ces conciliateurs entre patrons et ouvriers, au si beau nom... d'hommes probes, vertueux, justes »... Cette institution est très ancienne, comme son nom archaïque et imagé l'indique ; elle naquit sous l'Ancien Régime.

Napoléon, ce grand et sage législateur, restaura cette institution que la Révolution avait abattue... La loi du 18 mars 1806 la rétablissait pour Lyon et les villes industrielles où le gouvernement la jugerait nécessaire.

En 1809, elle se composait de négociants fabricants, de contremaîtres et ouvriers patentés... que nous appelons les artisans.

En 1844, un conseil de prud'hommes ainsi composé siégeait au Cateau. Nous avons rencontré au cours de l'histoire les noms de ses membres.

Le décret du 27 mai 1848 modifia leur composition, prévoyant un nombre égal de prud'hommes ouvriers et patrons. De 1853 à 1880, les présidents et vice-présidents étaient nommés par le chef de l’État. Depuis la loi du 7 février 1880, les prud'hommes élisent eux-mêmes leurs présidents et vice-présidents.

3 mai

Le 3 mai, de nouvelles élections municipale avaient lieu. Le même conseil restait au pouvoir. M. Baudoin, notaire, restait maire (M. Cousin, brasseur, M. Émile Picard, industriel en broderies et dentelles dites suisses, étaient réélus adjoints), tous, par 26 voix sur 27 votants...

Le nouveau conseil approuvait les travaux urgents effectués au Refuge des vieillards... La générosité de M. Ernest Seydoux et de Madame Simons avait permis qu'ils soient faits sans qu'il en coûte rien au budget de la ville ou des pauvres...

Une fête patriotique avait eu lieu le 25 octobre, sous les auspices des anciens combattants de 1870-1871, dont la société avait été fondée en 1888.

Les incidents du Maroc où l'Allemagne nous cherchait querelle, et que l’énergie de Clémenceau avait réglés sans menace de guerre, rapprochaient les patriotes auteur du drapeau. Aristide Briand qui lui succéda en octobre 1908, s'efforçait de créer un esprit nouveau, par l'apaisement des luttes religieuses.

Notre ville avait participé, par une souscription de 20 francs, à l'érection du monument Marcellin Berthelot, décédé en 1907. Le président du comité était l'ancien président de la République, Émile Loubet, qui rendait hommage « à l'un des plus grands esprits qui aient illustré le 19e siècle ». Ce grand savant, maître incontesté de la chimie organique, créateur de la thermochimie et de la mécanique chimique, eut des funérailles nationales au Panthéon. Homme politique, sénateur, « l'humanité entière, après la France républicaine, a bénéficié de son œuvre », rappelait le président Loubet, dans le manifeste de souscription internationale, voulant concrétiser l'hommage public et mondial, par un monument à Paris, où Berthelot naquit et travailla à sa grandiose synthèse des réactions chimiques...

1909

En janvier 1909, la ville souscrivit encore une somme de 50 francs pour le monument que Lille élevait à la mémoire de Pierre Legrand, avocat, ancien préfet de la défense nationale en 1871, 30 ans député, trois fois ministre du Commerce, car ce fut un bon Français et un grand patriote.

Mais nos édiles rejetèrent les demandes de souscription à un monument Proudhon, à celui que la ville de Sèvres voulait élever à Danton et à Gambetta, réunis en un même groupe. Ils firent cette réponse pleine de sagesse : « si les villes veulent orner leur places publiques avec les statues des grands hommes, qu'elles s'imposent donc les sacrifices nécessaires... Gambetta a déjà été honoré au Cateau, qui a souscrit au monument de Paris, et lui a donné le nom d'une de ses plus importantes artères. »

Fidèle à cette ligne de conduite, la ville refusa son obole pour le monument du général Lamoricière à Koléa.

M. Blot

Exception cependant fut encore faite en faveur de la demande de M. Bertrand Boutée, statuaire des artistes français, chargé d’exécuter un buste en bronze du sous-chef de la sûreté à Paris, M. Blot, tué en service commandé, lors de l'arrestation des bandits de la bande Bonnot. Le corps de M. Blot fut ramené au Cateau, où il s'était marié... et un médaillon de bronze, à défaut d'un buste, faut placé sur sa tombe. Le monument fut très abîmé par un bombardement aérien anglais pendant la guerre 1914-1918.

École des filles

La construction d'une seconde école des filles était la préoccupation majeure du conseil municipal... En février 1908, le sous préfet de Cambrai, déjà, la réclamait d'urgence, afin de pouvoir laïciser au plus tôt l'école des religieuses de Notre Dame, Rue Cuvier, où 350 enfants recevaient l'instruction...

Usine du Palais

La démolition de l'usine du Palais, détruite par un incendie (11 mars 1906), décidée par son propriétaire, M. Masurel, à l'automne 1908, allait permettre cette construction... Les matériaux de la vieille usine et des communs du Palais des seigneurs archevêques, étaient mis le 28 novembre, à la disposition du public, et les cultivateurs étaient invités à les enlever, et à les utiliser pour l'empierrement des mauvais chemins de terre, tels ceux de Baudival ou celui de Jonc-de-mer, appelé encore Chemin de Fesmy (Chemin vicinal n° 2)

Au printemps 1909, M. Masurel (Georges-Charles-Louis-Joseph), époux de Élise Leclercq, industriel, 114, Bd de Paris à Roubaix, cherchait à conclure un accord avec la ville. Une partie de l'usine servirait à construire la nouvelle école de filles. Deux rues, l'une vers le jardin public, lui donnant accès, l'autre, entre la Place Thiers et la Rue Fontellaye-Déjardin, traverseraient l'emplacement de la partie droite de l'usine. M. Masurel proposait la partie gauche pour 53 000 francs... puis réduisit sa demande à 25 000 (francs) ; il réaliserait le reste de terrains en construction.

1910

Le plan de M. Fortier, architecte à Cambrai, s'éleva à 100 000 francs (exactement 98 188,31 francs), en mars 1910.

1911

… Mais lors de la construction de l'école, le terrain, ancien marécage avoisinant en l'an 1007 le château primitif du Cateau, la Tour Saint Marie, s'avéra défectueux. Il y eut augmentation sensible du prix des fondations.

Au lieu de respecter l'harmonieuse ordonnance et le voisinage des bâtiments du Palais, M. Fortier éleva une bâtisse moderne, écrasant l'ensemble classique du château du 18e siècle...

En 1913, il restaura la façade du Pavillon (où logeait la directrice de l'école), là où avait habité M. Duquesne, directeur du Palais, en supprimant la corniche de pierre sobre et continue... et, faute capitale, en perçant des mansardes dans les combles qui n'en portent point ailleurs... (remarque de M. Gelis, architecte des monuments historiques, printemps 1944).

Hôtel de ville et église

Le 10 février 1909, Hôtel de ville et église (mais non le Palais dégagé des dépendances), furent proposés pour le classement des monuments historiques. M. Scalabrino, architecte, en avait jadis fait la demande. L'Hôtel de ville est enfin reconnu comme un spécimen du pur style Renaissance (régional, peut-on ajouter, c'est à dire des Pays-Bas).

Collège

Le vieux bâtiment du collège, « logis des régents de la Compagnie de Jésus », ses premiers maîtres, s'avère insuffisant pour abriter dortoirs, parloir et réfectoire en plus du principal. On a prévu, dès 1919, 143 011,87 (francs) de travaux : de nouveaux bâtiments vont être élevés (N.B. 1) : réfectoire, salle de réunion, classes, dortoir, et un jardin « d'expériences », à l'ombre des constructions modernes, claires et aérées, avec terrasse, occupera le fossé des remparts où boutèrent jadis, contre la Tour Saint Adrien, les Français, fin août 1581.

N.B. 1 : 41 élèves nouveaux étaient entrés dans le collège agrandi et moderne en octobre 1909.

La Selle

La rivière de Selle, jadis bordant les remparts de la ville et protectrice de la cité, au delà des viviers l'Evêque, est déchue de son antique prestige. Les riverains déclarent que cette rivière, poissonneuse autrefois, est devenue un égout collecteur où se déversent les bouches d'égout de la ville ; ils doivent participer aux frais du curage de son lit... (N.B. 2)

N.B. 2 : Curage fait en 1863.

Eaux

… En effet, les boues et immondices réduisent sa vitesse et son allure de torrent. La hauteur de chute d'eau au Pont Fourneau, qui était en 1882 de 2,65 mètres, n'est plus en 1909 que de 2,13 mètres... d'où gêne des usines hydrauliques élévatrices des eaux de la ville, malgré l'effort des moteurs à gaz...

Électricité

L'électricité, cette puissante force motrice et éclairante, n'avait pas encore droit de cité au Cateau... La compagnie du gaz défendait avec acharnement son monopole ; elle protestait en 1908 contre les pourparlers engagés pour l'adduction d'énergie électrique au Cateau (pour force motrice, chauffage, éclairage), la société du gaz ayant par ses traités conclus avec la ville, un privilège exclusif pour ces trois éléments... (N.B. 3)

N.B. 3 : Elle opposa une fin de non recevoir à la mise en demeure d'avoir à installer, en 1910, un secteur électrique au Cateau.

Malgré tout, l'énergie électrique arrivait au Cateau en 1910, fournie par l'usine Dosquet... pour l'usage de Mrs. Charles Dupont, marchand de meubles, Rue de Landrecies, et de M. Cottiau Languillé, marchand de fer, Rue de France, auprès de l'église.

En 1913, la société de gaz obtenait la concession de distribution d'énergie électrique, ainsi que la nouvelle société d’Éclairage et Force du Cambrésis Catésien..., à qui M. Dosquet avait rétrocédé ses droits. Cette société avait pour président M. Delville, et pour administrateur M. Augustin Poirier, droguiste au Cateau.

Mais, en 1914, on attendait toujours en vain l'éclairage électrique des rues du Cateau et des particuliers... Depuis trois ans, c'était promis... la cause de ce retard provenait du manque d'accord entre les deux sociétés concessionnaires, et la société Cambrésis Catésien était en liquidation après avoir obtenu l'autorisation d'éclairage le 11 avril 1913. Beaucoup de Catésiens protestaient, l'industrie locale en souffrait. Finalement, la déchéance de cette société fut prononcée, et l'usine à gaz resta seule concessionnaire... l'emportant dans la lutte.

En attendant l'équipement électrique, Le Cateau rendait hommage au physicien Ampère, philosophe et mathématicien, qui avait aidé par ses travaux à la vulgarisation de l'électricité. La ville le faisait par une modeste souscription de dix francs, en mai 1910, participation que son pays natal, Poleymieux, dans le Rhône, élevait au grand savant, père de l'ampèremètre.

J. B. Trystram, industriel dunkerquois et sénateur du Nord, avait aussi mérité la reconnaissance des Catésiens, pour les importants services rendus au département. Dunkerque, sa ville d'origine, dont il avait développé l'activité maritime et commerciale, lui élevait une statue. Le Cateau y participa par une souscription de 50 francs en 1907.

Mais les monuments d'Afrique exaltant à Sidi bel Abbès l'héroïsme de la Légion étrangère et du 2e Spahis, et à Alger les gloires de l'armée d'Afrique, ne furent pas subventionnés par notre ville, nos édiles regrettant alors que l'état des finances ne permette pas de s'associer à ces manifestations patriotiques.

Mais, pour participer à l'élan de solidarité nationale, la ville avait voté, le 2 février, un crédit de 500 francs, pour secourir les inondés du midi de la France.

1911

L'heure était aux manifestations patriotiques, car la menace d'un conflit avec l'Allemagne se précisait. Il fallait une France forte et unie. Aristide Briand avait, en octobre 1910, brisé la grève des cheminots, dangereuse pour la défense nationale, en mobilisant le personnel des réseaux ; il dut céder la place au ministère Monis. Une campagne s'organisait pour donner au pays une aviation puissante... une armée de l'air, celle qui déciderai dans l'avenir des victoires terrestres... M. Berteaux, ministre de la Guerre, fut tué au cours d'une démonstration d'aéroplanes militaires.

1912, Aviation

Notre ville participa à la souscription nationale lancée par la presse pour doter la France d'avions en quantité suffisante. 500 francs furent votés pour cette œuvre éminemment nationale et urgente...

Coup d'Agadir

En juillet 1911, l'Allemagne envoyait une canonnière devant Agadir, au Maroc, marquant ses revendications. Des compensations lui furent accordées au Congo. Mais la France réagit devant l'abandon de territoires coloniaux... Le Lorrain Raymond Poincaré remplaça le négociateur Joseph Caillaux au pouvoir, et dirigea les affaires étrangères.

Nouveau conseil municipal

Les élections des 5 et 12 mai 1912 modifièrent aussi au Cateau le gouvernement local. M. Georges Lecomte devint maire, avec comme premier adjoint, M. Albert Boulogne Goffart, marchand de bois et officier de réserve, et M. Émile Picard comme deuxième adjoint. M. Ulysse Claisse était parmi les élus. M. André Seydoux y représentait l'industrie lainière, endeuillée par la mort de M. Alfred Seydoux, conseiller général, décédé à Paris, le 19 décembre 1911.

1912, Collège

Le nouveau conseil s'occupa de l'instruction publique.

Du collège d'abord et de ses professeurs. ; certains étaient devenus de vieux Catésiens. M. Soumier, professeur de mathématiques, y résidait depuis 21 ans. M. Boigey, professeur de lettres et d'histoire (ancien principal), depuis 18 ans. M. Lecigne y enseignait l'allemand depuis 16 ans. M. Dehove, les lettres et le calcul depuis 20 ans. M. Guinet s'occupait des jeunes élèves de 7e et 8e depuis 10 ans... Il était juste de leur donner une indemnité de résidence proportionnelle à leur temps de professorat... et de vie chère, car au Cateau, le prix des vivres fut toujours relativement élevé, par rapport à Cambrai ou Saint Quentin par exemple.

M. Vaudevoir était alors principal du collège. M. Durand, après avoir longtemps enseigné, était devenu le bibliothécaire averti de la ville ; en trois ans, le nombre des lecteurs avait augmenté de 203, et 2 082 livres nouveaux s'étaient rangés dans les rayons de la belle salle de lecture. Ardent animateur du Souvenir français, il applaudit à l'élection, au printemps de 1913, du nouveau président de la République, Raymond Poincaré.

LE CATEAU SOUS LA PRESIDENCE POINCARE (1913 – 1920)

1913

Le renforcement de l'armée, obtenu par Louis Barthou, laissait prévoir de nouvelles garnisons à établir dans le Nord-Est. Le Cateau allait-il enfin en recevoir une ? M. Albert Seydoux, notre député, membre de la commission de l'armée, s'était déjà occupé de la question... Peut être serait-il possible de recevoir un détachement de troupes ? … Mais une fois de plus, cet espoir fut déçu, et les Catésiens ne connurent pas les retraites militaires, ni les concerts aux airs entraînants des petits chasseurs, sauf lors des passages de soldats, aux périodes de manœuvres.

Sociétés locales

Ils avaient heureusement les auditions appréciées de la Symphonie, dont M. Frédéric Dreville était le secrétaire, celles de l'Harmonie municipale, dont M. Chabert était le directeur, avec le concours de la chorale (M. Laude, secrétaire), et des trompettes de la Sirène (directeur : M. Facon)... Ces sociétés demandaient qu'on élevât un kiosque couvert au jardin public, en remplacement de celui qui, jadis, ornait la verdoyante Place Verte... complètement dénudée, et qui, disait un conseiller municipal, « pourrait s'appeler la Place noire, s'il n'y avait la mauvaise herbe qui s'y efforçait de verdir »...

Fêtes sportives

La société de gymnastique L'Alerte, faisait parfois des démonstrations d'ensemble au jardin public. Elle comptait en 1913, 120 membres gymnastes... On vit aussi, sur la grande pelouse, un match exhibition du jeunes boxeur denaisien Georges Carpentier, exhibition qui attira au Cateau, une foule de jeunes sportifs du canton.

Bois du Pommereuil

Les Catésiens appréciaient beaucoup les promenades dominicales au Pommereuil, sous les ombrages de l'Ermitage.

Projet de tramway

M. Carpentier Risbourg, maire de cette commune et président du conseil d'arrondissement, souhaitait qu'un nouveau tramway allant du Cateau au Quesnoy, comme il en existait un allant de Caudry à Solesmes, Haspres, et de Solesmes à Avesnes, via Neuvilly, Landrecies, Maroilles, desservit le Bois Lévêque, « dont le charme et le frais de la forêt sont devenus fort en faveur chez les Catésiens ». Dans son rapport au Conseil d'arrondissement, le 8 février 1913, communiqué au conseil municipal du Cateau qui donna un avis favorable, il combattait l'avant projet du tracé ; celui-ci desservait Bousies, Le Pommereuil, Montay, pour aboutir au Cateau, sur la Route départementale n° 10, au carrefour d'avec le Chemin du Tordoir, à l'endroit vulgairement appelé « le Palais National » ou « Palais royal »... là où Louis XVIII, rentrant à la suite des armées anglaises en 1815, reçut les premiers hommages des Catésiens. Ce lieu dit est à 1 200 mètres du centre de la ville, et sur la rive gauche de la Selle.

« Or, développait le rapport, c'est la rive droite de la rivière qui est le centre vital de l'industrie et du commerce de la cité ». Et M. Carpentier-Risbourg citait : la fabrique de tissu de Port-Arthur (rappelant la guerre russo-japonaise et l'héroïque résistance de nos alliés russes), située près de la Halte du chemin de fer de Valenciennes, sur le Chemin du Corbeau...

Les établissements Degremont, machines agricoles, Rue de Landrecies : même rue, le commerce de bois de M. Boulogne ; le garage d'automobiles Deshaye ; les marchands de fer : Méresse, Cottiau, Bracq ; la fabrique de tulles de Mrs. Picard ; les machines agricoles Flaba Thomas ; les magasins de bois de M. Boulogne se suivaient Rue du Maréchal Mortier. Plus près de la gare, les céramiques Simons (que le Catésiens appelaient « la carreautorie »),et les émailleries Dupont.

Sans compter les études de notaires, huissiers, les cabinets médicaux s'étageant sur la rive droite de la Selle.

Et M. Carpentier Risbourg terminait son plaidoyer pour la prospérité du futur tramway par cette formule : « Sans témérité, on peut dire, hors de là, point de salut... (le terminus de la ligne devrait aboutir en ces quartiers du Cateau...). Puissent ces doléances être entendues de qui de droit... »

Mais, comme le projet de canalisation de la Selle, le tramway du Quesnoy n'eut pas lieu... Le tramway de Solesmes – Avesnes disparut rapidement après la guerre, devant la concurrence des autocars et automobiles...

Tramway de Catillon au Nouvion

La demande de M. Thomas, souhaitant que la ligne du Cambrésis fut prolongée de Catillon jusqu'au Nouvion, ne fut pas prise non plus en considération par la compagnie.

La formation professionnelle des jeunes ouvriers préoccupe nos édiles. M. Deloffre, ingénieur et directeur des Établissements Phébus, fait la critique du cours d'atelier professé au Collège par M. Gressier. La valeur du professeur est hors de cause, car il est l'esclave d'un programme qui ne convient pas à une ville industrielle : on y a besoin d'ouvriers capables, et les résultats de l'école de dessin et métiers sont loin d'être en rapport avec les sacrifices consentis par la ville. Il appert de l'enquête, que deux enfants seulement de l'école communale suivent le cours de M. Gressier... répond le principal ; peut être qu'en fixant à 6 heures du soir, après la sortie des ateliers, l'heure des cours, les apprentis y viendraient plus nombreux... ; Les collégiens qui suivent les cours pratiques, n'en sont que les auditeurs occasionnels, à défaut des jeunes ouvriers pour qui ces cours ont été créés.

Collège

Les collégiens des classes de sciences eurent à leur disposition un cabinet de physique, grâce à l'acquisition de précieux appareils cédés par M. Compère, propriétaire au Cateau... et aussi les collections de géologie, minéralogie, pétrographie, données à la ville par M. Martin, professeur de sciences au collège.

… Un aéroplane qu atterrit dans une pièce de terre de M. Lestoquoy, y faisait 60 francs de dommages, le 21 août, attira bien des curieux et la jeunesse, alors en vacances.

… La guerre de demain, par la capitaine Danrit, où l'on prévoyait le futur essor de l'Armée de l'air, faisait alors la lecture favorite des jeunes étudiants... Arme de guerre et rapide moyen de transport sanitaire, l'avion était, à la fin de 1913, l'espoir aussi de la Croix-Rouge, pour l'évacuation éventuelle des grands blessés.

Un comité de Croix-Rouge affilié à l'Union de femmes de France (U.F.F.), existait au Cateau. La ville en était officiellement membre honoraire par la cotisation annuelle de 10 francs... Par un juste souci d'économie de ses finances, elle refusa même cette somme à la ville de Bergues, qui élevait au poète Lamartine, député du Nord sous la Restauration, un monument...

La générosité de la famille Sieber légua, en octobre 1913, à l'Hôpital Paturle, le somme de 10 000 francs plus la nue propriété de 60 000 francs, dont l'usufruit restait à Mme Veuve Henri Sieber ; ce fut le legs Henri Sieber, continuant la bienfaisance de la firme Seydoux et Cie, envers l'hôpital, œuvre charitable de ses premiers fondateurs.

La libéralité de M. Albert Seydoux, député, se manifesta, au début de 1914, envers la Société de gymnastique L'Alerte ; il paya la moitié des frais de réfection du plancher de leur salle, soit 2 530 francs.

1914

Mort de M. le Maire

Après une longue maladie, M. Lecomte, maire du Cateau, employé principal des Établissements Seydoux, et père du Dr Lecomte du Nouvion, mourut ; le 1er juillet 1914, M. Boulogne, premier adjoint, prononça son oraison funèbre : « Cloué sur son lit de douleur, rongé par le mal destructeur, il avait les deux vertus civiques : honnêteté et responsabilité. L'implacable mort, faucheuses des consciences droites, nous l'a dernièrement ravi ».

M. Boulogne, maire

Le 12 juillet, M. Albert Boulogne était élu maire, et M. Thomas, deuxième adjoint. La mobilisation générale du 2 août 1914 appelait au camp retranché de Maubeuge le capitaine Albert Boulogne, officier de réserve. M. Émile Picard, premier adjoint, déclarait le 8 août le conseil municipal en session permanente. Dans son allocution, il saluait la Belgique... qui donnait alors au monde un admirable exemple : depuis quatre jours, elle immobilisait sous les murs de Liège une armée allemande... L'implacable faucheuse, évoquées par le capitaine Boulogne le 1er juillet, ravageait bientôt la terre de France.

Arrivée des Anglais, 22 août

Le Cateau fut le premier siège du quartier général de l'armée britannique, dont les forces arrivaient dans le Borinage le samedi 22 août. Sir John French s'établissait au Palais des seigneurs archevêques, et ses services fonctionnaient dans les deux écoles Fénelon. La ligne, choisie par le généralissime, allait de Condé à Mons, le long du canal unissant ces deux villes, puis de Mons à Binche.

Le même jour, 22 août, les Allemands s'étaient emparés des passages de la Sambre entre Charleroi et Namur, forçant les Français à se replier.

24 août

… Et le 24, Sir John French effectuait à son tour une retraite sur Maubeuge ; l'ennemi occupait alors Mons. Sir Douglas Haig, commandant la 1ère division britannique, se retirait vers 7 heures du soir, sur la ligne Bavay-Maubeuge.

25 août

La pression allemande augmentait le mardi 25 août. La retraite recommença sur la ligne Le Cateau-Landrecies-Cambrai.

Dès l'aube, tous les services de l'état major britannique s'étaient repliés sur Saint Quentin. « Tous les bâtiments du Palais épiscopal et des écoles furent évacués », écrit Jean Hennessy (N.B. 1), qui demeura au Palais avec l'arrière garde, et écrivit une relation colorée de ses souvenirs catésiens en 1917 (L'Angoisse, pages 87 à 102, dans La Mort de l'Aigle)

B.B. 1

Jean Hennessy, attaché alors à l'état major britannique, député de la Charente, puis ambassadeur de France à Berne (cognac 3 étoiles, époux (de) Constance Maille, de la Comédie française)

Cf. La Mort de l'Aigle : En cette mémorable journée du 25 août, le hasard fit défiler sur la place du Cateau, carrefour de routes, tous les figurants de la grande épopée qui commençait.

« Des camions de toutes formes et de toutes couleurs, rehaussés par les réclames des commerçants anglais, omnibus dont les pancartes étaient encore visibles sous la légère couche de peinture verte, avaient vidé matériel des bureaux et secrétaires... suivis par les rapides et presque silencieuses automobiles chargées d'officiers (en kaki, ou en costume national écossais, highlanders à petite jupe, qui avaient eu tant de succès au Cateau). »

La garde du quartier général, faisant route à pied, était partie musique en tête... le vent du sud nous apportait ses notes affaiblies.

La retraite générale était commencée.

Un avion allemand survolait Le Cateau, dans la matinée, épiant les mouvements de repli.

Le commandant de Boigne, raconte Jean Hennessy, assis par terre, sa mitrailleuse à l'épaule, le vise : fut-il atteint ? Hennessy le croit : « comme un grand oiseau blessé, il va s'abattre au loin ».

Il était dix heures du matin. La place resta déserte jusque midi, où les défilés commencèrent. « Régiments britanniques débarqués en hâte des trains », ils ne sont plus, les soldats, comme les premiers arrivé, ceints de lauriers ou ornés de gerbes de fleurs... le fusil porté à volonté, encadrés de leurs officiers, la badine à la main, ils vont prendre position sur des tranchées à demi creusées le matin même au sud de la route du Cateau à Cambrai.

Nos cavaliers français défilent... ils font partie du corps Sordet qui s'avança glorieusement jusqu'aux portes de Liège. La cavalerie se porte maintenant de la droite de l'armée britannique à sa gauche. Sur des chevaux harassés, ils avancent. « Les rouges et les bleus de nos chasseurs, cuirassiers et dragons tranchent gaiement sur la tenue kaki de nos alliés. La colonne presse la marche. D'Andigné, conseiller municipal de Paris, François de la Bégassière passent... ils ont juste le temps de serrer la main de leur ami Hennessy. »

… Puis viennent les files de réfugiés, des blessés... territoriaux empilés sur des charrettes ou se traînant à pied (certains, épuisés, sont hospitalisés à l'ambulance de la Croix-Rouge, installée au collège). Beaucoup sont sans armes, couverts de capotes flottantes ; des Belges, à la recherche de leur unité, des réfugiés... qui fuient vers le centre de la France...

Le capitaine Maignier est demeuré avec Hennessy pour le service du téléphone ; il recueille les télégrammes sur des feuilles des cahiers, déjà calligraphiées par des mains enfantines, seul papier dont il dispose encore. De temps en temps, il communique à son compagnon les nouvelles... qui sont mauvaises.

Les Allemands avancent en masse serrée. L'armée anglaise qui était menacée de flanc est vigoureusement attaquée de front par surcroît ; elle ne peut tenir ses positions.

La retraite était ordonnée sur la ligne Vermand – Saint Quentin – Ribemont. La cavalerie du général Allenby doit la couvrir.

D'après les documents officiels, publiés par La Guerre universelle à Bruxelles en 1915 chez Leemans et Mabille, 126, rue Champ du Roi : « Les belligérants aux prises dans le sud du Hainaut et dans le Nord de la France » (prix 0,25 frs).

Soirée du 25, 1er Corps britannique

Le 25 août au soir, le 1er Corps britannique suivant la lisière de la forêt de Mormal, arrivait à Landrecies à 10 heures du soir... Le général French aurait voulu l'emmener plus à l'ouest, pour combler la lacune entre Le Cateau et Landrecies... trouée ouverte à l'invasion.

Mais le 9e corps allemand, arrivant à Landrecies, au travers de la forêt, attaquait la 4e brigade de la garde au nord de la ville.

… Et en même temps, la 1ère division, commandée par Sir Douglas Haig, était violemment engagée au sud et à l'est de Maroilles ; deux divisions de réserve française l'aidèrent à la résistance.

Dans la nuit, Sir Douglas Haig parvenait à se dégager et à l'aurore du 26 août, il se retirait sur la ligne Wassigny-Guise.

2ème corps britannique

Le général Sir Horace Smith-Dorrien, protégeant la retraite du second corps, qui le 25 août, à 6 heures du soir, occupait la route du Cateau à Caudry. La défense était ensuite prolongée jusqu'à Séranvillers, vers Cambrai.

BATAILLE DU CATEAU

26 août 1914

Le 26 août, à 5 heures du matin, les Allemands, entrant au Cateau par la Route de Landrecies et le pont de Basuel, livraient des combats de rue avec l'arrière garde du général Dorrien, dont les forces étaient sur les hauteurs de Reumont.

Un duel d'artillerie commence au dessus de la ville, vers 10 heures. Les shraphells sifflaient au dessus des toits, des incendies détruisaient des maisons, Rue de Landrecies, non loin du pont de la ligne de Solesmes, la maison Ducancelle, près de la ferme Gérard, au carrefour de l'octroi, l'immeuble Egret, face au Palais Fénelon, au bas de la Place.

Les blessés de l'ambulance installée au collège étaient grisés par l'odeur de poudre et de fumée... ils voulaient partir, se battre, ou être évacués... impossible ! Des officiers anglais, des simples soldats, des territoriaux français appartenant au 27e régiment décimé la veille près de Landrecies à Fontaine-au-Bois, allaient être faits prisonniers avec le personnel de la Croix-Rouge, dont le fanion claquait au vent sur le clocheton du vieux bâtiment des régents de la Compagnie de Jésus, fondateurs du collège.

… à 15 heures, l'ordre de retraite était donné aux Anglais, qui se retiraient sur Busigny, devant un adversaire dix fois supérieur en nombre, et dont les effectifs continuaient à grossir.

Ils laissaient sur le champ de bataille de nombreux blessés ; des brancardiers volontaires les ramassaient... L'église de Reumont, les fermes, la grande cense de la Feuillée à Montay, en étaient remplis, ainsi que d'Allemands, car le défense anglaise avait été opiniâtre et dure... Les écoles du Cateau, magasins, maisons particulières (N.B. 1) en accueillaient. Les plus atteints commencèrent à affluer au collège, où, vers 4 heures, les Allemands étaient entrés, prenant possession de l'hôpital.

« Si Le Cateau n'avait pas eu la Croix-Rouge, Le Cateau, kaput », déclare le premier officier qui brandissait un revolver.

Dans l'église furent enfermés les prisonniers français et anglais, sous garde des soldats au casque à pointe...

N.B. 1 : « Le grand Turc » (maison Divry), Rue de France, la fabrique Regnaudin, Rue du Pont Fourneau, entr'autres.

La bataille du Cateau fit des morts : 350 Anglais, 175 Allemands.

(Discours du pasteur le 29 août 1915)

Huit ans et demi d'occupation en trente ans

Ainsi commença le 26 août 1914... une nouvelle occupation ennemie du Cateau.

Au cours de la Grande Guerre 1914-1918... 1ère partie de la guerre européenne de 30 ans (discours du général de Gaulle du 14 octobre), dès l'armistice du 11 novembre 1918, la guerre économique reprit. La désunion des Alliés, les rivalités commerciales, les remous politiques, le relâchement des alliances, permirent à l'Allemagne de préparer une terrible et scientifique revanche...

La 2ème partie de la guerre reprenait avec l'occupation par le Reich motorisé, du chancelier Hitler, réincarnation de l'âme guerrière germanique, de l'Autriche, de la Bohême... de la Pologne, et les Anglais, suivis des Français, reprirent les armes le 2 septembre 1939...

En 30 ans, Le Cateau connut plus de 8 années d'occupation allemande, dont les 4 dernières débutèrent le 18 mai 1940 pour finir le 3 septembre 1944... ; les divisions blindées américaines, le soulèvement des Forces Française de l'Intérieur, délivrèrent notre ville.

8 années en 30 ans ! 8 années et 6 mois, 8 années et demi, pour la seule moitié du 20e siècle !

L'union des Français, la concorde des Alliés, sauront-elles la préserver pour longtemps d'une nouvelle invasion ? (16 octobre 1944)

27 août 1914

… Pendant plus d'une semaine, ce fut dans les rues de la ville, le défilé des bataillons allemands, allant vers Paris, « Nach Paris ! ». La route de Paris, demandaient les hommes, et si c'était bientôt. De la terrasse du collège, on voyait leur passage, Rue de la République, montant vers Busigny, Bohain, les officiers à cheval, que caparaçonnaient leurs longues capes gris fer, au col bleu ou rouge... les pointes des casques brillaient au gai soleil d'août. Le bruit des caissons d'artillerie, des fourgons qui martelaient le sol servait d'accompagnement à leurs chants patriotiques... le « Wacht am Rhein », la garde sur le Rhin, l'hymne orgueilleux du Deutschland über alles, l' « Heil dir im Sieger Kranz, heil Kaiser dir », hymne prussien... chanté sur la même musique de Haëndel que le « God save the King » anglais, ou le lent défilé au son aigrelet des fifres.

Ils avançaient... vers Noyon, Chauny, La Fère. Les Anglais, en une retraite remarquable, reculaient, d'accord avec le généralissime Joffre, sur la ligne Compiègne-Soissons.

29 août

… La 5ème armée française tenait encore la rive droite de l'Oise, entre La Fère et Guise. Que d'espoirs provoquait la canonnade vers Guise ! … mais le canon se tut. Parmi les chefs glorieux de Guise, il y avait Giraud.

Puis, Maubeuge tenait toujours... Maubeuge, la forteresse réputée imprenable. Quelle désillusion lorsqu'on apprit sa reddition, le 8 septembre... L'artillerie de siège fut alors transportée sur le front de l'Aisne.

Le travail ne manquait pas au collège où il y avait, le 4 septembre, 80 grands blessés : 9 Français, territoriaux du 27e territorial, 38 Anglais, 33 Allemands.

Beaucoup étaient restés plusieurs jours sans pansements dans l'église de Reumont, à la Feuillée de Montay, à Troisvilles. Le tétanos fit des ravages parmi les blessés, couchés dans les écuries des fermes. Le sérum antitétanique vint à manquer... et l'on revit les terribles souffrances des pauvres « tétaniques », comme avant les découvertes de Pasteur, isolés dans le rez de chaussée de l'école primaire adjacente au collège. Lorsque le sérum arriva, on put en sauver, dont de robustes Anglais d'Ecosse.

Les Anglais blessés provenaient des régiments suivants : Middlesex (Middelsex Regiment), Argyll and Sutherland (Argyll and Sutherland Highlanders), Royal Field Artillery, K.O.Y.L.I. (King's own Yorkshire Light Infantry), Suffolk (Suffolk Regiment), Manchester (Manchester Regiment), Glosters (Gloucestershire Regiment).

Quatre officiers anglais, lieutenants du Cornwald et Suffolk Regiment, et deux majors, étaient à l'ambulance. Le major R. Archibald Birley, blessé à Troisvilles, R.F.A., 8eC bataillon, et le major Petavel (P.G.) Duke of Cornwall's light infantry.

Le Docteur Dreentshiel, médecin militaire anglais, fit les premières urgences chirurgicales... avant l'arrivée de médecins généraux allemands, accompagnés de chevaliers de l'ordre hospitalier de Malte. Le Professeur Rumpell (N.B. 1), de Berlin, spécialiste des voies urinaires, fit l'extraction d'une balle dans la vessie du territorial français Hallopé... Les Professeurs Kümmel de Hambourg et Dier opérèrent aussi au début de septembre.

Les médecins allemands disaient que l'entrée à Paris était proche... que leurs troupes atteignaient la Marne, la franchissaient le 5 septembre, occupaient Meaux.

Le 6 septembre commença la bataille de la Marne, Joffre le taciturne la gagna... Le 10 septembre, les Allemands reculaient sur la ligne Soissons-Reims, où le front se stabilisa.

N.B. 1 : Pr. Rumpell, chirurgien consultant (beratender) du 3e corps d'armée (III A. ?)

11 septembre, garnison allemande

Le Cateau reçut le 11 septembre une garnison de 350 hommes, aux frais de la ville. Leurs frais d'entretien s'élevaient à 1 Fr 50 par journée de soldat, lourde charge pour notre cité, qui avait 4 000 chômeurs sans travail et leur famille. Le pain valait alors 1 fr 05 les 3 Kilogs, le lard 1 fr 20 la livre.. alors que le porc n'était acheté que 50 francs les 100 Kilogs chez le fermier. La vie chère commençait. Pour suppléer au manque de numéraire, une émission de bons de la Chambre de Commerce de Cambrai, pour 25 000 francs, fut faite au profit de la ville du Cateau.

15 septembre, otages

Le 15 septembre, les Allemands exigeaient des otages permanents. 18 personnes honorables du Cateau devaient, à tour de rôle, rester enfermées, à la disposition du Kommandant de place, 24 heures durant, de 15 heures de l'après-midi jusqu'au lendemain même heure, dans un local assigné. 170 furent désignés pour Le Cateau. 20 noms furent tirés au sort pour les 20 premiers jours.

22 septembre

Le 22 septembre, tous les hommes mobilisables étaient enlevés sur l'Allemagne.

4 octobre

Le 4 octobre, l'occupant exige le paiement des contributions dues au gouvernement français, pour la période du 1er septembre à la fin de l'année, car il déclare se substituer à l'état légitime. On transige pour 40 000 francs... le chiffre des réquisitions dépasse déjà à ce jour 450 000 francs. Un nouveau prêt de bons monnaie et consenti au Cateau par la Chambre de Commerce de Cambrai pour la somme de 60 000 francs.

3 novembre, Le Cateau, ville hospitalière

On apprend, le 3 novembre, qu'une ambulance pour blessés sera installée prochainement à l'école des filles (Palais et école Fénelon). Il faut y installer 200 lits. La ville du Cateau doit faire les frais d'installation. Petit à petit, la ville aura à hospitaliser 1 000 blessés et plus. Les magasins Seydoux seront utilisés comme lazaret. La maison d'habitation, dans le jardin, est réservée pour les officiers blessés (le château Seydoux). Ordre est donné par le commandant de place Haertel (Etappen Kdtur Haertel), de préparer immédiatement des chambres et de les chauffer.

Mrs André Seydoux et Constant Boudard, délégués de la Croix-Rouge, sont invités à s'occuper de ce service, et de le rattacher à celui des Dames A.D.F. (Association des Dames françaises), qui a installé et entretient l'ambulance de la Croix-Rouge du collège (en allemand : le Lazarett College).

Fusillades de colombophiles

Le 27 novembre, on apprenait au collège, avec une douloureuse indignation, l’exécution de deux membres de l'ambulance, M. Alfred Lhomme, pharmacien, et son collaborateur M. Henri Lallier, aide-pharmacien... ainsi que celle de M. Marcel Deloffre, maçon. C'étaient des « coulonneux », suivant le mot pittoresque du patois, des colombophiles qui avaient été arrêtés et fusillés le matin même, à 7 heures, Route de Richemont, face au dépôt d'ordures de la ville, en haut du quartier Saint Donat, par ordre du commandant Haertel, sans jugement.

Cette tragique nouvelle était confirmée par des affiches rouges, en allemand et en français, où le commandant Haertel annonçait l'exécution des trois Français, et la déportation en Allemagne, de Madame Lhomme (affiches conservées).

Le 24 novembre, à 3 heures de l'après midi, avaient déjà été fusillés, le fermier de la Haye Tonnoille, territoire de Catillon, et sa femme « Joseph Cyrille Gosse et Clémence Gosse », parce que, déclarait une affiche jaune, « ils avaient sciemment contrevenu à l'ordre que j'avais donné d'avoir, sous peine de mort, à remettre à la Kommandantur, les pigeons voyageurs.

Celui qui ne se soumettra pas à cette injonction sera fusillé sans autre formalité ». Signé : Haertel (affiche conservée).

Après la guerre, une stèle de granit fut élevée à la mémoire des malheureuses victimes, et la Rue Saint Donat prit le nom de Rue des Fusillés civils.

… En 1940, les Allemands brisèrent le monument qui portait sous les noms des cinq fusillés, l'inscription : « victimes de la barbarie allemande », et ordonnèrent de changer le nom de la rue (N.B. 1).

N.B. 1 : En 1944, non loin de là, le 3 septembre au matin, tombèrent sous les coups des mitraillettes allemandes, Albert Moguet et Gaston Avoine, le jour de la libération du Cateau, sur la Route de Richemont.

Dissolution de l'ambulance française au collège

… La mort tragique de M. Lhomme et de ses compagnons d'infortune, assombrit les dernières semaines de l'ambulance française du collège. Le 5 janvier 1915, elle devenait le Lazarett III. Les derniers blessés anglais et français étaient évacués sur l'hôpital Paturle, et le personnel de la Croix-Rouge de Paris et du Cateau remercié...

Le 26 août 1916, lors de l'inauguration du cimetière d'honneur de la Chaussée Brunehaut, la major von Helldorf, Kommandant de place, rendait hommage aux soins empressés de la « charité prévoyante française » qui, deux ans auparavant, et jusqu'au 5 janvier 1915, furent prodigués aux blessés des « meilleures troupes anglaises », et des « valeureux régiments du 4e corps allemand »,  s'affrontant sur la vieille chaussés romaine, le 26 août 1914.

1915

9 janvier

Comme étrennes, l'autorité occupante réclama le paiement intégral et immédiat des impôts du 1er trimestre qui commence. 73 764,55 (francs) sont à payer à l'Etappen Kommandantur Haertel, pour l'Etappen inspektion de la 2ème armée. Malgré les réclamations, il faut payer le tout, et sans délai, paiement que facilite M. Hélot, président de la Chambre de Commerce de Cambrai, faisant fonction de sous préfet.

Menace de disette, malgré la farine vendue par M. Dufresnois, minotier, à 33 francs les 100 Kilogs... On rationne le pain le 1er février à 300 grammes par jour... A Neuvilly, la ration est de 250 grammes ; en mars, elle n'est plus que de 140 grammes... de pain gris et indigeste (N.B. 1) ; les choux navets sont les légumes les plus abondants. Pendant 3 mois, la vie sera très difficile.

N.B. 1 : Au début de mai, il est noir, gluant ou troué, jusqu'au 9, où les farines américaines permettent d'octroyer 250 grammes de pain presque blanc, qualité et quantité malheureusement éphémères !

28 février

Une demande de ravitaillement est faite au comité national de secours et d'alimentation en Belgique pour la nourriture du canton qui compte 27 000 habitants. Des démarches sont faites auprès des ministres d'Espagne et des États-Unis pour obtenir des vivres.

Le « Relief for Belgium », dont le président est M. Hoover, d'accord avec M. Franqui, président du comité exécutif du comité national belge, accepte de nous ravitailler. M. Louis Guérin, de Lille, obtint des passeports pour Berne et Paris. Le Nord de la France formera la 11 e province de ravitaillement. M. Gibert, premier adjoint faisant fonction de maire de Saint Quentin, sera à la tête du comité central de la région occupée par la 2ème armée allemande. Mrs Émile Picard et Seydoux y représenteront Le Cateau.

Le lard d'Amérique, les simili cafés appelés Torréaline, Mokatine, Cacaolactine, « de souvenir peu agréable », note le registre (rapport pour la demande de croix de guerre pour la ville du Cateau en 1919), remplacent la bière absente, et le vin, enlevé des caves par des équipes allemandes spécialisées qu'on appelle « les pillards », et qui sont experts à trouver les cachettes, et à démurer les bauves profondes.

Nouvelles des prisonniers

Le 7 avril, une lettre de M. Boulogne, maire, en captivité, fait prisonnier à Maubeuge, est lue au conseil municipal. M. le Maire est interné dans une citadelle sur les bords de l'Elbe, avec d'autres officiers catésiens, Auguste Grozo, Léonce Delattre ; il a eu des nouvelles de sa chère ville par des officiers anglais qui y furent soignés, et des officiers français restés plusieurs jours prisonniers dans notre église... Le gros lot des prisonniers catésiens (Laude, Robert, Beauvois, etc), 130 environ, est au camp de Friedrichsfeld par Wesel. Son fils, Albert Boulogne, est promu lieutenant. Il annonce la mort de M. Henri Lozé, ancien ambassadeur de France à Vienne, et sénateur du Cateau, et la blessure du jeune Hautcoeur, « qui a reçu deux balles dans le pied, et retourne au front prochainement »... (N.B. 1)

N.B. 1 : « Le jeune Auguste Hautcoeur, catésien de naissance, fit son chemin. Colonel en 1940, breveté, professeur de l'école de guerre... il était en mai 1940 aide de camp attaché à la personne du roi des Belges, qu'il quitta pour gagner l'Angleterre sur un torpilleur qui l'embarqua sur la plage de Zuydcoote, lors de l'encerclement de la zone de Dunkerque.

Les fonctions de maire, en zone occupée, ne sont pas une sinécure ; le maire de Neuvilly est amené prisonnier au Cateau le 6 avril, responsable de l'évasion de 4 conscrits de 18 ans, (avec en plus une) amende de 1 000 francs.

Les amendes coûtent cher : le 25 mai, la ville du Cateau fait un nouvel emprunt à la Chambre de Commerce, de 290 510,35 (francs), dont 6 050 pour amendes dues par détenteurs de pigeons voyageurs... déclarés en novembre, lors des tragiques fusillades.

Ateliers de charité

Les chômeurs aussi sont à nourrir... comme dans les jours pénibles de l'histoire du Cateau, un atelier de charité est ouvert pour occuper les sans travail. L'aqueduc de l'octroi jusqu'à l'estaminet « Au dernier sou », est obstrué ; on y travaille, Rue Pétel, Route de la Gare... Il évacue les eaux du plateau supérieur de la Route de Guise... la boue l'a comblé, d'où inondations : maison Grozo, de la borne du Tambour à l'octroi.

Les chômeurs ont aussi à curer la Selle, puis la Fontaine à gros bouillons envasée : le débit des sources n'y est plus, d'après M. Hollande, agent voyer, que de 18 litres à la seconde, au lieu des 35 litres primitifs.

Mai 1915

Les noms des rues principales sont germanisées. Il y a la Bismarckstrasse, la Moelkestrasse. La Chaussée Brunehaut devient la Roemenstrasse (chaussée romaine). Sur la grand place, Kaiser Wilhelm Platz, la musique militaire donne souvent des concerts, « aubades matinales », dès 7 heures du matin. On se réveille au son de l'Ouverture de Tannhaüser ou de Guillaume Tell. L'après midi, les petits blessés du Lazarett Seydoux, portant le calot rond avec la cocarde aux couleurs régionales (noir et blanc, Prusse – bleu et blanc, Bavière), viennent écouter la musique « du Strausse, du Suppé » (Poète et paysan), des Marches de Schubert, et souvent le chant populaire mélancolique de « J'avais un kamarade... et il n'est plus ».

Le soir, le couvre feu est à 7 heures... puis 8 heures le premier mai... Les gosses détalent en criant : vla les gendarmes », lorsque le trompette aux larges épaulettes bandées d'or, sonne la retraite aux notes lugubres...

A midi, est affiché près de la statue du Maréchal Mortier, (affublé un jour de propagande d'emprunt, d'un casque à pointe), le communiqué ; il apprend la déclaration de guerre de l'Italie à l'Autriche le 21 mai, nouvelle que les jeunes gens de 17 ans enfermés à « l'hôtel des haricots » (ancien couvent des sœurs de la Rue Cuvier), saluent d'une vibrante Marseillaise.

La Gazette des Ardennes, publiée en français par les Allemands, qui paraît deux fois par semaine, et est vendue un sou, est très lue, à cause des listes de prisonniers français, camp par camp, insérées dans chaque numéro. Les nouvelles y sont naturellement présentées de façon tendancieuse, mais on y apprend le torpillage du Lusitania le 7 mai, paquebot transatlantique anglais, victime (d'un) torpillage total... et les protestations véhémentes des Américains : sortiront-ils bientôt de leur neutralité ?

A côté des défaites russes sur les Carpathes, en Galicie, en Pologne, en Lituanie jusque Riga, les Catésiens y apprendront le débarquement des Dardanelles, et l'expédition de Salonique en Grèce.

On entend souvent le canon, sur le front entre Lens, Arras et Noyon... et souvent le bruit court d'une avance foudroyante des poilus français et des tommies anglais... suivi d'accablantes déceptions, bientôt chassées par un renouveau d'optimisme.

… L'Italie en guerre ! Raison d'espoir que cette rupture de la Triplice, dont le grand état-major allemand se plaint amèrement, « coup de poignard dans le dos par l'ancienne alliée ! »

En mai, des affiches vertes signées Von Nieber, Inspecteur d'étapes, menace de peine de mort les soldats cachés, leur receleurs, les détenteurs d'armes et de pigeons voyageurs. D'autres affiches interdisent de laisser vagabonder les coqs dans les rues... Le cocorico du gallinacé gaulois empêche Messieurs les officiers de reposer... chiens et chats doivent être « muselés ». Les chats ont été désignés par erreur.

Cependant, le ravitaillement s'avère insuffisant, avec à nouveau le pain gris, puis noir, et les rations de 140 grammes de riz par quinzaine (pour dix centimes).

13 juillet

En juillet, M. Hélot, sous préfet de guerre, écrira à l'ambassadeur des États-Unis à Berlin pour exposer le dénuement des populations, du aux énormes et insatiables réquisitions allemandes. Les cuivres, objets en bronze, laiton, nickel, sont réquisitionnés en juillet (N.B. 1) ... Le salut aux officiers est obligatoire en août... dans certains villages, les sous-officiers l'exigent des civils (N.B. 2). Les bouteilles vides, les sacs, les cobayes, sont réclamés par les Allemands... Puis ce sont les cloches... après qu'elles auront, à toute volée, sonné les victoires allemandes sur le front russe... désespoir des Français, qui comptaient tant sur le « rouleau compresseur » de l'allié, et l'aide du Tsar.

En attendant, des inspecteurs allemands visitent les écoles ; ce sont des pasteurs aumôniers militaires qui interrogent les enfants, conseillent de ne faire la classe que quinze jours par mois, en juin, juillet, août, septembre, s'étonnent que sur les cartes de France dessinées par les élèves, l'Alsace et la Lorraine soient marquées d'une couleur spéciale... « Mais, mes filles ne sont point parfaites », répond l'institutrice, Mlle Zélie Deudon, de Neuvilly...

L'église du Cateau devient, le dimanche, « la Garnisonskirche » (inscription des cartes postales), où l'intérieur de la Salle des fêtes avec baignoires remplies de tripailles et cochonnailles, les porcs pendus aux balcons, est ainsi libellé « Fabrique de saucisses de porc de la garnison »).

Tour à tour, catholiques et protestants s'y succèdent. Un secrétaire de la Kommandantur tient les orgues bruyamment. En juillet 1915, le dimanche 11, le pasteur catholique fit son sermon sur Hindenburg (N.B.), « ce qu'il a voulu, il l'a réalisé ».

N.B. 1 : En août, on démonte les cuves (et) tuyaux de brasserie.


N.B. 2 : Affiche du 4 août : « L'impolitesse visiblement croissante de la population à l'égard des membres de l'armée allemande, m'oblige, etc »... et la manière de saluer est spécifiée minutieusement, « chapeau bas, etc ».


N.B. 3 : Hindenbourg, « le maréchal von Benckendorff et von Hindenbourg, vieux général prussien mis à la retraite, et rappelé en 1914, pour arrêter les Russes déferlant en Prusse orientale, ce qu'il fit aux Lacs Masuriques, en une sensationnelle manœuvre d'encerclement. Idole du peuple allemand, on lui éleva de colossales statues de bois, cheveux hérissés en brosse de fer où l'on piquait comme sur une pelote, les clous marquant les souscriptions aux emprunts de guerre : « der eiserne Hindenbourg », le maréchal de fer. »

L'anniversaire du Kaiser était célébré par un service divin mixte (Festgottesdienst, N.B. 1), le 27 janvier, jour de la naissance de Guillaume II, empereur d'Allemagne et roi de Prusse, et par des chants, festins et libations où coulait le bon vin de France pillé dans les caves...

Le départ du premier lieutenant (oberleutnant) Schwaar, adjudant du Kommandant Haertel, fut le 27 mars 1915, l'occasion d'un banquet et beuverie sensationnels... En souvenir de cette soirée où Heidsieck, Bénédictine, et bière brune coulèrent à flots, un curieux document a été conservé : narration sur un parchemin de cette cérémonie... rappelant les estudiantines prouesses des universitaires allemands.

Hélas ! Les officiers de la Kommandantur Haertel ne se contentent pas de ces bruyantes et intimes agapes !

14 juillet 1915

… Un ordre du Kommandant fait enlever au cimetière les rubans tricolores nouant les gerbes déposées sur les tombes des soldats anglais et français... sur celle de Mr Lhomme... déposées en masse, le jour de la fête nationale ! Les enfants ont des cocardes tricolores … les fillettes, des rubans dans les cheveux, ce 14 juillet.

On attend quelque chose... un raid d'avion comme le 15 mai, où la gare fut bombardée, et le pavillon du sous-chef incendié. On entend le canon... mais il n'arrive le soir, comme français, que les otages de Beaumont, Saint Souplet, Maurois, Honnechy, notables incarcérés pour le non paiement des contributions ; ils passent à pied, sous une pluie torrentielle.

Car 73 764,55 (francs) d'impôts directs devaient être payés pour le 13 juillet... pour le trimestre en cours.

N.B. 1 : Programme du Festgottesdienst : zu Ehren des Geburstages Sr. Majestät Königs und Kaisers, mercredi 27 janvier 1915, en l'église du Cateau.


N.B. 2 : Pergamentum für ewigen Grund und Gedauchtnis

« splysen und humpiren zur abchiesfeyer des trunk und ehrenvesten und tregend beruemhten Herrn oberleut. Und adjutant Schwaar... » etc

et à la fin, « Es lebe der Kayser und seine Kriegsleut »

(Contraste du menu avec celui des civils, où le riz aux oignons voisine avec le gâteau aux carottes) 2 août 1915

26 août 1915

L'anniversaire de la bataille est célébré par une messe, avec la Croix-Rouge au chœur, les soldats allemands dans la nef, avec allocutions du doyen Méresse et du pasteur catholique Janssen. L'état-major de la Croix-Rouge est clairsemé... Mme Leppert et ses collaboratrices, arrivées au Cateau en août 1914, ont été rapatriées par Carlsruhe et la Suisse ; elles ont quitté notre ville le mercredi 9 juin par train allemand.

Le 29 août, nouvelle cérémonie militaire, avec concert spirituel et prêche du pasteur protestant sur la Bataille du Cateau. Une collecte pour un monument commémoratif est faite par des schwester du Lazarett dans des aumônières décorées de houx. Le Kommandant déplacé par intérim, Bück von Wulfingen, est en grande tenue, avec les officiers de Landsturm Kissingen et de Lunebourg, et les médecins du Lazarett Seydoux.

38 uhlans sont arrivés au Cateau la veille... reconnaissables à leur haute lance flammée de noir et de rouge, ils parcourent la campagne, doublant la police de gendarmerie.

18 octobre

En octobre, des blessés remplissent la fabrique Seydoux : victimes de l'offensive de Champagne entreprise par les Français, et qui fut très meurtrière. De nouvelles affiches, signées von Below, général en chef de la 2e Armée, menacent de mort les détenteurs d'armes... le nouveau commandant, le comte von Helldorf, publie une ordonnance analogue. Des arrestations ont lieu (Mme Collery, Rue du Marché aux chevaux, 9 octobre). Le 18 octobre, aux postes de surveillance, à l'entrée de la ville, où l'on vérifie les laissez-passer, on fouille tous les passants, hommes et femmes. Des schwester s’occupent des voyageuses, et la fouille est minutieuse et complète...

Par suite d'attentats sur les lignes de chemin de fer, cinq otages sont désignés dans chaque commune, responsables sur la vie des sabotages éventuels. La Kommandantur du Cateau a désigné M. Émile Picard, Constant Boudart, le doyen Méresse, Jules Dubail, carrossier, et Place Félix, épicier.

30 novembre

Un avis officieux annonce aux conseillers municipaux la mort héroïque de M. Louis Delmar, officier de génie, mort glorieusement au champ d'honneur, en voulant sauver la vie de sept de ses hommes ; il avait épousé Mlle Flaba-Thomas.

La vie devenait de plus en plus difficile. Les bestiaux et chevaux étaient strictement rationnés, comme les humains (2 Kgs de foin par jour). Le pain noir était souvent moisi. Les Allemands avaient fait l'appel des poules, devant obligatoirement pondre et livrer un œuf par semaine. A Lille, le beurre était vendu au prix exorbitant de 18 frs le Kilog, et la viande à 10 frs le Kilog.

Un train d'émigrés était prévu pour évacuer vers la France libre des bouches inutiles...

Le secours aux indigents distribuait par semaine :

  • 2 Kilogs 500 de pain pour 0,90 frs
  • 140 grammes de haricots pour 0,10 frs
  • 440 grammes de riz pour 0,25 frs
  • et 250 grammes de lard ou saindoux pour 0,75 frs

Une distribution de 10 Kilogs de pommes de terre par tête d'habitants était prévue en deux fois.

On manquait de charbon à 30 Kilomètres des mines (100 Kilogs de charbon valaient alors 5,50 frs)... de savon, de sucre, de café (succédanés!), d'allumettes.

De vives doléances sont présentées au lieutenant Neuerbourg, officier attaché au comité de ravitaillement, pour obtenir crédit et achats de vivres... et que Mrs Picard puissent aller à Bruxelles plaider la cause de nos populations affamées.

Le soldats allemands ne manquaient ni de saucisses, ni de delikatessen, dans leurs « Kasinos », ou leur « Kriegerheim » (foyer du guerrier), installé dans le grand salon de l'hôtel de ville.

20 décembre

Le 20 décembre, dans ce grand salon vaste et froid, se tenait une séance du tribunal de guerre, pour juger un inculpé d'espionnage... 5 ans de prison et 3 000 marks d'amende suivent le réquisitoire., et le condamné rejoint la prison Saint Martin. « l'hôtel des haricots », disent les jeunes prisonniers, qui auront leur arbre de Noël dans les locaux du couvent devenu pénitencier. Le jour de Noël, les geôliers chantent des lieder, autour d'un grand sapin... Au poste du calvaire de Montay, les vieux Bavarois de garde ont un arbre tout scintillant en leur corps de garde, et les petits enfants arrêtent les mamans, convoitant avidement étoiles et surtout gâteaux... Pauvre Noël de guerre !

1916

1er janvier - Salves : salut à l'an neuf

Les même Bavarois tirent des salves de coups de feu, de grand matin, pour célébrer le nouvel an, « Gruss Gott, prosit Neujahr ! ». C'est le salut de bonne année de ces vieux guerriers barbus... qui forment les postes de garde à Montay, Rue Cuvier, à l'hôtel des haricots.

Les prisonniers travailleurs civils font de la flamiche avec de la farine provenant de la gare, et des biftecks aux frites, en les cuisant à la graisse enlevée à l'abattoir où ils travaillent... ce sont leurs étrennes !

L'hôtel des haricots

Tout est délabré dans la prison. Au second étage, les anciennes cellules des religieuses sont occupées par les prisonniers de marque (arrêtés pour espionnage, infractions aux ordonnances, refus de réquisition, etc...) ou les femmes « malades » , en attendant leur transport à l'hôpital spécial de Saint Quentin. Dans chaque porte, un œil de bœuf est ménagé, un carton mobile l'obstrue, et les gardiens peuvent les soulever pour leur surveillance. Puces et punaises cohabitent avec les prisonniers, et sont rebelles au phénol et aux insecticides.

Les travailleurs civils logent au premier étage, et au rez de chaussée ; dans l'ancien dortoir du couvent, habite Saint Souplet, « Honneur aux gas de Saint Souplet, Nord », s'étale sur le mur, en gros caractères. Par terre, de la paille, elle remplace tout mobilier.

Dans ce qui fut jadis la pieuse chapelle intérieure des religieuses, un trou béant ouvre le plafond, c'est le chemin de sortie des jeunes prisonniers de la salle supérieure, car l'escalier ordinaire n'existe plus que dans sa partie haute, qui pend lamentablement dans la petite cour voisine. On voit sur les murs et partout les traces du passage des jeunes indigènes de Troisvilles ; une brèche dans le mur laisse voir l'ancienne chapelle publique : plus rien que plâtras, gravats et paille.

Dans la cuisine, des jeunes travailleurs de la Somme fument la pipe, près de gigantesques marmites pour le jus et la gamelle du soir.

Au second étage, les prisonniers détenus ou en instance de jugement, ont vue sur les jardins du presbytère et l'ancien rempart... Ils peuvent de là-haut échanger des signaux (mimique silencieuse, à cause des gardiens et des voisins), avec leurs familles, reçues par le doyen Méresse.

9 janvier

Obligation du port du brassard rouge pour tous les hommes de 18 à 45 ans. L'appel dominical, sur la Place Verte, est l'occasion d'un nouveau prélèvement de travailleurs pour Saint Quentin... 100 jeunes gens sont emmenés vers la gare, escortés de Bavarois, baïonnette au canon... après une nuit glacée, sur de la paille, au gymnase municipal au Cateau.

Et les enlèvements continueront chaque mois... malgré les représentations de la municipalité et de ses deux interprètes Salomon et Büchner, ce dernier dévoué commerçant de la Rue Maris Lorgne, toujours serviable et compatissant.

Le maire, M. Émile Picard, est convoqué en mai, chez le juge de guerre, puis chez le Kommandant de place, le major von Helldorff, qui lui tient ce langage de vainqueur :

« Vous êtes allemand en ce moment et vous devez obéir. Vous avez, au contraire, fait comprendre aux ouvriers qu'ils devaient s'abstenir de répondre à notre convocation. Nous sommes les maîtres. Nous sommes la Force et nous prétendons être obéis »...

Le pain de plus en plus mauvais, souvent sans levure... mou, gluant, indigeste. On notait au Cateau, en mars, les conséquences néfastes sur la santé, (des grains avariés, moisis... ) ulcères de l'estomac, entérites, infections cutanées. Le pain K K allemand est cent fois supérieur, bien cuit et nourrissant. Les corps gras manquent. Le livre de beurre se paie 2 Frs 50, prix excessif, note le registre du Cateau, car les Allemands enlèvent le lait à 1 Frs 20 le litre... Les chaussures manquent. Mais l'optimisme est invincible... le canon sonne toujours...et la formidable explosion qui avait secoué les maisons et réveillé à 3 h. 1/2 du matin les dormeurs au sommeil léger, le 11 janvier, suscite bien des espoirs... c'était une poudrière qui avait sauté à Lille, apprit-on plus tard.

Puis des troupes harassées arrivèrent de Serbie avant l'attaque allemande sur Verdun, le 21 février. Mais « ils ne passeront pas », avait déclaré le commandement français... et ils ne passèrent pas … Des blessés dans les hôpitaux, des formations à regrouper en repos dans les villages, racontèrent ce qu'était l'héroïque résistance des Poilus et l'Enfer de Verdun.

Juillet, la Somme

Le 1e juillet, la canonnade est à nouveau très violente... c'est l'offensive de la Somme qui bat son plein.

4 juillet

Le 4 juillet, la gare du Cateau est bombardée par avions, trois prisonniers civils de 17 et 18 ans sont tués. Hélas ! D'autres jeunes gens vont tomber, victimes d'inanition, « faiblesse générale », porteront les bulletins de décès délivrés par les médecins allemands. Ils moururent d'épuisement, de manque de nourriture, de froid et de faim... et combien, rentrés au foyer, s'éteindront, lentement, minés par la tuberculose.

9 juillet, évacués de la Somme

Chassés de leurs foyers, les évacués de la Somme arrivent au Cateau, d'où ils sont répartis dans les villages du canton. A leur tête est M. Marchandise, notaire de Péronne, et le préfet de la Somme occupée, maire de Péronne, M. …

Le couvent des Clarisses de Péronne est reçu à Montay, dans la ferme de la Feuillée ; cet asile est provisoire, car cette ferme est reprise pour les travailleurs civils. Les 25 Clarisses recevront l'hospitalité de M. et Mme Paul Deligny, à la sucrerie de Montay. Parmi ces pauvres religieuses, les plus âgées n'avaient pas quitté le cloître depuis 60 ans, certaines n'avaient jamais vu de locomotives... et montèrent pour la première fois, non sans frayeur, dans le train d'évacuation. Un chariot les conduisit de la gare du Cateau au village de Montay.

A Neuvilly, il y a 80 évacués de Molain.

25 juillet

De nouveaux impôts sont exigés par le général von Below, commandant la 2e armée... Le lieutenant général inspecteur d'étapes, von Nieber, répartit les charges qui, pour la Kommandantur du Cateau, s'élèvent à près de deux millions de francs. Le Cateau est imposé pour 664 000 francs, et Neuvilly pour 159 000.

5 août

Les exigences allemandes sont de plus en plus fortes et vexatoires : les objets d'art sont réquisitionnés (bronze, cuivre, laiton).

17 août

Les portes des maisons doivent rester ouvertes la nuit... avec fiches au dehors avec le nom, l'âge de tous les habitants, ceci pour faciliter les perquisitions nocturnes.

Travail forcé

A Neuvilly, jeunes garçons et filles doivent travailler aux champs à partir de 15 ans, et cette mesure s'applique aux demoiselles jusqu'à 45 ans inclus.

Pour le contrôle, un appel général des hommes et femmes de 15 à 60 ans est prévu sur la place à 5 heures du matin (3 septembre), des colonnes de jeunes femmes sont immédiatement formées pour la moisson...

Disette

Le second anniversaire de l'occupation approche... on manque de tout, les estomacs sont délabrés par le pain sûr, le ravitaillement insuffisant... les provisions sont partagés avec les émigrés de la Somme. Et les Allemands exigent 7 litres de lait par vache et par jour, et défendent d'arracher les pommes de terre... c'est le marasme.

26 août, Cimetière d'honneur

Le 26 août, pluie et orages... les cloches du Cateau sonnent, par ordre, à toute volée... pour l'inauguration du cimetière d'honneur sur la Chaussée Brunehaut (Roemer Stasse... Chaussée romaine ! ), sur une pièce de terre des Pauvres du Cateau... Cent personnes civiles sont admises à la cérémonie. Cinq discours sont prononcés, dont deux par M. Picard et le doyen Méresse, « invités » à prendre la parole. Mais le texte de leurs discours a du être soumis au préalable à l'agrément du Kommandant de place. Le vent souffle en rafales, et emporte les feuilles du texte lu par le Kommandant major von Helldorff, qui rend hommage aux combattants du 26 août 1914 :

« Ici, les valeureux régiments de notre 4e corps s'élancèrent contre les meilleures troupes anglaises défendant la vieille chaussée romaine... les Anglais furent rejetés dans la direction du Sud-Ouest. Les blessés furent recueillis par la « charité prévoyante française »... en dehors des soins du fidèle service sanitaire allemand ». Cela restera inoubliable. Le monument commémoratif, de lignes sobres, « rappellera au visiteur la journée du 26 août 1914, où un véritable héroïsme s'est sacrifié pour la grande idée de la Patrie ».

Monument et cimetière sont remis à la ville du Cateau, en propriété pour les temps à venir.

Le discours de l'abbé Méresse, curé doyen du Cateau, est d'une haute élévation religieuse, en voici un extrait :

« Nous voulons surtout nous souvenir aujourd'hui que tout ne finit pas avec la tombe. Ce corps devant lequel nous nous inclinons, c'est la dépouille d'une âme qui n'a jamais cessé de vivre et qui la reprendra un jour.

C'est la sanctuaire dont les anges, au dernier jour, réuniront les pierres dispersées. Il reste, à la mort, une âme immortelle à qui s'adressent surtout les hommages dont nous entourons les nobles victimes de la guerre ».

Et M. Émile Picard évoque enfin « la journée lugubre où Le Cateau fut éveillé par le son du canon et de la mitraille, où pendant de longues heures, la bataille fit rage autour de nous et par dessus nos têtes.

Notre société de la Croix-Rouge a bien mérité les éloges que vous lui adressez, Mr le Commandant, et c'est en récompense de son dévouement que l'autorité allemande nous a confié complètement à part le service médical, la noble mission de soigner tous les blessés sans distinction jusqu'au commencement de l'année 1915, dans les deux hôpitaux du Cateau (Lazarett College et Paturle). Que la terre de France soit légère aux cendres des héros ». (N.B. 1)

N.B. 1 : Le cimetière d'honneur, appelé plus tard cimetière international, fut le centre de résistance d'un groupe de SS allemands, le 3 septembre 1944, contre les F.F.I. Du Cateau. En les attaquant, le boulanger Belin et le jociste Carpezat tombèrent au champ d'honneur... Blessés, ils furent achevés par les SS.

29 août, Roumanie en guerre

Trois jours après cette émouvante cérémonie du souvenir, on apprenait la déclaration de guerre de la Roumanie à l'Autriche. Nos alliés roumains, dont les voisins turcs et bulgares étaient aux côtés de l'Allemagne, résistèrent vaillamment sur le Sereth (Siret), à la violente offensive allemande... d'Hindenburg et de Lüdendorff, qui envahirent la plupart des provinces danubiennes, pendant l'automne.

Novembre

La rigueur de l'occupation allemande augmentait à cette saison... les habitants devaient laisser aux troupes toutes les pièces de logement susceptibles d'être chauffées, et de n'en conserver pour eux qu'une seule « en tout et pour tout », spécifiait l'ordonnance.

L'éclairage électrique fut longtemps défaillant. On s'éclairait avec des veilleuses, consommant peu de saindoux, denrée rarissime. Des privilégiés avaient du carbure pour l'acétylène.

1 500 volontaires étaient demandés pour de soit disant travaux sur la ligne de chemin de fer Aulnoye-La Capelle-Wassigny-Busigny. 9 se présentèrent... A partir du 1er novembre, tous les habitants mâles de 15 à 60 ans furent appelés à passer un sommaire examen médical de contrôle allemand, le dimanche 5 novembre au Cateau. Le 7, 354 hommes étaient emmenés, sur réquisition signée :

Mobile etappen Kommandanteur 7/1 K von Helldorff

En voici le texte intégral, sans correction :

« Les nommés doivent se munir d'une couverture, des linges, des chaussures, d'une assiette (cuiller et fourchette), et s'il y a possibilité avec des gants et un manteau. Le maire et le policier de la commune doivent être présents . L'arrivée à l'heure fixe est nécessaire. Des contrevenants seront incarcérés, immédiatement et envoyés forcément ».

Sur la Place Verte furent réunis les malheureux prisonniers civils... sous la pluie battante qui trempait leur maigre bagage... couverture souvent arrachée à la rapacité de la bande des « pillards », officiellement la Sammel Kompagnie n° 6, qui enlevait draps, couvertures, tissus, tous ce qu'ils trouvaient pour alimenter la machine de guerre allemande à l'économie et industrie déficientes. (N.B. 1)

Le maire du Cateau dut rappeler aux rapaces l'affiche du général von Galwitz, exemptant les magasins de vente au détail de toutes réquisition.

N.B. 1 : 400 prisonniers civils attendirent 6 heures... et partirent encadrés de gendarmes à cheval et de soldats en armes ; ils furent parqués dans les camps de l'Est : Conflans, Flize-sur-Meuse, Rumilly, Sedan, travaillant à une ligne de chemin de fer, logés dans des baraques mal closes, avec des copeaux comme litière ! Des cantines leur vendaient des denrées à des prix exorbitants pour améliorer l’ordinaire de la soupe aux betteraves et aux rutabagas. Un seul colis par mois était autorisé. Ce furent de pénibles travaux forcés, sans nourriture suffisante, avec des vêtements en loques et des souliers éculés, prenant l'eau...

Pauvres forçats martyrs de Conflans Jarny !

Disette, décembre

Les Allemands prenaient tout le lait disponible et infligeaient une amende de 1 mark par litre de lait manquant (7 litres par vache). Le ravitaillement américain dut assurer deux boîtes de lait condensé par mois aux populations et une boîte supplémentaire par semaine aux grands malades.

Fin novembre, avaient commencé les préparatifs du « décrochage » du front allemand de la Somme ; le 28 novembre, Neuvilly, Montay, Honnechy Maurois, Reumont, Troisvilles, étaient transférés dans la Kommandantur de Caudry. Montay fut coupé du Cateau pendant quelque temps : quatre mois. La suppression ou l'annulation des passeports fut l'occasion d'arrestations nombreuses, et d'emprisonnements en masse. La promiscuité et le manque d'hygiène de la prison de Caudry étaient pires encore qu'au Cateau... pauvre jeunesse ! Traquée et traitée comme au marché d'esclaves, entassée et mal traitée, les survivants en ont conservé un pénible souvenir.

1917

Ligne Hindenburg

En février – mars, le repli des Allemands sur la ligne Hindenburg, derrière Saint Quentin et le long du canal de l'Escaut, place nos régions derrière le front de bataille.

Évacués de Saint Quentin

Saint Quentin est évacuée ; nombre d'habitants restent au Cateau, jusqu'à leur retour en France ; pour les non mobilisables ou réformés, par train d'émigrés, 1 500 émigrants sont exigés par la Kommandantur. (N.B. 2)

La devise des Saint Quentinois arrachés à leur cité bombardée est « vivre d'abord, espérer ensuite ». Espérer ! En des jours meilleurs... et enfin... ne pas mourir de faim.

Une délégation d'évacués exprimera leur gratitude à la municipalité, qui s'est efforcée, grâce aux allocations et aux Catésiens, par l'entr'aide fraternelle, de leur rendre l'existence supportable. Dans cette lettre, Mrs Élie Fleury, David, Dorigny, Capremont, Alf. Allart, Agombart, associent à leur reconnaissance, le nom de M. Marchandise, de Péronne, « dont le dévouement, l'activité et l'autorité mis à notre service pour l'amour de Dieu, - c'est le cas ou jamais de le dire – fait merveille dans le domaine limite au possible ». Ils écrivent, à la veille de leur départ pour la France, le 4 juin : « … ce trimestre au Cateau fut une sorte de repos avant de nouvelles épreuves ».

Et ils continuent : « Si la ville de Saint Quentin se relève, et pourquoi pas ? Ce n'est pas la première fois qu'une pareille et terrible aventure lui advient, et sur des bases assises faites des ossements entassés de tant de générations ayant vécu dans le même effort et pour le même idéal, on peut éternellement reconstruire. Si donc, la ville de Saint Quentin fait un nouveau mortier de ses cendres, elle aura contracté envers sa sœur du Cateau, une dette de reconnaissance que nous ou nos successeurs ne laisseront pas prescrire. A bientôt et vive la France. »

N.B. 2 : Le Cateau fut alors surpeuplé... l'état major de la 2e armée et tous ses services quittait Saint Quentin pour notre ville, les évacués de la Somme, Péronne, et Saint Quentin... les troupes de passage, les services hospitaliers fonctionnaient à plein. Le refuge des vieillards, l'hôpital Paturle, furent vidés de leurs infirmes et malades, logés aux Hauts-Fossés...

Trains d'émigrants

35 Kgs de bagages étaient autorisés aux voyageurs rapatriés, minutieusement visités comme leur personne, avant le départ. Ils étaient plusieurs jours avant le départ à la villa Simons ou dans la salle Charlet, Rue des Remparts (Select cinéma actuel). Après un séjour en Belgique de plusieurs mois, le convoi gagnait la France par la Suisse.

Prisonniers de guerre

La proximité du front fait du Cateau un lieu de passage ou de concentration des prisonniers faits sur la ligne Hindenburg ; les dames de la Croix-Rouge leur distribuent des musettes de secours, renfermant du linge de rechange.

Un aviateur anglais, officier, remerciera, arrivé dans le camp d'internement, le 30 mai, et demandera pour un camarade et pour lui l'envoi « d'un savon, de deux brosses à dents et de rasoirs ».

Prisonniers civils et belges

La Croix Rouge s'efforce d'envoyer des colis confortables aux prisonniers civils de la Meuse : 8 Kilogs de riz, biscuits, légumes secs, lait en boîte leur sont expédiés le plus souvent possible, malgré l'ostracisme de la Kommandantur Z. A. B5 des Ardennes qui s'oppose au remplacement des prisonniers civils par des volontaires.

Les jeunes Belges internés au Cateau ne sont pas oubliés, ils en sont reconnaissants, « Vous nous avez sauvé la vie, » écrit l'un d'eux. « Aucun prisonnier civil caserné au Cateau n'est mort de privation... »

Le nombre de civils belges enterrés au cimetière du Cateau, témoigne de l'effroyable mortalité de nos jeunes alliés, soignés trop tard, et victimes de guerre...

Ration

La ration de mauvais pain, en février, était de 220 grammes... pain sûr et mastic, fait de 40 grammes de farine américaine, et de 180 grammes de détestable farine fournie par les Allemands. La pénurie de combustible était grande... et le charbon était de mauvaise qualité. Ils fallait accepter ce que les Allemands laissaient envoyer, au prix de grandes difficultés de transport...

Le gouvernement néerlandais avait proposé d'accueillir les enfants de 6 à 14 ans... les pupilles d'assistance publique furent convoyés sur la Hollande hospitalière.

12 avril, contribution nouvelle

En avril, une nouvelle contribution de guerre pour les besoins de l'armée était levée par le général von der Marwitz, chef de la seconde armée, qui logea au château Seydoux, et dont l'état major fut cantonné en notre ville : elle s'élève pour Le Cateau à 893 850 francs, et doit être payée le dixième en espèces, le reste en bons communaux (N.B. 1).

N.B. 1 : Le 3 août, nouvelle contribution de million 108 375 francs, à payer de suite.

L’Amérique en guerre

Une bonne nouvelle avait, le 6 avril, rasséréné les esprits : l'entrée de l'Amérique en guerre aux côtés des alliés.

En prévision de la guerre aérienne, et d'offensives par avions, l'occultation des lumières avait été ordonnée dès février... et sur l'entrée des caves, on voyait des pancartes « Fliegerschutz 40 m. » (Abri contre avions, 40 hommes, etc).

Les villages séparés de la Kommandantur du Cateau connaissaient un régime tyrannique. A Neuvilly, c'était la terreur ; l'orts Kommandant exerçait une dictature de fer ; son bon plaisir avait force de loi, il s'occupait de tout, pénétrait dans les maisons dès 5 heures du matin, surveillait le travail des jeunes filles aux champs, voulait faire maigrir les plus joufflues... (N.B. 2)

Les enfants des écoles furent mis aux arrêts, « défense à ceux de 4 à 14 ans de sortir dans les rues, le dimanche, après la messe ».

N.B. 2 : A 5 heures 30, les rues doivent être nettoyées à grandes eux par les ménagères... A cheval, le Kommandant Saüer contrôle le travail.

Pillage

Le vieux commandant Saüer, aux colères violentes, rappelle les tyrans du Moyen Âge. Il s'affronte avec la propriétaire et directrice du tissage, Mlle Inésile Cayez, septuagénaire énergique, qui veut défendre son usine contre les « pillards ». On démolit les précieux métiers à tisser pour en faire de la ferraille...

Tous les légumes sont réquisitionnés et à livrer à la Kommandantur... 200 grammes par tête (et) par jour sont à conserver pour les habitants. Puis ce sera le tour des fruits, sauf les noix, car il y a longtemps que les noyers ont été abattus et enlevés, on dit que leur bois a servi à faire des crosses de fusils... Les petits enfants ont planté des noix en terre, et 20 ans plus tard, ils mangèrent des noix à nouveau... Les écoliers durent recueillir des baies d'aubépine sur les haies, pour la Kommandantur.

Tout est bon à réquisitionner pour la Sammel Kompagnie : des ampoules électriques, de la ficelle. Les objets d'art, lustres, garnitures de cheminée, bronze précieux... tout est enlevé au prix de 1 Fr 50 à 2 Fr 50 le Kilog de cuivre, de 3 Fr 50 à 5 Fr 50 l'étain. Une belle suspension d'éclairage est prise et démolie... brisée, on touche 18 Fr 40... En octobre, à Neuvilly, les basse-cours étant vidées, les peaux de lapin entassées chez le Kommandant, l'ordre fut même donné de tuer les tourterelles... et tous les oiseaux. Une vieille femme tordit le cou de son geai familier, oiseau domestique que son fils, tué à la guerre, avait capturé et apprivoisé...

Les matelas de laine étaient saisis en juillet, exception pour de grands malades, et pour les lits d'officiers ou de hauts fonctionnaires logés chez l'habitant.

Les générateurs d'usine étaient détruits, à la dynamite, pour aller plus vite et avoir du métal... les casques de pompier furent enlevés en octobre.

13 septembre

Au Cateau, depuis septembre 1916, les usines avaient reçu tour à tour la visite d'équipes spéciales, qui transformèrent les machines à vapeur et tout le matériel en ferraille. On l'expédia sur l'Allemagne ; en septembre 1916, les démolisseurs s'attaquent au tissage Lorriaux et Cie, Boulevard Paturle.

Cloches

Puis ce fut le tour des cloches... Toutes celles de l'hôtel de ville, les 16 du carillon, la cloche du balayage, celle du tocsin (la cloche antique de ville) furent descendues et brisées...

Cloche historique

Cette dernière datait de près de deux siècles. Haute de 0,95 mètres, ayant 92 centimètres de diamètre extérieur, elle était ornée au sommet d'une frise de grappes de raison et de feuilles de vigne, et portait l'inscription suivante :

« Anno 1726, Je suis Charlotte, ainsi nommée par son Altesse Charles, archevêque duc de Cambray, pair de France, comte de Cambrésis.

J'ai été faicte par le domaine de Sa ville du Cateau Cambrésis... » le nom du fondeur François .....bat, était illisible.

Ainsi disparut ce dernier souvenir du fils du régent, Charles de Bourbon, le plus fastueux seigneur et ami du Cateau.

Les lustres à gaz des bâtiments communaux, le instruments de musique de l'harmonie municipale, l'équipement en cuivre des pompiers... tout fut pris, démoli. Les démarches faites auprès du commandant de place, (le) Major von Oheimb, furent inutiles, « c' est la guerre ! l'Angleterre bloque nos côtes... il nous faut du bronze et du cuivre pour la bataille ».

Offensive en Italie

Commençait alors l'offensive allemande contre l'Italie... la vaillance des soldats français arrête l'assaillant sur le Piave, après les lourdes défaites italiennes de Caporetto.

7 octobre, Collège

Le 7 octobre, « il y avait autant de monde au Cateau qu'à la foire de Saint Mathieu », racontait un villageois. Toute la jeunesse studieuse y était rassemblée pour les brevets et examens de baccalauréat. Les professeurs du collège composaient les jurys sous la direction de M. le principal Filippi. Messieurs Dehove, Berron, y représentaient l'ancien corps professoral, avec M. Durand, professeur honoraire, et M. Bricout, professeur au collège de Dunkerque, empêché de rejoindre son poste, lors de l'invasion.

D'anciens élèves leur étaient adjoints pour l'enseignement : Mrs Jacquemart, admissible à l’École Normale Supérieure et à l’École polytechnique, Chabert, candidat à l’École polytechnique, Jovenin, surveillant d'internat à Lille, et Émile Dehove, bachelier ; Mlle Laforest, brevetée, dirigeait la classe enfantine.

Les cours se faisaient dans des locaux provisoires, maisons particulières, que l'occupant réquisitionnait... Finalement, les classes ambulantes se fixèrent au domicile privé des maîtres.

Croix-Rouge

Le bâtiment du collège, aménagé en ambulance par la Croix-Rouge de la ville, resta Lazarett pendant toute l'occupation allemande. Le comité local en paya l'entretien jusque fin avril 1917... M. Boudart Constant, trésorier, versa la somme de 140 883,30 Frs.

11 novembre

Le 11 novembre, l'ennemi exigeait une nouvelle contribution de guerre de 2 millions 264 420 Francs.

La Russie cesse la guerre

Quelques jours auparavant, la Russie avait demandé l'armistice à l'Allemagne. Le traité de Brest-Litowsk supprimait le front allant de la Baltique à la Roumanie. Les Allemands croyaient la partie gagnée aussi sur le front des alliés... ils envisageaient la reconstitution d'un état tampon, entre la Somme et la Hollande, comme au temps de Charles Quint.

Percée anglaise près de Cambrai

Mais la percée de leur front par les tanks anglais leur révéla la puissance d'armement des coalisés, et la valeur du matériel anglo-américain.

Le 21 novembre, la bataille commença sur Havrincourt, et par surprise, les tanks anglais dépassèrent la ligne Hindenburg jusque Rumilly, Fontaine-Notre-Dame et Proville, battant les Faubourgs de Cambrai.

Au Cateau, les Allemands pliaient bagage, croyant à l'arrivée des Anglais... Les Catésiens exultaient de joie... Mais les Anglais ne purent exploiter leur succès de percée, les Allemands amenèrent des renforts, et la guerre continua avec l'occupation plus sévère et plus stricte encore.

27 novembre

Le 27 novembre, ordre était rappelé aux habitants de Neuvilly, de saluer les officiers, « les hommes par la coiffure, les femmes par la parole ». Les vieux vêtements étaient réquisitionnés.

Le 1er décembre, un appel général du sexe mâle à partir de 14 ans, jusqu'aux patriarches du village, vétérans de 1870, fut décrété... et le cheptel humain classé par catégories.

Otages

Au Cateau, le 10 décembre, à 10 heures du matin, on enlevait des otages. Messieurs, Thomas, Dufresnois, Hallette, et l'abbé Vitrant, étaient arrêtés comme des malfaiteurs, conduits en prison, en attendant leur départ vers Maubeuge à 2 heures, où ils restèrent incarcérés, couchés sur des copeaux, dans une caserne, avec deux heures de promenade par jour dans la cour. Cause de l'arrestation : représailles allemandes au sujet de la détention d'Allemands pris au Congo belge, et que le gouvernement français s'obstinait à ne pas relâcher. Le furent-ils ? Ou était-ce un prétexte ? Le 19 décembre, les prisonniers rentrent.

29 décembre, otages en Lituanie

Mais le 29 décembre, nouvelles représailles, cette fois à propos d'otages alsaciens lorrains détenus par les Français depuis leur entrée en Alsace. 600 hommes, 400 femmes furent enlevés dans les régions occupées. L'arrestation fut faite avec beaucoup plus de correction que le 10 décembre.

M. Alfred Cottiau, ancien notaire, Mairesse Dehaussy, agriculteur, Paul Dufresnois, l'abbé Canonne, furent emmenés à Valenciennes... et de là, envoyés en Lituanie, à Vilna. Leur exil en Russie occupée fut très pénible : logement insalubre et froid, ravitaillement nul... Un wagon de vivres expédié aux otages le 24 janvier par le C.R.B. (Comité de Ravitaillement pour le Belgique), n'arriva que le 12 avril... raconta M. Paul Dufresnois, rentré malade, en 1918.

Huit jours après cet enlèvement d'otages hommes, des femmes étaient à leur tour enlevées comme prisonnières... le 6 janvier, Mesdames Richard Bracq, Pezin Chemin, Filippi, envoyées à Valenciennes, furent dirigées sur le camp d'Holzminden en Westphalie.

21 décembre, le Kaiser au Cateau

En décembre, les Allemands avaient réuni au jardin public du Cateau, les pièces d'artillerie enlevées aux Anglais, lors de leur contre offensive sur le front de Cambrai. Le Kaiser Guillaume II vint les visiter le 21 décembre 1917, dans la matinée, venant en auto de Valenciennes, empruntant la route départementale via Solesmes et Neuvilly... A Neuvilly, les soldats du 58e d'infanterie cantonnés à Viesly, forment la haie dès 8 heures. Une consigne sévère avait ordonné aux habitants de fermer portes et fenêtres. Défense de sortir. La rue était évacuée... Le train impérial à vide passa à 9 h. 1/2 sur la voie ferrée allant au Cateau. A 10 h.50, avec une suite de 20 autos, dans une voiture découverte, le Kaiser passa lentement la revue des troupes, bras gauche atrophié, passe-montagne de laine débordant du casque à pointe.

Des photographies prises au Parc Fénelon, le montre sur la terrasse du Palais des archevêques, entouré d'un brillant état-major, devant les mortiers et obusiers de campagne anglais.

… Le train impérial repassa vers 3 h. 1 /2 à Neuvilly, retournant vers Valenciennes...

Après le vieux chiffons, les tonneaux, les cuves, des sapins furent réquisitionnés... (N.B. 1) Deux énormes sapins,givrés de soie artificielle « réquisitionnée » au tissage de Mlle Cayez, encombraient le chœur de l'église de Neuvilly, pour la nuit de Noël.

La neige tombe, et le 26, les vieux landsturmann, territoriaux logés au village, ont confectionné au bord de la Selle, un bonhomme de neige géant, dans la cour du Père Trédet, avec calot réglementaire, bouteille vide, et la croix de fer de première classe... au côté !

Bonhomme Noël militarisé, pour la joie des enfants du quartier et du village... Dans les camps de prisonniers, leurs papas et leurs grands frères ont du passer un triste Noël sous la neige et la bise glacée... heureusement, c'était le dernier !

N.B. 1 : … et les chiens taxés : 20 marks, les bergers et chiens de garde, 45 marks, tous les autres. Pauvres toutous ! Beaucoup furent occis pour échappé à la taxe.

… Et les Anglais, occupant Jérusalem, avaient passé Noël à Bethléem... libéré des Turcs.

1918

Les Allemands massaient au printemps de gros effectifs de troupes, rappelées du front russe qui n'existait plus. Notre région en était surpeuplée... et la présence de cette surpopulation n'était pas faite pour faciliter le ravitaillement.

25 février, ravitaillement hispano-hollandais

Le 25 février, par suite de mauvais arrivages, les rations du comité hispano-hollandais (l'Espagne neutre avait succédé à l'Amérique en guerre comme fournisseur de vivres), diminuaient. Les fameux haricots d'Espagne, haricots verts durs, conservés dans la saumure, et immangeables, les légumes séchés coûtaient cher, et n'étaient pas nourrissants. La viande congelée d'Amérique était souvent corrompue, et cependant il fallait prendre les rations de viande pour avoir droit au sucre...

Les maires faisaient savoir à Paris, par les émigrants du dernier train, que nos populations manquaient du nécessaire... et se demandaient si on faisait tout ce qu'on devait pour les pays occupés... 368 évacués de Saint Quentin résidaient au Cateau.

Plus tard, la ration de pain remonta à 350 grammes par jour, en mai ; et des médicaments furent envoyés, mais le prix en était tellement élevé que les pharmaciens ne purent en faire la répartition. Le Dr Cloëz installa donc un dispensaire, au refuge des vieillards provisoire, pour leur distribution aux malades.

Des chaussures manquaient : des sabots venant de Preux-au-Bois, de la forêt de Mormal, furent vendus au prix coûtant à 3 Frs , 2 Frs et 1,50 Frs.

21 mars, offensive d'Artois Picardie

Cependant les Allemands annonçaient à leurs logeurs que la guerre allait finir... par leur colossale entreprise. Les Anglais allaient être chassés, et Paris occupé avant peu.

En effet, le premier jour du printemps, Ludendorff, le bras droit d'Hindenburg, déclenchait un formidable tir de barrage... qui faisait trembler les vitres des maisons, sur le bord de la Selle. Un million d'hommes massés entre Arras et Saint Quentin prenait l'offensive entre la Scarpe et l'Oise. Devant Saint Quentin, les Allemands submergeaient la 5e armée anglaise... le front était percé, et leurs divisions marchaient sur Amiens et sur Compiègne.

Le général Pétain les arrêtait sur l'Oise... et Foch, promu généralissime des forces britanniques et française, arrêtait l'offensive germanique derrière Montdidier...

9 avril, offensive de Flandre

Le 9 avril, nouvelle offensive allemande entre Ypres et Béthune... avec formidable tir de barrage, obus à gaz toxiques, aviation de combat... Le front anglais est à nouveau rompu, mais les Français arrivés en renfort, barrent la route de Calais sur les monts de Flandre, derrière le mont Kemmel.

27 mai, offensive du Chemin des Dames

Le 27 mai, nouveau coup de butoir de Ludendorff entre Soissons et Reims... qui attaquait la Marne à 65 Kilomètres de Paris. La situation devenait grave.

Mais Clémenceau galvanisait les énergies françaises. Vieillard de 76 ans, il déclarait : « Je fais la guerre... je la continue jusqu'au dernier quart d'heure, car c'est nous qui l'aurons ».

… Le temps, d'ailleurs, travaillait pour les Alliés. Au 1er juillet, 650 000 Américains étaient en France. Matériel, armements, et moral étaient, pour tous les alliés, de première qualité.

15 juillet, Deuxième bataille de la Marne

Ludendorff, présomptueux, se croyait sûr de la victoire, et le 15 juillet, lendemain de la fête nationale française, il lançait une nouvelle offensive de part et d'autre de Reims, et franchissait la Marne, en direction d’Épernay.

Mais le général Gouraud tenait bon sur le front de Champagne... Ludendorff avait engagé ses armées dans une poche profonde. Foch passe alors, le 18 juillet, à la contre offensive... ; 500 chars d'assaut, débouchant de la forêt de Villers-Côterets, s'enfoncent comme un coin dans le flanc ennemi.

La deuxième bataille de la Marne était gagnée... L'Allemagne repassait la rivière, et se repliait au delà de Soissons, laissant 30 000 prisonniers et 700 canons entre les mains des Français.

La situation était renversée... Foch, à son tour, a l'initiative des opérations, et boute l'Allemand hors de France... réduisant, refoulant les poches où il s'était engagé. Après Château-Thierry, ce fut Montdidier.

8 août

Le 8 août, « le jour le plus sombre de toute la guerre », écrivit Ludendorff dans ses Mémoires, le front de Picardie est rompu... les Allemands se retirent sur la ligne Hindenburg.

Notre Cambrésis connaît à nouveau le branle bas de l'arrière du front de bataille... les officiers se croient en sûreté derrière la ligne Hindenburg, « imprenable », disent-ils... Mais l'attaque des Américains sur Saint Mihiel, le grignotement de leur front en Argonne, sur le canal de Saint Quentin, la supériorité alliée, leur révèlent que leur défaite est proche. Alors ils déclarent «  qu'ils se battront pour chaque pouce de terrain et qu'ils détruiront tout sur leur passage... Malheur à vous, Français, qui n'avez pas voulu la paix, ni accepter la main que nous vous tendions... »

En septembre, des prisonniers roumains commencent la mise en défense de la vallée de la Selle... L'heure de la libération est prochaine.

Mais deux grands patriotes catésiens ne connaîtront pas cette joie qu'ils escomptaient en une indomptable espérance...

Mort de M. Durand

Le 1er juillet, M. Durand, le vieux professeur du collège, délégué du Souvenir français, conférencier aux nobles envolées patriotiques, bibliothécaire averti de la ville, professeur de 1891 à 1900, mourait. Ses obsèques, très simples, suivant son désir, mais très dignes, furent une cérémonie du souvenir et de la reconnaissance français, dont la ville supporta les frais.

Mort du doyen Méresse

Et le 18 septembre, le chanoine Émile Méresse, historiographe du Cateau, pasteur dévoué de notre cité depuis plus de 26 ans, décédait à l'âge de 66 ans.

L'évacuation de Cambrai, qu'il avait habité (il avait été vicaire à la Cathédrale), lui avait été très pénible... ainsi que l'arrivée au Cateau de familles amies pour s'y réfugier : 340 personnes.(N.B. 1) 

N.B. 1 : Mais les Cambrésiens ne purent rester au Cateau ; le 22 septembre, ils devaient repartir... vers Valenciennes. C'est là qu'ils avaient l'ordre de se rassembler. Ils avaient quitté Cambrai dans des conditions lamentables ; l'avis leur avait été donné de profiter des chemins de fer et des péniches du canal pour gagner Valenciennes. Quelques jours après, l'ordre était donné d'évacuer immédiatement à pied, avec les poussettes... De Valenciennes, ils furent refoulés sur la Belgique.

Le Cateau connaissait des raids aériens... le cimetière fut bombardé par avions... et une bombe de gros calibre démolit plusieurs monuments.

1er octobre

Saint Quentin était repris le 1er octobre... En prévision d'une évacuation possible, les archives de la ville du Cateau étaient mises à l'abri, dans les caves de l'hôtel de ville, dans les souterrains de la brasserie Lefebvre-Scalabrino, Rue de France.

Mrs Trigaut, receveur municipal, Loubry, caissier de la Caisse d’Épargne, Piette, huissier, abritèrent aussi leurs archives dans les bauves qui furent murées avec affiche de protection de la Kommandantur, comme il avait été fait à Saint Quentin.

Une allocation de 1,50 Frs par jour fut prévue pour les habitants. Chaque évacué recevrait un titre de secours, une feuille de délivrance d'allocation, établie par la mairie du Cateau.

8 octobre, évacuation du Cateau

Le 8 octobre, Le Cateau recevait l'ordre de l'évacuation. Les habitants avaient 24 heures pour quitter la ville, avec Maubeuge comme point de ralliement.

Effroyable état sanitaire

L'exode fut lamentable, dans des conditions sanitaires effroyables ; la grippe espagnole, variété de peste pulmonaire, sévissait en notre région, frappant les jeunes organismes débilités par les privations de quatre ans de misère. Les gens tombaient comme des mouches, dans les fossés, sur la route de Maubeuge... épuisés, et personne pour les recueillir... la diphtérie réapparaissait... faute de sérum, elle était mortelle, comme le tétanos qui sévit quatre ans auparavant.

En hâte, les prisonniers roumains organisaient une ligne Wotan... le dieu du tonnerre, dans la vallée de la Selle. A Neuvilly, la rivière obstruée en aval, inondait rues basses et maisons. Faute de cercueils, on enterrait les nombreuses victimes de la grippe avec un seul linceul ; on soulevait les pierres tombales et on y jetait les morts !...

9 octobre

Cambrai, incendié par l'ennemi en retraite, était occupé, le 9 octobre, par les Anglais. Les villages de Troisvilles, Inchy, la ville de Caudry, ne furent pas évacués, et les dégâts y furent minimes.

Beaucoup de Catésiens, à bout de force, ne dépassèrent pas Maroilles, Preux-au-Bois ; ils y trouvèrent asile. A Montay, deux femmes furent asphyxiées dans la cave du presbytère. Un bébé nouveau-né survécut... un prisonnier civil de 16 ans, réfugié ensuite au presbytère, le nourrit, à défaut de lait, de bouillie faite avec de l'eau et de la farine.

Odyssée des Clarisses (Montay)

Il faut dire le triste sort des Clarisses de Péronne, chassées de leur antique monastère (fondé par Sainte Colette de Corbie en 1582), expulsées de leur cloître le 2 juillet 1918, réfugiées à la ferme de la Feuillée à Montay le 8 juillet... puis le 6 mars (1918 ?), chez M. Deligny Leleu, lieu dit sucrerie de Montay.

Le 25 septembre 1918, les Allemands supprimaient les passeports, et se retranchaient, dès le 2 octobre, dernière l'ancienne sucrerie de la famille Deligny, située en bordure de la Selle, sur la ligne de Valenciennes, dans un ravin.

Le 8 octobre, le village recevait, comme Neuvilly, à 3 heures du matin, l'ordre d'évacuer. Des malades et infirmes furent, en chariots, conduits à Bertry, où ils furent en sécurité. La population partit à pied vers la Belgique. Les Clarisses âgées et impotentes restèrent avec la communauté et la famille Deligny dans les caves de leur habitation.

L'ennemi reculant fit sauter les ponts de la Selle. Impossible aux pauvres religieuses de gagner Inchy-Beaumont.

Un bombardement par avion entourait la sucrerie de Montay.

Le 11, les Allemands les firent évacuer de force, avant de faire sauter les maisons à la dynamite, à minuit. Sous les obus anglais, à travers les barbelés, elles durent, par le ravin boueux qui remontait vers Forest, gagner sous la pluie Croix-Escaluyaux, et gagner Englefontaine, Maubeuge, et enfin Bruxelles. Elles ne rejoignirent le monastère d'Amiens que le 12 janvier... le couvent de Péronne, détruit, n'ayant pas été rétabli.

Leur exode terrible eut son pendant en 1940... où le monastère d'Amiens fut démoli par bombes d'avions... à pied, les Clarisses gagnèrent Rennes.

Rentrées en 1941, elles furent deux fois chassées de leurs maisons de refuge par les bombardements. Réfugiées finalement chez les Ursulines, elles perdirent tout, le 27 août 1944, lors de la libération d'Amiens, où les Allemands incendièrent le couvent et le pensionnat de 350 lits, où ils avaient accumulé provisions et munitions.

Il faudrait lire le livre relatant leur exode (1914-1918), dans une brochure éditée au Devoir à Montréal en 1922 : « Situation périlleuse des religieuses Clarisses pendant l'occupation allemande (Grande Guerre de 1914) ».

Bataille du Cateau, 18 octobre

524 personnes restèrent au Cateau, cachés dans les caves ; les vieilles fontaines Rolland, des Récollets, les ravitaillèrent en eau. Pendant quinze jours, ils attendirent leur libération... Mais les Anglais, franchissant la Selle, ne pouvaient avancer devant la forte résistance allemande (N.B. 1). La ligne de Wotan dut être tournée par Busigny, Molain, L'Arbre de Guise, d'une part, et franchis à Solesmes, par la prise des hauteurs du Pigeon blanc, au dessus du calvaire monumental.

N.B. 1 : Le Cateau et sa région furent délivrés par le 13e corps d'armée britannique, comprenant les 18e , 25e, 50e, et 66e divisions britanniques commandées par le lieutenant général Sir T.L.N. Morland.

Le 18 octobre, le siège de la ville était virtuellement terminé, mais la ville fut arrosée par les Allemands d'obus incendiaires et toxiques. La ville reçut ainsi 60 000 obus, son martyre dura 23 jours. Asphyxiés dans leurs caves par les gaz de combat, ou tué par des obus, beaucoup périrent... au lendemain de leur libération : M. et Mme Dehaussy Camus, pharmaciens, M. Trigaut, receveur municipal, etc. Ceux qui s'étaient réfugiés dans les caves des usines Picard furent préservés. Un service de Croix-Rouge y était organisé par Mlles Thérèse et Marie Ponsin, et de dévouées infirmières de l'ambulance de 1914.

L'évacuation fit 100 victimes d'habitants, morts au Cateau, en route ou au lieu de repli.

11 novembre

L'armistice, le 11 novembre, délivra la plupart des Catésiens, disséminés entre Maubeuge et Binche. Ceux qui étaient à Givry (N.B. 1), non loin de la frontière, apprirent l'armistice de la bouche des Anglais qui y arrivèrent le matin ensoleillé de la Saint Martin.

Traqués par les alliés de toute part, sur le Danube par l'armée d'Orient, les Allemands demandaient grâce. Les Belges étaient à Gand, les Anglais à Mons, les Français à Mézières, les Américains à Sedan. Redoutant l'invasion du Reich, un gouvernement républicain allemand, remplaçant le Kaiser en fuite, avait sollicité l'armistice, qui fut signé dans le wagon du maréchal Foch, à Rethondes, dans la forêt de Compiègne.

N.B. 1 : A Givry, était le pensionnat des Frères de la Doctrine chrétienne,... jadis installé au Cateau. Le pieux et dévoué infirmier qui prodigua ses soins aux malades et blessés, était le frère Flamidien,... martyr de la calomnie.

Peu à peu, les Catésiens rentraient dans les ruines. 95 % des maisons étaient endommagées... d'après le rapport du colonel Crinon (N.B. 2), du capitaine Marsan de la prévôté, du capitaine Couprie, officier de l’État-major, attaché à l'armée britannique.

N.B. 2 : Le colonel Jean Crinon, Catésien d'origine, fut bientôt général, commandant la garde républicaine de la capitale. Il était ancien élève du collège du Cateau.

10 décembre 1918

Dans une salle délabrée de la maison commune, dans la ville sans eau, sans gaz,... aux toitures attendant le papier bitumé, aux fenêtres sans vitres, le conseil municipal tenait une première réunion d'après la libération, le 10 décembre.

M. Boulogne, maire, faisait remettre 1 000 francs, dont que lui avait fait pour Le Cateau, victime de guerre, la comtesse de Manneville, 13, Fackonhoeweg, à Berne. M. Maurice Lozé, fils de notre sénateur décédé, avait fait don de 500 francs. M. Charles Seydoux, à l'occasion de la mort de son fils, le commandant Albert Seydoux, notre député, faisait don de 15 000 francs. Cette somme serait convertie en dons en nature, achetés à Paris par M. Georges Seydoux. 10 000 francs étaient aussi offerts par un niçois, M. Deudon, dont le grand père, M. Deudon, avait été notaire au Cateau. M. Ernest Seydoux, adjoint au maire de Nice, avait obtenu et transmis cette libérale offrande.

La ville était privée de représentants pour plaider sa cause et exposer sa détresse...

Après le sénateur Lozé, le député Albert Seydoux était mort... décédé subitement à la veille de la victoire, après avoir commandé sur tous les fronts. Plus tard, une nouvelle rue prolongeant le Boulevard Paturle jusqu'à la ligne montante du Cambrésis, portera son nom : Rue du Commandant Albert Seydoux, appelée aussi « Rue des Faux cols », car elle fut habitée surtout par les employés des Établissements Seydoux... à une époque où le faux col souple ou rigide, le chapeau mou ou le chapeau melon faisaient partie de l'uniforme du fonctionnaire ou de l'employé...

Transports

M. Georges Seydoux avait organisé un service de camions Le Cateau – Paris, pour diminuer la terrible crise des transports... L'Allemand avait fait sauter le viaduc de Saint Benin, tous les ponts de la voie ferrée, les ponts sur la rivière, détruisant le vieux Pont Fourneau et les vannes de l'usine des eaux.

Eau potable

Les habitants devaient utiliser les rares puits encore non comblés, ou non contaminés, ou puiser l'eau des nombreuses fontaines,... jaillissant sous le marché couvert, les sources limpides de la Fontaine à Gros Bouillons, la Fontaine Saint Quentin, et les trois fontaines de la Rue de la République : Fontaine Rolland, dépendant jadis de l'hôpital Saint Lazare, Fontaine des Récollets, Fontaine Noiret, qui alimentait jadis le fossé des remparts vers la porte Eaureste.

M. Picard avait préconisé le rétablissement des vannes, mais n'avait pu l'obtenir, car les autorités britanniques, désirant avoir de l'eau au plus tôt, avaient fait transformer le moteur à gaz en moteur à essence. M. Picard avait insisté, avec l'appui du capitaine Couprie, de la mission française ; il avait sollicité par lettre et télégramme, la venue au Cateau du commandant Lainé, ingénieur à Arras, pour rétablir un vannage, pais les autorités responsables s'étaient désintéressées de la question. Résultat : Le Cateau était privé d'eau, pour de nombreuses semaines encore...

… Et le registre municipal « enregistre » l'état lamentable de la vie urbaine, en fin d'année 1918, le ravitaillement mauvais, … des jours sans pain. La viande arrive rarement... quand elle arrive, elle est corrompue. Le lait fait totalement défaut, il n'est pas question de beurre... mais le saindoux, corps gras de base, manque aussi.

Le service auto Seydoux ramenait ce qui était le plus urgent... toile huilée, carton bitumé, pour couvrir les maisons où les pluies continuaient le ravage et achevaient la destruction des engins de guerre.

Le roi Georges V vint visiter le secteur de la Selle... incognito, comme chef militaire, inspecter et féliciter ses troupes victorieuses. Sa visite à Neuvilly passa inaperçue des populations, terrées sous leurs décombres, mal protégées par des tôles, manquant de couvertures.

Noël, dans le Nord dévasté, fut triste... mais la guerre était finie... les prisonniers rentraient . Pas de cloche, pas de crèche, pas de réveillon. Le pinard promis n'arrivait pas.

Les uniformes « bleu horizon » des permissionnaires égayaient ce paysage de ruines... rappelant aux poilus les ruines du front, de Reims, de Soissons, Verdun, Arras, Ypres...

L'église paroissiale, aux voûtes crevées, qui s'effondrèrent, faute de toiture provisoire pendant l'hiver, émergeait, vaisseau mutilé d'une mer de ruines. La Rue de France avait été en partie incendiée comme la place Sadi-Carnot, la Rue Pasteur... le feu s'était arrêté aux murailles de l'église... menaçant le baptistère, dernier vestige du cloître de l'abbaye de Saint André ; il était encastré dans les magasins de fer Cottiau Languille, qui furent anéantis par les flammes... Des maisons effondrées, il ne restait que de vieux souterrains voûtés, des caves cintrées à piliers de pierre bleue, « de bleuse pierre »,... les sous sols de l'abbaye, neuf fois séculaire.

De grands pans de murs avaient résisté aux obus incendiaires... c'était la carcasse, les vestiges d'un bâtiment des moines : le logis des hôtes, qui faisait suite à celui de l'abbé, fermant le cloître carré parallèlement à l'axe de l'église...

Les équipes de la reconstitution firent place nette... pour refaire une ville plus moderne, plus confortable. Comme leurs ancêtres de 1543, de 1642, rentrant en leur cité détruite... « après la destruction en général » de l'ennemi français... ou espagnol, cette fois... l'allemand !

Les Catésiens et leurs édiles faisaient déjà de beaux projets d'urbanisme... que les circonstances ou les commissions d'arbitrage de dommages de guerre, laissèrent souvent à l'état de rêves ou de désirs irréalisés...

1919

Le nouveau doyen, le chanoine Albert Mainil, demandait un baraquement pour l'exercice du culte le 24 février. L'église était pour longtemps inutilisable ; près de dix ans, elle fut entre les mains expertes des ouvriers des beaux arts, qui rétablirent pierre par pierre, les merveilleuses sculptures, l'exubérante décoration d'anges, de fleurs, de fruits... après le gros œuvre, la coupole centrale et les voûtes durement atteintes par les bombardements.

L'église Saint Joseph, moins abîmée, fut rendue la première au culte (N.B. 1). Construite peu avant guerre, pour le quartier populeux de la rive gauche de la Selle, elle s'élevait par coïncidence, presque sur l'emplacement de la première église de Vendelgies, dédiée à Saint Quentin, avant que le château Sainte Marie, embryon de notre cité, ne fut élevé sur la rive droite de la Selle.

N.B. 1 : Auparavant, les offices catholiques se célébraient dans la chapelle du refuge des vieillards.

Pour de grandes cérémonies, le vaisseau de l'église Saint Joseph s'avéra trop restreint, trop petit, et c'est dans le parc du Palais de ses prédécesseurs, alors seigneurs souverains du Cateau, que l'Archevêque de Cambrai, Monseigneur Chollet, vint administrer le sacrement de confirmation à de nombreux enfants et jeunes gens, car depuis 1913, pareille cérémonie n'avait pas eu lieu. Le prélat était assis sur la terrasse, derrière le buste de Fénelon, qui deux siècles auparavant, (en) 1713, aimait à enseigner le catéchisme, et à confirmer ses jeunes sujets du Cateau, à présider les processions chères à nos ancêtres.

En cette année 1919, où l'union sacrée de la période de guerre continuait... les processions allaient-elles être rétablies ? M. Georges Ponsin le proposa à M. Boulogne. A Cambrai, cortèges religieux de Fête-Dieu et procession mariale le 15 août, circulaient librement dans la cité martyre, à travers les ruines. M. le Maire se réserva le droit de « résoudre ultérieurement cette question d'administration municipale ».

Une adresse de reconnaissance à l'Angleterre à l'occasion de la visite à Paris des marins britanniques, avait été votée par le conseil municipal. Mais les registres ne relatent pas de fêtes et réjouissances solennelles à l'occasion de la signature du traité de paix à Versailles, le 29 juin 1919.

Le maréchal Foch ne parut pas à la galerie des Glaces, où les plénipotentiaire allemands, Clémenceau, le Lloyd Georges, et le président Wilson, étaient présents... il avait réclamé, sans succès, la frontière du Rhin, comme seule frontière militaire pouvant protéger la France. Il ne voulait pas porter le poids de la responsabilité de cette énorme erreur devant l'histoire. (N.B. 2)

N.B. 2 : Du Mémorial de Foch, de Recouly.

… Une promesse d'alliance franco-américaine, remplaça la barrière du Rhin. Le soir même de la signature du traité, le président Wilson prenait incognito le train pour Cherbourg, et rentrait en Amérique.

Or, le traité ne fut pas ratifié par les États-Unis, « ce qui permit à l'Angleterre, écrit Recouly, de ne pas le ratifier à son tour ». Jusqu'à sa mort, le maréchal Foch (1928) déplora l’inanité du traité de Versailles, « plus lourd de promesses que de réalités »... il avait vu les États-Unis désavouer le président Wilson, apôtre du principe des nationalités, et conclure une paix particulière avec l'Allemagne ; il avait vu l'Angleterre ménager l'Allemagne pour conclure des traités commerciaux. La France restait seule, avec le fardeau des réparations.

14 juillet 1919

Cependant, le 14 juillet 1919, Foch passait sous l'Arc de triomphe, à la tête du défilé de la Victoire. Paris vibrant acclamait le chef et les troupes alliées...

Le Cateau était encore bien morose, dans ses ruines, peu à l'unisson de la liesse de Paris. « Nous avons gagné la guerre, etc. Dis-moi qu'on les a eus » : chantaient Maurice Chevalier et Mistinguet... et partout l'on reprenait en chœur « La Madelon de la Victoire ». Plus tard, le carillon reconstitué du beffroi catésien égrenait à son tour le chant populaire de La Madelon, celle de la guerre, chant d'espoir de 1940-1944, de résurrection en 1945...

En juillet 1919, la question du ravitaillement avait la priorité. M. Delattre Aimable, vétérinaire, étudiait au conseil municipal la valeur nutritive du frigo... la viande de mouton était supérieure et mieux conservée que celle du bœuf. L'eau des puits contaminés ne devait être consommée que bouillie...

A l'occasion de la fête du 14 juillet, et de celle de l'Independance Day, chère aux Américains, le conseil envoyait au général Pershing, commandant des forces des États-Unis, une adresse d'admiration ; celui-ci remerciait en bloc toutes les municipalités de leur vœux et de leur témoignage d'amitié.

Urbanisme

Nos édiles étaient les prévoyants de l'avenir. Le 26 septembre, l'avant projet du plan d'embellissement de la ville était établi par les architectes Molinié, Nicod Pouthier.

… La destruction partielle de l'usine à gaz permettait d'envisager l'installation d'urgence de l'éclairage public à l'électricité, projet comme celui de l’agrandissement du terrain du collège et des Écoles, par l'acquisition de la maison du Dr Humbert, successeur du Dr Rossigneux, Rue du Collège, et celle du vieux couvent des Sœurs, Rue Cuvier, appartenant à M. de Niort. (N.B. 1)

En 1920, ces projets aboutirent : pour 70 000 francs, l'école des Sœurs fut achetée ; la maison du Dr Humbert, 19, Rue du Collège, coûta 60 000 francs à la ville, qui avait l'intention de doubler le collège, alors dirigé par M. Berron, d'une école professionnelle.

N.B. 1 : M. de Niort, docteur en droit, 39, Rue du général Foy, Paris.

Anniversaire de l'armistice

L'automne 1919 ramena les dates anniversaires de la libération du Cateau, puis de l'armistice du 11 novembre.

« Après 23 jours d'agonie, ç'avait été, en octobre 1918, l'anéantissement complet, la ruine épouvantable de notre ville, comme les villes du front ». C'était en ces termes que se terminait la demande d'attribution de la Croix de guerre à la cité du Cateau, ville martyre. Le sénateur Bersez présenta la rapport des quatre années d'épreuves du Cateau à Georges Clémenceau, « grand patriote et organisateur de la victoire ». Le Cateau fut décoré de la Croix de guerre... Le Président de la République, Paul Deschanel, devait la remettre à la ville... mais son mauvais état de santé le força à démissionner ; ce fut le 21 novembre 1920 que le maréchal Pétain accrocha la Croix de guerre aux armes du Cateau ; de ce jour, elle compléta le blason héraldique : château d'or sur fond d'azur, surmonté de la couronne ducale du maréchal Mortier, duc de Trévise... au dessous du château, fut appendue, dès lors, la Croix de guerre 1914-1918.

14 novembre 1919

Un an auparavant, le 14 novembre 1919, les troupes du 13e corps de l'armée britannique qui avaient libéré Le Cateau, avaient tenu à offrir un souvenir à notre malheureuse cité dévastée. Deux officiers anglais avaient remis en séance du conseil municipal, de la part du libérateur du Cateau, le général Sir T.L.N. Morland, une plaquette commémorative de la reprise de la ville. Le général les avaient délégués pour apporter aux Catésiens sinistrés, le souvenir affectueux du 13e corps britannique, et la reconnaissance de ses hommes pour l'accueil bienveillant des habitants et leurs sentiments cordiaux. Le Cateau n'a jamais failli à ses traditions ancestrales de chaleureuse hospitalité... En retour, le conseil municipal décida de donner le nom du général Morland à l'une des nouvelles rues à tracer dans le plan de reconstitution de la cité : l'intention du conseil était de dénommer ainsi l'artère centrale qui devait réunir le bas de la Place Thiers, derrière le Jet d'eau, au bas de la rue Fontellaye-Déjardin, à travers les ruines de l'ancienne usine et dépendances du Palais des seigneurs archevêques. L'assemblée sollicite pour ce faire, l'approbation gouvernementale, car suivant l'ordonnance du 10 juillet 1916, toujours en vigueur, un décret d'autorisation devait être pris en haut lieu, car il s'agissait en l’occurrence de rappeler le souvenir d'un personnage renommé...

Ce fut au nouveau conseil municipal, qui prit séance le 10 décembre 1919, qu'incomba le soin de rendre au libérateur du Cateau, l'hommage reconnaissant des habitants.

Nouvelle municipalité, 10 décembre 1919

Conseil municipal : Apollos Gérard, clerc de notaire ; Bourgain Edmond, brasseur ; Lebeau Sylvère, Huissier ; Millot Henri ; Petelot Auguste ; Douchet Jean ; Lemoine Arthur ; Ducancelle Gustave, marchand de charbon ; Arnould Victor ; Delattre Hector ; Hanappe Narcisse ; Paindavoine Adolphe ; Carré Léonard ; Cliche Ulysse ; Proisy Lucien ; Trigaut Antoine ; Lacomblez Victor ; Josse Octave ; Trouillet Georges ; Absents : Datel Jules et Millot Arthur.

M. Augustin Poirier devenait maire du Cateau par 14 voix sur 25 ; M. Ulysse Claisse avait obtenu 11 voix. Les deux postes d'adjoints furent occupés par M. Charles Jounieau, défenseur près le tribunal, premier adjoint, et M. Léopold Gente, cafetier, chacun élu à ces postes par 14 voix sur 25 votants.

1920

L'hiver fut pénible pour les Catésiens : crise d'éclairage... des quinquets au pétrole éclairaient parcimonieusement l'entrée et la sortie des ponts provisoires en bois, jetés sur la Selle par le génie anglais en 1918.

Crise de combustible... vu la pénurie de charbon, M. Claisse demande de réquisitionner dans les caves des particuliers la quantité excédant mille Kilogs par foyer... M. le Maire lui fit remarquer que le décret de réquisition, prévu pendant les hostilités, était éteint... Les cartes de charbon comme des cartes de sucre sont prévues. Le pain est souvent de mauvaise qualité... L'usage des rebulets belges, employés par certains meuniers, en serait la cause...

La situation alimentaire s'améliora avec l'été... et le 12 août, eut lieu la dernière distribution des comités de ravitaillement.

Crise de logement... des baraquements étaient prévus Route de Bohain (Cité Lhomme), Route de Guise (Cité Lallier), Rue de Baillon (Cité Deloffre), qui portaient les noms des fusillés civils de 1914.... En septembre 1921, une stèle de pierre, surmontée d'un pigeon, fut élevée à leur mémoire, au lieu de leur exécution, en haut de la Rue Saint Donat, sur la plateau dominant la Cavée de Forest, sur la Route de Richemont, allant du passage à niveau de la ligne de Valenciennes, que les Catésiens appellent « La Barioleuse ».

Et de ce jour, la Rue Saint Donat, dont l'une des maisons abrite, encastré dans une niche, le buste antique de Saint Donat, dévotion moyenâgeuse du Cateau, prit le nom de Rue des Fusillés civils.

14 février, Président Deschanel

En Février, le Président Émile Deschanel replaçait le Président Raymond Poincaré... pour six mois.

24 septembre, Président Millerand

… Car il devait démissionner, et le 24 septembre 1920, le conseil municipal du Cateau discutait la proposition du maire, tendant à envoyer à M. Alexandre Millerand, nouveau Président de la République, une adresse de félicitations à l'occasion de son élection. 695 voix contre 69 à M. Delory, député socialiste du Nord, l'avait appelé à l’Élysée.

M. Ulysse Claisse protesta ; à son avis, c'était plutôt « un blâme qu'il fallait voter à ce renégat du Parti socialiste », et M. Léonard Carré s'associe à cette motion défavorable... Bref, on vota : 9 voix pour les félicitations, 9 voix contre, mais la voix du maire étant prépondérante, l'adresse de félicitations partit pour l’Élysée.

C'est encore la voix prépondérante du maire qui décida du rejet de la motion de M. Carré, demandant que l'Harmonie municipale exécuta l'air de l'Internationale après la Marseillaise, chaque fois que l'hymne national serait joué dans les fêtes publiques.

Ulysse Claisse, maire, 6 novembre 1921

Le 6 novembre 1921, M. Ulysse Claisse devenait maire du Cateau, par 21 voix contre 6 à M. Achille Faure, négociant en chaussures, à l'enseigne de « La Botte rouge ». M. Josse devenait second adjoint, et le 25 janvier 1922, M. Lebeau remplaçait comme premier adjoint M. Jounieau, démissionnaire.

Le 21 novembre 1921, M. Gautier avait déposé le vœu que les citoyens Marty et Badina, élus conseillers municipaux de Paris et détenus en prison, malgré l'avis de leurs électeurs, soient élargis ; officiers mécaniciens de la marine, ils avaient été condamnés pour mutinerie en rade de Sébastopol, lors d'une visite à la flotte soviétique.

Rue Jean Jaurès

Dès février 1920, M. Ulysse Claisse avait proposé que la Rue de France, allant de la Place de l'église à la Rue du Maréchal Mortier, prit le nom du leader socialiste assassiné lors de la déclaration de guerre, Jean Jaurès. L'autorisation préfectorale ne fut accordée qu'un an après.

Rue de Poilus

Le 10 février 1921, bien qu'à l'unanimité le conseil municipal ait approuvé la proposition de M. Claisse, comme aussi celle de M. Achille Faure, ce dernier demandant que la nouvelle rue longeant le jardin public, rappela l'héroïsme des combattants de la Grande Guerre. Elle porta donc le nom de « Rue des Poilus ».

Rue du général Morland

… Et celui du général Morland fut plus tard donné à l'une des allées de la Cité du Foyer, au lieu dit Bellevue... au niveau du réservoir des eaux de la ville, entre la ligne du Cambrésis vers Basuel – Catillon, et la ligne du chemin de fer du Nord. C'est d'ailleurs l'une des plus agréables artères de la ville, que longent des pavillons aérés, ombragés et fleuris, belle réalisation de la société « Le Foyer », pour construction d'immeubles à bon marché.

Une allée de peupliers continuant l'accès vers l'octroi et la Rue Belle (ou du Maréchal Mortier), termine la Cité du Foyer, appelée aussi Cité Picard, administrateur délégué de la Broderie mécanique française.

L'allée de peupliers était destinée, dans le plan d'urbanisme, à devenir Avenue de la Gare centrale, qui aurait été déplacée pour mieux desservir le centre de la ville... Projet, comme tant d'autres, qui n'eut pas de lendemain...

Monument aux morts

Près de l'octroi, à l'angle de la Rue Belle et de la (Rue) de la République, avait été prévu l'emplacement du monument aux morts de la Grande Guerre, après déplacement de la cabine du transformateur électrique, projet abandonné ensuite.

Église

… Comme celui du dégagement de l'église, nef, transept et abside, par achat des immeubles incendiés ou sinistrés Cottiau, Mallet, Trocmé, Lecerf, s'élevant à l'emplacement de l'antique abbaye de Saint André, dont l'église était l'abbatial bénédictine.

Hôtel des postes

Le terrain, dégagé, fur partiellement reconstruit : salle d’œuvres et Hôtel des postes..., transféré du bas de la Rue Pasteur (N.B. 1).

Dès 1920, le transfert en était décidé en principe ; il n'aboutit qu'en 1931, où le bâtiment imposant s'éleva, près de l'église, sur le terrain de M. Henri Lefèvre... Auparavant, on avait prévu l'édifier Rue Fontellaye-(Déjardin), face à la Place Verte, sur les ruines de la maison Richard Bracq, vins et spiritueux (ancienne cour du béguinage du 16e siècle), ou face au Palais, sur le terrain Egret, Place Thiers, angle de la Rue de la République et Charles Seydoux, ou à le reconstruire en transformant l'ancien hôtel, Rue Pasteur, ancienne maison Normand, commerce de vins.

N.B. 1 : Le nouvel hôtel des Postes occupe presque la place du logis des hôtes de l'abbaye... et en évoque le style classique : pierres et briques, frontons et élévation.

Hôpital Paturle

L'hôpital Paturle, très abîmé par le bombardement, fonctionnait depuis le 19 juillet 1919, pour les civils, après avoir hébergé l'ambulance américaine. Malades, vieillards de l'hospice, disséminés auparavant dans de multiples maisons particulières, avaient conservé un mauvais souvenir de cette époque difficile... que le registre municipal qualifie « d'essai insupportable dans divers locaux ».

Jardin public et Palais

Le 24 octobre 1920, le plan de réfection du Jardin public, abîmé par les obus et campements militaires, était adopté. Paul Vandernotte fils, architecte paysagiste à Anzin, l'avait établi, et le parc des archevêques allait retrouver une nouvelle splendeur, grâce au dévouement et à l'activité des jardiniers chefs , dont Mrs. Bernard et Datel.

M. Ulysse Claisse, alors maire du Cateau, proposait le 8 septembre 1923, l'embellissement de la façade du Palais, alors École Fénelon, côté jardin, et le conseil acceptait de faire placer au fronton les armes de la ville, y compris la croix de guerre (coût : 5 000 Frs), et l'inscription « Palais Fénelon » (coût : 3 000 Frs).

La Rue des Poilus, d'où l'on accédait au jardin, restait vide de constructions : la société des Foyers américains, 41, Rue de Provence à Paris, proposa en décembre 1921, d'y installer, en lisière du jardin public, un terrain de jeux et de sports.

Plus tard, en 1923, ce terrain fut racheté à la société des Foyers américains, dont M. Paul Appell était le président, pour devenir le square fleuri, où le monument aux morts de la guerre trouva enfin le cadre parfait qui convenait à la majesté de ses lignes, et à la pieuse mémoire des héros catésiens, dont il magnifiait le glorieux souvenir.

Nom de la ville

En juin 1922, M. Ulysse Claisse avait eu l'heureuse inspiration de demander un décret officiel qui rendit à la ville du Cateau, son véritable nom au complet de « Le Cateau-Cambrésis », qui existait, rappelait la demande, il y a plusieurs siècles, mais ce fut peine inutile. L'autorisation sollicitée ne fut pas accordée (N.B. 1).

N.B. 1 : Pourquoi ? Saint Rémy Mal bâti devint Saint-Rémy-du-Nord, Cète devint Sète ; la Charente-inférieure devint Charente-maritime ; etc. Mais le vieux souvenir du traité célèbre du Cateau-Cambrésis ne réveilla pas l'insouciance des bureaux compétents.

Lorsqu'une lettre me fut adressée... au Cateau-Cambrésis, vers 1928, elle échoua... à la gare du Cambrésis, d'où elle me fut rapportée obligeamment.

Ponts

A l'automne 1921, était terminée la reconstitution du Pont de Cambrai, qui porte encore la cartouche de sa reconstruction de 1777, à côté de cette de 1921. Un immeuble de rapport de la société des Moulins Dufresnoy, en ciment armée, s'éleva sur l'un de ses côtés... il ne fut jamais terminé, et en 1945, cette énorme carcasse où les graines déposées par le vent et les oiseaux du ciel ont fait éclore et grandir de véritables jardins suspendus de verdure, intrigue toujours les visiteurs du Cateau.

En juin, on reconstruisait le vieux pont, dit Pont Fourneau, dont les fondations avaient été détruites par explosion.

Dons à la ville

A la ville sinistrée du Cateau, le parrainage de la cité balnéaire de Saint Lunaire, sur la côte bretonne d'Île et Vilaine, près de Saint Nazaire, était précieux. Pendant 5 ans, Saint Lunaire envoya à sa filleule du Cambrésis, 1 000 francs par an ; … et plus, produit de quêtes, fêtes de bienfaisance au profit des Catésiens.

Pleurtuit, autre cité bretonne, envoya en 1922, 2 000 Francs, Saint Lunaire 1 600, et La Richardière, 200.

La jeunesse romande et le comité suisse « Sans feu ni lieu », s'intéressèrent aussi au sort de nos concitoyens. Au nom de ces groupements, un chèque de 2 708 francs fut adressé à M. Thomas, directeur d'école, par Mme Guignard, de Lausanne, pour aider à la réfection de l'hôpital ou organiser un poste de secours.

Et un docteur français, établi en Suisse, connaissant Le Cateau, offrait de se charger pendant trois mois, de cinq enfants débiles et malheureux, de notre cité éprouvée par la guerre. Il est doux de rappeler ces témoignages de solidarité française et helvétique.



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